Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

 

Dossier : 2005‑1808(IT)I

ENTRE :

MICHELLE LEANNE McNAUGHTON,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

Appel entendu le 20 octobre 2005, à Calgary (Alberta).

 

Devant : L’honorable juge en chef D.G.H. Bowman

 

Comparutions :

 

Pour l’appelante :                               L’appelante elle‑même

Avocat de l’intimée :                           Me Mark Heseltine

 

 

JUGEMENT

 

          L’appel interjeté à l’encontre de la cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») pour l’année d’imposition 2003 est accueilli et la cotisation est renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation au motif que l’appelante a droit au crédit d’impôt pour personnes handicapées pour l’année d’imposition 2003.

 

          L’appel interjeté à l’encontre de la cotisation établie en vertu de la Loi pour l’année d’imposition 2004 est annulé au motif qu’aucun avis d’opposition n’a été produit comme l’exige l’article 169 de la Loi.

 

          L’appelante a droit à ses dépens, le cas échéant, conformément au tarif.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour de novembre 2005.

 

 

 

 

« D.G.H. Bowman »

Juge en chef Bowman

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 13e jour de juin 2007.

 

D. Laberge, LL.L.

 


 

 

 

Référence : 2005CCI714

Date : 20051107

Dossier : 2005‑1808(IT)I

 

ENTRE :

MICHELLE LEANNE McNAUGHTON,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge en chef Bowman

 

[1]     Les appels ont été interjetés à l’encontre des nouvelles cotisations établies à l’égard de l’appelante pour les années d’imposition 2003 et 2004.

 

[2]     La Cour n’est pas régulièrement saisie de la cotisation établie pour l’année 2004 parce que l’appelante n’a pas produit d’avis d’opposition. L’avocat de l’intimée a informé la Cour que l’appelante a encore le temps de présenter une demande de prorogation du délai pour produire un avis d’opposition, et j’ai avisé Mme McNaughton que même si j’ai dû annuler son appel pour l’année 2004, elle devrait demander rapidement une prorogation du délai. Il est particulièrement important qu’elle le fasse parce que j’ai l’intention d’accueillir son appel pour l’année 2003.

 

[3]     La question est de savoir si l’appelante a droit au crédit d’impôt pour personnes handicapées visé aux articles 118.3 et 118.4 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») à l’égard de son fils, Jordan, qui souffre d’hyperactivité avec déficit de l’attention.

 

[4]     Les hypothèses sur lesquelles le ministre s’est fondé pour établir la cotisation sont énoncées au paragraphe 11 de la réponse à l’avis d’appel.

 

          [TRADUCTION]

11.       Pour ratifier la cotisation d’impôt établie pour l’année d’imposition 2003, le ministre s’est fondé sur les hypothèses de fait suivantes :

 

           a)       Jordan est né le 9 décembre 1992;

 

           b)       Jordan a une difficulté d’apprentissage et souffre d’un trouble d’hyperactivité avec déficit de l’attention (« THADA ») léger;

 

           c)       des médicaments sont prescrits à Jordan pour atténuer les effets de sa déficience;

 

           d)       Jordan est capable d’accomplir les activités courantes de la vie quotidienne d’un enfant de son âge sous faible supervision ou sans supervision;

 

           e)       Jordan est capable de prendre des décisions et de porter des jugements qui sont appropriés pour son âge dans des situations quotidiennes;

 

           f)        Jordan est capable de comprendre des instructions;

 

           g)       Jordan est capable de comprendre les concepts de temps et de danger;

 

           h)       Jordan n’a pas une déficience mentale ou physique grave et prolongée;

 

           i)        les effets de la déficience de Jordan ne sont pas assez importants pour limiter de façon marquée sa capacité d’accomplir une activité courante de la vie quotidienne.

 

[5]     Lors de l’audience, l’avocat de l’intimée a modifié l’alinéa 1a) de la réponse de façon à enlever le mot [traduction] « léger » comme qualificatif de l’expression [traduction] « trouble d’hyperactivité avec déficit de l’attention », ainsi que l’alinéa 11d) des hypothèses de façon à enlever la mention [traduction] « ou sans supervision » après la mention [traduction] « sous faible supervision ».

 

[6]     Voici le certificat fourni par le médecin (Dr Culman) en réponse à la question suivante :

 

          [TRADUCTION]

Votre patient est‑il capable de percevoir, de réfléchir et de se souvenir?

Répondez non uniquement si, même à l’aide de soins thérapeutiques, d’appareils ou de médicaments, votre patient est toujours ou presque toujours incapable de percevoir, de réfléchir et de se souvenir. Par exemple, répondez non si votre patient ne peut s’occuper lui‑même de ses soins personnels sans supervision continue………..................................................................... oui    non

 

[7]     Cela aurait dû être suffisant pour accorder le crédit d’impôt à l’appelante. Toutefois, l’Agence du revenu du Canada a envoyé un questionnaire de suivi au Dr Culman, et sa réponse a été un peu différente. Comme Mme McNaughton l’a dit dans son témoignage, les conclusions du médecin étaient inexactes et fondées sur une observation insuffisante.

 

[8]     Son fils, Jordan, était dans une classe d’enfants en difficulté à l’école, mais il avait un problème de discipline et, si je me souviens bien de la preuve, il a été mis à la porte au moins une fois. Il a pris trois sortes de médicaments, qui n’ont donné que des résultats douteux ou médiocres.

 

[9]     Je préfère le témoignage direct de vive voix de Mme McNaughton aux ouï‑dire figurant dans le rapport du médecin. Le cas de Jordan est beaucoup plus grave que ce que les réponses quelque peu atténuées données par le Dr Culman dans le questionnaire semblent indiquer. La mère de Jordan est bien mieux placée qu’un médecin praticien pour faire des observations sur la capacité de son fils de percevoir, de réfléchir et de se souvenir.

 

[10]    Je suis davantage impressionné par le rapport du psychologue, le Dr Parsonson, qui possède une grande expertise en matière d’évaluation de l’habileté mentale. Voici la traduction du certificat produit par le Dr Parsonson :

 

[TRADUCTION]

Partie B – (suite) 
 
Percevoir, réfléchir et se souvenir                                                                                     Sans objet
 
Votre patient est considéré limité de façon marquée dans sa capacité de percevoir, réfléchir et se souvenir si, toujours ou presque toujours, selon le cas :
 
·         il est incapable d’effectuer lui‑même les fonctions mentales nécessaires au fonctionnement quotidien, même à l’aide de soins thérapeutiques, d’appareils et de médicaments appropriés; 
·         il prend un temps excessif pour effectuer lui‑même les fonctions mentales nécessaires au fonctionnement quotidien, même à l’aide de soins thérapeutiques, d’appareils et de médicaments appropriés. 
 
Remarques :
·         Les fonctions mentales nécessaires au fonctionnement quotidien comprennent : 
–      la mémoire (par exemple, la capacité de se souvenir d’instructions simples, de renseignements personnels, tels que ses nom et adresse, ou de sujets d’importance ou d’intérêt);
–      la résolution de problèmes, l’atteinte d’objectifs et le jugement (par exemple, la capacité de résoudre les problèmes quotidiens, d’établir et d’atteindre des objectifs, de prendre des décisions et de porter des jugements qui sont appropriés);
–      l’apprentissage fonctionnel à l’indépendance (par exemple, les fonctions qui touchent les soins personnels, la santé et la sécurité, les aptitudes sociales et les transactions simples et ordinaires).
 
·         Des appareils pour la perception, la réflexion et la mémoire incluent les aides à la mémoire, les aides à l’adaptation, etc. 
·         Prendre un temps excessif dans sa capacité de percevoir, réfléchir et se souvenir signifie prendre considérablement plus de temps que la moyenne des personnes n’ayant pas la déficience. 
 
Exemples de « limité de façon marquée » dans la capacité de percevoir, réfléchir et se souvenir (les exemples ne sont pas exhaustifs) :
·         Votre patient ne peut pas sortir de sa maison, toujours ou presque toujours, en raison de l’anxiété, même en utilisant des médicaments et en suivant une thérapie. 
·         Votre patient vit indépendamment dans plusieurs domaines de sa vie. Toutefois, même en utilisant des médicaments et en suivant une thérapie, il doit recevoir quotidiennement du soutien et de la supervision parce qu’il ne peut pas exactement interpréter son environnement. 
·         Toujours ou presque toujours, votre patient ne peut pas faire une transaction quotidienne simple sans l’aide d’une autre personne. 
·         Votre patient, âgé de quatre ans, ne peut pas jouer activement avec des enfants du même âge ni comprendre des instructions simples. 
 
Votre patient est‑il limité de façon marquée dans sa capacité de percevoir, réfléchir et se souvenir, tel que décrit ci‑dessus?……………………………………………………….…………………………………….oui þ     non ¨
 
Si oui, à quelle date est‑il devenu limité de façon marquée dans sa capacité de percevoir, réfléchir et se souvenir?…………………………………………………………...…………………….…………………..…..Année
                                                                                                                                                    1999
[…]
 
Partie B – (suite — remplissez toutes les sections ci‑dessous)
 
Effets de la déficience
 
Décrivez les effets de la déficience sur la capacité de votre patient d’exécuter une activité courante de la vie quotidienne. Si vous manquez d’espace, ajoutez une feuille.
 
Remarques :
·         Les effets pertinents sont ceux qui démontrent que votre patient est limité de façon marquée, toujours ou presque toujours, même à l’aide de soins thérapeutiques, d’appareils et de médicaments appropriés.
·         Les activités courantes de la vie quotidienne sont : marcher; parler; entendre; s’habiller; se nourrir; l’évacuation intestinale ou vésicale; et percevoir, réfléchir et se souvenir.
·         Le travail, les travaux ménagers et les activités sociales ou récréatives ne sont pas considérés des activités courantes de la vie quotidienne. 
·         Cette section ne s’applique peut‑être pas à votre patient s’il est aveugle ou s’il a besoin de soins thérapeutiques essentiels.
 
Exemples des « effets de la déficience » (les exemples ne sont pas exhaustifs) :
·         Votre patient a une déficience en ce qui a trait à sa capacité de marcher : vous pourriez préciser le nombre d’heures par jour qu’il doit passer au lit ou dans un fauteuil roulant. 
·         Pour votre patient qui a une déficience touchant la perception, la réflexion et la mémoire, vous pourriez décrire le niveau de soutien et de supervision nécessaire pour le patient. 
_______________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________
 
Diagnostic (si disponible) : ______________________________________________________________________
_____________________________________________________________________________________________
 
Durée
 
La déficience de votre patient a‑t‑elle duré au moins 12 mois consécutifs ou est‑il raisonnable de s’attendre à ce qu’elle dure au moins 12 mois consécutifs?.……………………………………..……………………oui þ     non ¨
 
Si oui, la déficience s’est‑elle améliorée, ou peut‑on s’attendre à ce qu’elle s’améliore, de sorte que le patient ne soit plus aveugle ou limité de façon marquée, ou qu’il n’ait plus besoin de soins thérapeutiques essentiels?……………………………………………………………………………….oui £   non £   incertain þ
 

Si oui, indiquez l’année de l’amélioration réelle ou prévue.

 

Je reproduis les commentaires écrits à la main par le Dr Parsonson pour plus de clarté.

 

[TRADUCTION]

Jordan est incapable de se concentrer à l’école et de terminer ses travaux et ses devoirs depuis qu’il est en deuxième année. Il est maintenant en huitième année et il n’est pas capable de s’adapter dans une classe régulière. Il a de fausses perceptions du point de vue social et en ce qui concerne ses capacités. Sa pensée est fragmentée et il est négligent dans l’atteinte de ses objectifs. Sa capacité de résoudre des problèmes est limitée et son apprentissage fonctionnel à l’autonomie est compromis. En raison de problèmes d’attention, il met beaucoup de temps à mener une tâche à bien ou ne termine pas ce qu’il entreprend.

 

Diagnostic (si disponible) : THADA (hyperactif, impulsif)

 

[11]    Dans la décision Radage v. The Queen, 96 DTC 1615, le sens des mots perception, réflexion et mémoire a fait l’objet d’une discussion approfondie. Cette décision a souvent été suivie. Le passage suivant de la décision Radage a été cité et approuvé dans l’arrêt Johnston c. Canada, [1998] A.C.F. no 169 (QL) :

 

Objectif et historique des dispositions légales

 

[10] L’objectif des articles 118.3 et 118.4 ne vise pas à indemniser la personne atteinte d’une déficience mentale ou physique grave et prolongée, mais plutôt à l’aider à défrayer les coûts supplémentaires liés au fait de devoir vivre et travailler malgré une telle déficience. Comme le juge Bowman le dit dans l’arrêt Radage v. R.1, à la p. 2528 :

 

L’intention du législateur semble être d’accorder un modeste allégement fiscal à ceux et celles qui entrent dans une catégorie relativement restreinte de personnes limitées de façon marquée par une déficience mentale ou physique. L’intention n’est pas d’accorder le crédit à quiconque a une déficience ni de dresser un obstacle impossible à surmonter pour presque toutes les personnes handicapées. On reconnaît manifestement que certaines personnes ayant une déficience ont besoin d’un tel allégement fiscal, et l’intention est que cette disposition profite à de telles personnes.

 

Le juge poursuit à la p. 2529 en faisant la remarque suivante, à laquelle je souscris :

 

Pour donner effet à l’intention du législateur, qui est d’accorder à des personnes déficientes un certain allégement qui atténuera jusqu’à un certain point les difficultés accrues avec lesquelles leur déficience les oblige à composer, la disposition doit recevoir une interprétation humaine et compatissante.

 

[11] En effet, même si elles ne s’appliquent qu’aux personnes gravement limitées par une déficience, ces dispositions ne doivent pas recevoir une interprétation trop restrictive qui nuirait à l’intention du législateur, voire irait à l’encontre de celle‑ci.

 

[12]    La question de l’hyperactivité avec déficit de l’attention a été soulevée dans d’autres décisions de la Cour. Dans la décision Case c. Canada, [1996] A.C.I. no 216 (QL), le juge Bell a rejeté l’appel. Dans la décision Congo c. Canada, [1996] A.C.I. no 671 (QL), le juge Taylor a fait la même chose. Dans la décision Austin c. Canada, [2001] A.C.I. no 867 (QL), le juge McArthur a suivi la décision Radage et a accueilli l’appel. Même si chaque cas dépend des faits qui lui sont propres, les faits en l’espèce sont très semblables à ceux dont il est question dans la décision Austin, et si je m’appuie sur le raisonnement suivi dans cette décision et dans l’arrêt Johnston, précité, je crois que l’appelante a droit au crédit d’impôt pour personnes handicapées à l’égard de son fils. Selon moi, son problème est grave.

 

[13]    L’appel interjeté à l’encontre de la cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2003 est accueilli, et la cotisation est renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation afin d’accorder à l’appelante le crédit d’impôt pour personnes handicapées prévu à l’article 118.3.

 

[14]    L’appelante a droit à ses dépens, le cas échéant, conformément au tarif.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour de novembre 2005.

 

 

 

« D.G.H. Bowman »

Juge en chef Bowman

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 13e jour de juin 2007.

 

D. Laberge, LL.L.

 


 

RÉFÉRENCE :

2005CCI714

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2005‑1808(IT)I

 

INTITULÉ :

Michelle Leanne McNaughton c.

Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Calgary (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 20 octobre 2005

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge en chef D.G.H. Bowman

 

DATE DU JUGEMENT :

Le 7 novembre 2005

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle‑même

 

Avocat de l’intimée :

Me Mark Heseltine

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

Pour l’appelante :

 

Nom :

 

Étude :

 

 

 

Pour l’intimée :

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.