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Dossier : 2002-3265(EI)

ENTRE :

ALEXANDRE DEMERS,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

____________________________________________________________________

Appel entendu le 24 novembre 2003 à Québec (Québec)

Devant : L'honorable S.J. Savoie, juge suppléant

Comparutions :

Avocat de l'appelant :

Me Jérôme Carrier

Avocate de l'intimé :

Me Stéphanie Côté

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JUGEMENT

          L'appel est rejeté et la décision rendue par le Ministre est confirmée selon les motifs du jugement ci-joint.

Signé à Grand-Barachois (Nouveau-Brunswick), ce 13e jour d'avril 2004.

« S.J. Savoie »

Juge suppléant Savoie


Référence : 2004CCI242

Date : 20040413

Dossier : 2002-3265(EI)

ENTRE :

ALEXANDRE DEMERS,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge suppléant Savoie

[1]      Cet appel a été entendu à Québec (Québec), le 24 novembre 2003.

[2]      Il s'agit de déterminer si l'emploi exercé par l'appelant auprès du payeur, 9073-8931 Québec Inc., était un emploi assurable au sens de la Loi sur l'assurance-emploi (la « Loi » ) durant la période en litige, soit du 23 avril au 9 novembre 2001.

[3]      Le 19 juin 2002, le ministre du Revenu national (le « Ministre » ), a informé l'appelant de sa décision selon laquelle cet emploi n'était pas assurable parce qu'un contrat de travail semblable n'aurait pas été conclu s'il n'y avait pas eu de lien de dépendance entre lui et le payeur.

[4]      En rendant sa décision, le Ministre s'est fondé sur les hypothèses de fait suivantes :

a)          le payeur a été constitué en société le 11 février 1999; (admis)

b)          le payeur faisait affaires sous la raison sociale Peinture C. Demers; (admis)

c)          le payeur exploitait une entreprise de peinture en bâtiment résidentiel; (admis)

d)          l'actionnaire unique du payeur était Claude Demers; (admis)

e)          l'appelant est fils de Claude Demers; (admis)

f)           l'appelant était âgé de 17 ans durant la période en litige; (admis)

g)          l'appelant était journalier et ne peinturait pas; (nié)

h)          l'appelant n'avait pas de carte de compétence de la Commission de la Construction du Québec; (admis)

i)           les tâches de l'appelant consistaient à aider les autres peintres à préparer les pièces, à les sabler, à les nettoyer et à faire les commissions; (nié)

j)           l'appelant était inscrit la plupart du temps pour des semaines de 40 heures au journal des salaires du payeur; (admis)

k)          le 6 juin 2002, dans une déclaration à un représentant de l'intimé, l'appelant déclarait qu'il travaillait toujours avec d'autres peintres; (admis)

l)           le 6 juin 2002, dans une déclaration à un représentant de l'intimé, l'appelant déclarait qu'il avait travaillé une semaine de 50 heures et que ses heures avaient été mises en banque pour une semaine incomplète; (nié)

m)         à certaines semaines de la période en litige, l'appelant apparaissait comme le seul employé du payeur au journal des salaires; (nié)

n)          le 15 novembre 2001, le payeur remettait un relevé d'emploi à l'appelant, pour la période commençant le 23 avril 2001 et se terminant le 9 novembre 2001 et qui indiquait 1 044 heures assurables et une rémunération assurable totale de 8 854,00 $; (admis)

o)          le relevé d'emploi de l'appelant n'est pas conforme à la réalité quant à la période travaillée par l'appelant; (nié)

p)          le journal des salaires du payeur ne reflète pas la réalité quant aux heures réellement travaillées par l'appelant; (nié)

q)          les semaines prétendument travaillées par l'appelant ne correspondent pas avec les semaines réellement travaillées. (nié)

[5]      L'appelant a admis toutes les présomptions du Ministre, sauf celles énumérées aux alinéas g), i), l), o), p) et q).

[6]      L'enquêteur du Développement des ressources humaines Canada (DRHC), Michel Mathieu a rencontré le travailleur et le payeur. Il trouvait curieux que le travailleur était toujours payé pour 40 heures par semaine, sur une longue période. Le travailleur a admis que parfois il travaillait plus d'heures et que celles-ci étaient mises en banque pour arrondir d'autres semaines moins pleines, mais cette déclaration a été niée par le payeur.

[7]      Par ailleurs, le travailleur a affirmé qu'il travaillait toujours avec son père et ses frères. Il a révélé cependant que ses frères ont commencé à travailler en 2001 après lui et ont terminé avant lui, ce qui a porté les enquêteurs à mettre en doute l'exactitude de son relevé d'emploi.

[8]      Le travailleur a confirmé qu'il y a eu bel et bien cumul d'heures. Quant au payeur, tout en reconnaissant qu'il y a eu un certain nombre d'heures portées sur d'autres semaines, il a qualifié cette procédure de compensation.

[9]      Mais le Ministre dit « Non, ça s'appelle une banque d'heures » .

[10]     Le livre de paie du payeur, produit sous la cote A-1 établit le total d'heures des employés Demers pour la période en litige de la façon suivante :

Alexandre Demers :

1 044 heures

Pascal Demers :

724 heures

Sébastien Demers :

728 heures

[11]     Ce document vient également discréditer la preuve de l'appelant quand il prétend travailler toujours avec ses frères. Il est vrai que l'appelant a aussi indiqué qu'il travaillait en compagnie de son père. Cependant, les heures de travail de son père, Claude Demers, ne sont aucunement comptabilisées et n'apparaissent sur aucun registre.

[12]     Le dossier de l'appelant a été soumis à la Division de l'admissibilité le 17 décembre 2001 par le bureau de DRHC de Charny. Les motifs soulevés étaient la date de fin d'emploi qui semblait être antérieure à celle inscrite sur le relevé d'emploi selon la déclaration statutaire de l'appelant. L'appelant disait toujours travailler avec ses frères et ceux-ci ont terminé leur emploi bien avant lui.

[13]     L'appelant était journalier et ne peinturait pas. Il transportait le matériel et faisait les commissions. Il allait souvent chez Bétonel chercher la peinture. Ses tâches consistaient à préparer les locaux pour recevoir la peinture, c'est-à-dire, passer le balai, mastiquer les moulures, cacher les châssis et calorifères pour la première couche de peinture qui devait se faire au fusil et ensuite sabler les murs. Il nettoyait les pinceaux et les rouleaux, faisait le ménage et emballait les rouleaux. Il a été établi que tous les employés, même les peintres, faisaient de tout, tel passer le balai, mastiquer, cacher les ouvertures, etc. C'est le travailleur qui transportait la peinture d'une maison à l'autre, une fois le travail terminé.

[14]     Dans son témoignage, cependant, l'appelant a affirmé que peinturer faisait aussi partie de ses tâches, mais ceci va à l'encontre du reste de la preuve, dont sa propre déclaration aux enquêteurs ainsi que celle du payeur.

[15]     Il faut noter, par ailleurs, que l'appelant et le payeur ne s'entendent pas non plus sur le temps passé par l'appelant à faire des commissions. Pour sa part le payeur a estimé à trois heures par jour le temps passé par l'appelant à faire des commissions, tandis que l'appelant a précisé qu'il faisait des commissions chez Bétonel quelques fois par semaine seulement.

[16]     Quant à la présomption du Ministre, énoncée à l'alinéa l), celle-ci a été prouvée à l'audition.

[17]     Le rapport CPT 110 de l'agent des appels Louise Savard a été produit en preuve. Voici quelques faits pertinents tirés de ce rapport qui résume les déclarations statutaires et les informations fournies à l'agent par l'appelant et le payeur :

          Le travailleur a déclaré que lui et ses frères voyageaient et travaillaient toujours ensemble avec Michel Vallerand et Claude Demers, son père. Il a précisé qu'il lui arrivait à l'occasion de se séparer des autres mais il demeurait au travail avec son père.

          Le payeur a rapporté qu'il a mis les employés à pied par manque de travail et qu'il a congédié les autres avant son fils Alexandre. À l'agent des appels, il a répondu à la question, à savoir s'il aurait engagé une autre personne aux mêmes conditions que son fils, de la façon suivante : « C'est mon fils et je voulais qu'il travaille, c'est sûr que je l'ai privilégié car c'est mon fils, avant de prendre un étranger, je prenais lui. Un apprenti aurait fait la même chose et aurait coûté 13 $ car il possédait une carte. Je voulais qu'il se lève le matin. »

[18]     Selon les alinéas 251(1)a) et 251(2)b) de la Loi de l'impôt sur le revenu, l'appelant et l'employeur sont liés et leurs rapports comportent un lien de dépendance. L'alinéa 5(2)i) de la Loi exclut de l'assurabilité tout emploi « dans le cadre duquel l'employeur et l'employé ont entre eux un lien de dépendance » , mais l'alinéa 5(3)b) de cette même Loi précise :

(3)         Pour l'application de l'alinéa (2)i) :

[...]

b)          l'employeur et l'employé, lorsqu'ils sont des personnes liées au sens de cette loi, sont réputés ne pas avoir de lien de dépendance si le ministre du Revenu national est convaincu qu'il est raisonnable de conclure, compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rétribution versée, les modalités d'emploi ainsi que la durée, la nature et l'importance du travail accompli, qu'ils auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s'ils n'avaient pas eu de lien de dépendance.

[19]     Tel que le précise l'alinéa précité, il convient donc d'examiner toutes les circonstances entourant cet emploi afin de déterminer s'il était raisonnable pour le Ministre de conclure, comme il l'a fait, que l'appelant et le payeur n'auraient pas conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s'ils n'avaient pas eu de lien de dépendance.

[20]     Il s'agit donc maintenant d'examiner cet emploi à la lumière des circonstances prévues à l'alinéa 5(3)b) de la Loi cité ci-haut.

[21]     Pour ce qui concerne la rétribution du travailleur, il a reçu un salaire de 8,50 $ l'heure pour 32 ou 40 heures par semaine pendant 27 semaines. Il a reçu ce salaire régulièrement et les chèques ont été encaissés régulièrement.

[22]     Concernant les modalités d'emploi, il faut noter que l'appelant a travaillé comme journalier pour aider les autres peintres à préparer les pièces pour les peindre, les sabler et les nettoyer. Il faisait également des commissions pour le payeur, soit aller chercher de la peinture. Il faut noter une contradiction entre la version de l'appelant et celle du payeur concernant le temps passé par l'appelant à faire des commissions. L'appelant a prétendu qu'il allait faire des commissions une à deux fois par semaine, alors que selon le payeur, l'appelant allait deux fois par jour faire des commissions chez Bétonel et que ça pouvait lui prendre en moyenne trois heures par jour.

[23]     Une autre contradiction se situe au niveau du cumul d'heures alors que l'appelant a déclaré dans sa déclaration statutaire et lors de son entrevue, ainsi qu'à l'audition, qu'il lui est arrivé de faire des heures supplémentaires et que celles-ci étaient gardées pour une semaine incomplète. Ceci a été carrément nié par le payeur.

[24]     Pour ce qui concerne la durée de l'emploi, il a été établi que l'appelant a commencé à travailler en avril alors qu'il n'y avait qu'un seul autre peintre. Le Ministre s'est questionné à savoir s'il était raisonnable, dans ces circonstances, d'avoir à plein temps un journalier pour assister un seul autre peintre dans ses tâches. Là-dessus, le payeur a répondu qu'en ayant moins d'employés, c'était plus long de préparer le travail. Il faut se rappeler toutefois que l'appelant est un journalier et non un peintre et que le contrat du payeur était de peindre des maisons.

[25]     Par ailleurs, l'appelant aurait travaillé jusqu'au 9 novembre, selon le relevé d'emploi. Cependant, il a indiqué aux enquêteurs qu'il travaillait toujours en même temps que ses deux frères et qu'ils voyageaient ensemble. Il a aussi indiqué qu'il ne comprenait pourquoi ses deux frères avaient cessé de travailler avant lui, selon les listes de paie car logiquement c'était plutôt le contraire qui aurait dû se produire car lui ne peiturait pas. Quant au payeur, il a indiqué qu'il voulait que son fils Alexandre travaille et c'est la raison pour laquelle il l'a gardé jusqu'à la fin.

[26]     Il a été découvert, quant à la nature et l'importance du travail accompli, que l'appelant, en tant que journalier, accomplissait une tâche que tous les autres peintres font dans le cours normal de leur travail. Il a été établi qu'il n'est donc pas obligatoire d'avoir un journalier pour aider les peintres. Par ailleurs, il a été établi qu'une personne qui occupe la fonction de journalier pour accompagner et aider les peintres dans une maison en construction doit détenir obligatoirement une carte d'occupation de la Commission de la construction du Québec (CCQ). Le travailleur ne détenait aucune carte d'occupation. Là-dessus, le payeur a indiqué que le travailleur faisait beaucoup plus de commissions qu'il était journalier sur les chantiers de peinture. Il a été indiqué que la Commission de la construction du Québec n'exige pas une telle carte pour l'employé affecté aux seules commissions. Le payeur a rapporté que l'appelant passait trois heures par jour à faire des commissions tandis que l'appelant lui, a dit qu'il faisait des commissions une ou deux fois pas semaine. En outre, le Ministre s'est demandé si une équipe de trois ou quatre peintres pouvaient avoir besoin de deux journaliers puisque selon le livre des salaires pour l'année 2001, en plus de l'appelant, le payeur employait un autre journalier nommé Guy Charest. À propos de Guy Charest, le payeur a indiqué que celui-ci ne faisait que travailler dans les rénovations des maisons habitées. Par contre, l'appelant a précisé qu'il avait remplacé le journalier Charest en 2001 et qu'à sa connaissance il n'était pas un employé du payeur en 2001.

[27]     Ayant complété la tâche législative prescrite sous le paragraphe 5(3) de la Loi, le Ministre a conclu qu'il n'était pas raisonnable de croire qu'une personne n'ayant pas de lien de dépendance aurait eu de telles conditions d'emploi, en ce sens que l'appelant aurait été embauché pour du travail de journalier sans carte d'occupation de la CCQ. De plus, le Ministre s'est dit incapable de souscrire aux versions divergentes données sur la tâche de « commissaire » confiée au travailleur.

[28]     En outre, le Ministre a mis en doute la période d'emploi de l'appelant qui a maintenu la même version, soit qu'il travaillait toujours en même temps et avec ses frères alors que ceux-ci ont débuté leur emploi après lui et fini avant lui. Ainsi, il a donc jugé flagrantes les contradictions entre les déclarations de l'appelant et celles du payeur.

[29]     Sans faire une énumération complète de toutes les contradictions découvertes et retenues par le Ministre dans son enquête, en voici quelques unes :

1.        L'appelant et le payeur ont tous deux donné des versions différentes quant aux heures de travail mises en banque par l'employeur lorsque l'appelant travaillait au-delà de 40 heures par semaine.

2.        L'appelant a prétendu dans son témoignage qu'il peinturait. Cette déclaration va à l'encontre de tout le reste de la preuve, incluant sa propre déclaration ainsi que celle du payeur.

3.        L'appelant et le payeur, son père, présentent une version contradictoire des heures passées à faire des commissions par l'appelant.

4.        L'appelant soutient avoir travaillé des heures supplémentaires mais ceci est nié par le payeur. L'appelant a maintenu qu'il travaillait et voyageait toujours avec ses frères, mais ceci va à l'encontre du reste de la preuve, dont les documents du payeur produits en preuve, tels que le livre de paie, par exemple. Lorsque l'appelant a été confronté à cette contradiction, il a affirmé : « Je ne sais pas, c'est logiquement plutôt le contraire, je travaillais avec mon père mais mes frères étaient toujours là. »

[30]     L'appelant demande à cette Cour d'infirmer la décision du Ministre.

[31]     Or, il est bien établi en droit que le fardeau de la preuve repose sur l'appelant, selon la prépondérance de la preuve.

[32]     La Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Légaré c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), [1999] A.C.F. no 878, sous la plume du juge Marceau a défini le rôle de cette Cour dans le cadre d'un appel sous l'égide des articles 70 et suivants de la Loi, en ces termes :

Les principes applicables pour la solution de ces problèmes ont été abondamment discutés, encore qu'apparemment, à en juger par le nombre de litiges soulevés et les opinions exprimées, leur exposé n'ait pas toujours été pleinement compris.    Pour les fins des demandes qui sont devant nous, nous voulons reprendre, en des termes qui pourront peut-être rendre plus compréhensibles nos conclusions, les principales données que ces multiples décisions passées permettent de dégager.

La Loi confie au ministre le soin de faire une détermination à partir de la conviction à laquelle son examen du dossier peut le conduire.    L'expression utilisée introduit une sorte d'élément de subjectivité et on a pu parler de pouvoir discrétionnaire du ministre, mais la qualification ne devrait pas faire oublier qu'il s'agit sans doute d'un pouvoir dont l'exercice doit se fonder pleinement et exclusivement sur une appréciation objective des faits connus ou supposés.    Et la détermination du ministre n'est pas sans appel.    La Loi accorde, en effet, à la Cour canadienne de l'impôt le pouvoir de la réviser sur la base de ce que pourra révéler une enquête conduite, là, en présence de tous les intéressés.    La Cour n'est pas chargée de faire la détermination au même titre que le ministre et, en ce sens, elle ne saurait substituer purement et simplement son appréciation à celle du ministre: c'est ce qui relève du pouvoir dit discrétionnaire du ministre.    Mais la Cour doit vérifier si les faits supposés ou retenus par le ministre sont réels et ont été appréciés correctement en tenant compte du contexte où ils sont survenus, et après cette vérification, elle doit décider si la conclusion dont le ministre était "convaincu" paraît toujours raisonnable.

C'est guidés par ces principes que nous avons considéré les deux cas qui nous sont ici soumis et dont les données factuelles sont relativement simples.

[33]     La Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Pérusse c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), [2000] A.C.F. no 310, toujours sous la plume du juge Marceau a de nouveau expliqué le rôle de cette Cour dans le même contexte, de la façon suivante :

Le rôle du juge d'appel n'est donc pas simplement de se demander si le ministre était fondé de conclure comme il l'a fait face aux données factuelles que les inspecteurs de la commission avaient pu recueillir et à l'interprétation que lui ou ses officiers pouvaient leur donner.    Le rôle du juge est de s'enquérir de tous les faits auprès des parties et des témoins appelés pour la première fois à s'expliquer sous serment et de se demander si la conclusion du ministre, sous l'éclairage nouveau, paraît toujours "raisonnable" (le mot du législateur).    La Loi prescrit au juge une certaine déférence à l'égard de l'appréciation initiale du ministre et lui prescrit, comme je disais, de ne pas purement et simplement substituer sa propre opinion à celle du ministre lorsqu'il n'y a pas de faits nouveaux et que rien ne permet de penser que les faits connus ont été mal perçus.    Mais parler de discrétion du ministre sans plus porte à faux.

[34]     La Cour d'appel fédérale dans l'arrêtMassignani c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), [2003] A.C.F. no 542 , cette fois sous la plume du juge Létourneau, a repris cette même idée pour définir le rôle de cette Cour en pareilles circonstances, en s'exprimant en ces termes :

Premièrement, le juge suppléant a omis de considérer et de remplir le rôle qui lui était confié par la Loi sur l'assurance-chômage, S.C. 1970-71-72, ch. 48 (la "Loi"), paragraphe 3(2)c), rôle que notre Cour a précisé dans les arrêts Légaré v. Canada (1999), 246 N.R. 176 et Pérusse v. Canada (2000), 261 N.R. 150, qui ont été suivis dans Valente v. Minister of National Revenue, [2003] A.C.F. no 418, 2003 FCA 132. Ce rôle ne permet pas au juge de substituer sa discrétion à celle du ministre, mais il emporte l'obligation de "vérifier si les faits supposés ou retenus par le ministre sont réels et ont été appréciés correctement en tenant compte du contexte où ils sont survenus et, après cette vérification, ... décider si la conclusion dont le ministre était "convaincu" paraît raisonnable...

[35]     Et tout récemment la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Louis-Paul Bélanger c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), [2003] A.C.F. no 1774, le juge Létourneau, en accueillant la demande de contrôle judiciaire, s'exprimait en ces termes :

Le juge n'a pas exercé le rôle qui lui est confié par la Loi sur l'assurance-emploi et que la jurisprudence de notre Cour a redéfini dans les arrêts Pérusse c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), (2002) 261 N.R. 150, demande d'autorisation d'appeler à la Cour suprême, [2000] C.S.C.R. no 158, rejetée, et Légaré c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), (1999) 246 N.R. 176. Ces arrêts furent subséquemment suivis dans Valente c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), [2003] A.C.F. no 418, 2003 CAF 132 et Massignani c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), [2003] A.C.F. no 542, 2003 CAF 172.

Comme le disait cette Cour dans Massignani précité, au paragraphe 2, « ce rôle ne permet pas au juge de substituer sa discrétion à celle du ministre, mais il comporte l'obligation de vérifier si les faits supposés ou retenus par le ministre sont réels et ont été appréciés correctement en tenant compte du contexte où ils sont survenus et, après cette vérification, (...) décider si la conclusion dont le ministre était convaincu paraît raisonnable » .

[36]     Dans l'étude de ce dossier cette Cour a examiné les faits retenus ou supposés par le Ministre. La plupart des présomptions du Ministre ont été admises. Par ailleurs, la preuve orale entendue à l'audition et les documents produits ont prouvé les autres présomptions presqu'en totalité.

[37]     À mon avis le Ministre, dans l'exercice de son devoir, sous le paragraphe 5(3) de la Loi a su apprécier correctement ces faits et présomptions.

[38]     L'appelant ne s'est pas acquitté du fardeau de la preuve qui reposait sur lui, tel que l'exige la Loi. Il est important de souligner que la preuve apportée par l'appelant a été contradictoire sur beaucoup de points importants. Celle-ci a donc manqué de crédibilité.

[39]     Au terme de cet exercice, compte tenu des faits additionnels produits en preuve, cette Cour doit conclure que la décision du Ministre paraît toujours raisonnable.

[40]     En conséquence, l'appel est rejeté et la décision rendue par le Ministre est confirmée.

Signé à Grand-Barachois (Nouveau-Brunswick), ce 13e jour d'avril 2004.

« S.J. Savoie »

Juge suppléant Savoie


RÉFÉRENCE :

2004CCI242

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2002-3265(EI)

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Alexandre Demers et M.R.N.

LIEU DE L'AUDIENCE :

Québec (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 24 novembre 2003

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

L'honorable S.J. Savoie, juge suppléant

DATE DU JUGEMENT :

Le 13 avril 2004

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :

Me Jérôme Carrier

Pour l'intimé :

Me Stéphanie Côté

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER:

Pour l'appelant :

Nom :

Me Jérôme Carrier

Rochon, Belzile, Carrier, Auger

Québec (Québec)

Pour l'intimé :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

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