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Dossier : 2004-4571(CPP)

ENTRE :

MACMILLAN PROPERTIES INC.,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

NESTOR KELEBAY,

intervenant.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

____________________________________________________________________

Appel entendu le 13 juin 2005, à Winnipeg (Manitoba)

 

Devant : L’honorable juge suppléant Rowe

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelante :

Nestor Kelebay

 

Avocate de l’intimé :

Me Tracey Telford

 

Pour l’intervenant :

L’intervenant lui-même

____________________________________________________________________

JUGEMENT

 

          L’appel interjeté contre les cotisations établies aux termes du Régime de pensions du Canada pour les années 2000, 2001 et 2002 est admis, et les cotisations sont renvoyées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation, conformément aux motifs de jugement ci-joints.

 

Signé à Sidney (Colombie-Britannique) ce 19e jour d’octobre 2005.

 

 

 

« D.W. Rowe »

Le juge suppléant Rowe

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 15e jour de mars 2006.

 

Joanne Robert, traductrice


 

 

Référence : 2005CCI654

Date : 20051019

Dossier : 2004-4571(CPP)

ENTRE :

 

MACMILLAN PROPERTIES INC.,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

NESTOR KELEBAY,

intervenant.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

Le juge suppléant Rowe 

 

[1]     La société appelante, McMillan Properties Inc. (la « MPI »), interjette appel d’une décision rendue par le ministre du Revenu national (le « ministre ») le 6 octobre 2004, par laquelle le ministre confirmait les cotisations établies relativement aux cotisations au Régime de pensions du Canada (« cotisations au RPC ») payables à l’égard d’un employé, Nestor Kelebay (« M. Kelebay ») – l’intervenant dans cette procédure – pour les années 2000, 2001 et 2002. Le ministre a conclu que M. Kelebay avait été embauché en vertu d’un contrat de louage de services par la MPI et – par conséquent – qu’il était un employé dont la rémunération était assujettie aux dispositions pertinentes du Régime de pensions du Canada (le « Régime ») qui exigent le versement de cotisations par l’employeur. 

 

[2]     Dans son témoignage, Nestor Kelebay a dit qu’il réside à Winnipeg et que, pendant les années frappées d’appel, il était responsable de la gestion d’un immeuble de 21 appartements appartenant à la MPI, une société dont il est l’unique actionnaire. En tant que responsable de la gestion de l’immeuble locatif, les fonctions de M. Kelebay consistaient notamment à tondre le gazon, à s’occuper du déneigement et de la peinture, à effectuer des réparations, à louer les appartements, à traiter avec les locataires ainsi qu’à se charger des opérations bancaires et des tracasseries administratives liées à l’entreprise. M. Kelebay a dit que ses parents exerçaient également diverses fonctions liées à la gestion de l’immeuble d’appartements, mais qu’ils n’avaient pas été rémunérés pour leurs services avant mars 2003. M. Kelebay a précisé qu’il recevait de l’argent de la MPI à la fin de chaque exercice, mais que le montant variait en fonction du profit réalisé par la société et qu’il lui était entièrement versé sous forme de « gratification aux cadres ». À l’alinéa 7e) de la réponse à l’avis d’appel (la « réponse »), le ministre a formulé une hypothèse selon laquelle M. Kelebay avait reçu la rémunération suivante de l’appelante : 74 122 $ en 2000; 44 708 $ en 2001; et 91 709 $ en 2002. M. Kelebay a dit que cette hypothèse est erronée, car il avait transféré des fonds de la société dans son compte personnel afin d’obtenir un taux d’intérêt plus élevé, et qu’une certaine partie de ces fonds ne représentait pas un paiement fait à lui pour des services rendus, mais qu’elle était soumise – en tout temps – à une fiducie en faveur de la MPI. Il a précisé que les montants exacts qui lui ont été versés pour ses services s’élevaient à 31 262 $ en 2000, à 31 952 $ en 2001, et à 31 712 $ en 2002. Il a ajouté que ces montants étaient fondés sur le profit réel réalisé par la MPI pendant ces années et que tous autres fonds qui lui ont été transférés l’ont été dans le but d’obtenir un meilleur taux d’intérêt dans son compte personnel; il a fait ça plutôt que d’acheter un dépôt à terme ou de faire un autre investissement au nom de la MPI qui aurait immobilisé les fonds de la société pendant aussi longtemps que cinq ans afin d’égaler le taux offert par sa propre institution financière. M. Kelebay a dit que les appartements étaient loués à un tarif allant de 350 $ à 575 $ par mois et qu’en tant que responsable de la gestion de l’immeuble, il vivait dans un des appartements, mais ne payait pas de loyer. Il a accepté la position du ministre selon laquelle il utilisait pas moins de 10 % dudit appartement à des fins personnelles. Il a également accepté les hypothèses du ministre selon lesquelles il décidait de son propre horaire, il s’occupait de la location des appartements aux locataires et – à toutes les époques en cause – il agissait comme dirigeant et administrateur de la société appelante. Il a confirmé qu’il était signataire autorisé pour le compte bancaire de l’appelante et a précisé que bien que la MPI ait acheté des outils et du matériel, un ensemble important d’outils dont il se servait dans son travail lui appartenait. De temps à autre, lorsqu’il fallait faire appel à des travailleurs supplémentaires, c’est la MPI qui payait ces travailleurs pour leurs services. M. Kelebay a répété que les profits de la société lui revenaient sous forme d’une « gratification aux cadres », et que la MPI assumait tous les frais d’exploitation liés à l’immeuble d’appartements, y compris les frais de véhicule de M. Kelebay. Selon M. Kelebay, les services qu’il rendait à la MPI dépassaient le cadre habituel attendu d’un responsable de la gestion de ce genre d’immeuble locatif. Selon lui, il n’a jamais eu l’intention d’établir une obligation juridique entre lui – personnellement – et la MPI. En tant qu’unique actionnaire de la MPI, il a choisi de se faire un paiement et de le qualifier de « gratification aux cadres » plutôt que de « jetons de présence » ou de « dividende d’actions », afin de transférer à lui‑même le profit annuel de la MPI. Pour chacune des années frappées d’appel, lorsqu’il a établi sa déclaration de revenus des particuliers, il a désigné les montants qui lui ont été versés par la MPI comme des « revenus de location ». Dans les déclarations de revenus qu’elle a produites pour ces années d’imposition, la société a indiqué un revenu de zéro. Lorsqu’il a produit ses déclarations de revenus, M. Kelebay n’y a pas inclus de cotisations au RPC. Il a dit que la MPI a été constituée en société vers 1980, par son père. À l’époque, M. Kelebay étudiait en vue d’obtenir sa maîtrise en ingénierie, après avoir obtenu un baccalauréat de l’Université du Manitoba en 1978. Après avoir travaillé comme ingénieur pendant huit ans, il a décidé de quitter la profession et a pris en charge la gestion à temps plein de l’immeuble d’appartements. Il a donc commencé à se consacrer à temps plein à la gestion de ce bien locatif. Plus tard, il est devenu l’unique actionnaire de la MPI et a continué de suivre la méthode utilisée par son père pendant de nombreuses années, soit de retirer l’argent de la société – chaque année – sous forme de gratification aux cadres égale au profit net de la société, afin de réduire à zéro le revenu de la société.

 

[3]     Lors du contre-interrogatoire par l’avocate de l’intimé, M. Kelebay a identifié les déclarations de revenus de l’appelante pour 2001 et 2002, produites comme pièces R-1 et R-2, respectivement, dans lesquelles le 28 février a été utilisé comme date de fin d’exercice. Il a aussi identifié ses déclarations de revenus des particuliers pour les années d’imposition 2000, 2001 et 2002, produites comme pièces R‑3, R-4 et R‑5, respectivement. M. Kelebay a convenu qu’il a indiqué un revenu de location dans ses déclarations de revenus des particuliers, comme s’il avait reçu un revenu en sa qualité d’unique propriétaire d’un bien locatif. L’avocate a renvoyé M. Kelebay à une ligne dans la feuille de renseignements sur l’état du revenu non agricole, qui renfermait la déclaration de revenus de l’appelante pour 2001 (pièce R-1), et à l’entrée qui indiquait que la somme de 31 952 $ avait été versée sous forme de « traitements et salaires ». L’entrée sous la même catégorie – au montant de 31 713 $ – apparaît dans l’état financier correspondant joint à la déclaration de revenus de l’appelante pour 2002. Une fois de plus, cette somme exacte a été indiquée par M. Kelebay comme un revenu de location dans sa déclaration de revenus des particuliers. M. Kelebay a convenu que si la MPI avait versé un salaire à ses parents pour le travail effectué par eux pendant les années frappées d’appel, cela aurait réduit le montant du profit qui – à la fin de l’exercice – lui a été versé en totalité sous forme de gratification aux cadres.

 

[4]     M. Kelebay a fait valoir, à la fois pour son propre compte et en tant qu’unique dirigeant de la société appelante, qu’il n’a jamais été question de conclure un contrat de louage de services entre lui et la MPI. La méthode choisie pour le rémunérer pour ses services reposait sur le fait que la société n’avait pas droit à la déduction accordée aux petites entreprises; de plus, le fait de déclarer des dividendes versés à lui en tant qu’unique actionnaire ne conférait par ailleurs aucun avantage fiscal. M. Kelebay a aussi fait valoir qu’en tant que dirigeant de la MPI, il n’avait pas le droit de recevoir une rémunération déterminée, et que le montant n’était pas constatable avant que l’état financier n’ait été établi à la fin d’un exercice donné. C’est seulement à ce moment-là que le montant du profit net était connu puis transformé en un paiement – égal à ce montant – qui lui était fait sous forme de gratification aux cadres. À son avis, en tant qu’unique administrateur de la MPI, il s’agissait d’un moyen efficace pour le récompenser pour ses efforts.

 

[5]     L’avocate de l’intimé a fait valoir que lorsque l’on examine ce genre de questions, il est important de tenir compte de la forme d’une opération, et qu’en choisissant de qualifier les paiements faits à M. Kelebay de « traitements et salaires », la MPI s’est rangée dans la catégorie des employeurs et a désigné M. Kelebay – en tant que bénéficiaire de ces paiements – comme un employé. L’avocate a admis que les montants versés à M. Kelebay au cours des années frappées d’appel sont bien ceux que M. Kelebay a précisés dans son témoignage, et que toute cotisation révisée devra être fondée sur ces montants, et non sur les montants exposés dans la réponse.

 

[6]     Les deux parties ont demandé la possibilité de fournir à la Cour des observations écrites à l’égard des diverses questions qui se posent relativement à la définition d’un employé et à la relation entre un dirigeant ou administrateur et une société.

 

[7]     Je traiterai d’abord des observations écrites de l’avocate de l’intimé, vu que la procédure suivie vise à permettre à M. Kelebay de recevoir ces observations, puis d’y répondre dans un délai prescrit.

 

[8]     L’avocate de l’intimé a soutenu que la définition du terme « employé » comprend une « charge », et s’est fondée sur le paragraphe 2(1) du Régime, qui est libellé comme suit :

 

« fonction » ou « charge » Le poste qu’occupe un particulier, lui donnant droit à un traitement ou à une rémunération déterminée ou constatable. Sont visés par la présente définition une charge judiciaire, la charge de ministre, de lieutenant-gouverneur, de membre du Sénat ou de la Chambre des communes, de membre d’une assemblée législative ou d’un conseil législatif ou exécutif et toute autre charge dont le titulaire est élu par vote populaire ou est élu ou nommé à titre de représentant, y compris le poste d’administrateur de personne morale; « fonctionnaire » s’entend d’une personne détenant une telle fonction ou charge.

 

[9]     L’avocate s’est reportée à l’article 6 du Régime, qui définit un emploi ouvrant droit à pension comme un emploi au Canada qui n’est pas un emploi excepté au sens où l’entend le paragraphe 6(2). Aucune des exceptions exposées à ce paragraphe ne s’applique dans le cas présent.

 

[10]    L’avocate a fait valoir que les définitions des termes « employé », « employeur » et « fonction » ne diffèrent pas de façon importante des définitions que renferme la Loi de l’impôt sur le revenu (la « LIR »), et que la jurisprudence pertinente découle de la disposition en question.

 

[11]    En ce qui concerne la question de savoir si un administrateur d’une société est nécessairement un employé de cette société, l’avocate s’est référée à la décision de la Cour fédérale dans l’affaire The Queen v. Kuhl et al., 74 DTC 6024, dans laquelle le juge Walsh a conclu que les deux contribuables, qui étaient des dirigeants et administrateurs d’une société d’exploitation agricole, n’étaient pas des employés de cette société et n’avaient pas eu droit à une rémunération ou à un traitement déterminé ou constatable. La question découlait de la décision du ministre de rejeter l’étalement du revenu au motif que le revenu des appelants n’était pas principalement un revenu agricole, mais plutôt un revenu d’emploi reçu de la société. L’avocate a fait remarquer que la décision rendue dans l’affaire Kuhl a été suivie dans l’affaire Moauro v. M.N.R., 92 DTC 1071, une décision de la Cour canadienne de l’impôt; toutefois, elle s’est reportée à plusieurs autres décisions dans lesquelles l’approche en question n’a pas été adoptée.

 

[12]    Dans les observations écrites, l’avocate de l’intimé a admis qu’il semblait y avoir une incompatibilité entre le raisonnement exposé dans l’arrêt Kuhl et celui exposé dans des arrêts ultérieurs, et a proposé une explication selon laquelle la définition du terme « fonction » à l’article 2 du Régime s’étend de façon à comprendre le poste d’administrateur d’une société. Toutefois, selon l’avocate, ce poste peut ne pas exiger qu’une rémunération ou un traitement déterminé ou constatable y soit rattaché, comme c’est le cas des postes indiqués dans la première partie de la définition.

 

[13]    L’avocate a fait valoir que, quoi qu’il en soit, la rémunération de M. Kelebay était constatable, étant donné qu’elle était calculée en fonction d’un facteur précis et que la disposition n’exige pas que la rémunération soit constatable à un moment précis. L’avocate a présenté un courant jurisprudentiel pour appuyer la proposition selon laquelle la rémunération de M. Kelebay était constatable vu qu’elle était fondée – simplement – sur le profit de l’appelante à la fin de l’exercice. Bien que le montant exact de la rémunération n’ait pas été connu avant que les calculs définitifs n’aient été effectués, il y avait une certitude inhérente à la méthode de calcul qui permettait de constater le montant exact de la rémunération.

 

[14]    Au nom de l’appelante et en sa qualité d’intervenant dans cet appel, M. Kelebay a fait valoir que la Cour devrait suivre le raisonnement exposé dans les arrêts Kuhl et Moauro, précités. Il a souligné que dans ces deux causes, il a été jugé que les contribuables étaient des agriculteurs indépendants et que leur revenu provenait de l’agriculture plutôt que d’un emploi, malgré le fait que les contribuables aient qualifié ledit revenu de « revenu d’emploi » lorsqu’ils ont produit leurs déclarations de revenus. M. Kelebay a soutenu que l’appelante n’avait pas l’intention – dans les circonstances de l’appel – d’établir une relation employeur-employé, et qu’une personne qui devient un administrateur d’une société du simple fait qu’elle en est l’unique ou le principal actionnaire ne peut être considérée – à juste titre – comme un employé de cette société, à moins que la relation avec la société n’ait été structurée ainsi. M. Kelebay a fait valoir que l’unique actionnaire ou administrateur d’une société n’est comptable qu’envers lui-même et ne peut être congédié comme on congédierait un employé ordinaire. Il a également soutenu qu’il n’a jamais été élu, nommé ou embauché comme administrateur de la société appelante, mais qu’il exerçait la fonction par défaut, et qu’on ne pouvait mettre fin à son poste sans son consentement. Par conséquent, M. Kelebay a maintenu que sa relation avec la MPI était fondamentalement différente de la relation entre une société et des administrateurs qui sont élus ou nommés par les actionnaires de la société pour gérer leur investissement.

 

[15]    M. Kelebay a fait valoir que le passage suivant : « y compris le poste d’administrateur de personne morale », dans l’avant-dernière phrase de la définition des termes « fonction » et « charge » au paragraphe 2(1) du Régime, doit être interprété exactement de la même façon que la première partie de la définition, car il se rapporte à certaines fonctions et à certains postes qui y sont nommés. Ainsi, un administrateur d’une société serait considéré comme un employé seulement si la personne qui occupe le poste avait droit à une rémunération ou à un traitement déterminé ou constatable en raison du fait qu’elle occupait ce poste. M. Kelebay a fait valoir que le libellé du Régime vise à inclure seulement les administrateurs qui sont rémunérés de façon semblable à un employé, et qu’il doit être considéré comme excluant une personne qui devient l’administrateur d’une société seulement parce qu’elle en est l’unique actionnaire, surtout quand le simple fait d’occuper cette charge ne donne pas à la personne le droit de recevoir une rémunération ou un traitement déterminé ou constatable. M. Kelebay a laissé entrendre qu’une façon raisonnable d’interpréter l’objet global du Régime est de considérer qu’il a pour but de subvenir aux besoins des employés et de leurs familles dans le cas d’une perte de revenu en raison d’un départ à la retraite, d’une déficience ou d’un décès, et qu’il ne s’applique pas à une situation – comme dans le cas présent – où le revenu était tiré d’un bien locatif et où la rémunération était gagnée sans activité, au même titre que l’argent tiré de paiements d’intérêts ou de dividendes.

 

[16]    M. Kelebay a affirmé que sa rémuneration variait d’une année à l’autre et qu’elle n’était pas constatable avant que tous les renseignements pertinents ne soient connus, c’est-à-dire après que les calculs requis aient été effectués à la fin de l’exercice de la société. À son avis, la position de l’intimé, selon laquelle le terme « constatable » n’a pas d’exigence temporelle et que des éléments inconnus sont constatables s’ils deviennent connus ultérieurement, permettrait de conclure que les numéros figurant sur un billet de loterie imprimé à un point d’achat sont – en réalité – constatables sans que le détenteur du billet n’ait à attendre le tirage au sort officiel.

 

[17]    La première question à trancher est de savoir si M. Kelebay a été embauché par la MPI en vertu d’un contrat de louage de services. Dans l’affaire Kuhl, précitée, le juge Walsh a conclu que les deux contribuables participaient suffisamment à l’entreprise agricole pour leur propre compte pour être exclus de la catégorie des employés relativement à la société dont ils étaient tous deux administrateurs et dont ils ne recevaient pas de rémunération. Les contribuables avaient loué une partie de leur terre à la société, mais ils ont continué d’exercer d’autres activités agricoles en tant que particuliers, tout en consacrant temps et efforts à la terre louée par la société. À la page 6032 de son jugement, le juge Walsh a dit ce qui suit :

 

  Si les défendeurs avaient consacré tout leur temps à la compagnie, ce qui n’est pas le cas, au lieu d’exercer en même temps des activités agricoles indépendantes, il aurait été plus difficle de conclure qu’ils étaient des entrepreneurs indépendants et non simplement des détenteurs d’« une charge ou un emploi auprès d’une personne [se] livrant à une entreprise agricole » mais, comme ils se livraient à l’agriculture pour leur propre compte et qu’ils y consacraient la plus grande partie de leur temps, il est évident qu’ils se livraient à une entreprise agricole, même si j’en étais venu à conclure que, pour la partie de leur temps qu’ils consacraient aux activités de la compagnie, ils avaient « une charge ou emploi auprès d’une personne se livrant à une entreprise agricole ».

 

[18]    Dans l’affaire Moauro, précitée, le juge Hamlyn de la Cour de l’impôt s’est penché sur le cas d’un contribuable qui exploitait une ferme maraîchère et qui se livrait à des activités dans le domaine des courses de chevaux depuis 25 ans. Il exploitait son entreprise par l’entremise d’une société et ne recevait pas d’honoraires en sa qualité d’administrateur. La question était de savoir si la principale source de revenu du contribuable était l’agriculture et de déterminer s’il était un employé de la société ou un agriculteur indépendant. Le juge Hamlyn s’est reporté à la décision rendue dans l’affaire Kuhl et, après avoir examiné les éléments de preuve, en est venu à la conclusion suivante, à la page 1074 de son jugement :

 

  Vis-à-vis des compagnies en question, l’appelant fournit son service sans salaire fixe. Il n’y a aucune preuve établissant l’existence d’un contrat de travail. Le revenu de l’appelant est tributaire des résultats de la compagnie dont il ne tire que ce dont il a besoin. Il est maître du mode et du moment de prestation de ses services à la compagnie. Le service qu’il assure est celui d’un agriculteur et son travail quotidien est celui d’un agriculteur s’occupant de sa propre exploitation agricole. L’appelant n’est pas un employé au sens traditionnel de ce mot. Il ne reçoit pas un revenu en sa qualité de dirigeant ou d’administrateur des entreprises agricoles en question. Il se comporte envers la compagnie non pas comme un préposé envers son commettant, mais comme quelqu’un qui fournit ses services à la corporation en entrepreneur indépendant. Il est maître de ses activités. Il assume le risque du succès ou de l’échec de ses activités agricoles, lesquelles ont un lien évident avec le succès ou l’échec de la corporation agricole.

 

[19]    Dans l’affaire Grohne v. The Queen, 89 DTC 5220, une décision de la Cour fédérale, le juge Strayer s’est penché sur un cas où le contribuable recevait des actions d’une société dont il était un administrateur, mais dont il ne recevait pas de rémunération. Le ministre a soutenu que les actions reçues par le contribuable constituaient un revenu au motif que le contribuable les recevait en raison de son emploi auprès de la société. En ce qui concerne la question de savoir si l’administrateur ou le contribuable était un employé, le juge Strayer a dit ce qui suit à la page 5223 de son jugement :

 

Je conviens qu’aux termes des définitions de la Loi de l’impôt sur le revenu, le demandeur, à titre d’administrateur d’Ohio, était « un employé » de cette société. À l’article 248, le terme « employé » s’entend aussi d’un « cadre ». Selon la définition de cet article, le terme « charge » s’entend aussi du poste d’administrateur de société et « cadre » signifie une personne qui détient une charge de ce genre. Par voie de conséquence, l’administrateur d’une société est à certains égards un « employé » de cette société bien qu’il ne touche pas une rémunération et n’accomplisse pas de tâches à la manière de l’employé ordinaire.

 

[20]    En ce qui concerne une autre question à trancher, le juge Strayer a fait observer que ce ne sont pas tous les avantages versés à un administrateur qui doivent être attribués à l’emploi comme administrateur, car les faits peuvent appuyer une autre qualification de l’avantage.

 

[21]    Dans l’affaire Taylor c. Canada (ministre du Revenu national – M.R.N.), [1998] A.C.I. no 732, l’une des questions à être tranchées par le juge Rip, de la Cour de l’impôt, était de savoir si le contribuable, qui agissait comme administrateur pour deux sociétés, était également un employé et, par le fait même, s’il était tenu d’inclure les avantages liés à des options d'achat d'actions accordées à des employés dans son revenu pour l’année. À la page 5, le juge Rip a dit ce qui suit :

 

  Le juge Walsh a conclu que les Kuhl exploitaient une entreprise tout en rendant des services à une compagnie, et que la compagnie ne les payait pas en leur qualité de cadres et d’administrateurs. Dans l’affaire N.V. Beaumont c. La Reine, […], le juge Muldoon a déclaré qu’un cadre non rémunéré peut être un employé pour les fins de l’article 248. Même s’il existe un lien effectif entre l’emploi et la rémunération en ce sens qu’il existe une présomption générale en vertu de laquelle un employé a droit à une rémunération, l’absence de rémunération n’est pas un facteur déterminant quant à la nature de la relation, et un particulier peut être un employé en dépit du fait qu’il n’est pas rémunéré : […]. Pour les fins du paragraphe 7(1), un administrateur est un employé.

 

[22]    Dans l’affaire Scott v. The Queen, 94 DTC 6193, la Cour d’appel fédérale s’est penchée sur le cas d’un contribuable qui a reçu des options alors qu’il était un administrateur d’une société. D’après la plaidoirie, le contribuable n’avait pas été un employé. À la page 6196, le juge Heald – au nom de la Cour – s’est reporté à la définition des termes « employé » et « fonction » au paragraphe 248(1) de la LIR, et a dit ce qui suit :

 

[…] Selon le paragraphe 248(1) de la Loi, le cadre d'une corporation est un employé de celle-ci et entretient nécessairement avec elle une relation d'emploi [voir Taylor].  La preuve produite en premiPre instance a permis d'établir que pendant toute la période en cause l'appelant était un administrateur et un cadre de la Night Hawk Canada. […].

 

[23]    Dans l’affaire Hollingsworth c. Canada, 2003 CCI 134, la question devant le juge Bowie, de la Cour de l’impôt, portait sur le droit d’une contribuable au remboursement de la taxe sur les produits et services (TPS) au motif qu’elle était une employée d’une société même si elle n’avait pas reçu de rémuneration. Le ministre a refusé le remboursement parce que la contribuable n’avait pas été payée pour ses services, même s’il a été accepté que les dépenses étaient liées à l’entreprise.

 

[24]    Au paragraphe 7 de son jugement, le juge Bowie a dit ce qui suit :

 

            Je commencerai par ce dernier point. Les termes « employé », « charge » et « fonctionnaire » ou « cadre » sont définis comme suit à l'article 248 de la Loi :

 

248(1) Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi.

 

« employé » Sont compris parmi les employés les cadres ou fonctionnaires.

 

« charge » Poste qu'occupe un particulier et qui lui donne droit à un traitement ou à une rémunération fixes ou vérifiables, y compris une charge judiciaire, la charge de ministre de la Couronne, la charge de membre du Sénat ou de la Chambre des communes du Canada, de membre d'une assemblée législative ou de membre d'un conseil législatif ou exécutif et toute autre charge dont le titulaire est élu au suffrage universel ou bien choisi ou nommé à titre représentatif, et comprend aussi le poste d'administrateur de société; « fonctionnaire » ou « cadre » s'entend de la personne qui détient une charge de ce genre, y compris un conseiller municipal et un commissaire d’école.

 

Il est évident à la lumière de ces définitions que Mme Hollingsworth, qui était indéniablement cadre de la société pendant toute la période pertinente, doit en avoir été en même temps une employée aux fins de la Loi : voir Scott c. Canada. La position de l'intimée est sans aucun mérite.

 

[25]    Les autres positions qui doivent être examinées consistent à déterminer si les termes « déterminée ou constatable » s’appliquent au poste d’administrateur d’une société, et si la rémunération versée à M. Kelebay dans le cas présent peut – quoi qu’il en soit – correspondre à cette définition.

 

[26]    Dans ses observations écrites, l’avocate de l’intimé s’est reportée à deux arrêts dans lesquels des points de vue divergents ont été exmprimés. Dans l’affaire Merchant v. The Queen, 84 DTC 6215, la juge Reed de la Cour fédérale du Canada, Section de première instance, a examiné le sens du terme « vérifiable » et a dit ce qui suit à la page 6217 :

 

  Je ne suis pas convaincue qu’un contribuable doive connaître, dès son entrée en fonction, le montant qu’il recevra. Il me semble qu’une indemnité journalière fixe ou un montant précis pour chaque séance confère au revenu un caractère suffisamment vérifiable pour correspondre à la définition contenue au paragraphe 248(1). […]

 

[27]    Toutefois, dans une décision plus récente – Payette c. Canada (ministre du Revenu national – M.R.N.), [2002] A.C.I. no 386, le juge Dussault, de la Cour canadienne de l’impôt, a instruit l’appel de neuf appelants qui siégeaient au comité de révision établi aux termes de la Loi sur l’aide juridique. Selon le ministre, les appelants occupaient un emploi assurable. À partir du paragraphe 24 de son jugement, le juge Dussault a dit ce qui suit :

 

24        Toutefois, dans ses commentaires sur la décision dans l'affaire Guérin précitée, le [sic] juge Reed semble tenir pour acquis que la rémunération dans ce cas n'était pas vérifiable principalement en raison des dépenses que devait assumer l'appelant. Je ne suis pas d'accord avec cette position. Les termes « traitement » et « rémunération » s'entendent de montants bruts et non de revenu net une fois les dépenses déduites. Ceci apparaît clairement du libellé du paragraphe 5(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Par ailleurs, l'utilisation du qualificatif « véritable » ou « constatable » doit, il me semble, référer à quelque chose qu'il est possible de vérifier ou de constater a priori car autrement ces qualificatifs n'auraient aucune portée puisque tout peut être vérifié ou constaté a posteriori. Ainsi, si le « traitement » ou la « rémunération » n'est pas fixe, encore faut-il pouvoir l'établir à l'avance avec un minimum d'exactitude par l'utilisation d'une formule quelconque ou la référence à certains éléments déterminés. C'est là, à mon avis, le sens des décisions dans les affaires Guérin et MacKeen précitées.

 

25        Dans le cas présent, le paragraphe 22(k) de la Loi sur l'aide juridique prévoit que la Commission des services juridiques doit former un Comité chargé d'effectuer les révisions prévues aux articles 74 et 75 de cette loi. Par ailleurs, l'article 74 de la même loi prévoit que toute demande de révision est décidée par trois membres dont au moins un est avocat. L'Avis d'appel nous apprend que les membres du Comité de révision sont tous des avocats, qu'ils sont nommés pour un an par la Commission et que leur mandat est renouvelable (paragraphe 8). Il nous apprend aussi que les membres sont rémunérés à vacation, c'est-à-dire, uniquement lorsqu'ils siègent pour entendre les demandes de révision ou lorsqu'ils délibèrent et rédigent leurs décisions (paragraphe 12). Leur rémunération est fixée à 50 $ l'heure (paragraphe 13). Par ailleurs, l'Avis d'appel fait état que le Comité de révision rend mille (1 000) décisions par année en quarante et une (41) séances (paragraphe 15). Par entente, tous ces faits sont admis par l'intimé.

 

26        C'est sans trop de difficultés que je pourrais conclure que les appelants, membres du Comité de révision, occupent une charge. En effet, le Comité de révision est une institution permanente de la Commission des services juridiques. Le fait d'être nommé membre pour un an, de même que celui d'avoir d'autres occupations professionnelles ailleurs, n'impliquent aucunement qu'on ne peut occuper un poste pour une durée déterminée et à temps partiel. On peut à la fois pratiquer le droit et être administrateur d'une société par actions et même de plusieurs. Je ne vois là rien d'incompatible. On ne peut affirmer qu'une personne n'occupe pas un poste parce que son activité professionnelle dominante s'exerce ailleurs qu'à la Commission. Toutefois, il n'est pas suffisant d'occuper un poste, encore faut-il que ce poste donne droit à un « traitement ou à une rémunération déterminée ou constatable » selon les termes de la définition du paragraphe 2(1) du Régime de pensions du Canada. Or, dans la présente instance, il est évident que le poste ne donne pas droit à un traitement ou à une rémunération fixe. Par ailleurs, j'estime qu'il est impossible d'en arriver à la conclusion que la rémunération est constatable, puisque les faits énoncés à l'Avis d'appel et admis par l'intimé sont insuffisants à cet égard. On ne sait pas combien de fois chaque membre est appelé à siéger sur le Comité de révision ou combien de jours ou d'heures sont consacrés à cette activité dans une année. Les informations concernant le nombre de séances du Comité de révision et le nombre de demandes de révision entendues annuellement ne permettent pas de connaître de paramètre certain pour les membres pris individuellement. Je n'ai aucune idée du « traitement » ou de la « rémunération » que les membres du Comité de révision étaient susceptibles de recevoir pour rendre leurs services et aucune information n'a d'ailleurs été fournie à cet égard sinon qu'ils sont rémunérées à vacation à un taux horaire de 50 $. À mon avis, cette simple indication du taux horaire décidé par la Commission des services juridiques n'est pas suffisante pour établir que le poste lui-même donnait droit à un « traitement » ou à une « rémunération » qui était « déterminée ou constatable » . Ainsi, j'estime que l'intimé qui a simplement admis les faits énoncés à l'Avis d'appel ne s'est aucunement déchargé de son fardeau d'établir que les appelant(e)s, membres du Comité de révision de la Commission des services juridiques, occupaient une fonction ou une charge au sens du paragraphe 2(1) du Régime de pensions du Canada. Le sous-alinéa 6 f)(iii) du Règlement ne peut donc être applicable en l'espèce pour inclure dans les emplois assurables le poste occupé par les appelant(e)s.

 

[28]    J’ai exposé les divers arguments même si – dans une certaine mesure – ils se rapportent aux autres positions, car il y a un effet de chevauchement. Toutefois, la question principale est toujours de savoir si, selon les faits, M. Kelebay était un employé de la MPI en raison de la prestation de services aux termes d’un contrat de louage de services.

 

[29]    La position adoptée par M. Kelebay au nom de l’appelante était que celle-ci ne doit pas être liée par la façon dont la rémunération de M. Kelebay a été qualifiée dans les déclarations de revenus de la société, c’est-à-dire comme « traitements et salaires ». M. Kelebay a fait remarquer que le ministre n’a pas choisi d’accepter sa qualification de l’argent qu’il a reçu de l’appelante – soit comme revenu de location. À cet égard, il est évident que les fonds en question n’auraient pas pu constituer des revenus de location entre les mains de M. Kekebay, car l’immeuble qui produisait les revenus de location ne lui appartenait pas. L’immeuble d’appartements appartenait à la MPI depuis 1980. Pour ce qui est du revenu reçu par M. Kelebay de la MPI, ces sommes lui ont été versées pour des services rendus dans le cadre de diverses fonctions nécessaires à la gestion d’un immeuble de 21 appartements. M. Kelebay vivait dans un des appartements sans payer de loyer et exerçait des fonctions précises afin d’assurer le bon fonctionnement de l’immeuble. Les dépenses liées à son travail lui ont été remboursées, y compris celles qui se rapportaient à l’utilisation de son véhicule. Lorsqu’il fallait faire appel à des travailleurs ou à des gens de métier de l’extérieur, c’est la MPI qui les payait pour leurs services. Bien qu’un ensemble important d’outils appartenait à M. Kelebay, certains articles ont été achetés par l’appelante. M. Kelebay n’exploitait pas sa propre agence de location et ne facturait pas ses services à la MPI; il n’était pas non plus un coentrepreneur ni un associé de la MPI. Il était plutôt l’unique actionnaire et administrateur de la MPI, à qui appartenait l’immeuble d’appartements et qui exploitait une entreprise de location à cet égard. Bien sûr, on s’aventure toujours du côté de la métaphysique lorsque l’on commence à parler d’une société appartenant à 100 % à un particulier comme ayant une personnalité distincte en langage de tous les jours plutôt qu’en tant que question de droit. Toutefois, M. Kelebay comprenait la différence entre son poste d’administrateur de la MPI et sa personnalité telle qu’elle était reconnue par son institution financière. En effet, en tant que particulier détenant un compte auprès de cette institution, il pouvait produire plus de revenus d’intérêts pour la MPI que si le compte avait été au nom de sa société à 100 %. M. Kelebay – la personne – fournissait des services normalement liés à la gestion d’un immeuble d’appartements à louer, et la nature de la relation n’était pas inhabituelle selon les normes de l’industrie. Le seul aspect qui était différent se rapportait à sa rémunération, qui n’était pas fondée sur un salaire mensuel ni un taux horaire, mais qui dépendait du montant du profit net annuel de la MPI, tel qu’il était déterminé conformément aux méthodes comptables habituelles à la fin de l’exercice.

 

[30]    Dans l’affaire Meredith c. Canada, [2002] A.C.F. no 1007, la Cour d’appel  fédérale s’est penchée sur une question de crédit d’impôt pour emploi à l’étranger, qui consistait à déterminer si la Cour de l’impôt avait eu raison de conclure que la société en cause n’était pas une entité distincte du contribuable en tant que particulier. Dans le cadre du processus décisionnel de la Cour d’appel fédérale, le juge Malone – s’exprimant au nom de la Cour – a écrit ce qui suit au paragraphe 12 :

 

            La levée du voile corporatif est contraire aux principes établis depuis longtemps en droit corporatif. En l'absence d'allégation selon laquelle la société constitue un « trompe-l'œil » ou un véhicule permettant à des actionnaires putatifs de commettre des fautes et en l'absence d'autorisation légale, les tribunaux doivent respecter les rapports juridiques créés par un contribuable (voir Salomon v. Salomon & Co., [1897] A.C. 22; Kosmopoulos c. Constitution Insurance Co. of Canada, [1987] 1 R.C.S. 2). Les tribunaux ne peuvent pas qualifier autrement les véritables rapports en fonction de ce qu'ils jugent être la réalité économique qui les sous-tend (voir Continental Bank Leasing Corp. c. La Reine, [1998] 2 R.C.S. 298; Shell Canada Ltd. c. La Reine, [1999] 3 R.C.S. 622; Ludco Enterprises Limited c. La Reine, 2001 CSC 62, au par. 51). Il s'ensuit donc que le juge de première instance a commis une erreur de droit lorsqu'il s'est penché sur la réalité économique du rapport entre Stem et Meredith, alors que ni la loi ni la common law ne l'autorisaient à le faire.

 

[31]    Le principal argument du ministre est que M. Kelebay a reçu des fonds de l’appelante en tant qu’employé et, par conséquent, qu’il occupait un emploi ouvrant droit à pension. J’accepte cet argument. À mon avis, les faits ne permettent pas de tirer une conclusion autre que celle‑ci. La MPI a adopté une méthode de rémunération qui avait été utilisée pendant de nombreuses années, et, après que M. Kelebay est devenu l’unique actionnaire, elle a conservé cette méthode opérationnelle. Rien ne permet de penser que M. Kelebay comptait recevoir, par d’autres moyens, des fonds de la société en échange de ses services. Comme M. Kelebay l’a souligné dans son témoignage et dans ses observations, il avait le droit – en tant qu’unique administrateur – d’avoir recours aux services d’une agence de location, et la MPI aurait pu payer une commission de 5 % à 7 % et d’autres coûts de main-d’œuvre connexes – directement – sans avoir recours à ses services personnels. Toutefois, dans ce scénario, le revenu qu’il recevait de la société n’aurait pas fourni la preuve de l’existence d’un emploi même si M. Kelebay n’avait pas eu droit à la totalité du profit net en sa qualité d’unique actionnaire.

 

[32]    Au cas où je n’aurais pas raison de conclure que M. Kelebay était un employé de la MPI en vertu d’un contrat de louage de services et que – par conséquent – il occupait un emploi ouvrant droit à pension, je conclus que même s’il lui a été versé en sa qualité d’administrateur, son revenu était constatable au sens de la définition des termes « fonction » et « charge » à l’article 2 du Régime. La méthode choisie par la MPI pour rémunérer M. Kelebay pour ses services en tant que responsable de la gestion d’un immeuble d’appartements reposait sur un facteur déterminant qui pouvait fournir un montant non équivoque, même si ce montant pouvait varier d’une année à l’autre. La rémunération annuelle de M. Kelebay s’élevait à un montant égal au profit net de la MPI tiré de l’exploitation de l’immeuble d’appartements au cours d’une année donnée; ni plus, ni moins. En ce sens, elle n’entre pas dans la même catégorie que celle des membres du comité d’aide juridique dans l’affaire Payette, précitée, où le juge Dussault a conclu qu’il était impossible, d’après les faits, de conclure que la rémunération était constatable même si un traitement horaire de 50 $ avait été établi, car, à lui seul, ce facteur était insuffisant compte tenu des circonstances globales.

 

[33]    Il pourrait y avoir beaucoup de situations où le simple fait d’être un administrateur ne donne pas le droit à une personne de recevoir quoi que ce soit. Parfois, il se peut que des honoraires fixes soient établis dès le début pour l’occupation d’un tel poste ou qu’il y ait un barème des honoraires et une liste de réunions auxquelles le titulaire du poste doit assister afin de recevoir le traitement en question. Pour trancher l’appel, il n’est pas nécessaire que je tire une conclusion concernant la question de savoir si un administrateur qui ne reçoit pas de rémunération est automatiquement un employé de la société en question pour l’application du Régime.

 

[34]    M. Kelebay a soulevé des points intéressants, surtout en ce qui concerne l’intention du législatieur à l’origine du Régime. Je conviens qu’il est probable que l’attention du législateur n’était pas dirigée vers une situation de fait comme dans le cas présent. Toutefois, il ne m’a pas été démontré dans les éléments de preuve que la décision du ministre, selon laquelle M. Kelebay occupait un emploi assurable auprès de la MPI pendant les années frappées d’appel, est erronée. Cependant, le montant de sa rémunération pour chacune des années frappées d’appel – tel qu’il a été admis par l’avocate de l’intimé – est inférieur aux montants présumés par le ministre.

 

[35]    La compétence de cette cour est exposée au paragraphe 28(2) du Régime, qui est libellé comme suit :

 

Décision de la CourSur appel interjeté en vertu du présent article, la Cour canadienne de l’impôt peut annuler, confirmer ou modifier la décision prise en vertu de l’article 27 ou l’évaluation visée par l’article 27.1 ou, dans ce dernier cas, renvoyer l’affaire au ministre pour réexamen et réévaluation; le cas échéant, la Cour, sans délai :

 

a) notifie aux parties à l’appel sa décision par écrit;

 

b) motive sa décision, mais elle ne le fait par écrit que si elle l’estime opportun.

 

[36]    L’appel est par les présentes admis, et les cotisations sont renvoyées au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation, au motif que :

 

Nestor Kelebay a été embauché en vertu d’un contrat de louage de services auprès de la McMillan Properties Inc. pour les années 2000, 2001 et 2002, et sa rémunération s’élevait à 31 262 $ en 2000, à 31 952 $ en 2001 et à 31 712 $ en 2002.

 

Signé à Sidney (Colombie-Britannique) ce 19e jour d’octobre 2005.

 

 

 

 

« D.W. Rowe »

Le juge suppléant Rowe

 

Traduction certifiée conforme

ce 15e jour de mars 2006.

 

Joanne Robert, traductrice


RÉFÉRENCE :                                  2005CCI654

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :     2004-4571(CPP)

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              MacMillan Properties Inc. et M.R.N. et Nestor Kelebay

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Winnipeg (Manitoba)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 13 juin 2005

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L’honorable juge suppléant Rowe

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 19 ocbobre 2005

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l’appelante :

Nestor Kelebay

 

Avocate de l’intimé :

Me Tracey Telford

 

Pour l’intervenant :

 

L’intervenant lui-même

 

AVOCAT(S) INSCRIT(S) AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                   Nom :                            

 

                   Étude :

 

       Pour l’intimé :                             John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa (Ontario)

 

       Pour l’intervenant :

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