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Dossier : 2005-667(EI)

ENTRE :

VIANNEY MOREL,

appelant,

et

MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

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Appel entendu le 28 juin 2005, à Montréal (Québec)

Devant : l'honorable S.J. Savoie, juge suppléant

Comparutions :

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocat de l'intimé :

Me Mounes Ayadi

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JUGEMENT

          L'appel est admis et la décision rendue par le Ministre est modifiée selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Grand-Barachois (Nouveau-Brunswick), ce 4e jour d'octobre 2005.

S.J. Savoie

Juge suppléant Savoie


Référence : 2005CCI614

Date : 20051004

Dossier : 2005-667(EI)

ENTRE :

VIANNEY MOREL,

appelant,

et

MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge suppléant Savoie

[1]    Cet appel a été entendu à Montréal (Québec), le 28 juin 2005.

[2]    Il s'agit d'un appel portant sur l'assurabilité de l'emploi de l'appelant lorsqu'au service de la Société canadienne de transfert technologique (Scatt 2003) inc., le payeur, durant la période en litige, soit du 25 avril au 6 mai 2004.

[3]    Cependant il faut noter les admissions du ministre du Revenu national (le « Ministre » ), lesquelles figurent aux paragraphes 8, 9 et 10 de la Réponse à l'avis d'appel et se lisent comme suit :

8.          À ce stade-ci des procédures, l'intimé soutient que, du 24 au 30 avril 2004, l'appelant exerçait un emploi aux termes d'un contrat de louage de services au sens de l'alinéa 5(1)a) de la Loi et qu'il occupait donc un emploi assurable.

9.          À ce stade-ci des procédures, l'intimé soutient que, pour la période du 24 au 30 avril 2004, la rémunération assurable de l'appelant s'élevait à 1 121,38 $.

10.        À ce stade-ci des procédures, l'intimé soutient que, du 24 au 30 avril 2004, l'appelant a exercé un emploi assurable pendant 39 heures, c'est-à-dire pendant le nombre d'heures pour lesquelles il a été rétribué, soit 1 121,38 $ divisé par le salaire horaire, 29,03 $, la fraction d'heure étant considérée comme une heure complète.

[4]    En outre, à l'audition, le Ministre a consenti à jugement selon les modalités suivantes :

       a)          heures assurables : 53, c'est-à-dire du 24 au 30 avril 2004;

       b)          rémunération assurable : 1 479,29 $.

Ceci a donc pour effet de réduire la période en litige du 1er au 6 mai 2004.

[5]    En rendant sa décision, le Ministre s'est appuyé sur les faits présumés suivants :

a)          le payeur effectuait des travaux de construction en Algérie; (admis)

b)          l'appelant avait été embauché pour travailler en Algérie; (admis)

c)          l'appelant s'est rendu en Algérie et, après avoir subi un choc culturel, il voulait revenir après seulement 2 jours; (admis sauf à parfaire)

d)          l'appelant a attendu environ 2 semaines à l'hôpital avant de pouvoir prendre un avion le ramenant au pays; (admis sauf à parfaire)

e)          l'appelant n'a apporté aucune collaboration au représentant de l'intimé et il n'a fourni aucune preuve du travail accompli ni de la rémunération gagnée. (nié)

[6]    Le Ministre a ajouté que :

(a)         le 23 avril 2004, l'appelant et le payeur concluaient un contrat d'emploi à l'étranger pour une durée de 6 mois; (admis)

(b)         l'appelant devait travailler an Algérie à titre de formateur et spécialiste en coffrage Duraform; (admis)

(c)         l'emploi débutait le 24 avril 2004; (admis)

(d)         le contrat stipulait que la semaine de travail était de 53 heures réparties sur 6 jours; (admis)

(e)         le contrat stipulait que le salaire annuel était de 80 000,00 $ réparti sur 26 périodes de paie, soit 3 076,92 $ par période de paie, 1 538,46 $ par semaine ou 29,03 $ de l'heure; (admis sauf à parfaire)

(f)          l'appelant a démissionné le 30 avril 2004; (nié)

(g)         le 13 juillet 2004, le payeur réclamait à l'appelant les frais encourus pour le rapatrier; (admis)

(h)         dans cette réclamation, le payeur créditait à l'appelant la somme de 1 121,38 $ du salaire gagné la semaine du 24 au 30 avril 2004. (admis)

[7]    À l'audition, la preuve a révélé les faits suivants. L'appelant a éprouvé beaucoup de difficulté d'adaptation aux conditions de vie et de travail dès son arrivée en sol Algérien, tant et si bien qu'après quelques jours seulement il a demandé à son employeur de le rapatrier immédiatement au Canada. Cette demande a été faite à l'employeur le 30 avril 2004. Dès lors, le payeur a autorisé son transfert à partir de Tamanrasset, le lieu du chantier, jusqu'à Alger, pour prendre l'avion à destination du Canada. Pour des raisons vaguement définies, le vol de retour a été retardé de plusieurs jours.

[8]    L'appelant a fait savoir qu'il a été contraint de demander son rapatriement à cause de mauvaises conditions de vie et de travail. En outre, il a affirmé qu'après sa demande de rapatriement, il a dû encourir des dépenses et faire des démarches pour obtenir un vol pour le Canada, ce qui aurait dû être fait par le payeur.

[9]    L'appelant est revenu au Canada le 6 mai 2004. C'est, selon lui, à cette date qu'a pris fin son emploi ou la fin de « sa prise en charge » par le payeur, selon l'expression utilisée par lui.

[10]L'appelant soutient qu'il était toujours à l'emploi du payeur jusqu'à son retour en sol canadien en raison de sa disponibilité au service du payeur. Il fait valoir que le retard encouru pour son retour est attribuable au payeur qui n'a pas fait le nécessaire pour accélérer son retour immédiat au pays, comme il l'avait demandé le 30 avril 2004. La preuve, cependant, va à l'encontre de sa prétention selon laquelle sa disponibilité au service du payeur, pendant la période en litige, représente une période d'emploi assurable.

[11]Il convient de reproduire les termes de l'emploi, tel que convenu entre le payeur et l'appelant. Une lettre d'emploi, datée du 23 avril 2004, signée par les parties, ainsi qu'un document intitulé « SCaTT 2003 Inc Conditions générales d'emploi à l'étranger pour le personnel affecté au projet Tamanrasset en Algérie » ont été produits à l'audition sous la cote A-7. La lettre d'emploi se lit comme suit :

                                                                        Montréal le 23 avril 2004

Monsieur Vianney Morel

72 Montée Gagnon

Bois des Filion (Qué.)

J6Z 2L1

Objet : Lettre d'emploi

            Projet de la base aérienne de Tamanrasset

Monsieur Morel,

Pour faire suite à nos discussions, nous avons le plaisir de vous offrir un contrat d'emploi à l'étranger pour travailler au projet « Base aérienne de Tamanrasset » en Algérie, à titre de Formateur et spécialiste coffrage Duraform.

Tel qu'entendu, les conditions d'emploi ci-dessus [sic] s'appliqueront :

• Statut marital en Algérie : Célibataire

• Durée d'emploi : 6 mois, pouvant être modifié selon les besoins du projet.

• Début d'emploi : 24 avril 2004

• Votre salaire annuel : 80 000 $ réparti en 26 périodes de paye

• Allocation annuelle de : 5 000 $ réparti en 26 périodes de paye, pour la prise en charge par vous-même et votre gîte et couvert et autres frais subsistances sur les lieux de votre affectation.

• Semaine de travail : 53 heures/sem. Semaine de 6 jours

• Régime de travail : 8 semaines au chantier, 2 semaines de sortie périodique

En acceptant les conditions ci-dessus, vous reconnaissez avoir lu et compris cette lettre d'emploi ainsi que les « Conditions générales d'emploi à l'étranger » ci-jointes pour le projet « Base aérienne de Tamanrasset » qui constituent le plein accord entre vous et SCaTT 2003 Inc. et qu'il n'existe aucune promesse ou entente autre que celle stipulée dans les termes contenus dans les « Conditions générales d'emploi à l'étranger » ci-jointes. Il est convenu que tout amendement fera l'objet d'un contrat écrit et signé entre les deux parties.

Dans vos fonctions, vous relevez directement du Directeur de la construction.

Si vous acceptez les conditions de la présente, veuillez nous retourner une copie de la présente offre d'emploi dûment signé [sic] ainsi que les « Conditions générales d'emploi à l'étranger » pour le projet de la « Base aérienne de Tamanrasset » dûment initialisées.

Veuillez recevoir, Monsieur Morel, nos salutations distinguées.

_______________________                                       ________________________

Pierre Demers, ing.        date                                           Aurélien Litalien             date

Président                                                                       Directeur financier

J'ai lu,compris et accepte les modalités ci-dessus.

_______________________                                       ________________________

Vianney Morel               date                                           Louise Giroux                date

L'employé                                                                     Ressources humaines

[12]Les articles 2.9 et 12.3.3 des « Conditions générales d'emploi à l'étranger pour le personnel affecté au projet Tamanrasset en Algérie » se lisent comme suit :

2.9        LIEU D'AFFECTATION

         Emplacement normal d'affectation de l'employé, tel que défini dans la lettre d'emploi.

12.3.3 Cessation demandée par l'employé

         Si vous démissionnez ou demandez la fin anticipée de votre emploi pour des raisons pratiques, vous devrez donner un préavis travaillé minimal d'un (1) mois et renoncer à votre droit à tout salaire futur et à toutes les allocations faisant l'objet du présent document.

         Le paiement des allocations de démobilisation et de transport aérien sera laissé à la discrétion de la Société.

[13]L'appelant demande à cette Cour de reconnaître la différence entre une demande de rapatriement et une démission. Il soutient que la période d'attente qui a suivi sa demande de rapatriement jusqu'à son retour au Canada représente une période assurable puisqu'il était toujours disponible pour le payeur. C'est sur ce point que repose le litige.

[14]Le Ministre soutient que le contrat stipule un travail en Algérie, pas ailleurs. Il a fait valoir que, l'appelant ayant laissé le chantier à Tamanrasset, le payeur n'avait aucun travail pour lui. Le Ministre a également fait valoir que l'appelant ne peut prétendre occuper un emploi assurable après avoir quitté le seul lieu de travail prévu au contrat. La clause 2.9 du contrat qui prévoit le lieu d'affectation au travail, renvoie le lecteur à la lettre d'emploi qui définit le lieu d'affectation et le situe à Tamanrasset en Algérie. Selon le Ministre, la Cour doit conclure que l'emploi de l'appelant a pris fin lorsque celui-ci a quitté le chantier et demandé son rapatriement immédiat au Canada. Il ajoute que toute autre interprétation va à l'encontre des modalités d'emploi prévues dans la lettre d'emploi, soit le contrat signé par les parties, en particulier la clause 12.3.3 reproduite ci-haut.

[15]Par ailleurs, le comptable du payeur a déclaré que pendant la semaine du 1er au 6 mai 2004, à Alger, l'appelant n'a fait aucun travail pour le payeur. Ceci est confirmé par la feuille de temps produite à l'audition sous la cote I-1. Le président du payeur a corroboré cette affirmation à l'audition quand il a témoigné à l'effet que le seul chantier prévu au contrat était situé à Tamanrasset en Algérie.

[16]L'appelant a affirmé que pendant sa période d'attente à Alger, laquelle a précédé son retour au Canada, il demeurait en contact constant avec le bureau du payeur et qu'il a eu une entrevue avec un associé du payeur. Pour ces motifs, il considère qu'il était toujours à l'emploi du payeur et que cet emploi est assurable.

[17]À l'audition, l'appelant a fait valoir qu'il ne se considérait plus lié par un contrat avec le payeur en raison de la violation de ses termes par ce dernier et c'est ce qui a précipité sa demande de rapatriement le 30 avril 2004. En réponse à cette affirmation, le Ministre soutient que si l'appelant n'était plus lié par les termes du contrat, comment peut-il, dans ces circonstances, en invoquer l'application des termes pour ce qui touche le payeur? En d'autres mots, selon le Ministre, après que l'appelant eut résilié le contrat, comment peut-il justifier que le payeur y soit toujours lié? Autrement dit, comment peut-il être libéré d'un contrat, d'une part, et soutenir, d'autre part, que l'autre partie au contrat y soit toujours liée.

[18]La preuve de l'appelant, dans sa presque totalité, consiste à démontrer que le payeur n'a pas respecté les termes du contrat qui le liait à lui. Cette Cour reconnaît qu'il est possible que l'appelant ait établi les fondements d'un recours contre le payeur devant un autre tribunal qui aurait pour mandat d'en déterminer l'issue, mais non pas selon les dispositions de la Loi sur l'assurance-emploi. À ce propos, la preuve a révélé que l'appelant n'a fait aucune plainte devant la Commission des normes du travail du Québec ou auprès de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST). Il faut dire que plusieurs éléments de preuve produite par l'appelant, aussi pertinents qu'ils puissent paraître pour justifier un recours contre le payeur, doivent être considérés par cette Cour selon la rigueur de la Loi sur l'assurance-emploi. En d'autres mots, la tâche de cette Cour doit se limiter à déterminer si l'appelant, pendant la période en litige, c'est-à-dire du 1er au 6 mai 2004, occupait un emploi assurable parce qu'il exerçait un emploi aux termes d'un contrat de louage de services au sens de l'alinéa 5(1)a) de la Loi sur l'assurance-emploi.

[19]En raison de ce qui précède, je suis d'avis que l'appelant a peut-être quitté son emploi, en faisant sa demande de rapatriement, pour des raisons valables, mais cela n'aide aucunement la Cour dans sa démarche qui consiste à déterminer s'il occupait un emploi assurable.

[20]Ainsi, cette Cour doit conclure que l'appelant, en faisant sa demande de rapatriement, résiliait unilatéralement son contrat de travail puisque son départ de Tamanrasset signifiait que le payeur ne pouvait plus lui fournir de travail. Le payeur n'avait plus d'emploi à lui offrir. En conséquence, l'appelant, en quittant son lieu d'affectation, Tamanrasset, non seulement n'occupait plus un emploi assurable, il n'occupait aucun emploi; il y avait mis fin.

[21]Cette Cour doit donc accueillir l'appel selon les termes consentis par le Ministre, c'est-à-dire :

       a)          la période d'emploi assurable du 24 au 30 avril 2004;

       b)          les heures assurables : 53;

       c)          la rémunération assurable : 1 479,29 $.

[22]Pour ce qui concerne la période du 1er au 6 mai 2004, l'appel est rejeté puisque l'appelant n'occupait pas, pendant cette période, un emploi assurable au sens de la Loi sur l'assurance-emploi.

Signé à Grand-Barachois (Nouveau-Brunswick), ce 4e jour d'octobre 2005.

S.J. Savoie

Juge suppléant Savoie


RÉFÉRENCE :                                   2005CCI614

N º DU DOSSIER DE LA COUR :       2005-667(EI)

INTITULÉ DE LA CAUSE :               Vianney Morel et M.R.N.

LIEU DE L'AUDIENCE :                    Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                  le 28 juin 2005

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :        L'honorable S.J. Savoie, juge suppléant

DATE DU JUGEMENT :                    le 4 octobre 2005

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocat de l'intimé :

Me Mounes Ayadi

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

       Pour l'appelant :

                   Nom :                             

                   Étude :

       Pour l'intimé :                              John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Ontario

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