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Dossier : 2004-4547(IT)I

ENTRE :

MANUFAX HOLDINGS INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de

N. A. Johnson Ltd. (2004-4548(IT)I) le 7 septembre 2005, à Vancouver (Colombie-Britannique).

 

Devant : L’honorable juge Gerald J. Rip

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelante :

N. A. Johnson

Avocate de l’intimée :

Me Fiona Mendoza

_________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          L’appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu et dont l’avis est daté du 10 mai 2004 est rejeté.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 3e jour d’octobre 2005.

 

 

« Gerald J. Rip »

Juge Rip

 

Traduction certifiée conforme

ce 10e jour de janvier 2006.

 

Nathalie Boudreau, traductrice


 

 

Dossier : 2004-4548(IT)I

ENTRE :

N. A. JOHNSON LTD.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de

Manufax Holdings Inc. (2004-4547(IT)I) le 7 septembre 2005, à Vancouver (Colombie-Britannique).

 

Devant : L’honorable juge Gerald J. Rip

Comparutions :

 

Représentant de l’appelante :

N. A. Johnson

Avocate de l’intimée :

Me Fiona Mendoza

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          L’appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu et dont l’avis est daté du 10 mai 2004 est rejeté.

 

       Signé à Ottawa, Canada, ce 3e jour d’octobre 2005.

 

« Gerald J. Rip »

Juge Rip

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 10e jour de janvier 2006.

 

 

Nathalie Boudreau, traductrice


 

 

 

Référence : 2005CCI645

Date : 20051003

Dossier : 2004-4547(IT)I

ENTRE :

MANUFAX HOLDINGS INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

 

Dossier : 2004-4548(IT)I

ET ENTRE:

N. A. JOHNSON LTD.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Rip

 

[1]   Manufax Holdings Inc. (« Manufax ») et N. A. Johnson Ltd. ont interjeté appel de cotisations faisant état de pénalités imposées en vertu du paragraphe 227(9) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») pour défaut de remettre au receveur général du Canada dans le délai prévu des montants retenus conformément au paragraphe 153(1) de la Loi[1].

 

[2]   Le 30 avril 2004, Manufax et N. A. Johnson Ltd. ont toutes deux versé des salaires, qui, en réalité, étaient des primes, à des membres de la famille Johnson. Conformément au paragraphe 153(1), Manufax et N.A. Johnson Ltd. ont retenu sur les salaires 111 113 $ et 50 000 $ respectivement et, le même jour, ont envoyé par la poste le chèque et le formulaire de versement nécessaires à l’Agence des douanes et du revenu du Canada (« ADRC ») à l’adresse suivante, telle qu’elle était indiquée sur le formulaire d’adresse de l’ADRC : ADRC, Centre de technologie, 875, chemin Heron, Ottawa (Ontario)  K1A 1B1.

 

[3]   Le délai dans lequel les appelantes devaient remettre les montants retenus au receveur général est indiqué au paragraphe 108(1.1) du Règlement de l’impôt sur le revenu (le « Règlement »). En l’espèce, les montants devaient être remis au plus tard le troisième jour – samedis et jours fériés non compris – suivant le 30 avril 2004[2].

 

[4]   Les appels ont été entendus sur preuve commune. Le témoin pour les appelantes était monsieur N. A. Johnson (« M. Johnson »), président des deux sociétés. N. A. Johnson Ltd. est une filiale de Manufax. Les deux appelantes sont associées à une autre société, Johnson Industries Ltd.

 

[5]   M. Johnson a témoigné que, le 30 avril 2004, sa femme a déposé dans une boîte aux lettres deux enveloppes contenant les retenues à la source à remettre, soit une enveloppe pour chacune des appelantes. L’ADRC n’a pas communiqué avec les appelantes jusqu’à ce que M. Johnson ou son représentant soit prévenu par téléphone que les versements avaient été reçus en retard. M. Johnson a expliqué que les montants à verser avaient été mis dans les enveloppes fournies par l’administration fiscale. Les enveloppes contenaient aussi les formulaires d’adresse que l’ADRC avait fournis à chacune des appelantes; les formulaires étaient semblables aux formulaires fournis les années précédentes. La méthode employée pour verser les retenues à la source, soit envoyer les chèques requis par la poste le jour du paiement des salaires, cadrait avec la pratique adoptée par chacune des appelantes au cours des années précédentes. M. Johnson a dit qu’un fonctionnaire de l’ADRC lui avait expliqué que les versements auraient dû être entre les mains de l’ADRC le 3 mai 2004.

 

[6]   Selon les affidavits de Dianne Martineau, agente des litiges de l’ADRC à Vancouver, il semblerait que l’ADRC aurait reçu les versements le 7 mai 2004. D’après Mme Martineau, la date d’exigibilité des versements pour les deux appelantes était le 3 mai 2004.

 

[7]   Selon le ministre, chacune des deux appelantes était une « personne visée » au sens du paragraphe 110 du Règlement. Le paragraphe 110(1) précise qui sont les « personnes visées » pour l’application du paragraphe 153(1) de la Loi :

 

a)      l’employeur qui est tenu, aux termes du paragraphe 153(1) de la Loi, de remettre les montants déduits ou retenus, conformément à l’alinéa 108(1.1)b);

 

b)      la personne ou la société de personnes qui remet les montants suivants pour le compte d’un ou de plusieurs employeurs au cours d’une année civile donnée et dont le versement mensuel moyen au titre de tels montants, à l’égard de la deuxième année civile précédant cette année, est égal ou supérieur à 50 000 $ :

 

(i)      les montants à remettre en application du paragraphe 153(1) de la Loi et d’une disposition semblable d’une loi provinciale qui prévoit un impôt sur le revenu des particuliers, dans le cas où la province a conclu avec le ministre des Finances un accord pour la perception des impôts payables à la province, au titre des paiements visés à la définition de « rémunération » au paragraphe 100(1),

 

(ii)     les montants à remettre en application du paragraphe 21(1) du Régime de pensions du Canada,

 

(iii)     les montants à verser en application du paragraphe 82(1) de la Loi sur l’assurance-emploi ou du paragraphe 53(1) de la Loi sur l’assurance-chômage.

 

[8]   Lorsqu’une « personne visée » remet un montant en vertu de la partie I de la Loi, le paragraphe 153(1) prévoit que « la somme est versée au compte du receveur général dans une institution financière désignée », à savoir une banque ou une institution semblable.

 

[9]   M. Johnson a témoigné qu’on ne lui avait jamais dit qu’à titre de personnes visées, les appelantes devaient effectuer des versements accélérés, c’est-à-dire dans les trois jours suivant la fin d’une des périodes visées à l’alinéa 108(1.1)b) du Règlement et que, par conséquent, les appelantes avaient remis les retenues à la source de la même façon que les années précédentes.

 

[10] M. Johnson croit qu’en 2002, N. A. Johnson Ltd. a remis des retenues à la source de 50 000 $ à l’ADRC et que Manufax a [traduction] « probablement » remis des retenues à la source de 100 000 $  à l’ADRC.

 

[11] Selon le paragraphe 108(1) du Règlement, il faut généralement que les retenues à la source soient remises au receveur général au plus tard le 15e jour du mois suivant le mois dans lequel le paiement a été retenu. Toutefois, l’alinéa 108(1.1)b) du Règlement prévoit que dans le cas où la retenue mensuelle moyenne effectuée par un employeur pour la deuxième année civile précédant une année civile donnée est :

 

b)      égale ou supérieure à 50 000 $, les montants déduits ou retenus sur les paiements visés à la définition de « rémunération » au paragraphe 100(1) qui sont effectués par l’employeur au cours d’un mois de l’année civile donnée doivent être remis au receveur général au plus tard le troisième jour – samedis et jours fériés non compris – suivant la fin des périodes suivantes au cours desquelles les paiements ont été effectués :

 

       […]

 

(iv)    la période commençant le 22e jour et se terminant le dernier jour du mois.

 

[12] Lorsqu’il a envoyé les montants à remettre par courrier régulier, M. Johnson croyait que l’ADRC les recevrait au plus tard le 3 ou le 4 mai. Il savait qu’il pouvait remettre les montants à une institution financière, mais estimait que cette façon de faire était coûteuse et inutile. Étant donné que l’ADRC avait envoyé aux appelantes les formulaires de versement et d’adresse, et les enveloppes-réponses, il a tout simplement suivi les instructions contenues dans le document que l’ADRC lui avait envoyé par la poste et a envoyé les versements à l’ADRC par la poste. Il a posé la question suivante : [traduction] « Pourquoi nous donner une enveloppe s’il faut remettre le montant à une institution financière? ».

 

[13] L’interprétation que fait M. Johnson du passage du paragraphe 108(1.1) du Règlement selon lequel les retenues à la source doivent être remises « au plus tard le troisième jour – samedis et jours fériés non compris » est qu’il ne faut pas inclure le samedi, le dimanche ou les jours fériés dans le calcul des trois jours ou, autrement dit, que les trois jours sont, en fait, trois jours ouvrables. Même si j’acceptais l’argument de M. Johnson sur ce point, les montants remis auraient quand même été reçus par l’ADRC plus de trois jours suivant la fin de la période pertinente; le 7 mai 2004 est plus de trois jours ouvrables après le 30 avril 2004. De toute manière, le libellé du paragraphe 108(1.1) indique qu’il n’est pas tenu compte du troisième jour si celui-ci est un samedi ou un jour férié seulement. L’interprétation de M. Johnson n’est pas correcte.

 

[14] M. Azmina Hirji, agent des litiges de l’ADRC, a travaillé au dossier de Manufax et a rédigé la réponse à l’avis d’appel déposé par Manufax. M. Hirji a témoigné qu’il avait examiné la copie papier des dossiers de l’ADRC en cause et qu’il avait conclu que le versement de Manufax avait été reçu par l’ADRC le 7 mars 2004.

 

[15] M. Hirji a produit une série de documents, y compris des copies du chèque et du formulaire de versement que Manufax avait envoyés à l’ADRC et les estampilles de l’ADRC qui indiquent que la documentation a été reçue le 7 mai 2004. Des documents semblables indiquant que le versement de N. A. Johnson Ltd. a été reçu le 7 mai 2004 étaient annexés à l’affidavit de Mme Martineau relativement à N. A. Johnson Ltd.

 

[16] M. Johnson a dit qu’il n’avait aucune façon de savoir à quel moment les versements avaient réellement été reçus. À vrai dire, M. Johnson n’accepte pas la parole de Mme Martineau ni la façon dont l’ADRC consigne la date de réception du courrier. Toutefois, il n’a présenté aucun élément de preuve pour réfuter les affirmations de Mme Martineau ou le témoignage de M. Hirji à savoir que l’ADRC a reçu les versements le 7 mai 2004.

 

[17] L’alinéa 248(7)b) de la Loi prévoit que les montants remis ou payés en vertu de la Loi qui doivent être payés par une société sont réputés remis ou payés le jour de leur réception par le receveur général. J’accepte la preuve par affidavit de Mme Martineau et le témoignage de M. Hirji selon lesquels les montants remis ont été reçus le 7 mai 2004.  Les montants ont donc été remis le 7 mai 2004.

 

[18] M. Johnson a soutenu que la moyenne des retenues à la source mensuelles pour Manufax et N. A. Johnson Ltd. était de 9 259 $ et de 4 067 $ respectivement. Il est d’avis qu’il faudrait établir la moyenne des retenues mensuelles sur douze mois, ce qui donnerait une moyenne des montants retenus mensuellement par les appelantes de moins de 10 000 $. Ce n’est pas une hypothèse déraisonnable. M. Johnson a dit que s’il a raison, les appelantes avaient jusqu’au 10 mai pour remettre le montant. Cependant, l’avocate de l’intimée a invoqué l’alinéa 108(1.2)b) du Règlement, qui est ainsi libellé :

 

Pour l’application du présent article, la retenue mensuelle moyenne effectuée par un employeur pour une année civile donnée est le quotient [de] :

 

[…]

 

par

 

b) le nombre de mois de l’année, donné, ne dépassant pas 12, pour lesquels ces sommes doivent être remises par l’employeur et, s’il s’agit d’une société, par chaque société qui lui est associée au cours d’une année d’imposition de l’employeur se terminant pendant la deuxième année civile suivant l’année donnée.

 

L’avocate de l’intimée est d’avis qu’étant donné que le quotient dans les deux appels en l’espèce est un, soit le nombre de mois pour lesquels un paiement a été fait, la retenue mensuelle moyenne doit être établie en fonction du seul mois pour lequel les paiements ont été faits. Je suis d’accord avec elle.

 

[19] De plus, des éléments de preuve ont été présentés, à savoir une lettre de l’ADRC adressée à Johnson Industries Ltd., datée du 17 novembre 2003, dans laquelle l’ADRC expliquait qu’elle avait déterminé qu’en 2004 Johnson Industries Ltd. dépasserait le seuil prévu à la disposition pertinente pour le versement des montants retenus à la source et qu’à compter du 1er janvier 2004,  pour chaque paie versée, l’ADRC allait devoir recevoir les montants à remettre dans les trois jours suivant le dernier jour de la période prévue par l’alinéa 108(1.1)b) du Règlement. L’ADRC avait également précisé que les employeurs qui dépassent le seuil sont tenus de faire les versements à une institution financière plutôt qu’aux bureaux de l’ADRC. M. Johnson n’a pas été en mesure de présenter des éléments de preuve indiquant le montant des retenues à la source remis au receveur général par la société Johnson Industries Ltd., qui est associée aux appelantes, et n’a pas expliqué de quelle manière ce montant pourrait avoir une incidence sur la formule contenue à l’alinéa 108(1.2)b) en ce qui concerne les appelantes.

 

[20] M. Johnson a avancé que les appelantes ont été amenées à envoyer les versements par la poste plutôt que de faire le paiement à une institution financière étant donné que l’ADRC avait envoyé aux appelantes par la poste les formulaires de versement et les enveloppes. Il a dit qu’en fournissant la documentation aux appelantes de cette manière, l’ADRC les a amenées à envoyer par la poste les montants à remettre.

 

[21] Je n’accepte pas cet argument. M. Johnson est un homme intelligent; il est ingénieur professionnel. Il savait très bien qu’il pouvait avoir recours aux services d’une institution financière pour remettre les montants. Il contrôlait les appelantes. D’autres sociétés dont il était propriétaire remettaient les montants à des instituions financières. L’ADRC n’a pas amené les appelantes à commettre une erreur sur le plan juridique, et les appelantes auraient pu éviter de commettre l’erreur[3].

 

[22] Les appels sont rejetés.

 

       Signé à Ottawa, Canada, ce 3e jour d’octobre 2005.

 

« Gerald J. Rip »

Juge Rip

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 10e jour de janvier 2006.

 

 

Nathalie Boudreau, traductrice

 


RÉFÉRENCE :                                  2005CCI645

 

NOS DES DOSSIERS :                       2004-4547(IT)I et 2004-4548(IT)I

 

INTITULÉS :                                     MANUFAX HOLDINGS INC. ET SA MAJESTÉ LA REINE et

                                                          N. A. JOHNSON LTD. ET SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 7 septembre 2005

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L’honorable juge Gerald J. Rip

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 3 octobre 2005

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant des appelantes :

N. A. Johnson

Avocate de l’intimée :

Me Fiona Mendoza

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour les appelantes :

 

                   Nom :                            

                   Cabinet :

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada



[1]               Voir le paragraphe suivant. Le paragraphe 227(9) impose une pénalité de 10 % sur les montants qui ne sont pas remis dans le délai prévu. Les pénalités imposées s’élevaient à 3 318,39 $ pour Manufax et à 1 518,19 $ pour N. A. Johnson. Toutefois, dans un communiqué de presse daté du 20 juin 2003, l’ADRC a annoncé que le taux de pénalité de 10 % allait être remplacé par des taux de pénalité progressifs de : 3 % pour les versements en retard de trois jours ou moins;  5 % pour les versements en retard de 4 ou de 5 jours; 7 % pour les versements en retard de 6 ou de 7 jours et 10 % pour les versements en retard de 8 jours ou plus. Il semblerait que l’ADRC ait tenu compte de la modification proposée lorsqu’elle a établi les cotisations à l’égard des appelantes parce qu’elle a appliqué le paragraphe 220(3.1) de la Loi, qu’on appelle « disposition d’équité ».

[2]               Selon la définition de « jour férié » qui se trouve au paragraphe 35(1) de la Loi d’interprétation (L.R.C., ch. I-23), les jours fériés comprennent les dimanches.

[3]               Voir Corp. de l'École Polytechnique c. Canada, 2004 CAF 127 au paragraphe 38.

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