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Dossier : 2005-670(IT)I

ENTRE :

RÉJEANNE MORIN,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

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Appels entendus le 4 août 2005, à Rouyn-Noranda (Québec)

Devant : L'honorable Alban Garon, juge suppléant

Comparutions :

Avocat de l'appelante :

Me Nelson McLean

Avocate de l'intimée :

Me Anne Poirier

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JUGEMENT

          Les appels des déterminations du ministre du Revenu national en date du 18 juin 2004 relatives aux prestations fiscales canadiennes pour enfants, établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années de base 2001 et 2002, sont admis et les déterminations lui sont déférées pour nouvel examen et nouvelles cotisations en tenant compte du fait que l'appelante est le particulier admissible aux fins de l'article 122.6 de la Loi à l'égard de Guy Morin-Paquette pour la période de juin à septembre 2003 selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour de septembre 2005.

Alban Garon

Juge suppléant Garon


Référence : 2005CCI572

Date : 20050902

Dossier : 2005-670(IT)I

ENTRE :

RÉJEANNE MORIN,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Juge suppléant Garon

[1]      Il s'agit d'appels de déterminations du ministre du Revenu national (le « ministre » ) en date du 18 juin 2004 où les années de base en cause sont les années 2001 et 2002. Par ces déterminations le ministre a établi que l'appelante n'était pas le particulier admissible à l'égard de son fils Guy Morin-Paquette, pour la période commençant en juin 2003 et se terminant à la fin de septembre de la même année. Le ministre a fixé le paiement en trop à 861,67 $.

[2]      L'appelante, monsieur Alain Paquette et leur fils Guy Morin-Paquette ont tous trois témoigné à l'audience.

[3]      Des témoignages de l'appelante et du fils Guy et de la preuve documentaire, je retiens les faits suivants.

[4]      Monsieur Alain Paquette s'est vu confier, le 14 février 2002, la garde légale de son fils Guy Morin-Paquette à la suite d'un jugement qui homologuait une convention en vertu de laquelle la garde de ce dernier lui était confiée.

[5]      Le fils qui a atteint l'âge de 17 ans au cours de septembre 2003 a commencé à habiter chez sa mère à compter du 25 mai 2003. Selon sa version, il a été amené à prendre cette décision en raison du climat malsain qui prévalait à la résidence de son père. Le fils a parlé, pour utiliser son expression, de « chicanes » entre lui, son père et l'épouse de son père et également entre l'épouse de son père et ce dernier. Selon lui, son père et son épouse prenaient de la drogue ou des stupéfiants.

[6]      Durant la période en cause, le fils fréquentait un établissement scolaire à Rouyn-Noranda et prenait à Rollet un autobus scolaire pour se rendre à l'école et en revenir. Rollet est une petite municipalité où habitaient à différents endroits son père et sa mère. La distance entre Rollet et Rouyn-Noranda est d'environ 50 à 60 kilomètres. M. Guy Morin-Paquette n'a pas cru bon de communiquer sa nouvelle adresse aux autorités scolaires lorsqu'il a commencé à résider chez sa mère de façon permanente vu qu'il ne restait qu'un mois avant la fin de l'année scolaire.

[7]      Même avant d'habiter de façon permanente chez sa mère, Guy Morin-Paquette allait souvent chez sa mère et y prenait ses repas sur une base régulière. Même avant le 25 mai 2003 il soupait rarement chez son père, « trois ou quatre fois ... pendant un an ou deux » .

[8]      Le fils a eu des problèmes de santé en août 2003; il a souffert de mononucléose. C'est l'appelante qui a alors pris soin de son fils. Ce dernier a consulté le médecin à trois reprises en août 2000 et il était chaque fois accompagné de sa mère, comme en fait foi la pièce A-2. C'est l'appelante qui se procurait les médicaments dont son fils avait besoin durant la période en question. Sa mère lui fournissait aussi les vêtements et la pension. Le fils avait une chambre chez sa mère avant la période en cause. L'épouse de son père lui a préparé à l'occasion des « lunchs » durant l'hiver 2002-2003. Après le 25 mai 2003, il allait visiter son père une ou deux fois par semaine sauf durant l'été 2003 où il n'y est pas allé.

[9]      Une requête portant la date du 2 septembre 2003 (pièce A-1) fut déposée par l'appelante en Cour supérieure, district de Rouyn-Noranda, en vue notamment d'obtenir la garde légale de son fils. Cette requête ne fut pas contestée par le père. Le 26 septembre 2003 la Cour supérieure rendit un jugement (pièce A-1) confiant à l'appelante la garde de ce fils. Il y a lieu de reproduire les extraits suivants de ce jugement :

[3]         La demanderesse affirme que l'enfant mineur habite chez elle depuis le 25 mai 2003. Elle déclare que les relations entre l'enfant et son père se sont détériorées et elle cite plusieurs exemples.

[4]         Guy Morin-Paquette est maintenant âgé de 17 ans et il reconnaît vivre chez sa mère depuis le 25 mai. Il reconnaît que les relations avec son père se sont détériorées et il cite également quelques exemples. Il désire que sa garde soit maintenant assumée par sa mère.

[10]     Des explications ont été fournies au sujet de la pièce I-1 attestant que le fils « était embarqué et débarqué au domicile situé au 835, Route 101 Nord à Rollet » . Ce dernier endroit était la résidence du père. Le document en question avait été dressé au début de l'année scolaire 2002-2003. Le fils a témoigné qu'il disait à la conductrice de l'autobus - elle habitait à Rollet - qui le connaissait de le laisser descendre à la résidence de sa mère ou à celle de son père et de le reprendre le lendemain à l'endroit indiqué. Il descendait aussi à l'occasion chez sa grand-mère paternelle qui demeurait aussi sur la même route à Rollet que M. Alain Paquette et l'appelante. Il n'y avait que 10 à 12 étudiants qui utilisaient l'autobus scolaire à Rollet.

[11]     Monsieur Alain Paquette n'est jamais allé aux rencontres de parents organisées par la direction de l'école que fréquentait le fils.

[12]     Il a été aussi question du déménagement de certains effets personnels de M. Guy Morin-Paquette de la résidence du père à celle de sa grand-mère paternelle. Il a explique qu'il a procédé à transporter graduellement de la résidence de son père à celle de sa mère certains objets comme les radios et instruments de musique. Il a aussi mentionné que certains autres objets, comme un pupitre, un banc avec haltères et poids, un meuble pour le téléviseur, ont été déménagés chez sa grand-mère paternelle.

[14]     Monsieur Alain Paquette a affirmé sous serment que son fils est demeuré chez lui durant la période en litige et qu'il allait chez sa mère à l'occasion. Concernant la requête de l'appelante en modification de garde, il déclare qu'il n'a pas lu ce document et à un autre moment il mentionne qu'il n'a pas vu ce document. Il se souvient du jugement de la Cour supérieure de deux pages du 26 septembre 2003 que très partiellement. Il mentionne que son fils allait plus souvent durant la période en litige chez ses grands-parents que chez sa mère. Selon monsieur Alain Paquette, à l'époque concernée, il était en bons termes avec son fils. Il a aussi confirmé la version de son fils qu'il a eu « des problèmes de drogue » pendant un certain temps. Il a par la suite refusé de répondre aux autres questions posées par l'avocat de l'appelante.

Analyse

[15]     De ce qui précède, il s'ensuit que la seule question en litige est de déterminer si l'appelante était un « particulier admissible » selon la définition de cette expression à l'article 122.6 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ). La partie pertinente de cette définition est reproduite ci-après :

122.6

« particulier admissible » S'agissant, à un moment donné, du particulier admissible à l'égard d'une personne à charge admissible, personne qui répond aux conditions suivantes à ce moment :

            a) elle réside avec la personne à charge;

b) elle est la personne - père ou mère de la personne à charge - qui assume principalement la responsabilité pour le soin et l'éducation de cette dernière;

[...]

Pour l'application de la présente définition :

f)    si la personne à charge réside avec sa mère, la personne qui assume principalement la responsabilité pour le soin et l'éducation de la personne à charge est présumée être la mère;

g) la présomption visée à l'alinéa f) ne s'applique pas dans les circonstances prévues par règlement;

h) les critères prévus par règlement serviront à déterminer en quoi consistent le soin et l'éducation d'une personne.

[16]     L'article 6302 du Règlement de l'impôt sur le revenu établit les critères dont il est question à l'alinéa h) de la définition de l'expression « particulier admissible » à l'article 122.6 de la Loi.

           6302. Pour l'application de l'alinéa h) de la définition de « particulier admissible » à l'article 122.6 de la Loi, les critères suivants servent à déterminer en quoi consistent le soin et l'éducation d'une personne à charge admissible :

a)     le fait de surveiller les activités quotidiennes de la personne à charge admissible et de voir à ses besoins quotidiens;

b)     le maintien d'un milieu sécuritaire là où elle réside;

c)     l'obtention de soins médicaux pour elle à intervalles réguliers et en cas de besoin, ainsi que son transport aux endroits où ces soins sont offerts;

d)     l'organisation pour elle d'activités éducatives, récréatives, athlétiques ou semblables, sa participation à de telles activités et son transport à cette fin;

e)      le fait de subvenir à ses besoins lorsqu'elle est malade ou a besoin de l'assistance d'une autre personne;

f)      le fait de veiller à son hygiène corporelle de façon régulière;

g)     de façon générale, le fait d'être présent auprès d'elle et de la guider;

h)     l'existence d'une ordonnance rendue à son égard par un tribunal qui est valide dans la juridiction où elle réside.

[17]     La question précise qui est contestée porte sur la question de savoir si le fils Guy Morin-Paquette résidait durant la période du 1er juin 2003 à la fin de septembre de la même année chez son père ou chez sa mère.

[18]     L'appelante et le fils affirment clairement que ce dernier habitait avec sa mère durant cette période alors que monsieur Alain Paquette déclare catégoriquement le contraire. Ces affirmations contradictoires soulèvent une question de crédibilité.

[19]     J'ai examiné attentivement le comportement de ces trois personnes. Les témoignages de l'appelante et du fils me paraissent tout à fait crédibles. Je note en particulier que le fils a répondu de façon claire et catégorique à toutes les questions, sans hésitation. Il ne me paraît pas étonnant que le fils qui avait presque 17 ans ait emménagé à la fin de mai 2003 chez sa mère qui devait quelques semaines plus tard faire des démarches en vue d'obtenir de la Cour supérieure la garde légale de son fils. Cette façon d'agir me paraît vraisemblable dans les circonstances.

[20]     La version de monsieur Alain Paquette révèle des contradictions au sujet de sa prise de connaissance de la requête introductive d'instance du 2 septembre 2003 et du jugement du 26 septembre 2003 qui y donnait suite. Ses réponses dans certains cas ont été évasives. Lors de son témoignage, il a aussi fait preuve d'insolence et d'agressivité.

[21]     Je viens donc à la conclusion que le fils Guy Morin-Paquette a habité avec sa mère durant la période pertinente. L'appelante satisfait donc à l'alinéa a) de la définition du « particulier admissible » figurant à l'article 122.6 de la Loi. Bien que ce ne soit pas absolument nécessaire, j'ajoute que l'appelante maintenait un lieu sécuritaire à l'endroit où elle et son fils demeuraient. C'est aussi l'appelante qui a fait le nécessaire lorsque son fils devait se rendre chez le médecin alors qu'il était malade en août 2003.

[22]     J'en viens donc à la conclusion que les déterminations du ministre faites en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu lui soient déférées pour nouvel examen et nouvelles déterminations sur la base que l'appelante est le particulier admissible aux fins de l'article 122.6 de la Loi à l'égard de Guy Morin-Paquette pour la période de juin 2003 à septembre de la même année. En conséquence, les appels de ces déterminations sont admis.

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour de septembre 2005.

Alban Garon

Juge suppléant Garon


RÉFÉRENCE :                                   2005CCI572

N º DU DOSSIER DE LA COUR :       2005-670(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :               Réjeanne Morin et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                    Rouyn-Noranda (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                  le 4 août 2005

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :        L'honorable Alban Garon, juge suppléant

DATE DU JUGEMENT :                    le 2 septembre 2005

COMPARUTIONS :

Pour l'appelante :

Me Nelson McLean

Pour l'intimée :

Me Anne Poirier

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

       Pour l'appelante :

                   Nom :                              Me Nelson McLean

                   Étude :                             McLean, Bouffard & Harvey

                                                          Rouyn-Noranda (Québec)

       Pour l'intimée :                             John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Ontario

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