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Dossier : 2002-2869(IT)I

ENTRE :

LISE BOULAY,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]
_______________________________________________________________

Appel entendu le 23 janvier 2003 à Ottawa (Ontario)

Par : L'honorable juge Campbell J. Miller

Comparutions

Pour l'appelante :

L'appelante elle-même

Avocat de l'intimée :

Me George Boyd Aitken

_______________________________________________________________

JUGEMENT

L'appel interjeté à l'encontre de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 2000 est accueilli et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte du fait que l'appelante n'est pas obligée d'inclure la somme de 4 800 $ dans son revenu.

Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour de mars 2003.

« Campbell J. Miller »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 12e jour de février 2004.

Sylvie Sabourin, traductrice


Référence : 2003CCI96

Date : 20030305

Dossier : 2002-2869(IT)I

ENTRE :

LISE BOULAY,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Miller

[1]      Mme Lise Boulay a interjeté le présent appel portant sur son année d'imposition 2000 grâce à la procédure informelle. Le ministre du Revenu national a inclus dans le revenu de Mme Boulay pour cette année-là le paiement d'une pension alimentaire versée par John Carey s'élevant à 4 800 $. Mme Boulay soutient que la pension alimentaire a été incluse à tort dans son revenu.

[2]      L'ancien conjoint de fait de Mme Boulay, M. Carey, a également interjeté appel à l'encontre des cotisations, bien que son appel s'applique aux années d'imposition 1994 et 1995. Il demandait la déductibilité des pensions alimentaires versées par la procédure de saisie-arrêt. Il a obtenu gain de cause, mais la décision était plutôt axée sur la question de savoir si les alinéas 60b) ou 60c) devaient s'appliquer. Il ne semble pas qu'une argumentation détaillée portant sur l'application rétroactive d'une loi modificative ait été présentée par M. Carey. Cela a cependant été examiné en détail devant moi et m'a amené à la conclusion opposée à celle atteinte dans l'affaire Carey c. La Reine[1]. Bien qu'une telle anomalie ne soit jamais la bienvenue, elle n'est pas surprenante dans l'application de la législation fiscale dans un domaine décrit par un juge comme « une loi qui contient des failles, en ne présentant pas clairement l'intention du législateur[2] » . En outre, différents juges entendent des arguments différents : il peut en découler des incohérences.

[3]      Les faits sont simples. De 1984 à 1987, Mme Boulay et M. Carey ont vécu en union de fait. Un enfant, Alexander Thomas Carey, est né de la relation, le 16 août 1985. Depuis janvier 1988, Mme Boulay et M. Carey sont séparés. Le 14 mars 1989, ils ont signé un accord de séparation dans lequel M. Carey convenait de verser 400 $ par mois à partir du 1er janvier 1988 au profit d'Alexander. Mme Boulay a reçu 4 800 $ en 2000 au profit d'Alexander.

[4]      Mme Boulay a déclaré le paiement de pension alimentaire à titre de revenu pendant plusieurs années, jusqu'à ce qu'elle lise des documents de Revenu Canada, qui se trouve être son employeur, laissant entendre que ces montants n'étaient pas imposables. Elle a demandé, et obtenu, une nouvelle cotisation pour ses années d'imposition 1989 à 1995 excluant lesdits versements de son revenu bien qu'au départ Revenu Canada ait suggéré que les versements devraient être inclus dans le revenu. De 1996 à 2000, Mme Boulay n'a pas déclaré le versement des paiements de pension alimentaire dans le calcul de son revenu.

[5]      Mme Boulay se fonde sur les décisions Bromley[3]c. La Reine et Skory c. La Reine[4] pour étayer sa position aux termes de laquelle étant donné qu'il s'agissait d'une union de fait qui s'est dissoute en 1989, elle et M. Carey ne devraient pas être considérés comme des conjoints et que, par conséquent, elle ne tombe pas sous le coup des règles prévoyant l'inclusion des paiements alimentaires dans le revenu.

[6]      L'intimée, tout en reconnaissant qu'il semble que la jurisprudence de la Cour canadienne de l'impôt soit divisée à cet égard, soutient que la jurisprudence correcte devant être suivie est celle formée par les décisions Hunter v. The Queen[5], Scott c. La Reine[6] et Girard c. La Reine[7]et, bien sûr le jugement Carey qui représente le revers de la situation particulière de Mme Boulay.

[7]      Une fois encore, j'ai la tâche difficile de devoir interpréter les dispositions portant sur les paiements de pension alimentaire prévues par la Loi de l'impôt sur le revenu. Les règles sont, à vrai dire, alambiquées. Il ne suffit pas d'analyser les dispositions telles qu'elles sont prévues pour une année donnée, en l'occurrence 2000, mais il faut également examiner les modifications apportées à ces dispositions au fil des ans pour s'assurer d'obtenir le résultat correct. Cela nécessite non seulement un examen des dispositions particulières modifiées mais également un examen du libellé modifiant la disposition. Alors même que j'essaie d'expliquer cela, je réalise à quel point il est difficile pour le législateur de mettre les modifications en oeuvre. Pour mettre en oeuvre les modifications pour 1997, le gouvernement s'est fondé sur le fait que le traitement fiscal existant d'un couple pris dans l'engrenage des paiements de pension alimentaire ne changerait pas à moins que le couple lui-même ne fasse quelque chose qui l'amène dans les limites du nouveau régime. Les modifications de 1993, selon l'interprétation, peuvent, ou non, changer de façon unilatérale le statu quo d'un couple. C'est inquiétant. Selon une interprétation rétrospective du paragraphe 252(4) introduit en 1993, les pensions alimentaires passeraient d'un statut de non déductibles à un statut de déductibles sans accord des parties. Une telle interprétation fonctionne au détriment de Mme Boulay. Je vais expliquer pourquoi, en l'espèce, je préfère me fonder sur une autre interprétation.

[8]      Malgré le fait que l'année d'imposition en litige soit 2000, l'analyse exige un examen de trois périodes de la situation fiscale de Mme Boulay : avant 1992, de 1992 au 25 avril 1997 et après 1997. Pourquoi? Parce que les lois dans ce domaine ont subi de considérables modifications en 1992, puis en 1997. Ce qui est plus important, pour déterminer le traitement de la situation de Mme Boulay pendant la dernière période, il faut comprendre son traitement au cours des deux périodes précédentes. Je vais en donner la raison en commençant par ce que je vais appeler le « nouveau régime de paiements de pension alimentaire, postérieur au 25 avril 1997. Pour l'année 2000, l'alinéa 56(1)b), la disposition sur laquelle l'intimée se fonde pour imposer ces paiements versés à Mme Boulay prévoit ce qui suit :

56(1)    Sans préjudice de la portée générale de l'article 3, sont à inclure dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une année d'imposition,

...

b)          le total des montants représentant chacun le résultat du calcul suivant :

                                A - (B + C)

A           représente le total des montants représentant chacun une pension alimentaire que le contribuable a reçue après 1996 et avant la fin de l'année d'une personne donnée dont il vivait séparé au moment de la réception de la pension,

B          le total des montants représentant chacun une pension alimentaire pour enfants que la personne donnée était tenue de verser au contribuable aux termes d'un accord ou d'une ordonnance à la date d'exécution ou postérieurement et avant la fin de l'année relativement à une période ayant commencé à cette date ou postérieurement,

C          le total des montants représentant chacun une pension alimentaire que le contribuable a reçue de la personne donnée après 1996 et qu'il a incluse dans son revenu pour une année d'imposition antérieure;

[9]      Maintenant, passons à l'exploration du chemin législatif sinueux puisque cette disposition exige un examen de la définition des notions de « pension alimentaire » et de « pension alimentaire pour enfant » ainsi, malheureusement, de celle de « date d'exécution » qui sont reproduites ci-dessous :   

56.1(4) Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article et à l'article 56.

« pension alimentaire » Montant payable ou à recevoir à titre d'allocation périodique pour subvenir aux besoins du bénéficiaire, d'enfants de celui-ci ou à la fois du bénéficiaire et de ces enfants, si le bénéficiaire peut utiliser le montant à sa discrétion et, selon le cas :

a)          le bénéficiaire est l'époux ou le conjoint de fait ou l'ex-époux ou l'ancien conjoint de fait du payeur et vit séparé de celui-ci pour cause d'échec de leur mariage ou union de fait et le montant est à recevoir aux termes de l'ordonnance d'un tribunal compétent ou d'un accord écrit;

b)          le payeur est le père naturel ou la mère naturelle d'un enfant du bénéficiaire et le montant est à recevoir aux termes de l'ordonnance d'un tribunal compétent rendue en conformité avec les lois d'une province.

                   [...]

« pension alimentaire pour enfants » Pension alimentaire qui, d'après l'accord ou l'ordonnance aux termes duquel elle est à recevoir, n'est pas destinée uniquement à subvenir aux besoins d'un bénéficiaire qui est soit l'époux ou le conjoint de fait ou l'ex-époux ou l'ancien conjoint de fait du payeur, soit le père ou la mère d'un enfant dont le payeur est le père naturel ou la mère naturelle.

[...]

« date d'exécution » Quant à un accord ou une ordonnance :

a)          si l'accord ou l'ordonnance est établi après avril 1997, la date de son établissement;

b)          si l'accord ou l'ordonnance est établi avant mai 1997, le premier en date des jours suivants, postérieur à avril 1997 :

(i)          le jour précisé par le payeur et le bénéficiaire aux termes de l'accord ou de l'ordonnance dans un choix conjoint présenté au ministre sur le formulaire et selon les modalités prescrits,

(ii)         si l'accord ou l'ordonnance fait l'objet d'une modification après avril 1997 touchant le montant de la pension alimentaire pour enfants qui est payable au bénéficiaire, le jour où le montant modifié est à verser pour la première fois,

(iii)         si un accord ou une ordonnance subséquent est établi après avril 1997 et a pour effet de changer le total des montants de pension alimentaire pour enfants qui sont payables au bénéficiaire par le payeur, la date d'exécution du premier semblable accord ou de la première semblable ordonnance,

(iv)        le jour précisé dans l'accord ou l'ordonnance, ou dans toute modification s'y rapportant, pour l'application de la présente loi.

[10]     La définition de « pension alimentaire » a été introduite par L.C. 1997, chap. 25, paragraphe 9(6) et modifiée par L.C. 1998, chap. 19, paragraphe 307(1), libellé ainsi :

Le paragraphe (6) s'applique à compter de 1997. Toutefois :

a)       les montants suivants ne sont pas des pensions alimentaires, au sens du paragraphe 56.1(4) de la même loi, édicté par le paragraphe (6) :

(i)          le montant reçu aux termes d'un arrêt, d'une ordonnance ou d'un jugement d'un tribunal compétent, ou d'un accord écrit, sans date d'exécution au sens du paragraphe 56.1(4),

(ii)         le montant qui, s'il était payé et reçu, ne serait pas inclus, si ce n'était la présente loi, dans le calcul du revenu du bénéficiaire;

Comme je l'ai indiqué dans le jugement Skory[8], malgré la quadruple négation employée dans cette disposition modificative, il est possible de la déchiffrer et d'ailleurs, elle est tout à fait raisonnable. Elle signifie que, si la bénéficiaire n'était pas obligée d'inclure les paiements dans le revenu avant la promulgation des modifications introduisant le nouveau régime, elle n'est pas obligée d'inclure les paiements dans son revenu après l'introduction du nouveau régime. Elle et M. Carey pouvaient convenir de se soumettre au nouveau régime en établissant une date d'exécution mais ils ne l'ont pas fait puisque aucune entente subséquente n'a eu lieu entre eux.

[11]     Il s'avère donc nécessaire de déterminer si les reçus de Mme Boulay devaient être inclus dans son revenu avant 1997. Si c'est le cas, elle tombe alors sous le coup des nouvelles définitions et les reçus devraient être inclus dans son revenu postérieur à 1997. Si ce n'est pas le cas, alors les nouvelles définitions ne s'appliquent pas et elle n'est pas obligée d'inclure les reçus dans son revenu.

[12]     Pendant la période intermédiaire des trois, comment traiter Mme Boulay? En fait, malgré quelques hésitations du Ministère, elle n'était pas obligée d'inclure ces paiements dans son revenu. La question est cependant celle de savoir si « elle aurait dû être obligée de le faire » .

[13]     Le paragraphe 252(4) a été introduit en vue de « s'applique[r] après 1992 » . Il est libellé, en partie, de la façon suivante :

Dans la présente loi :

a)          les mots se rapportant au conjoint d'un contribuable à un moment donné visent également la personne de sexe opposé qui, à ce moment, vit avec le contribuable en union conjugale et a vécu ainsi durant une période de douze mois se terminant avant ce moment ou qui, à ce moment, vit avec le contribuable en union conjugale et est le père ou la mère d'un enfant du contribuable; pour l'application du présent alinéa, les personnes qui, à un moment quelconque, vivent ensemble en union conjugale sont réputées vivre ainsi à un moment donné après ce moment, sauf si elles ne vivaient pas ensemble au moment donné, pour cause d'échec de leur union, pendant une période d'au moins 90 jours qui comprend le moment donné;

b)          a mention du mariage vaut mention d'une union conjugale entre deux particuliers dont l'un est le conjoint de l'autre par l'effet de l'alinéa a);

[14]     J'accepte ces affaires le plus récemment examinées dans la décision rendue par le juge en chef adjoint Bowman dans l'affaire Hunter[9] qui conclut que, dans certaines situations, cette disposition ne s'applique pas rétroactivement. Comme je l'ai indiqué dans le jugement Girard, il existe deux interprétations possibles de l'application du paragraphe 252(4) :

(a) soit que, pour les années d'imposition postérieures à 1992, j'interprète le terme « conjoint » conformément au paragraphe 252(4);

                   

(b) soit que j'interprète le terme « conjoint » conformément au paragraphe 252(4) uniquement pour les unions conjugales existant après 1992.

[15]     Il existe cependant une troisième interprétation exigée par l'espèce : pour les paiements effectués conformément à des accords (ou ordonnances) antérieurs à la loi édictant le paragraphe 252(4), la définition étendue de conjoint prévue par le paragraphe 252(4) ne s'applique pas. Inversement, le paragraphe 252(4) ne s'applique rétrospectivement aux relations antérieures à 1993 qu'en ce qui concerne les paiements effectués conformément à des accords ou à des ordonnances signés après 1992, c'est-à-dire après l'entrée en vigueur de la nouvelle loi.

[16]     Le juge en chef adjoint Bowman a résumé la difficulté en interprétant ces dispositions de la façon suivante :

[20]     J'ai énoncé les interprétations opposées auxquelles sont arrivés, après une analyse soigneuse, des juges expérimentés et respectés de notre cour. Nul ne pourrait être critiqué pour avoir adopté une interprétation plutôt que l'autre. Je pense toutefois que l'interprétation préférable est la suivante : en vertu du paragraphe 252(4), appliqué à un paiement effectué en 1995 conformément à un accord conclu en 1994 relativement à une union de fait qui a commencé et s'est terminée avant 1993, cette union est réputée être un mariage, et les parties à cette union sont réputées avoir été des conjoints et sont donc réputées avoir été en 1995 d'anciens conjoints aux fins de l'alinéa 60b).

[21]     Le fait de dire qu'une nouvelle disposition « s'applique après 1992 » ne revient pas à dire que l'effet de son application ne peut s'étendre à une période antérieure à 1993. En vertu du paragraphe 252(4), des rapports d'un certain genre sont réputés constituer un mariage. Le paragraphe 252(4) attribue prospectivement à un événement antérieur à son entrée en vigueur (l'union de fait qui a existé jusqu'en février 1992) un effet juridique sur des événements postérieurs à son entrée en vigueur (les paiements de pension alimentaire effectués en 1995, 1996 et 1997 en vertu de l'accord de 1994). Cette description est conforme à l'analyse faite par Elmer A. Driedger, c.r., le célèbre expert en interprétation législative.

...

[25]     Avant d'aller plus loin dans cette analyse, deux points doivent être clairs. L'accord entre l'appelant et Charlotte Olson a été conclu en 1994, et les paiements ont été effectués après la date de l'accord, après l'adoption du paragraphe 252(4) et après la date à laquelle il était dit que ce paragraphe s'appliquait. ...[Note en bas de page 3 : En mentionnant la date de l'accord, je ne sous-entends pas que, si l'accord avait été conclu en 1992, les paiements effectués en vertu de l'accord en 1994 n'auraient pas nécessairement été déductibles. La date pertinente est la date des paiements.]

[17]     Le juge en chef adjoint Bowman a reconnu la situation que je dois trancher alors qu'elle ne lui était pas soumise : une séparation antérieure à 1993 et une entente antérieure à 1993.

[18]     La question devient complexe lorsqu'il s'agit de déterminer si Mme Boulay aurait dû inclure les paiements dans son revenu au cours de la période intermédiaire (1992 à 1997) en raison de la façon dont l'alinéa 56(1)b) a été modifié en 1993, puisque ce qui était devenu le nouvel alinéa 56(1)b)ne s'applique qu'aux ruptures de mariage ayant lieu après 1992. Souvenons-nous que la relation de Mme Boulay et de M. Carey a pris fin avant 1993. La loi modificative introduisant les changements de l'alinéa 56(1)b) l'avait clairement indiqué. Le paragraphe 17(1) de L.C. 1993, ch. 24 abroge les anciens alinéas 56(1)b) et c). Le paragraphe 17(7) de cette loi prévoit ce qui suit :

(7)         Le paragraphe (1) s'applique aux montants reçus en vertu d'une ordonnance ou d'un jugement rendus par un tribunal compétent ou en vertu d'un accord écrit, en cas d'échec du mariage survenant après 1992.

[19]     En fait, l'ancien alinéa 56(1)b) n'est abrogé qu'au regard de certaines situations : la rupture du mariage après 1992. Il n'est pas abrogé en cas de rupture du mariage antérieure à 1993. Par conséquent, dans le cas de Mme Boulay, l'ancien alinéa 56(1)b) régit la période postérieure à 1992.

[20]     Manifestement, avant 1993, la première période, avant l'introduction du paragraphe 252(4), Mme Boulay se trouvant dans un arrangement d'union libre ne tombait pas sous le coup de l'alinéa 56(1)b). L'édiction du paragraphe 252(4) a-t-elle changé cela? Si c'est le cas, Mme Boulay se trouve dans la malencontreuse situation de se voir imposer conformément à une disposition qui ne fait plus partie du corps principal de la Loi de l'impôt sur le revenu publiée mais n'apparaît que dans la section historique de la version CCH. Il semble vraiment que ce serait trop demander à une contribuable de devoir fouiller tellement profondément dans les documents de travail pour les modifications législatives pour se rendre compte que sa position a peut-être été complètement changée par rapport à la façon dont elle était imposée précédemment, contrairement à son accord. Mais cela constituerait les conséquences d'une interprétation totalement rétrospective du paragraphe 252(4) sur la situation de Mme Boulay.

[21]     Je ne suis pas du tout convaincu que c'est ce que le législateur prévoyait lorsqu'il a rédigé les modifications de 1993. Je ne suis pas convaincu, tout d'abord, en raison de la façon dont la loi modificative de 1997 a été adoptée. Cela confirme que le statu quo ne changerait pas à moins que les parties n'en conviennent. Pourquoi cette approche législative n'aurait-elle pas été la même en 1993? Ensuite, la seule relation à laquelle ce résultat législatif nuit unilatéralement est la rupture de l'union de fait antérieure à 1993 avec des paiements effectués conformément à une ordonnance ou à un accord signés avant 1993. En ce qui concerne la rupture de l'union de fait antérieure à 1993 avec un accord signé après 1992, les parties connaîtraient bien la nouvelle définition du terme « conjoint » et seraient régis par de telles dispositions. C'était le cas dans les affaires Girard et Hunter : les parties avaient signé un accord après 1992 alors que les nouvelles lois étaient en vigueur. La rétroactivité du paragraphe 252(4) ne crée pas de situation difficile. Les parties pourraient organiser leurs affaires en conséquence. C'est dans le seul cas de parties naïves à une ordonnance ou à un accord antérieur à 1993 à la suite de la rupture de leur union de fait que cette approche législative détruit totalement la position du bénéficiaire.

[22]     Il m'apparaît clairement que je dois faire un choix. Je peux me fonder sur une application totalement rétrospective du paragraphe 252(4), ou je pourrais conclure qu'en l'espèce, la troisième interprétation proposée plus tôt constitue l'approche appropriée. Comme l'a déclaré le juge en chef adjoint Bowman dans le jugement Hunter, personne ne pourrait être accusé d'avoir commis une faute pour avoir adopté une interprétation différente. Il ajoute :

[28]     Le paragraphe 252(4) change les conséquences d'une union de fait existant avant son adoption, mais seulement dans la mesure où cette union représentait un élément nécessaire pour demander à déduire un paiement effectué en vertu d'un accord conclu après l'adoption de ce paragraphe.

[23]     Dans le cas de Mme Boulay, son accord a été signé avant l'édiction. Adopter une interprétation qui inverse son traitement fiscal en revient à une application rétroactive, et non simplement rétrospective puisque cela modifie rétroactivement l'accord de Mme Boulay. Je ne pense pas que c'était ce que le Parlement prévoyait lorsqu'il a introduit les modifications de 1993.

[24]     L'alinéa 56(1)b) initial (antérieur à 1993), applicable à la présente situation, renvoie à une séparation « en vertu d'un accord écrit de séparation du conjoint ou de l'ex-conjoint » . L'accord de séparation écrit en litige a été signé avant la promulgation du paragraphe 252(4). L'accord n'envisage pas de conjoint. Le droit, à l'époque,ne considérait pas Mme Boulay comme une conjointe. En fait, il n'existe aucun accord écrit régi par l'alinéa 56(1)b). L'édiction de la loi modificative en 1993 ne devrait pas être considérée comme imposant une interprétation à un accord qui n'était pas régi par l'alinéa 56(1)b), interprétation par laquelle ledit accord serait maintenant régi par ce même alinéa. Cela constituerait de la rétroactivité. Pour les accords, comme ceux des affaires Girard et Hunter, lesquels ont été signés après la promulgation du paragraphe 252(4), l'article peut être rétroactif et la relation des parties considérée comme un mariage. Cette interprétation rétrospective ne cause aucun tort. Sans m'éloigner du résultat atteint dans les jugements Girard ou Hunter, je conclus que le paragraphe 252(4) s'applique rétrospectivement pour déterminer la déduction ou l'inclusion du versement de paiements de pension alimentaire effectué conformément à des accords ou ordonnances postérieurs à 1992 liés à une rupture de mariage antérieure à 1993. Il ne s'applique pas pour mettre sous le coup de l'alinéa 56(1)b) des accords signés avant 1993 qui n'étaient pas régis par cet alinéa.

[25]     L'appel est accueilli et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte du fait que l'appelante n'est pas obligée d'inclure la somme de 4 800 $ dans son revenu pour l'année d'imposition 2000.

Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour de mars 2003.

« Campbell J. Miller »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 12e jour de février 2004.

Sylvie Sabourin, traductrice



[1]           [1999] A.C.I. no 191 (C.C.I).

[2]           Bromley c. La Reine, [2000] A.C.I. no 876 (C.C.I.).

[3]           Précitée.

[4]           [2002] A.C.I. no 568 (C.C.I.).

[5]           2001 (DTC 907 (T.C.C.)).

[6]           [2001] A.C.I. no 437 (C.C.I.).

[7]           [2001] A.C.I. no 499 (C.C.I.).

[8]           précité.

[9]           Précitée.

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