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Dossier : 2005-2588(IT)I

ENTRE :

HUGH MERRINS,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

________________________________________________________________

 

L'HONORABLE JUGE BRENT PARIS

________________________________________________________________

 

JUGEMENT MODIFIÉ

 

  Attendu que la Cour a rendu des motifs de jugement datés du 27 mai 2006 à l'égard de l'appelant Hugh Merrins;

 

  La Cour modifie les motifs du jugement de la manière suivante :

 

  Les appels interjetés à l'encontre des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 2002 et 2003 sont rejetés conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Vancouver (Colombie‑Britannique), ce 13e jour de juillet 2006.

 

 

« B. Paris »

Le juge Paris

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 26e jour de janvier 2007.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur


 

 

 

 

Référence : 2006CCI392

Date : 20060713

Dossier : 2005-2588(IT)I

 

ENTRE :

HUGH MERRINS,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT MODIFIÉ

 

Le juge Paris

 

[1]  L'appelant interjette appel à l'encontre des nouvelles cotisations établies pour les années d'imposition 2002 et 2003. La Cour s'est fondée sur des observations écrites, sans comparution des parties.

 

Question de procédure préliminaire

 

[2]  L'appelant s'est vivement opposé à ce que l'avocat de l'intimée intègre certains documents dans ses observations écrites. Il s'agit d'une copie des actes de procédure dans la présente affaire et d'un affidavit d'un fonctionnaire de l'Agence du revenu du Canada comportant en pièce jointe une copie des déclarations de revenus de l'appelant pour 2002 et 2003 et les avis de nouvelle cotisation, d'opposition et de ratification connexes.

 

[3]  Je conclus qu'il est tout à fait légitime que l'avocat de l'intimée renvoie à ces documents. Les actes de procédure font, bien entendu, partie intégrante du dossier de la Cour, et l'affidavit est admissible en vertu du paragraphe 244(9) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi ») [1] , qui prévoit ce qui suit :

 

L'affidavit d'un fonctionnaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada – souscrit en présence d'un commissaire ou d'une autre personne autorisée à le recevoir – indiquant qu'il a la charge des registres pertinents et qu'un document qui y est annexé est un document, la copie conforme d'un document ou l'imprimé d'un document électronique, fait par ou pour le ministre ou une autre personne exerçant les pouvoirs de celui‑ci, ou par ou pour un contribuable, fait preuve de la nature et du contenu du document.

 

Contexte

 

[4]  Tout au long des années en cause, l'appelant était un résident de l'Irlande et touchait un revenu provenant de trois sources, toutes situées au Canada, soit des prestations de la Sécurité de la vieillesse, des prestations du Régime de pensions du Canada et des prestations de pension de retraite. Selon la Loi de 1967 sur la Convention entre le Canada et l'Irlande en matière d'impôt sur le revenu, L.C. 1966‑1967, ch. 75, partie II (la « Convention »), les deux dernières sources étaient exonérées d'impôt.

 

[5]  L'appelant a reçu les montants de revenu suivants en 2002 et en 2003 :

 

 

2002

2003

 

Prestations de la Sécurité de la vieillesse

5 335 $

5 457 $

Prestations du Régime de pensions du Canada

6 502 $

6 606 $

Prestations de pension de retraite

9 756 $

9 912 $

Total

21 593 $

21 976 $

 

[6]  Lorsqu'il a produit sa déclaration de revenus, l'appelant a exercé le choix prévu au paragraphe 217(2) lui permettant de produire une déclaration de revenus en vertu de la partie I de la Loi, plutôt que de faire calculer son obligation fiscale en vertu de la partie XIII de la Loi. Le ministre s'est fondé sur ce choix pour établir une nouvelle cotisation d'impôt de 393,10 $ pour 2002 et de 402,40 $ pour 2003 à l'égard de l'appelant.

 

Points en litige

 

[7]  L'appelant allègue que les nouvelles cotisations contreviennent aux dispositions de la Convention parce que le ministre a inclus ses prestations du RPC et ses prestations de pension de retraite dans le calcul de son impôt exigible, alors que ces montants sont exonérés d'impôt en vertu de la Convention. Il allègue également que le ministre ne lui a pas accordé le crédit pour pension prévu au paragraphe 118(3) de la Loi qui est déductible de l'impôt par ailleurs exigible.

 

[8]  L'appelant a soulevé les mêmes questions dans deux appels interjetés précédemment devant la Cour, tout d'abord à l'encontre de l'année d'imposition 1998 [2] , puis à l'encontre des années d'imposition 2000 et 2001 [3] . Les deux appels ont été rejetés. L'appelant a appelé du jugement rendu dans la décision Merrins no 1 devant la Cour d'appel fédérale. Cet appel a aussi été rejeté [4] . L'appelant a également fait appel du jugement rendu dans la décision Merrins no 2. L'appel en question est actuellement en instance devant la CAF.

 

[9]  Il n'y a pas de différences pertinentes entre les faits relatifs aux années d'imposition 2002 et 2003 de l'appelant et les faits sur lesquels la Cour s'est fondée pour statuer sur les appels précédents. Les sources de revenu de l'appelant étaient les mêmes pour toutes les années, et l'établissement de la nouvelle cotisation de l'appelant a été effectué de la même façon pour chacune des années, comme il est énoncé ci‑dessous. Toutefois, comme ces appels concernent des années d'imposition distinctes, il est nécessaire d'effectuer un examen indépendant des faits et des points en litige.

 

Analyse

 

Choix prévu au paragraphe 217(2)

 

[10]  Un non‑résident qui reçoit des prestations de source canadienne (les « prestations canadiennes ») comme celles que l'appelant a reçues en l'espèce a deux choix pour le paiement de l'impôt prévu par la Loi.

 

[11]  Le premier choix consiste à payer la retenue d'impôt en vertu de la partie XIII selon un taux fixe de 25 %. (En l'espèce, le taux de la retenue d'impôt aurait été réduit à 15 % conformément à la Convention et n'aurait été appliqué qu'au revenu qui n'était pas exonéré d'impôt par la Convention.) Aucune déduction du revenu et aucun crédit d'impôt ne sont accordés dans le calcul de la retenue d'impôt [5] . Dans le cas de l'appelant, l'impôt exigible en vertu de la partie XIII aurait été de 800 $ pour 2002 et de 825 $ pour 2003.

 

[12]  Selon le second choix, un non‑résident peut exercer le choix prévu au paragraphe 217(2) pour calculer son impôt exigible en vertu de la partie I de la Loi. Les contribuables non‑résidents font généralement ce choix lorsque leur obligation fiscale se trouve à être inférieure aux termes de la partie I en raison des déductions et des crédits qu'ils peuvent demander aux termes de cette partie. C'est l'option que l'appelant a retenue.

 

[13]  Selon la partie I, un non‑résident est normalement assujetti à l'impôt à l'égard de son revenu imposable gagné au Canada (le « RIGC »), lequel est calculé conformément à la section D de la partie I. Cependant, quand un non‑résident exerce le choix prévu au paragraphe 217(2), son RIGC doit être déterminé conformément au paragraphe 217(3). Selon l'alinéa 217(3)b), le RIGC d'un non‑résident est le plus élevé des montants suivants :

 

(i) son RIGC calculé conformément à la section D, plus le montant de ses prestations canadiennes, moins toute déduction applicable à ces prestations en vertu de la section D (sous‑alinéa 217(3)b)(i));

 

(ii) son revenu net de toutes provenances (sous‑alinéa 217(3)b)(ii)).

 

[14]  Dans le cas de l'appelant, le premier montant s'élève à 5 335 $ pour 2002 et à 5 457 $ pour 2003. Ce montant représente le montant des prestations canadiennes touchées par l'appelant, moins une déduction effectuée conformément au sous‑alinéa 110(1)f)(i) de la section D pour le revenu qui est exonéré d'impôt en vertu d'un accord ou d'une convention avec un autre pays (c.‑à‑d. le revenu du RPC et le revenu de pension de retraite de l'appelant).

 

[15]  Le deuxième montant s'élève à 21 594 $ pour 2002 et à 21 976 $ pour 2003, ce qui correspondait au revenu net de toutes provenances de l'appelant.

 

[16]  Par conséquent, le RIGC de l'appelant selon l'alinéa 217(3)b) était de 21 594 $ pour 2002 et de 21 976 $ pour 2003, soit le plus élevé du premier et du deuxième montants ci‑dessus pour chacune des années.

 

[17]  L'appelant prétend que le ministre a commis une erreur quand il a inclus l'ensemble de son revenu dans son RIGC étant donné que, selon la Convention, ses prestations du RPC et ses prestations de pension de retraite étaient exonérées d'impôt. Selon lui, son impôt à payer ne peut être fondé que sur son revenu non exonéré pour chaque année.

 

[18]  Cet argument ne peut pas être retenu pour les raisons énoncées par le juge Rip de la Cour dans la décision Merrins no 1, aux paragraphes 26 et 27 :

 

[...] l'inclusion d'un revenu exonéré par voie de convention dans le calcul de l'impôt en vertu d'un choix selon le paragraphe 217(2) n'augmente pas l'impôt payable par l'appelant en raison de l'exonération d'impôt prévue au paragraphe 217(6). [...]

 

[...] L'intention du législateur au paragraphe 217(2) de la Loi est de permettre à un non‑résident de choisir d'être imposé en vertu de la partie I plutôt qu'en vertu de la partie XIII de la Loi. Cela permet au non‑résident d'accéder à des crédits d'impôt non remboursables prévus à l'article 118 qui peuvent réduire son impôt à payer. Dans le calcul de l'impôt à payer en vertu de l'article 217, le point de départ est le revenu net de toutes provenances. Cela inclurait un revenu qui n'est normalement pas imposable en vertu de la partie XIII ou en vertu d'une convention fiscale. Toutefois, le paragraphe 217(6) prévoit une exonération spéciale d'impôt, qui, dans le présent appel, exclurait de l'impôt à payer l'impôt calculé en vertu de l'article 217 sur le revenu de l'appelant exonéré par voie de convention. L'effet d'un choix selon l'article 217 est conforme à l'intention sous‑jacente à la Convention Canada‑Irlande, car il n'impose pas en fait un revenu exonéré par voie de convention.

 

[19]  En l'espèce, le ministre a accordé à l'appelant un crédit d'impôt de 1 195 $ pour 2002 et de 1 217 $ pour 2003 en application du paragraphe 217(6). Le crédit représente 75,29 % de l'impôt exigible pour 2002 et 75,17 % de l'impôt exigible pour 2003. Ces pourcentages correspondent au pourcentage du revenu de l'appelant exonéré en vertu de la Convention par rapport à son revenu net de toutes provenances pour ces années‑là. On constate donc que le crédit exclut de l'impôt à payer l'impôt attribuable au revenu de l'appelant exonéré en vertu de la Convention.

 

[20]  Le jugement rendu dans l'affaire Merrins no 1 a été confirmé par la Cour d'appel fédérale. La Cour a dit ce qui suit à cet égard :

 

2  Nous sommes convaincus que l'appelant a bénéficié de tous les droits que lui confère l'Accord Canada‑Irlande en matière d'impôt sur le revenu, S.C. 1966‑1967, ch. 75, Partie II, 1967 (le traité).

 

3  S'il est vrai que le revenu de pension de l'appelant exonéré par le traité se trouve inclus dans l'assiette de son impôt, l'article 217 lui donne droit à des crédits d'impôt non remboursables en vertu de la Partie I, ainsi qu'à un crédit d'impôt spécial égal à l'impôt payable sur le revenu exonéré par le traité. En fin de compte, son revenu non exonéré par le traité se trouve imposé à un taux inférieur.

 

[21]  Par la suite, dans la décision Merrins no 2, le juge en chef Bowman de la Cour a fait les commentaires suivants :

 

35  En ce qui concerne à la fois les années d'imposition 2000 et 2001 de l'appelant, le fait d'exercer le choix prévu à l'article 217 a permis à celui‑ci de bénéficier de crédits d'impôt non remboursables dont il n'aurait pas pu bénéficier autrement, et, par le fait même, de réduire son impôt à payer. Le fait d'inclure ses sommes exonérées en vertu d'une convention fiscale dans son revenu a simplement eu pour effet d'augmenter le taux d'imposition appliqué à son revenu imposable. Le crédit d'impôt spécial prévu au paragraphe 217(6) compense entièrement cette partie de l'impôt à payer qui était attribuable au revenu exonéré en vertu d'une convention fiscale. Par conséquent, l'appelant a entièrement bénéficié de l'avantage prévu par la Convention [6] .

 

[22]  Au cours des années visées par l'appel, l'appelant a encore une fois bénéficié pleinement de la Convention : il s'est fait accorder le crédit spécial prévu au paragraphe 217(6) ainsi que les crédits d'impôt non remboursables prévus à l'article 118 de la section D.

 

Crédit pour pension

 

[23]  L'appelant prétend également que le ministre a commis une erreur lorsqu'il ne lui a pas accordé le crédit pour pension prévu au paragraphe 118(3) de la Loi pour les années visées par l'appel.

 

[24]  Je conclus que l'appelant n'avait pas droit à un crédit pour pension parce qu'aucun revenu n'était un « revenu de pension » au sens du paragraphe 118(8). Seul le revenu de pension donne lieu à un crédit pour pension.

 

[25]  Les prestations de la Sécurité de la vieillesse et du RPC sont expressément exclues de la définition de « revenu de pension » par les alinéas 118(8)a) et b), qui sont rédigés ainsi :

 

Pour l'application du paragraphe (3), ni le revenu de pension ni le revenu de pension admissible ne comprennent les montants reçus :

 

aau titre de la pension ou du supplément prévu par la Loi sur la sécurité de la vieillesse ou d'un paiement analogue prévu par une loi provinciale;

 

bau titre d'une prestation prévue par le Régime de pensions du Canada ou par un régime provincial de pensions au sens de l'article 3 de cette loi;

 

[26]  Le revenu de pension de retraite de l'appelant est exclu du « revenu de pension » en application de l'alinéa 118(8)d), qui est ainsi rédigé :

 

Pour l'application du paragraphe (3), ni le revenu de pension ni le revenu de pension admissible ne comprennent les montants reçus :

 

[...]

 

dau titre de l'excédent éventuel d'un montant à inclure dans le calcul du revenu du particulier pour l'année sur l'excédent éventuel de ce montant sur le total des montants déduits par le particulier pour l'année au titre de ce montant;

 

[27]  L'appelant a déduit 16 258,92 $ en 2002 et 16 519,08 $ en 2003 [7] en application du sous‑alinéa 110(1)f)(i), lesquels montants représentaient son revenu de pension de retraite et son revenu du RPC pour chaque année.

 

[28]  Dans la décision Merrins no 1, le juge Rip de la Cour a mentionné ce qui suit :

 

De prime abord, il pourrait sembler que l'appelant se voit erronément refuser le crédit pour pension à l'égard de son revenu de pension de retraite parce que la déduction de son revenu de pension de retraite (à la ligne 256 de sa déclaration de revenu) ne figure pas dans le calcul de l'impôt payable par l'appelant à l'annexe 1 de sa déclaration de revenu. Toutefois, conformément au paragraphe 217(6) de la Loi, l'appelant a reçu un rajustement d'impôt de 1 015 $. En raison du rajustement d'impôt, est en fait crédité l'impôt calculé en vertu de l'article 217 de la Loi sur le revenu exonéré par voie de convention.

 

[29]  En fait, la déduction que l'appelant a demandée pour son revenu exonéré en vertu de la Convention n'a aucun effet sur son RIGC. Elle entre toutefois dans le calcul de son crédit prévu au paragraphe 217(6), ce qui compense entièrement l'impôt attribuable à son revenu exonéré en vertu de la Convention. Par conséquent, comme l'appelant ne paye pas d'impôt sur son revenu de pension de retraite, il est raisonnable de conclure qu'il ne peut pas demander un crédit pour pension à l'égard de ce revenu.

 

[30]  Pour tous ces motifs, les appels sont rejetés.

 

Signé à Vancouver (Colombie‑Britannique), ce 13e jour de juillet 2006.

 

 

« B. Paris »

Le juge Paris

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 26e jour de janvier 2007.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


RÉFÉRENCE :    2006CCI392

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :  2005-2588(IT)I

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :  HUGH MERRINS c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

MOTIFS DU JUGEMENT :  L'honorable juge B. Paris

 

DATE DU JUGEMENT MODIFIÉ :  Le 13 juillet 2006

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

 

 

Avocat de l'intimée :

Me Michael Ezri

 

AVOCAT(S) INSCRIT(S) AU DOSSIER :

 

  Pour l'appelant :

 

  Nom :

 

  Cabinet :

 

  Pour l'intimée :    John H. Sims, c.r.

    Sous-procureur général du Canada

      Ottawa, Canada



[1]   L.R.C. (1985), ch. 1 (5suppl.).

 

[2]   Merrins c. La Reine, no 2001‑304(IT)I, 2 juillet 2002, [2002] A.C.I. n336 (QL) (« Merrins no 1 »).

 

[3]   Merrins c. La Reine, no 2004‑2898(IT)I, 28 juillet 2005, 2005 CCI 470 (« Merrins no 2 »).

 

[4]   Merrins c. La Reine, no A‑504‑02, 19 mars 2003, 2003 CAF 147.

 

[5]   Voir le paragraphe 214(1) de la Loi. Voir aussi la décision Merrins no 1, aux paragraphes 6 à 10.

 

[6]   Au paragraphe 35.

 

[7]   À la ligne 256 de ses déclarations.

 

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