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Dossier : 2003-3065(IT)G

ENTRE :

DONALD NEIL MacIVER,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Requêtes entendues à Winnipeg (Manitoba), le 13 décembre 2004 et le 30 mars 2005

Devant : L'honorable juge J. E. Hershfield

Comparutions :

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :

Me Perry Derksen

__________________________________________________________________

ORDONNANCE

          Vu la requête présentée par l'appelant afin d'obtenir une ordonnance radiant certaines parties de la réponse à l'avis d'appel;

          Et, en outre, une ordonnance, fondée sur l'article 12 des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale), prorogeant le délai dans lequel une réplique à la réponse à l'avis d'appel peut être déposée;

          Et vu la requête présentée par l'appelant afin d'obtenir une ordonnance radiant certaines parties de l'affidavit souscrit par Robert Allan Tataryn le 23 juin 2004;

          Et vu la requête présentée par l'intimée en vue d'obtenir une ordonnance empêchant l'appelant d'interjeter appel des nouvelles cotisations concernant les années d'imposition 1992 et 1994, dans la mesure où ces nouvelles cotisations englobent dans le revenu de l'appelant des montants de 400 000 $ et de 3 000 000 $ respectivement, et radiant les paragraphes 21 et 22 ainsi que la dernière phrase du paragraphe 39 de l'avis d'appel;

          Et vu les affidavits qui ont été déposés et les allégations des parties;

          Conformément aux motifs de l'ordonnance ci-joints et pour ces motifs, la Cour ordonne :

a)        la requête que l'appelant a présentée afin de faire radier certaines parties de la réponse est rejetée;

b)       la requête que l'appelant a présentée afin de faire radier certaines parties de l'affidavit est redondante et elle est rejetée;

c)        la requête que l'appelant a présentée afin d'obtenir une prorogation du délai dans lequel il peut déposer une réplique est accueillie, l'appelant disposant d'un délai de 60 jours à compter de la date de la présente ordonnance pour déposer une réplique;

d)       la requête que l'intimée a présentée afin de faire radier les paragraphes 21 et 22 ainsi que la dernière phrase du paragraphe 39 de l'avis d'appel est accueillie;

e)        la requête que l'intimée a présentée en ce qui concerne la préclusion est rejetée.

          Chaque partie supportera ses propres frais.

Signé à Ottawa, Canada, ce 13e jour d'avril 2005.

« J. E. Hershfield »

Le juge Hershfield

Traduction certifiée conforme

ce 22e jour de mai 2006.

Yves Bellefeuille, réviseur


Référence : 2005CCI250

Date : 20050413

Dossier : 2003-3065(IT)G

ENTRE :

DONALD NEIL MacIVER,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

Le juge Hershfield

[1]      Une série d'avis de requêtes interlocutoires ont été déposés conformément aux Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale) (les « Règles » ) à l'égard d'un appel concernant les nouvelles cotisations relatives aux années d'imposition 1992 à 1997 inclusivement de l'appelant. Les requêtes ici en cause se rapportent uniquement aux années 1992 et 1994; elles ont été présentées après le dépôt de l'avis d'appel et de la réponse, mais avant qu'une réplique soit déposée et avant la tenue des interrogatoires préalables et la communication préalable. La réponse soulève notamment la question de la préclusion découlant d'une question déjà tranchée (issue estoppel), compte tenu du fait que l'appelant a été condamné pour évasion fiscale à l'égard de montants non déclarés au titre du revenu qui ont donné lieu aux nouvelles cotisations (soit un montant de 400 000 $ pour l'année 1992 et un montant de 3 000 000 $ pour l'année 1994). Au paragraphe 40 de la réponse, l'intimée affirme que l'appelant [TRADUCTION] « ne peut pas interjeter appel des nouvelles cotisations concernant les années d'imposition 1992 et 1994, dans la mesure où ces nouvelles cotisations englobent dans le revenu de l'appelant les montants de 400 000 $ et de 3 000 000 $ respectivement qui ont été reçus de la CASIL à titre d'honoraires » . La CASIL était la cliente de l'appelant au cours des années en question. Celui-ci a reçu les montants en question en sa qualité d'avocat agissant pour le compte de la CASIL.

[2]      La première requête a été présentée par l'appelant le 17 février 2004. Elle vise à faire radier de la réponse tous les paragraphes se rapportant aux poursuites engagées au criminel contre lui, y compris le paragraphe dans lequel une préclusion découlant d'une question déjà tranchée est plaidée et certaines hypothèses tirées de renseignements obtenus ou encore d'interprétations ou d'inférences tirées de ces poursuites ou faites dans le cours de ces poursuites. La requête vise également à faire radier des paragraphes se rapportant à une omission volontaire, à la fraude et à de fausses déclarations. Selon les motifs invoqués, les paragraphes contestés sont frivoles, vexatoires et embarrassants et peuvent retarder l'instruction équitable de l'appel. On se fonde vraisemblablement sur les alinéas 53a) et b) des Règles pour présenter cette première requête, laquelle comporte un second volet. Le second volet de la requête vise l'obtention d'une prorogation du délai imparti aux fins du dépôt d'une réplique à la réponse en attendant le règlement de la requête en radiation. L'article 12 des Règles permet la présentation de ce volet de la requête. Je désignerai ces deux volets de la première requête respectivement comme étant la requête de l'appelant visant la radiation de certaines parties de la réponse et la requête de l'appelant visant le dépôt d'une réplique.

[3]      Il est bien établi que l'intimée qui, à l'instruction de l'appel, veut plaider la préclusion découlant d'une question déjà tranchée doit inclure la question dans les actes de procédure[1]. Il est également bien établi que, dans les affaires fiscales, l'intimée doit plaider les hypothèses sur lesquelles elle se fonde et, par conséquent, qu'elle peut et doit plaider les hypothèses se rapportant directement aux questions soulevées dans l'appel de la nouvelle cotisation. En outre, et indépendamment de la forme que prennent les actes de procédure en matière fiscale, une fois qu'une question comme la préclusion découlant d'une question déjà tranchée a été plaidée de façon appropriée, les faits invoqués à l'appui de la position d'une partie quant à la détermination de cette question font à juste titre partie des actes de procédure[2]. Cela étant, la partie de la première requête de l'appelant visant la radiation des paragraphes se rapportant aux poursuites criminelles dont celui-ci a fait l'objet doit être rejetée, à moins que l'intimée n'ait gain de cause dans la présente instance à l'égard de la requête qu'elle a présentée en vue de faire appliquer la préclusion découlant d'une question déjà tranchée, de façon à rendre redondantes les dispositions contestées de la réponse. De même, les paragraphes se rapportant à l'omission volontaire, à la fraude et à de fausses déclarations ne peuvent pas être contestés pour le motif qu'ils sont frivoles ou vexatoires ou pour le motif qu'ils tendent à causer de l'embarras ou des retards, puisqu'il s'agit d'assertions pertinentes en ce qui concerne les pénalités imposées dans le cadre des nouvelles cotisations ainsi qu'en ce qui concerne la requête de l'intimée relative à la préclusion découlant d'une question déjà tranchée et peut-être en ce qui concerne la prescription[3]. La requête de l'appelant visant la radiation de certaines parties de la réponse ne peut donc pas être accueillie.

[4]      La seconde requête a été présentée par l'intimée le 19 juillet 2004. Elle vise à obtenir :

[TRADUCTION] une ordonnance empêchant l'appelant d'interjeter appel des nouvelles cotisations concernant les années d'imposition 1992 et 1994, dans la mesure où ces nouvelles cotisations englobent dans le revenu de l'appelant les montants de 400 000 $ et de 3 000 000 $ respectivement qui ont été reçus de la Community Association of South Indian Lake (c'est-à-dire CASIL).

[5]      La requête est fondée sur les motifs suivants :

[TRADUCTION]

1.          Le 24 août 1998, un acte d'accusation a été présenté contre l'appelant par le procureur général du Canada devant la Cour du Banc de la Reine du Manitoba, accusant notamment l'appelant, en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, des infractions suivantes :

Entre le 14 janvier 1992 et le 13 mai 1997, à Winnipeg (Manitoba) ou près de cette ville, l'appelant a illégalement et volontairement éludé le paiement d'un impôt établi par la Loi en omettant de déclarer un revenu d'un montant de 3 000 000 $ pour l'une des années d'imposition 1993, 1994, 1995 et 1996 et en éludant ainsi le paiement d'un impôt fédéral d'un montant s'élevant à environ 913 771,80 $; l'appelant a ainsi commis l'infraction d'évasion fiscale en violation des dispositions de la Loi et des modifications y afférentes (le « premier chef » );

Entre le 31 janvier 1991 et le 30 avril 1993, à Winnipeg (Manitoba) ou près de cette ville, l'appelant a illégalement et volontairement éludé le paiement d'un impôt établi par la Loi en omettant de déclarer un revenu d'un montant de 400 000 $ pour l'année d'imposition 1992 et en éludant ainsi le paiement d'impôts fédéraux d'un montant s'élevant à environ 127 020 $; l'appelant a ainsi commis l'infraction d'évasion fiscale en violation des dispositions de la Loi et des modifications y afférentes (le « deuxième chef » );

Entre le 1er janvier 1994 et le 30 mai 1997, à Winnipeg (Manitoba) ou près de cette ville, l'appelant a illégalement fait des déclarations fausses ou trompeuses, ou a participé, consenti ou acquiescé à leur énonciation dans ses déclarations de revenus pour les années d'imposition 1993, 1994, 1995 et 1996, qu'il a produites comme l'exige la Loi, en déclarant en moins d'un montant de 3 000 000 $ son revenu imposable dans ces années d'imposition et en éludant ainsi le paiement d'un impôt d'un montant s'élevant à environ 913 771,80 $; l'appelant a ainsi commis l'infraction qui consiste à faire une déclaration fausse ou trompeuse en violation des dispositions de la Loi et des modifications y afférentes (le « troisième chef » ).

2.          Le 25 février 1999, l'appelant a été condamné par un jury, devant le juge MacInnes, sous les premier, deuxième et troisième chefs. Les condamnations se rapportent aux revenus non déclarés que l'appelant a reçus de la Community Association of South Indian Lake dans les années d'imposition 1992 et 1994, lesquels s'élevaient à 400 000 $ et à 3 000 000 $ respectivement.

3.          Par suite des condamnations prononcées contre l'appelant sous les premier, deuxième et troisième chefs, la préclusion découlant d'une question déjà tranchée s'applique.

4.          Subsidiairement, permettre à l'appelant d'interjeter appel des nouvelles cotisations pour les années d'imposition 1992 et 1994, dans la mesure où ces nouvelles cotisations englobent dans le revenu de l'appelant les montants de 400 000 $ et de 3 000 000 $ respectivement qu'il a reçus de la Community Association of South Indian Lake, constituerait un abus de procédure.

[6]      Dans la requête, il est déclaré que l'intimée se fonde sur l'alinéa 53c) des Règles. Cette disposition permet la radiation d'un acte de procédure ou la suppression de passages, en tout ou en partie, d'un acte de procédure (avec ou sans autorisation de le modifier) parce que l'acte de procédure constitue un recours abusif à la Cour. L'intimée soutient que c'est cette disposition des Règles qui lui permet d'invoquer la préclusion découlant d'une question déjà tranchée de façon interlocutoire. Il est également soutenu que cette disposition a une application plus générale que la préclusion découlant d'une question déjà tranchée en tant que telle. L'argument viserait également à permettre la présentation d'une preuve par affidavit comme le prévoit l'article 71 des Règles, disposition qui ne s'appliquerait pas si la question de la préclusion découlant d'une question déjà tranchée était poursuivie, telle qu'elle a été plaidée, dans le cours normal de l'instance, soit à l'instruction. Je désignerai ce volet de la requête de l'intimée comme étant la requête de l'intimée visant la préclusion découlant d'une question déjà tranchée.

[7]      Dans sa requête, l'intimée sollicite également une ordonnance radiant certaines parties de l'avis d'appel pour le motif qu'elles visent l'obtention d'une réparation à l'égard de deux questions sur lesquelles la Cour n'a pas compétence. L'intimée invoque l'alinéa 58(3)a) des Règles pour présenter cette requête interlocutoire conformément à l'article 65 des Règles. La première question sur laquelle la Cour n'a pas compétence, selon l'intimée, se rapporte à une ordonnance conservatoire dont l'appelant a fait l'objet. Les ordonnances conservatoires sont prévues à l'article 225.2 de la Loi, mais selon cette disposition, la compétence y afférente relève de la Cour fédérale. L'appelant a concédé la chose à l'audience et a consenti à ce que l'ordonnance sollicitée sur ce point soit rendue. La seconde question sur laquelle la Cour n'a pas compétence, selon l'intimée, se rapporte à l'imposition de pénalités provinciales. Il est bien établi que la Cour n'a pas compétence pour entendre des appels distincts se rapportant à des impôts provinciaux et à des pénalités découlant (en fait ou censément), conformément à des lois provinciales, de calculs effectués au titre de l'impôt fédéral en litige devant la Cour[4]. À l'audience, l'appelant n'a pas soumis d'argument sur ce point. L'ordonnance sollicitée à cet égard sera donc également accordée.

[8]      La troisième requête est celle que l'appelant a présentée le 11 octobre 2004. Elle vise la radiation de certaines parties d'un affidavit déposé par l'intimée dans le cadre de sa requête visant la préclusion découlant d'une question déjà tranchée. Je désignerai cette requête comme étant la requête de l'appelant visant la radiation de certaines parties de l'affidavit. L'affidavit en question a été souscrit par un agent d'enquête de l'ARC sur la base d'une connaissance personnelle ainsi que sur la base de renseignements tenus pour véridiques découlant de sa présence lors de la procédure criminelle et découlant de l'examen du dossier. L'affidavit fait état de l'historique de la cotisation et des accusations portées au criminel; il y est fait mention d'extraits de témoignages présentés lors du procès criminel et d'extraits des conclusions finales des avocats de la défense et de la poursuite et des directives données au jury par le juge; il est également fait état d'éléments et de documents concernant les appels interjetés, à l'encontre de la condamnation et de la sentence, devant la Cour d'appel du Manitoba. Il est également fait mention d'une demande d'autorisation de pourvoi devant la Cour suprême du Canada[5].

[9]      L'appelant s'oppose à ce que l'auteur de l'affidavit énonce les détails de l'historique de la nouvelle cotisation obtenus par suite de l'examen des documents. Il affirme que les documents se passent de commentaires, qu'ils devraient être introduits dans le cours normal de l'appel et qu'ils ne devraient pas faire partie de l'affidavit. Cette position nous amène à nous demander s'il faut autoriser la production de tels documents au moyen d'une preuve par affidavit seulement, dans le cadre d'une requête interlocutoire, ou si ces documents doivent plutôt être présentés à l'audition de l'appel. Cela nous amène en outre à nous demander si la requête de l'intimée visant la préclusion découlant d'une question déjà tranchée doit être soumise au juge qui entend l'appel plutôt qu'à un juge qui n'est pas saisi de l'affaire, en tant que requête interlocutoire préliminaire. La présentation de la requête visant la préclusion découlant d'une question déjà tranchée sur une base interlocutoire peut sans doute avoir pour but d'assujettir l'appelant, pour ce qui est de la preuve et de la procédure, à un régime différent de celui qui s'appliquerait si l'on examinait la question dans le cadre de l'instruction, comme le prévoit la réponse. Dans ce dernier cas, il y a des interrogatoires préalables qui pourraient avoir une incidence sur le dossier sur lequel l'intimée se fonde et il se peut qu'une preuve par affidavit ne soit pas autorisée comme elle le serait en vertu de l'article 71 des Règles[6]. L'appelant invoque ces différences dans la mesure où il fait valoir que la requête de l'intimée visant la préclusion découlant d'une question déjà tranchée devrait être examinée à l'instruction, où il espère empêcher son application s'il ne réussit pas à le faire dans la présente instance.

[10]     L'objectif de l'appelant, à savoir empêcher l'application de la règle de la préclusion découlant d'une question déjà tranchée dans la présente instance ou à l'audition de l'appel, et les objections qu'il a soulevées au sujet de la mention des poursuites criminelles dans la réponse et dans l'affidavit de l'agent de l'ARC, sont fondés sur sa conviction ferme qu'il a été condamné à tort relativement à la plupart des accusations portées contre lui, et peut-être même toutes ces accusations. Ainsi, l'appelant affirme ne pas avoir pu témoigner lors de son procès parce qu'il était en mauvaise santé et que maintenant qu'il est en mesure de témoigner, il existe de nouveaux éléments de preuve[7]. Il affirme pouvoir soumettre une preuve médicale sur ce point. Il déclare que l'autorisation de se pourvoir en appel devant la Cour suprême du Canada lui a été refusée pour le motif qu'il n'avait pas présenté de demande en temps opportun, cette omission étant attribuable au fait qu'il était en prison. Il affirme essentiellement que les prétentions de l'intimée sur la préclusion découlant d'une question déjà tranchée l'empêchent de faire valoir qu'il a été déclaré coupable à tort et, bien sûr, il pourrait fort bien en être ainsi étant donné que tel est le but visé. En effet, si la préclusion découlant d'une question déjà tranchée s'applique, c'est parce qu'elle satisfait aux critères voulus et que, cela étant, l'appelant ne pourra pas faire ce qu'il tente de faire. En établissant qu'il est satisfait aux critères pertinents, l'intimée se fonde sur le dossier des procédures antérieures, et ce, à juste titre selon les arrêts faisant autorité[8]. En effet, si la requête de l'intimée visant la préclusion découlant d'une question déjà tranchée n'est pas soumise prématurément en tant que requête interlocutoire, il est tout à fait approprié d'inclure dans l'affidavit qui a été déposé à l'appui de la requête tous les détails afférents au dossier sur lequel elle se fonde. Les dossiers en question sont pertinents. Si la requête est prématurée, le juge qui préside l'instruction sera saisi de ces dossiers, puisqu'ils seront pertinents lorsqu'il s'agira de statuer sur la préclusion découlant d'une question déjà tranchée comme on le demande dans la réponse. Il faut donc permettre que la question soit plaidée, soit dans la réponse, en prévision d'une décision rendue à l'instruction au sujet de la préclusion découlant d'une question déjà tranchée, soit dans l'affidavit auquel les dossiers sont joints si la question doit être tranchée dans le cadre d'une requête interlocutoire. Il s'agit simplement de savoir quelle est la procédure appropriée eu égard aux circonstances, ce qui semble en partie dépendre de la question de savoir si le régime associé aux requêtes interlocutoires, pour ce qui est de la preuve et de la procédure, cause préjudice à l'appelant par rapport au régime applicable aux questions examinées dans le cadre d'une instruction.

[11]     Sur ce point, j'ai référé l'avocat de l'intimée à l'article 58 des Règles qui, selon moi, est la disposition normale régissant les requêtes interlocutoires lorsque l'on sollicite une décision préliminaire en vue de régler l'instance en totalité ou en partie ou en vue d'abréger substantiellement l'audience ou encore d'éviter des frais. Comme le prévoit le paragraphe 58(2) et comme le montrent les arrêts faisant autorité, cette disposition n'autorise pareilles requêtes qu'à l'égard de questions pour lesquelles aucune preuve n'est exigée[9]. La décision Jurchison confirme que l'article 58 ne vise pas à offrir une solution de rechange dont il est facilement possible de se prévaloir pour éviter l'instruction d'une affaire litigieuse complexe, et l'arrêt McLarty confirme que les requêtes préliminaires ne peuvent pas être examinées en vertu de l'alinéa 58(1)a) si un fait pertinent est contesté. La détermination, à partir du dossier d'un procès criminel, des faits sur lesquels il a été statué constitue en soi une mission de recherche des faits[10]. En l'espèce, il existe un litige légitime au sujet des faits sur lesquels il a déjà été nécessairement statué lors du procès criminel. En fait, la requête de l'intimée visant la préclusion découlant d'une question déjà tranchée exige la prise en compte d'une grande quantité d'éléments de preuve. L'argument est donc le suivant : l'intimée ne devrait pas être en mesure de débattre la question à titre préliminaire en présentant sa requête en vertu de l'article 53 des Règles par opposition à l'article 58. L'intimée invoque d'autres arrêts faisant autorité (sur lesquels je reviendrai plus loin dans ces motifs) afin de faire une distinction à l'égard des requêtes dans lesquelles l'abus de procédure est invoqué en vertu de l'article 53 des Règles, mais ces arrêts n'indiquent pas clairement les circonstances dans lesquelles une demande peut être soumise d'une façon plus appropriée au juge chargé d'entendre les requêtes préliminaires en vertu de l'article 53 par opposition à l'article 58, en particulier lorsque l'examen de l'abus allégué à un stade préliminaire plutôt qu'à l'instruction vise à abréger l'audience et à économiser des frais, soit les questions mêmes sur lesquelles porte l'alinéa 58(1)a) des Règles. Eu égard aux circonstances de la présente espèce, on ne saurait dire que la requête présentée en vertu de l'article 53 vise principalement à éviter une perception défavorable de l'administration de la justice, étant donné qu'il est possible d'aborder la question de la perception facilement, et d'une façon plus minutieuse, dans le cadre de l'audition de l'appel.

[12]     D'autre part, les documents sur lesquels l'intimée se fonde sont des transcriptions des procédures criminelles, dont l'examen peut s'avérer suffisant, étant donné en particulier que leur authenticité n'est pas mise en question. Il se pourrait bien que ces documents se passent de commentaires aux fins de la détermination des faits qui, en droit, devraient à juste titre être considérés comme ayant été tranchés d'une façon définitive lors des procédures antérieures et, partant, il pourrait être justifié de tenir une audience préalable à l'instruction. L'intimée se fonde sur cette possibilité à l'appui de sa position, à savoir qu'il convient de soulever la préclusion découlant d'une question déjà tranchée dans le cadre d'une requête interlocutoire. Après tout, les règles de la chose jugée (res judicata) et de la préclusion découlant d'une question déjà tranchée visent à éviter que l'on débatte à nouveau une question qui a déjà été tranchée, ce qui donne à penser que le fait de permettre à un plaideur de bénéficier une seconde fois d'une instruction sur la même question pourrait bien constituer un abus de procédure. Cela étant, je suis d'accord pour dire que la Cour ne devrait pas nécessairement refuser d'examiner une telle question sur une base interlocutoire. De fait, l'intimée a soumis un certain nombre de décisions et de documents à l'appui de l'idée selon laquelle la préclusion découlant d'une question déjà tranchée est une question qui peut et qui devrait être examinée à titre préliminaire.

[13]     Dans la décision Boehm c. La Reine[11], une requête visant la radiation d'une déclaration déposée devant la Cour fédérale était examinée par un protonotaire de cette cour. La requête était basée sur la préclusion découlant d'une question déjà tranchée et elle était présentée dans le cadre d'une disposition des Règles de la Cour fédérale portant sur l'abus de procédure. Cette disposition permettait la présentation d'une preuve par affidavit. Si ce n'était de cette disposition, la disposition en vertu de laquelle la requête en radiation était présentée n'aurait autorisé la présentation d'aucun élément de preuve quel qu'il soit. Cette décision est citée comme faisant autorité à l'appui de la thèse selon laquelle les requêtes en radiation basées sur l'abus de procédure sont à juste titre présentées en tant que requêtes préliminaires ou requêtes interlocutoires, et ce, même lorsque le fondement sous-tendant la requête est la préclusion découlant d'une question déjà tranchée (une forme d'abus de procédure).

[14]     Dans l'arrêt Freedman et al. v. Reemark Sterling I Ltd.[12], la conclusion tirée par le juge des requêtes, selon laquelle la préclusion découlant d'une question déjà tranchée ou l'abus de procédure liait une partie au litige, a été confirmée par la Cour d'appel de l'Ontario. Il peut donc être inféré que la Cour d'appel de l'Ontario est d'accord pour dire que le juge des requêtes peut entendre une requête dans laquelle la préclusion découlant d'une question déjà tranchée est invoquée.

[15]     Dans la décision Bright v. Bright[13], le juge Willmer a fait remarquer, à la page 278, que la façon appropriée de traiter une demande de radiation d'allégations de cruauté figurant dans une requête fondée sur l'abandon présumé dans une affaire matrimoniale, laquelle avait été présentée à la suite d'une requête dans laquelle la cruauté et l'adultère avaient été allégués et qui avait fait l'objet d'un rejet, consisterait à présenter la demande en cabinet avant l'instruction, de façon que ces questions soient tranchées sans attendre l'instruction et sans avoir à rassembler les témoins et à faire tous les autres préparatifs en vue de l'instruction. En somme, il existe des décisions faisant autorité à l'appui de la position de l'intimée selon laquelle il est plus approprié de présenter une demande avant l'audition d'un appel lorsque les circonstances permettent de trancher la question de l'application de la règle de la préclusion découlant d'une question déjà tranchée[14].

[16]     Dans l'affaire Neeb c. La Reine[15], on avait présenté une demande de radiation d'un appel, en tout ou en partie, basée sur la règle de la préclusion découlant d'une question déjà tranchée, dans une affaire où l'appelant avait été déclaré coupable d'évasion fiscale. La demande avait été présentée dans le cadre d'une requête préliminaire, mais celle-ci avait été présentée au début de l'instruction, devant le juge désigné pour entendre l'appel. Même si la demande a été traitée en tant que requête préliminaire, elle ne semble pas avoir été traitée à titre de requête interlocutoire assujettie à des règles de preuve spéciales. Indépendamment de l'intérêt possible qu'elle présente en l'espèce sur le plan de la procédure, je note qu'à l'égard de la question de fond, la décision fait autorité pour ce qui est de la thèse selon laquelle des condamnations antérieures prononcées au criminel dans des affaires d'évasion fiscale ne devraient pas, en général du moins, constituer un obstacle, et ce, que ce soit en vertu de la règle de la préclusion découlant d'une question déjà tranchée ou en vertu de la règle de l'abus de procédure, lorsque des appelants se présentent devant notre cour en vue d'interjeter appel d'une cotisation d'impôt, puisque notre cour est la seule à avoir une compétence exclusive lorsqu'il s'agit d'instruire un appel de pareille cotisation. Je note également que l'affaire en question posait des problèmes quant à l'identité des questions en litige, comme c'est également le cas ici. En effet, le litige légitime qui existe en l'espèce au sujet des faits qui ont déjà donné lieu à une décision dans les procédures antérieures soulève des problèmes quant à l'identité des questions en litige.

[17]     Dans la décision Sarraf c. M.R.N.[16], le juge Bell semble avoir accueilli une requête visant l'obtention d'une ordonnance portant que l'appelant ne pouvait pas poursuivre les appels en invoquant la préclusion découlant d'une question déjà tranchée par suite d'une condamnation prononcée dans une affaire d'évasion fiscale. Dans cette affaire-là, l'intimé avait soumis une preuve par l'entremise d'un fonctionnaire du ministère du Revenu national ainsi qu'au moyen d'un affidavit de ce fonctionnaire. La décision ne porte pas sur les règles de preuve applicables à la requête, mais elle semble néanmoins faire autorité à l'appui de la position de l'intimée selon laquelle il est approprié de présenter la requête en radiation à titre de requête préliminaire, sur la foi d'un affidavit.

[18]     Dans l'affaire Rogic c. La Reine[17], le juge Bell entendait une requête visant la détermination d'une question de droit, laquelle avait été présentée aux termes de l'alinéa 58(1)a) des Règles, quant à l'application de la règle de la préclusion découlant d'une question déjà tranchée. Le juge a admis les appels pour le motif que la règle de la préclusion découlant d'une question déjà tranchée s'appliquait.

[19]     Ces décisions militent en faveur de la position de l'intimée, mais elles soulèvent, sans toutefois y répondre à mon avis, un autre problème associé à l'examen dans le cadre d'une requête interlocutoire de la requête de l'intimée visant la préclusion découlant d'une question déjà tranchée. Il s'agit du problème qu'un juge des requêtes lierait, au sujet d'une conclusion de fait, le juge qui doit être désigné pour entendre l'appel. Dans sa requête visant la préclusion découlant d'une question déjà tranchée, l'intimée me demande d'empêcher un litige devant le juge chargé de l'instruction au sujet d'une conclusion portant sur des faits importants, mais contestés, à savoir les faits sur lesquels le jury s'est nécessairement fondé en déclarant l'appelant coupable dans les procédures criminelles antérieures. Dans sa requête visant la préclusion découlant d'une question déjà tranchée, l'intimée me demande d'appliquer la règle de la préclusion découlant d'une question déjà tranchée pour limiter des conclusions de fait au lieu de l'appliquer pour statuer d'une façon définitive sur l'appel, c'est-à-dire pour diviser l'appel. Je ne vois pas la nécessité de le faire dans ce cas-ci. Je crois qu'en règle générale, il faut éviter de le faire. Il est préférable de s'en remettre au juge chargé de l'instruction pour tirer des conclusions de fait, y compris des conclusions portant sur des faits antérieurement constatés.

[20]     Par conséquent, à moins qu'il soit possible de statuer d'une façon définitive sur l'appel dans le cadre de la requête préliminaire en concluant que la préclusion découlant d'une question déjà tranchée s'applique, de façon à justifier le rejet ou l'admission de l'appel, comme cela est arrivé dans les affaires Sarraf et Rogic, il semble que l'application de la préclusion découlant d'une question déjà tranchée ne permette pas d'accomplir grand-chose, sauf de diviser un appel, de façon à prétendre lier les mains du juge qui doit être désigné pour entendre l'appel. En pareil cas, il est à coup sûr préférable de laisser le juge qui entend l'appel se prononcer sur l'effet qu'a le dossier dans une procédure criminelle sur les conclusions de fait qui peuvent dicter l'issue de l'appel. Telle était la situation dans la décision Schmidt c. La Reine[18], où le juge Rip, qui entendait l'appel, s'est appuyé, à l'égard d'une nouvelle cotisation, sur le dossier du procès criminel afin de rejeter l'appel et a refusé de s'appuyer sur ce dossier à l'égard d'une autre nouvelle cotisation. Le juge Rip a fait ces distinctions après que toute la preuve eut été soumise et examinée. De même, dans les décisions Mike Adams c. La Reine[19] etNick Adams c. La Reine[20], le juge Bowman (maintenant juge en chef), en entendant les appels, a appliqué dans un cas la règle de la préclusion découlant d'une question déjà tranchée pour rejeter l'appel et, dans l'autre cas, il l'a appliquée pour admettre l'appel, alors que les deux demandes étaient basées sur des conclusions découlant de condamnations prononcées au criminel.

[21]     Il importe donc ici de souligner que la requête de l'intimée visant la préclusion découlant d'une question déjà tranchée ne recherche pas le rejet de l'appel. Elle recherche plutôt l'obtention d'une conclusion selon laquelle l'appelant ne peut pas nier certains faits. L'intimée demande que l'appelant soit empêché d'interjeter appel des nouvelles cotisations [TRADUCTION] « dans la mesure où » elles [TRADUCTION] « englobent dans le revenu de l'appelant » des montants précis à l'égard d'une année particulière, c'est-à-dire que le contribuable soit empêché d'alléguer certains faits à l'égard desquels le juge chargé de l'instruction pourra conclure ou non, lorsqu'il entendra la preuve dans son ensemble, qu'ils sont assujettis à la préclusion découlant d'une question déjà tranchée selon qu'il aura été satisfait ou non aux conditions d'application de la préclusion découlant d'une question déjà tranchée, comme le fait que les mêmes questions sont en cause[21]. Compte tenu du raisonnement qui milite à l'encontre de la division de l'aspect d'un appel se rapportant à la constatation des faits, même en présence d'un dossier appuyant clairement les demandes particulières de l'intimée, on ne saurait généralement pas, à mon avis, accueillir la requête de l'intimée visant la préclusion découlant d'une question déjà tranchée. Les raisons de ne pas le faire sont encore plus fortes en l'espèce, puisque le dossier ne justifie pas clairement, à mon avis, l'octroi de la requête conformément à ses termes, compte tenu de la controverse existant entre les conclusions qui doivent être nécessairement tirées des procédures criminelles et les conclusions que la requête de l'intimée vise à entraîner. Le juge qui entendra l'affaire sera mieux placé pour rendre cette décision après avoir pris en compte l'effet de choses telles que les dépenses par rapport aux sommes reçues désignées comme « revenus » dans les procédures criminelles ou l'effet de l'accusation criminelle concernant l'omission de déclarer un montant de 3 000 000 $ [TRADUCTION] « pour l'une des années d'imposition 1993, 1994, 1995 et 1996 » .

[22]     Toutefois, je n'ai pas à tirer de conclusions sur de telles questions.

[23]     Ces questions seront laissées à l'appréciation du juge chargé de l'instruction, puisque je rejette la requête de l'intimée visant la préclusion découlant d'une question déjà tranchée, et ce, pour tous les motifs susmentionnés.

[24]     Toutefois, avant de conclure, j'aimerais traiter de l'argument de l'intimée selon lequel, du fait qu'elle invoque la règle de l'abus de procédure, je possède un pouvoir discrétionnaire plus étendu que l'on me demande d'exercer en vue de maintenir l'intégrité du système juridique et judiciaire. L'avocat de l'intimée invoque l'arrêt Toronto (Ville) c. Syndicat canadien de la fonction publique[22] à l'appui de sa position. Il fait valoir que la règle de l'abus de procédure peut être appliquée avec un nombre moins grand de restrictions que celle de la chose jugée ou celle de la préclusion découlant d'une question déjà tranchée, lesquelles sont assujetties à des paramètres stricts et à des règles fixes. La chose est reconnue dans l'arrêt Toronto (Ville) au paragraphe 38. De plus, au paragraphe 42 de l'arrêt Toronto (Ville), le juge Arbour, au nom de la majorité, a dit que l'attrait de la doctrine de l'abus de procédure provient de ce qu'elle n'est pas alourdie par les exigences précises du principe de l'autorité de la chose jugée tout en ménageant le pouvoir discrétionnaire d'empêcher la remise en cause de litiges et ce, essentiellement dans le but de préserver l'intégrité du processus judiciaire. Le juge Arbour fait remarquer ce qui suit, au paragraphe 43 :

Ceux qui critiquent cette doctrine font valoir que l'utilisation de l'abus de procédure à la place de la préclusion brouille la vraie question sans rien ajouter d'autre qu'une vague impression de pouvoir discrétionnaire. Je ne partage pas cette vue. À tout le moins dans des circonstances comme celles de la présente espèce, c'est-à-dire une tentative de remettre en cause une déclaration de culpabilité, j'estime que cette doctrine répond beaucoup mieux aux véritables enjeux. Dans tous ses cas d'application, la doctrine de l'abus de procédure vise essentiellement à préserver l'intégrité de la fonction judiciaire. [...] l'accent est mis davantage sur l'intégrité du processus décisionnel judiciaire comme fonction de l'administration de la justice que sur l'intérêt des parties. Dans une affaire comme la présente espèce, c'est cette préoccupation qui commande d'interdire la remise en cause, plus que toute perception d'injustice envers une partie qui serait de nouveau appelée à faire la preuve de ses prétentions [...]

[25]     Au paragraphe 51 de l'arrêt Toronto (Ville), le juge Arbour fait remarquer que le fait de mettre l'accent sur l'intégrité du processus juridictionnel permet de faire trois observations préliminaires, à savoir qu'on ne peut présumer que la remise en cause produira un résultat plus exact que l'instance originale, que si l'instance subséquente donne lieu à une conclusion similaire, la remise en cause aura été un gaspillage de ressources judiciaires et une source de dépenses inutiles pour les parties, sans compter les difficultés supplémentaires qu'elle aura pu occasionner à certains témoins, et que, si le résultat de la seconde instance diffère de la conclusion formulée à l'égard de la même question dans la première instance, l'incohérence, en soi, ébranlera la crédibilité de tout le processus judiciaire et en affaiblira ainsi l'autorité, la crédibilité et la vocation à l'irrévocabilité. Au paragraphe 54, le juge soutient le recours à l'abus de procédure en vue d'éviter de remettre en cause une déclaration de culpabilité pour le motif que le fait de mettre en doute la validité d'une déclaration de culpabilité est une action très grave. L'administration de la justice doit disposer de tous les moyens légitimes propres à prévenir les déclarations de culpabilité injustifiées et à y remédier s'il s'en présente; la contestation indirecte et la remise en cause, toutefois, ne constituent pas des moyens appropriés de corriger la situation, car elles imposent au processus juridictionnel des contraintes excessives et ne font rien pour garantir un résultat plus fiable.

[26]     Toutes ces remarques et réflexions militent en faveur de l'application de la règle de l'abus de procédure sur une base plus générale que celle qui s'applique à celle de la préclusion découlant d'une question déjà tranchée, en particulier dans les cas où l'on tente de remettre en cause des condamnations pénales, mais elles ne justifient pas de condamner l'approche qui consiste à déférer la question au juge qui entendra l'appel. Je ne suis pas convaincu que l'intégrité du système juridique et la fonction judiciaire de la Cour subissent un coup du fait que j'exerce mon pouvoir discrétionnaire de ne pas accueillir la requête de l'intimée visant la préclusion découlant d'une question déjà tranchée. Je m'en remets au juge qui présidera l'instruction pour qu'il réexamine la question, ce qui assurera en fin de compte le maintien de l'intégrité du système judiciaire sans que je compromette les règles de procédure et de preuve ou les principes en cause dans l'application de la préclusion découlant d'une question déjà tranchée et sans retirer le processus d'adjudication des faits du forum dont il relève dans un cas comme celui-ci, à savoir le juge qui entendra l'appel. Le seul fardeau additionnel imposé au système découle du fait que la requête a été présentée sur une base interlocutoire et, peut-être, des lourds motifs que j'ai prononcés en vue de rejeter la requête.

[27]     Pour ces motifs :

a)        la requête que l'appelant a présentée afin de faire radier certaines parties de la réponse est rejetée;

b)       la requête que l'appelant a présentée afin de faire radier certaines parties de l'affidavit est redondante et elle est rejetée;

c)        la requête que l'appelant a présentée afin d'obtenir une prorogation du délai dans lequel il peut déposer une réplique est accueillie, l'appelant disposant d'un délai de 60 jours à compter de la date de la présente ordonnance pour déposer une réplique;

d)       la requête que l'intimée a présentée afin de faire radier les paragraphes 21 et 22 ainsi que la dernière phrase du paragraphe 39 de l'avis d'appel est accueillie;

e)        la requête que l'intimée a présentée en ce qui concerne la préclusion est rejetée.

[28]     Chaque partie supportera ses propres frais.

Signé à Ottawa, Canada, ce 13e jour d'avril 2005.

« J. E. Hershfield »

Le juge Hershfield

Traduction certifiée conforme

ce 22e jour de mai 2006.

Yves Bellefeuille, réviseur


RÉFÉRENCE :

2005CCI250

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2003-3065(IT)G

INTITULÉ :

Donald Neil MacIver c.

Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :

Winnipeg (Manitoba)

DATES DES AUDIENCES :

Les 13 décembre 2004 et 30 mars 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :

L'honorable juge J. E. Hershfield

DATE DES MOTIFS DE L'ORDONNANCE :

Le 13 avril 2005

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :

Me Perry Derksen

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l'appelant :

Nom :

Cabinet :

Pour l'intimée :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada



[1] Voir Lymberopoulus c. La Reine, no 94-2109(IT)I, 15 mai 1997, 1997 CarswellNat 671 (C.C.I.), Bailey et al. v. Guaranty Trust (1987), 39 D.L.R. (4th) 111 (C.A. Alb.), et Cooper v. The Molsons Bank, [1896] S.C.R. 611.

[2] Une distinction peut être faite entre le fait de plaider des hypothèses sur lesquelles les nouvelles cotisations sont fondées et le fait de plaider des faits allégués à l'appui de l'application de la préclusion découlant d'une question déjà tranchée. Dans le premier cas, les hypothèses doivent être énoncées afin d'imposer à l'appelant la charge de les réfuter. Dans le second cas, la charge de la preuve continue à être imposée à la partie qui allègue les faits en question. Voir General Motors Acceptance Corp. of Canada Ltd. c. La Reine, no 97-2864(IT)G, 13 août 1999, 1999 CarswellNat 1553 (C.C.I.).

[3] Pour que pareille requête soit accueillie, l'objet de la plainte doit être clairement non pertinent. Voir de Rothschild v. Canada, [1945] Ex. C.R. 44. Il existe une lourde obligation de démontrer que les dispositions contestées constituent clairement, de toute évidence et indubitablement un abus de procédure. Voir Erasmus c. Canada, no T-148-91, 7 juin 1991, 91 D.T.C. 5145, 1991 CarswellNat 720 (C.F. 1re inst.), et Sweet c. Canada, no A-324-98, 4 octobre 1999, [1999] A.C.F. no 1539 (C.A.F.).

[4] Voir Hennick c. La Reine, no 97-1154(IT)I, 25 juin 1998, 1998 CarswellNat 1175 (C.C.I.).

[5] La Cour d'appel a confirmé les condamnations et a augmenté la peine imposée. La Cour suprême du Canada a refusé l'autorisation de pourvoi.

[6]D'autre part, il se peut qu'une preuve orale doive être soumise dans une procédure interlocutoire en vertu de l'article 76 des Règles, de sorte qu'il incombe en fin de compte à l'appelant de convaincre le juge qui préside la procédure interlocutoire qu'il faut permettre la présentation d'une preuve orale ou insister sur la présentation d'une telle preuve si la question est examinée sur cette base. Or, en l'espèce, l'appelant n'a pas présenté pareil plaidoyer.

[7] Une nouvelle preuve à elle seule ne permet pas pour autant de ne pas appliquer la préclusion découlant d'une question déjà tranchée. Il faut soumettre une nouvelle preuve qui aura pour effet de changer complètement l'aspect de la cause sur laquelle les premières procédures étaient fondées : voir Doering c. Grandview (Ville), [1976] R.C.S. 621, et Mike Adams et al. c. La Reine, no 93-761(IT)I, 10 mars 1995, 96 D.T.C. 1733.

[8] L'intimée peut à coup sûr se fonder sur pareils dossiers. Voir Bande indienne de Blueberry River c. Canada (Ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien), [2001] 4 C.F. 451 (C.A.F.), paragraphes 36 à 39. Les questions tranchées dans le cadre des procédures criminelles, telles qu'elles ressortent de ces dossiers, peuvent à juste titre permettre de conclure qu'une question est assujettie à la préclusion découlant d'une question déjà tranchée. Voir également Johanesson v. Canadian Pacific R. Co. (1922), 67 D.L.R. 636 (C.A. Man.), pages 645 et 646.

[9] Aux termes du paragraphe 58(2), aucune preuve n'est admissible; des décisions telles que Jurchison c. La Reine, no A-798-99, 26 avril 2001, [2001] 3 C.T.C. 33 (C.A.F.), et McLarty c. La Reine, no T-697-00, 21 mai 2002, [2002] 4 C.T.C. 88 (C.A.F.), sont au même effet.

[10] Dans l'arrêt Danyluk c. Ainsworth Technologies Inc., [2001] 2 R.C.S. 460, le juge Binnie, qui parlait au nom de la Cour, a fait remarquer, au paragraphe 20, que la préclusion découlant d'une question déjà tranchée avait pour effet d'étendre la portée de la règle visant à empêcher une poursuite particulière de faire l'objet d'un nouveau litige, de façon que les éléments constitutifs ou faits substantiels s'y rapportant nécessairement ne puissent pas être remis en cause.

[11] no T-497-89, 10 janvier 1996, 96 D.T.C. 6087 (C.F. 1re inst).

[12] (2003), 62 O.R. (3d) 743 (C.A. Ont.).

[13] [1954] P. 270 (Division de l'homologation).

[14] L'intimée m'a également référé à un commentaire plus récent dans lequel il était fait mention de la décision Bright, en confirmant la « pratique moderne » voulant que la question de la préclusion soit examinée dans le cadre d'une demande présentée avant l'instruction. Voir The Doctrine of Res Judicata de Spencer Bower, Turner & Handley (3e éd., Butterworths, Londres, 1996).

[15] no 94-260(IT)G, 18 novembre 1996, [1997] 2 C.T.C. 2343 (C.C.I.).

[16] no 89-1233(IT), 9 novembre 1993, [1993] 2 C.T.C. 3138 (C.C.I.)

[17] no 1999-2483(IT)G, 27 août 2001, 2001 D.T.C. 855 (C.C.I.).

[18] no 95-3609(IT)G, 27 janvier 1999, 1999 CarswellNat 115 (C.C.I.).

[19] no 93-761(IT)I, 10 mars 1995, 96 D.T.C. 1733.

[20] no 94-1316(IT)I, 10 mars 1995, 96 D.T.C. 1737.

[21] Il est bien établi que pour que la préclusion découlant d'une question déjà tranchée s'applique, la question qui a déjà été décidée doit être exactement la même que la question que l'on cherche à décider dans une instance subséquente. C'est l'une des trois conditions d'application de la préclusion découlant d'une question déjà tranchée, telle qu'elles ont été confirmées dans l'arrêt Danyluk et par la suite appliquées dans l'arrêt Van Rooy c. M.R.N., [1989] 1 C.F. 489, 1988 CarswellNat 358 (C.A.F.). Dans l'arrêt Danyluk, le juge Binnie a énoncé ces conditions : la même question a été décidée; la décision judiciaire invoquée comme créant la préclusion est définitive; les parties dans la décision judiciaire, ou leurs ayants droit, sont les mêmes que les parties dans l'affaire où la préclusion est soulevée, ou leurs ayants droit.

[22] [2003] 3 R.C.S. 77.

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