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Dossier : 2002-4812(IT)G

ENTRE :

NAJI ABINADER,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

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Appels entendus les 6, 7, 8, 12, 13, 14, 15 et 16 septembre 2005,

à Roberval (Québec)

Devant : L'honorable juge François Angers

Comparutions :

Avocats de l'appelant :

Me Martin Dallaire

Me Sebastien Talbot

Avocats de l'intimée :

Me Nathalie Lessard

Me Simon-Nicolas Crépin

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JUGEMENT

Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu à l'égard des années d'imposition 1989 à 1995 sont rejetés avec dépens en faveur de l'intimée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour de février 2007.

« François Angers »

Juge Angers


Référence : 2007CCI111

Date : 20070223

Dossier : 2002-4812(IT)G

ENTRE :

NAJI ABINADER,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Angers

[1]      Il s'agit des appels de nouvelles cotisations en date du 20 juin 1997 et ratifiées le 13 septembre 2002 par lesquelles l'appelant s'est vu refuser par le ministre du Revenu national (le « ministre » ) tous les crédits d'impôt qu'il avait réclamés à l'égard des années d'imposition 1989 à 1995 inclusivement pour des dons de bienfaisance qu'il aurait effectué à l'Ordre antonien libanais des Maronites (l' « OALM » ). L'appelant s'est vu imposer des pénalités pour chacune des années d'imposition. Pour les années d'imposition 1989 à 1993 inclusivement, la nouvelle cotisation a été établie après l'expiration de la période normale de nouvelle cotisation.

[2]      Au cours des années en litige, l'appelant a obtenu de l' OALM des reçus pour les montants suivants : 60 000 $ pour l'année 1989, 64 000 $ pour l'année 1990, 60 000 $ pour l'année 1991, 60 200 $ pour l'année 1992, 50 000 $ pour l'année 1993, 50 000 $ pour l'année 1994 et 50 000 $ pour l'année 1995. L'appelant a aussi obtenu des reçus pour des dons de bienfaisance à d'autres organismes enregistrés pour des montants de 456 $, 1 915 $, 2 500 $, 0 $, 200 $, 250 $ et 30 $ respectivement pour les années d'imposition en litige. Ses déclarations de revenus révèlent que l'appelant a réclamé des crédits pour des dons de bienfaisance pour des montants de 53 788 $, 54 171 $, 52 319 $, 66 284 $, 61 388 $, 61 571 $ et 50 030 $ respectivement pour les années en litige.

[3]      Il est allégué par l'intimée que l'appelant n'a pas fait don à l'OALM durant les années en litige des sommes indiquées et figurant sur l'ensemble des reçus puisque ces reçus et les montants qui y apparaissent sont faux. L'intimée soutient qu'au cours des années en litige, un stratagème était en place à l'OALM par lequel cet organisme fournissait des reçus officiels pour dons de bienfaisance en échange du paiement de 20 %, en moyenne, du montant inscrit sur les reçus, ou encore que, dans certains cas, l'OALM établissait un reçu à un contribuable indiquant un don en argent d'un montant égal à la somme que le contribuable lui payait par chèque mais que par la suite, il se voyait remettre en espèces, une somme équivalant en moyenne à 80 % du don. Il arrivait aussi que l'OALM remette un reçu à un contribuable alors que ce dernier n'avait versé aucune somme ou avait versé en espèces une somme minime (soit 20 %). Toujours selon l'intimée, l'appelant aurait participé à ce stratagème de l'OALM et tous les reçus pour les années en litige ont été délivrés en vertu de ce stratagème.

[4]      L'appelant, de son côté, soutient qu'il a réellement fait par des dons de bienfaisance à l'OALM, que les montants de ses dons correspondent à ses revenus professionnels, que sa situation financière, c'est-à-dire ses avoirs, est incompatible avec les prétentions de l'intimée et qu'il est impossible que l'appelant ait profité d'un enrichissement au détriment de l'intimée. L'appelant s'oppose également à l'admissibilité de certains éléments de preuve, soit ceux obtenus à la suite de l'exécution de mandats de perquisition chez l'OALM et chez l'appelant, en soulevant les dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés. L'appelant a toutefois abandonné son opposition à l'admissibilité de la preuve obtenue à la suite de la perquisition effectuée chez lui, à son bureau et à son chalet. L'appelant soulève la prescription et l'équité procédurale et met en doute la pertinence de faits similaires invoqués par certains témoins de l'intimée.

[5]      L'implication de l'Agence du revenu du Canada (l' « Agence » ) a pris naissance à la fin de mars 1994 lorsque madame Isabelle Mercier, avec l'aide de son comptable, a obtenu une rencontre avec des représentants de l'Agence dans le but de leur faire part de sa participation, de celle de son époux, Samir El-Boustany, de l'appelant, du Dr Fadi Basile et d'Antoine Hani à un stratagème établi par l'OALM. Madame Mercier était accompagnée de son comptable et l'Agence était représentée par madame Colette Langelier, vérificatrice, monsieur Gaetan Ouellet, du service des Enquêtes spéciales, et M. Raymond Galimi, chef d'équipe. Elle leur a expliqué son cas et celui des autres personnes nommées ci-dessus. Elle a justifié sa démarche du fait qu'elle éprouvait, à l'époque, beaucoup de problèmes avec son époux. Ils étaient effectivement séparés depuis septembre 1993 et étaient les parents de trois enfants. Son époux avait fait don de son salaire au complet dans une année d'imposition et le montant était déposé à nouveau quelques jours plus tard dans leur compte conjoint. Craignant des représailles de la part de l'Agence, elle préférait rencontrer ses représentants afin de les mettre au courant de cette façon de faire.

[6]      Madame Mercier a épousé Samir El-Boustany, un technicien en radiologie, en décembre 1984. Il était Libanais, catholique, membre du conseil d'administration de l'OALM, fréquentait l'église de l'Ordre et était ami des prêtres qui la composaient à Montréal. Elle a donc connu et fréquenté l'OALM durant les premières années de son mariage et a fait des dons de bienfaisance à l'OALM durant les années 1988 à 1990 et a obtenu 4 ou 5 reçus. Son premier don à l'OALM en 1988 était de 200 $ et elle a effectivement obtenu un reçu du même montant. Par contre, pour les dons faits les années suivantes, qui allaient de 3 000 $ à 5 000 $, elle se voyait remettre un reçu pour le même montant, mais les reçus étaient accompagnés d'un montant en argent variant de 50 à 80 % du montant du don. Son conjoint déposait ce montant d'argent dans leur compte conjoint et les montants servaient à rembourser l'hypothèque qui grevait leur résidence. En fait, madame Mercier explique que son époux servait d'intermédiaire entre elle et l'OALM tout comme il le faisait, selon elle, pour d'autres donateurs. À plusieurs reprises, il a fait, en sa présence, des démarches pour attirer des donateurs et leur expliquer le stratagème; il s'adressait principalement à des médecins et amis, dont quelques-uns furent identifiés. Elle était présente également un dimanche, après la messe, lorsque son époux et le père Antoine Sleeman ont discuté du stratagème. Après le départ du père Sleeman, vers 1989, elle a fait la connaissance du père Youssel El-Kamar qui est devenu un ami personnel de son époux. C'est lui qui signait les reçus pour l'OALM. Il connaissait bien le stratagème et il en a discuté en sa présence à son domicile. Madame Mercier a aussi connu les pères Jean Slim et Claude Nadras.

[7]      En ce qui concerne l'appelant, madame Mercier a fait sa connaissance au début de son mariage. Il était d'origine libanaise, marié à une Québécoise, Nicole Leduc, et était résident à l'Hôtel-Dieu de Montréal. Les deux couples sont devenus amis et se visitaient même après le départ de l'appelant de Montréal, lorsqu'il a élu domicile à Roberval. Ils ont fait des voyages ensemble dans le Sud et l'appelant et sa famille les visitaient à l'occasion de leurs visites chez les parents de Nicole Leduc à Brownsburg, au Québec. Ils se visitaient également durant les vacances d'été.

[8]      Madame Mercier témoigne que l'appelant a participé au stratagème mis en place par l'OALM. Elle avait des reçus de l'OALM à son nom et de l'argent dans un tiroir dans sa chambre à coucher. Son conjoint obtenait un chèque de l'appelant, il se rendait à l'église et revenait avec une enveloppe adressée à l'appelant, un reçu et de l'argent comptant. Elle déclare avoir vu cela à plusieurs reprises. La majorité du temps, il y avait 16 000 $, car il lui est arrivé à une ou deux reprises d'avoir compté l'argent. Il s'agissait de coupures de 1 000 $ et de 100 $. À voir l'épaisseur de l'enveloppe et le reçu, elle savait le montant. Son conjoint la plaçait toujours dans le tiroir de son bureau. Après quelques jours, l'appelant ou son beau-père passait chez eux prendre l'enveloppe en sa présence, et ce, à plusieurs reprises. Elle témoigne être au courant de cette façon de faire de 1990 à 1992 inclusivement. Pour ce qui est de 1993, elle est moins certaine, vu sa séparation de son conjoint en septembre de cette année-là.

[9]      Lors de discussions qu'elle a eues avec l'appelant au sujet de cet argent comptant, elle a appris de ce dernier qu'il l'utilise pour ses dépenses lorsqu'il participe à des congrès à l'étranger, qu'il a acheté une automobile de marque Porsche, qu'il a rénové le deuxième étage de sa maison et a payé les travailleurs en argent comptant et a fait l'achat d'un terrain. Elle témoigne que madame Leduc était probablement au courant car il fallait que l'argent soit dépensé quelque part et ils en parlaient. Madame Mercier a également trouvé dans le véhicule familial une enveloppe de l'OALM contenant deux reçus au nom de l'appelant, soit un daté du 23 juillet 1991 portant le numéro 1752 au montant de 20 000 $ et un autre daté du 20 août 1991 portant le numéro 1761 pour 20 000 $ également. Elle a informé son conjoint de ce fait et ce dernier lui a répondu que ce n'était pas grave car les deux reçus avaient été refaits (pièce I-24).

[10]     Madame Mercier a rencontré les mêmes représentants de l'Agence, à l'exception de monsieur Ouellet, une deuxième fois en septembre 1994 afin de préciser ses dires. Elle apporte ses documents tels que reçus et chèques. Le 23 août 1995, elle signe une déclaration devant M. Ouellet et madame Langelier dans laquelle elle leur fait part de ses connaissances sur le stratagème de l'OALM. Le 31 janvier 1997, elle signe une deuxième déclaration contenant essentiellement les mêmes énoncés sur le stratagème et la participation de l'appelant. Elle y ajoute cependant que durant l'été, lors de visites à la résidence de l'appelant, son conjoint apportait des enveloppes de l'OALM contenant de l'argent et des reçus et que son conjoint rapportait des chèques que l'appelant avait émis au nom de l'OALM. Il faut se rappeler que le conjoint de madame Mercier était un promoteur pour l'OALM afin de recueillir des dons, lesquels permettaient aux donateurs de profiter d'un des stratagèmes mis en place par l'OALM.

[11]     À la suite de la rencontre avec madame Mercier en septembre, le chef d'équipe a décidé de procéder à une vérification de l'OALM avec la Division des organismes de charité à Ottawa et a confié cette tâche à madame Colette Langelier. Cette dernière travaille pour l'Agence depuis une trentaine d'années. Elle apprend que le bureau d'Ottawa s'apprêtait à suspendre l'enregistrement de l'OALM. Elle obtient les relevés T-3010 contenant le nom de ses donateurs et le rapport de sa vérification et après avoir pris connaissance de leur contenu, elle constate plusieurs anomalies dans la façon de faire de l'OALM, de sorte qu'il était possible de faire des liens avec les propos de madame Mercier. Il fut donc décidé d'entreprendre la vérification de l'OALM, et cette tâche lui fut confiée.

[12]     Comme on sait, elle a rencontré à nouveau madame Mercier le 8 septembre 1994, accompagnée du chef d'équipe Raymond Galimi. Lors de cette rencontre, elle a obtenu des documents de madame Mercier, notamment une copie des chèques et des bordereaux de dépôt de son ancien conjoint. On y trouve entre autres un chèque de 15 000 $, émis au nom de l'OALM par son ancien conjoint, qui fut encaissé par l'OALM. L'OALM lui a remis 15 billets de 1 000 $, qu'il a déposés immédiatement, car l'argent pour le don avait été pris de sa marge de crédit. La vérification a d'ailleurs permis à madame Langelier de confirmer l'information fournie par madame Mercier et d'établir une nouvelle cotisation pour son ancien conjoint pour les années d'imposition de 1989 à 1992 inclusivement.

[13]     Madame Langelier a donc contacté les dirigeants de l'OALM et a procédé à une vérification pour les années 1989 à 1993. Elle a complété plus tard les années 1994 et 1995. Elle a obtenu du comptable de l'OALM, M. Ralph Nahar, des copies des documents comptables, les relevés de banque mensuels, les chèques payés, les bordereaux de dépôt et les carnets de reçus. La conciliation de toute cette information a pris la forme de la pièce I-28, dans laquelle on trouve le nom de chaque donateur, le montant et la date du chèque, la date du dépôt du chèque, et le numéro, la date et le montant du reçu délivré. La pièce I-28 permet de comparer le total des dépôts faits par l'OALM aux reçus délivrés et l'importance des retraits effectués par l'OALM par le truchement de chèques payables à l'ordre de « cash » faits peu de temps après le dépôt des dons. Madame Langelier a également constaté qu'il y avait très peu de dépôts de dons reçus en argent comptant. L'OALM a été incapable de démontrer que les dons reçus étaient effectivement acheminés au Liban tel qu'il le prétendait. Les représentants de l'OALM auraient expliqué à madame Langelier que les retraits d'argent par chèques payables à « cash » étaient gardés dans le coffre-fort et remis à ceux qui voyageaient au Liban ou aux prêtres qui s'y rendaient. L'OALM n'a cependant pas été capable de fournir de nom, de date ou de montant qui aurait ainsi été acheminé au Liban, ni d'établir une quelconque conversion d'argent canadien en devise libanaise. Madame Langelier a été incapable d'établir l'utilisation de plus de 90 % des sommes apparaissant dans les reçus délivrés par l'OALM.

[14]     Son travail de vérification, et plus particulièrement la conciliation que l'on trouve à la pièce I-28 lui a permis d'établir les trois formes que prenait le stratagème. La première forme consiste à recevoir un don par chèque et à remettre un reçu pour le même montant. Le chèque est déposé et est suivi d'un retrait par chèque fait à l'ordre de « cash » par l'OALM. Le retrait correspond à 80 % du don, et cette somme est ensuite remise au donateur. La deuxième forme consiste à délivrer un reçu antidaté pour des paiements faits par chèque dont le montant était une fraction seulement du montant indiqué au reçu. La troisième forme consiste à remettre un reçu sans qu'on puisse constater d'entrée de fonds dans les comptes bancaires de l'OALM. Chacun de ces stratagèmes est illustré par un exemple dans la pièce I-28. Madame Langelier a aussi constaté que la plupart des donateurs de 1989 à 1994 ne faisaient de dons de bienfaisance qu'à l'OALM et que plusieurs réclamaient 20 % de leurs revenus nets.

[15]     M. Gaetan Ouellet est maintenant à la retraite. Il a été enquêteur dans le dossier de l'OALM mais son implication n'a réellement commencé qu'à la fin juin 1995, soit le 29, date à laquelle madame Langelier a signé le renvoi aux service des enquêtes. Sa seule implication auparavant fut sa présence lors de la première rencontre avec madame Mercier en mars 1994, rencontre qui ne l'a pas touché du tout puisque le chef de section, M. Galimi, a conservé le dossier. M. Ouellet n'a donc pas été touché avant le renvoi par madame Langelier. M. Ouellet déclare n'avoir eu aucun contact avec madame Langelier, M. Galimi ou madame Mercier de mars 1994 à juin 1995, ni obtenu aucun document visant cette affaire.

[16]     Le dossier a été accepté et remis aux services des enquêtes et c'est par hasard qu'il a hérité du dossier. Il a donc commencé son enquête sur les stratagèmes de l'OALM à la fin août 1995. Il a examiné le travail de madame Langelier et les déclarations fiscales de l'OALM et a obtenu le dossier de la division des organismes de charité à Ottawa. Il a présenté un rapport sommaire, mais a eu de la difficulté à faire autoriser une perquisition par ses supérieurs.

[17]     Il a donc rencontré madame Mercier à deux reprises et a obtenu de cette dernière un affidavit daté du 23 août 1995 (pièce I-25) à l'appui de l'obtention de mandats de perquisition chez l'OALM. Le mandat a d'ailleurs été exécuté le 8 novembre 1995. Un autre mandat de perquisition, daté du 10 juillet 1996, a été exécuté à la résidence du comptable de l'OALM, M. Ralph Nahar, et à la résidence de Samir El-Boustany, l'époux de madame Mercier, un ami des prêtres et des dirigeants de l'OALM.

[18]     L'enquête aura donc permis à M. Ouellet de conclure qu'il existait chez l'OALM les mêmes types de stratagèmes que ceux établis lors de la vérification. On délivrait des reçus sans qu'il n'y ait de don, on faisait un don et le donateur se voyait remettre 80 % de son don en argent avec un reçu pour le montant complet du don, ou encore on obtenait un reçu pour un montant alors que le donateur ne versait que 20 % de ce montant.

[19]     Cette perquisition a permis à l'enquêteur d'obtenir les bordereaux de dépôt de l'OALM, les chèques faits par l'OALM payables à « cash » , les talons de chèques, les reçus et les carnets de reçus pour la période de 1989 à 1995. Tous ces documents sont d'ailleurs visés par l'objection soulevée par l'avocat de l'appelant en vertu de la Charte et au motif de leur non-pertinence dans cette instance. Je traiterai de cette question plus tard dans mes motifs.

[20]     On trouve dans les documents saisis une disquette informatique comprenant une bibliothèque de reçus que l'on a appellée « biblio-reç » (pièce I-11, onglet 3). Le « biblio-reç » contient de l'information concernant la délivrance de 354 reçus par l'OALM. L'enquête de M. Ouellet lui a permis d'interpréter le fonctionnement du « biblio-reç » , de sorte qu'il lui est possible d'expliquer les différentes colonnes qui le composent et l'information que chaque colonne représente. La colonne L. correspond au pourcentage du don que l'OALM gardait et ce montant correspond à 20 %. On y trouve aussi le numéro du reçu, le prénom et le nom du donateur, son numéro de téléphone, le montant du reçu, le montant à payer, le montant payé et le montant restant à payer dans certains cas. A titre d'exemple, M. Ouellet témoigne que le nom de l'appelant figure à deux reprises dans le « biblio-reç » pour les années en cause. Le premier don est de 10 000 $, on lui aurait remis 8 000 $, l'OALM aurait conservé 2 000 $, le reçu porte le numéro 81 et le nom de la personne ayant recruté l'appelant est « SAMR » pour Sami El-Boustany, selon M. Ouellet. Le deuxième don de l'appelant en est un de 20 000 $ et le reçu porte le numéro 292. On peut voir que l'OALM lui a remis 16 000 $ en espèces, mais aucune somme n'est indiquée pour la partie du don restant à l'OALM, et plus loin on peut lire « remplacer » .

[21]     Dans les autres documents saisis, particulièrement chez le comptable Nahar, on trouve un « Biblio-avant moi » et un autre « biblio-reç » (pièce I-11, onglet 58), mais certaines colonnes ont été omises. On y trouve, par contre, les noms des donateurs qui ont plaidé coupable à des infractions en vertu du Code criminel et d'autres qui ont avoué avoir participé au stratagème de l'OALM. Plusieurs aveux font d'ailleurs partie des pièces déposées. Dans le « biblio-reç » (pièce I-11, onglet 58, numéro 435), on trouve le numéro du reçu 474 au nom de l'appelant avec la mention « remplacement » .

[22]     Monsieur Ouellet a déclaré avoir trouvé dans des boîtes de rebus des photocopies de chèques, dont deux faits par l'appelant et payables à l'OALM, soit un de 20 000 $ daté du 1er novembre 1994 et un autre daté du 1er décembre 1994 pour 10 000 $ (pièce I-11, onglet 128). Dans un autre document saisi au même endroit, on trouve un document de deux pages où on peut lire sur la première page qu'une somme de 16 000 $ a déjà été rendue à l'appelant; sur l'autre feuille, le montant de 20 000 $ est inscrit à côté du nom de l'appelant, l'année étant 1994 (pièce I-11, onglet 56, pièce 6).

[23]     Parmi les talons de chèques saisis chez l'OALM, on trouve un talon de chèque portant le numéro 285 en date du 31 juillet 1992 payable à « cash » pour 25 000 $ et dont l'objet est identifié par le nom « Ziad Saba » et l'inscription « chèque bancaire » . Ziad Saba était à l'époque le beau-frère de l'appelant et il demeurait au Liban. M. Ouellet a également trouvé dans les documents de l'OALM une copie d'une traite bancaire de 25 000 $ en date du 22 juillet 1992 payable à Ziad Saba. La copie de cette traite bancaire se trouvait dans une enveloppe de l'OALM sur laquelle était inscrit le nom de l'appelant.

[24]     D'autres exemples furent donnés par M. Ouellet durant son témoignage. L'enquête a fait en sorte que 1 000 à 1 200 donateurs ont fait l'objet de nouvelles cotisations pour les années 1989 à 1995 et tous les donateurs de plus de 100 000 $, dont l'appelant, étaient poursuivis au criminel. Son dossier a donc été transféré au bureau de l'Agence à Québec à la fin de 1996 et remis à l'enquêteur Jean-Claude Délisle. Une copie d'une lettre de sollicitation de l'OALM a été saisie lors de la perquisition. Cette lettre laisse comprendre de façon très claire que l'OALM avait besoin d'argent pour subvenir à ses obligations financières à Montréal et non pour l'expédier au Liban.

[25]     L'intimée a fait comparaître un témoin et a déposé la transcription du témoignage dans une autre instance de deux autres témoins. Tous les trois ont témoigné avoir obtenu des reçus de l'OALM pour des montants supérieurs aux montants des dons réellement faits.

[26]     Le premier témoin est M. Michel Yazbeck, qui est originaire du Liban et dentiste depuis 1988. Il a obtenu trois reçus de l'OALM, soit un de 10 000 $ en 1990, un autre de 10 000 $ en 1991 et un de 8 000 $ en 1992. Dans chaque cas, il s'est vu remettre par un prêtre de l'OALM un reçu pour le montant complet et 80 % du don lui était remis en argent comptant environ deux semaines plus tard.

[27]     Le deuxième témoin est M. Elias Farhat. Il est ingénieur et réside à Montréal mais il est originaire du Liban. Il a pris connaissance du stratagème de l'OALM par l'entremise d'une amie. Il a obtenu trois reçus pour dons de bienfaisance de l'OALM, dont un de 10 000 $ en 1993 et deux de 5 000 $ et 4 500 $ en 1994. Il n'a payé que 20 % du montant inscrit sur les reçus.

[28]     Le dernier témoin est Marcel Thibodeau. Il a pris connaissance du stratagème par l'entremise de son comptable qui lui a proposé, en mars ou avril 1993, de faire un don à l'OALM pour réduire ses impôts. Il a donc fait un don de 1 250 $ en 1993 et a obtenu un reçu aux fins de l'impôt de 5 000 $ pour son année d'imposition 1992. M. Thibodeau ne connaît rien de l'OALM. Vers la fin de 1993, M. Thibodeau s'est rendu dans un restaurant selon les instructions qu'il a reçues, et s'est présenté à un petit comptoir pour passer à l'arrière. Il ne connaît pas la personne, mais il a donné 2 000 $ et il a obtenu un reçu de l'OALM pour 8 000 $. Le même scénario s'est répété en 1994. En 1995, M. Thibodeau n'a pas fait de don car personne ne l'a contacté et il prenait connaissance plus tard de l'existence du stratagème à la lecture d'un article sur l'OALM et le stratagème paru dans le journal « La Presse » en janvier 1996.

[29]     Jean-Claude Délisle est enquêteur au bureau de l'Agence à Québec. Le dossier de l'appelant lui a été envoyé en avril ou mai 1996. Il a donc procédé à l'examen de toute la documentation pertinente aux stratagèmes mis en place par l'OALM, de même que du travail effectué par madame Langelier et M. Ouellet, y compris l'information obtenue de madame Mercier et la photocopie des deux chèques faits par l'appelant à l'OALM, soit ceux du 1er novembre et du 1er    décembre 1994 de 20 000 $ et 10 000 $ respectivement.

[30]     Monsieur Délisle a donc procédé à l'obtention de mandats de perquisition, qu'il a effectivement obtenus le 3 juillet 1996. Le 10 juillet 1996, il a procédé à la perquisition de la résidence de l'appelant et de son bureau et du bureau de son comptable. Il a obtenu plus tard un autre mandat à être exécuté à la résidence secondaire de l'appelant à Québec. Une liste de tous les documents saisis a été déposée en preuve de même que l'information ayant servi à l'obtention des mandats de perquisition. En plus des documents, une somme de 10 000 $ en argent comptant a été trouvée dans le coffre-fort de l'appelant.

[31]     Au même moment où les mandats de perquisition étaient exécutés, l'appelant était inculpé au criminel à l'égard de deux chefs d'accusation en vertu de l'alinéa 239(1)a) du Code criminel. Après de longues procédures devant les tribunaux, particulièrement sur la validité des mandats de perquisition et l'admissibilité de la preuve ainsi obtenue, le ministère, malgré une décision qui lui était favorable en ce sens qu'un nouveau procès avait été ordonné, a choisi de ne pas reprendre les procédures contre l'appelant en novembre 2001. C'est cette même preuve que l'appelant dit dans ses plaidoiries avoir été obtenue en violation de ses droits, de sorte qu'elle devrait être écartée. Tel que mentionné, l'appelant a abandonné ce motif d'appel lors du procès en ce qui concerne les preuves obtenues lors de l'exécution des mandats de perquisition chez lui.

[32]     L'enquêteur Délisle a donc préparé une liste des pièces et des documents saisis et en a fait l'examen. Chez l'appelant, on a saisi sa documentation bancaire, les états de compte de ses cartes de crédit, les états de comptes bancaires, des reçus, des factures d'achats et tout ce qui touche des opérations financières. M. Délisle, dans son témoignage, a fait des liens entre les dons de l'appelant à l'OALM durant les années d'imposition en litige et certains achats ou dépenses faits par l'appelant en argent comptant vers les mêmes dates que celles auxquelles les dons étaient effectués dans le but d'établir la participation de l'appelant aux stratagèmes mis en place par l'OALM. Je reviendrai plus tard dans ces motifs à ces différents liens.

[33]     Naji Abinader est originaire du Liban. Il est médecin orthopédiste de profession. Il est arrivé au Canada en 1981 et s'est installé à Montréal pour terminer ses études. C'est ainsi qu'il a fait connaissance avec la communauté libanaise à Montréal. Son père lui avait dit de communiquer avec un individu appelé Fadi Basile, un membre de leur famille, et avec un cousin qui habitait la ville de Québec. Une fois son stage de spécialisation terminé, l'appelant et son épouse, une Canadienne, ont élu domicile en 1986 à Roberval afin de satisfaire à la condition voulant qu'un diplômé venant d'un pays étranger doive faire quatre années de service en région éloignée. Il recevait ainsi un incitatif de déplacement et voyait ses honoraires majorés de 20 % par acte médical posé. L'appelant a choisi de demeurer au Canada en raison du fait que les conditions de vie au Liban étaient sérieusement mises en péril par la guerre qui perdurait. Selon l'appelant, il a fait parvenir une somme de 10 000 $ à son père en 1987 pour aider la paroisse. Il ne se souvient pas de la forme sous laquelle ce don a été transmis à son père. Toutefois, lors de son témoignage à l'interrogatoire préalable, l'appelant a dit qu'il s'agissait d'un don de 15 000 $ à 20 000 $. Le montant de 10 000 $ a été confirmé par une lettre obtenue de la paroisse St-Elie Maronite et signée par le père Paul Youssef. Ce dernier n'a cependant pas témoigné au procès.

[34]     C'est à l'occasion d'une visite à la résidence de Fadi Basile, à Montréal, que ce dernier informa l'appelant de la possibilité de faire des dons par l'entremise d'un organisme de charité et qu'on lui remettrait un reçu aux fins de l'impôt. Il s'agissait effectivement de l'OALM. Fadi Basile informa l'appelant que Samir El-Boustany était membre de cet organisme et qu'il devrait lui en parler. L'appelant connaissait Samir El-Boustany, puisqu'il était le frère d'un de ses amis au Liban. L'appelant l'avait d'ailleurs rencontré durant la première année de ses stages à Montréal et ils sont demeurés amis depuis et se sont fréquentés. Ils ont tous deux épousé des Canadiennes et avaient chacun trois enfants du même âge. On se souviendra que Samir El-Boustany était le conjoint de madame Isabelle Mercier. Les deux familles étaient amies et se fréquentaient. Celle de M. El-Boustany se rendait à Roberval pendant l'été et celle de M. Abinader se rendait à Montréal à l'occasion. Ils ont également fait des voyages ensemble à l'extérieur du Canada. Lors de l'interrogatoire préalable, l'appelant avait témoigné que c'était Samir El-Boustany qui lui a d'abord fait connaître l'OALM et qui lui a suggéré de faire des dons à l'OALM pour avoir des reçus. L'appelant dit toutefois qu'il était en erreur lors de son interrogatoire préalable.

[35]     C'est ainsi qu'en 1998, l'appelant informa son père qu'il allait envoyer de l'argent au Liban mais qu'il procéderait de façon différente, c'est-à-dire qu'il passerait par l'entremise de l'OALM. Son père aurait d'ailleurs vérifié cet organisme au Liban et il semblait qu'il s'occupait de bonnes oeuvres.

[36]     L'appelant a donc décidé qu'il allait contribuer l'équivalent de la prime pour ses honoraires soit 20 %, à l'OALM. L'incidence fiscale lui permettait d'ailleurs d'être plus généreux.

[37]     L'appelant déclare qu'il n'a pas vérifié quoi que ce soit. Il ne connaissait pas les prêtres et son homme de confiance était Samir El-Boustany. Il était au courant que ce dernier et sa conjointe faisaient des dons à l'OALM, et que le Dr. Fadi Basile en faisait aussi. Cependant, seuls son épouse, son comptable, monsieur et madame El-Boustany et Fadi Basile étaient au courant que l'appelant faisait des dons à l'OALM.

[38]     L'appelant n'avait pas de calendrier précis pour faire des dons chaque année à l'OALM. Lors de l'interrogatoire préalable, l'appelant a témoigné que ses dons étaient faits lorsqu'il avait assez d'argent. Au procès, il a précisé qu'il utilisait sa marge de crédit à l'occasion pour effectuer ses dons à l'OALM. Le montant des dons annuels était établi en fonction de la prime de 20 % qu'il recevait de la Régie parce qu'il était en région. L'appelant reconnaît que son comptable lui a expliqué qu'il avait le droit de déduire 20 % de ses revenus en dons de bienfaisance.

[39]     Tous les chèques concernant les dons faits à l'OALM pour les périodes en litige ont été remis à Samir El-Boustany soit par la poste, soit en passant chez lui. Les reçus de l'OALM lui étaient remis soit par la poste, soit par M. El-Boustany lui-même, soit par l'entremise de son beau-père, M. Gaetan Leduc. L'appelant affirme également que la date du chèque correspond à la date à laquelle le don à l'OALM a été fait. Il n'a jamais fait de chèque antidaté ou postdaté. Tous les reçus antérieurs à 1993 portent l'adresse du bureau de l'appelant.

[40]     L'appelant précise qu'il fait ses achats personnels, ses dépenses et ses opérations financières par chèque ou carte de crédit. Il précise également qu'il ne gère pas son argent et que c'est son épouse qui s'occupe de ça. Il explique cela en disant qu'elle arrive avec les chèques, qu'il les signe et qu'elle s'occupe du côté financier avec le comptable.

[41]     L'appelant témoigne que tous ses revenus sont déclarés. Il reconnaît qu'il reçoit en moyenne 400 $ par semaine à son bureau en argent liquide. Il s'agit de paiements pour des soins non couverts par la Régie, tels que des infiltrations ou la rédaction de rapports médicaux. Cet argent liquide est en petites coupures et il n'a jamais reçu de billet de 1 000 $. Cet argent était rarement déposé à la banque ou à la Caisse, mais était plutôt placé dans un coffre-fort à son bureau. L'argent était utilisé pour l'épicerie et les autres besoins de la famille. Selon l'appelant, il pouvait accumuler jusqu'à 10 000 $ dans son coffre-fort.

1989

[42]     En 1989, l'appelant a fait à l'OALM des dons totalisant 60 000 $. Ces dons ont été faits en quatre versements. Selon les reçus délivrés par l'OALM, le premier don est de 12 000 $ et le reçu est daté du 4 mai 1989, le deuxième est de 16 000 $ et le reçu est daté du 14 août 1989, le troisième est de 16 000 $ et le reçu est daté du 4 octobre 1989, et le dernier est de 16 000 $ avec un reçu en date du 28 décembre 1989.

[43]     Selon Jean-Claude Délisle et d'après la documentation saisie chez l'appelant, le premier chèque de 12 000 $ a été compensé le 18 avril 1989. Le 19 mai 1989, l'appelant aurait réglé une facture (pièce I-3, onglet 136) visant l'achat d'un piano en remettant un deuxième paiement de 7 900 $ par chèque, le solde en argent liquide, soit 4 900 $. M. Délisle n'a pas trouvé de retrait d'argent des comptes en banque de l'appelant pouvant justifier le paiement de 4 900 $ en argent liquide et ce, après avoir vérifié les comptes en banque et les comptes des cartes de crédit. Il lui manquait les états de compte d'une carte de crédit pour mars et novembre 1989, mais le reste était complet.

[44]     Toujours selon M. Délisle, le chèque de 16 000 $ représentant le troisième don à l'OALM en 1989 a été compensé le 4 octobre 1989. La journée précédente, l'appelant payait une facture (pièce I-3, onglet 136) de 1 370 $ en argent comptant et aucun retrait d'argent n'a été effectué des comptes de l'appelant. Le 22 décembre 1989, un chèque de 16 000 $ était compensé et le 3 janvier 1990, l'appelant a remis 1 000 $ en argent comptant pour des achats de 3 275,25 $ effectués chez Serge Charest (pièce I-3, onglet 136); la différence a été payée par carte de crédit. M. Délisle n'a pas vérifié si un retrait de 1 000 $ a été effectué par l'appelant. Il précise toutefois que sa vérification lui permet de constater que l'OALM pouvait faire des remises d'argent avant qu'il ne reçoive de don ou qu'il ne fasse de dépôt.

1990

[45]     En 1990, l'appelant a fait quatre dons à l'OALM pour un total de 64 000 $. Le premier reçu, de 20 000 $, est daté du 6 juillet 1990, le deuxième, de 20 000 $, est daté du 1er août 1990, le troisième, de 12 000 $, est daté du 23 octobre 1990 et le dernier, de 12 000 $ également, daté du 28 décembre 1990.

[46]     Durant cette même année, l'appelant a fait l'achat d'une table de billard de 1 798,20 $, laquelle fut payée en argent comptant (pièce I-3, onglet 136) le 7 février 1990, sauf pour 500 $. M. Délisle n'a trouvé aucun retrait d'argent des comptes de l'appelant pouvant justifier ce paiement en argent. Le 10 février 1990, l'appelant effectuait un achat de mobilier d'un total de 4 750 $ et il fit un dépôt de 750 $ en argent liquide (pièce I-3, onglet 136). Le 3 août 1990, l'appelant payait 1 750 $ en argent liquide à titre d'acompte pour cet achat et le 21 août 1990, il payait le solde par un chèque de 2 250 $.

[47]     Un autre achat a été effectué par l'appelant le 16 mars 1990 pour la somme de 750 $. M. Délisle n'a pas pu retrouver la méthode de paiement lors de sa vérification (chèque ou carte de crédit) et en conclut que le paiement a été fait en argent liquide. La facture (pièce I-3, onglet 136) indique que la marchandise a été livrée chez l'appelant le 3 août 1990.

[48]     L'appelant a aussi effectué, au cours de l'été 1990, des travaux de rénovation à son bureau et à sa résidence. La main-d'oeuvre pour effectuer ces travaux a été payée 11 200 $ en argent liquide (pièce I-17). L'entrepreneur retenu a d'ailleurs confirmé ce fait et a reconnu qu'il a effectué des travaux pour l'appelant de 1990 à 1994 en vertu de la même entente, soit le paiement en argent liquide afin de ne pas avoir à le déclarer au fisc. Il témoigne qu'il a reçu au moins 3 000 $ en argent liquide pour des travaux en 1993. L'appelant reconnaît avoir payé ces sommes en argent liquide, mais déclare que cet argent provenait de son coffre-fort. Il ajoute qu'il a fait très peu de retraits d'argent comptant durant les périodes en litige car il n'est pas du genre à aller retirer de l'argent.

1991

[49]     L'appelant a fait deux dons de 20 000 $ et deux dons de 10 000 $ en 1991. Deux reçus de 20 000 $ chacun lui ont été remis par l'OALM, dont un le 23 juillet 1991 et l'autre le 20 août 1991. Deux reçus de 10 000 $ chacun lui ont été remis par l'OALM le 30 octobre et le 12 novembre 1991.

[50]     Le vérificateur Jean-Claude Délisle a fait un lien avec le don du 24 juillet 1991. Il a retrouvé l'achat de deux billets d'avion le 27 juillet 1991 pour un voyage à Beyrouth, au Liban, payés comptant, pour les beaux-parents de l'appelant, monsieur et madame Gaetan Leduc. L'appelant et sa famille ont d'ailleurs accompagné les beaux-parents lors de ce voyage. Leurs billets ont été payés par chèque. Les sept billets et les deux reçus ont été envoyés par la poste à l'appelant le 6 août 1991 à Roberval, où ils ont d'ailleurs été retrouvés. Ils ont été achetés d'une agence de voyages à Montréal (pièce I-3, onglet 126).

[51]     M. Gaetan Leduc a témoigné en réplique au procès qu'il a lui-même acheté et payé les deux billets d'avion en question. Cependant, dans une déclaration écrite et signée devant le vérificateur Délisle le 15 avril 1997, M. Leduc affirmait solennellement que l'appelant avait défrayé le coût des billets d'avion pour son épouse et lui-même. Il ne se souvient pas de l'achat des billets et n'a jamais contacté l'Agence pour l'informer de son inconfort quant au contenu de sa déclaration. Au sujet du transport d'enveloppes d'argent et de chèques à l'appelant, il témoigne s'être présenté une seule fois chez Samir El-Boustany. Il y a ramassé une enveloppe contenant des photos et une lettre pour l'appelant.

[52]     Lors de ce voyage au Liban en septembre 1991, l'appelant a ouvert un compte en banque conjoint avec son beau-frère Ziad Saba à la banque American Express, où ce dernier travaillait. Selon l'appelant, il y a déposé une somme de 20 000 $ en devise américaine qu'il a prise dans son coffre-fort. Il a apporté l'argent au Liban en devise canadienne et a fait l'échange en devise américaine à Beyrouth. Il a ouvert ce compte dans le but d'avoir un pied-à-terre et un point d'attache matériel. Quant à son beau-frère, il lui faisait confiance, de sorte que si la situation se détériorait au Liban, il était sur place pour s'occuper du compte. L'appelant témoigne également que c'est suivant la recommandation de son père qu'il a ouvert le compte et qu'il lui a mentionné qu'il allait essayer de voir avec les prêtres de l'OALM s'il pouvait faire envoyer l'argent de ses dons à l'OALM directement au Liban sans qu'il passe par la maison mère.

[53]     À son retour au Canada, il a contacté Samir El-Boustany pour mettre en place ce scénario. Je reproduis un extrait du témoignage de l'appelant sur cette question :

... Rendu ici, j'appelle Samir, je dis : « Écoute, Samir, j'ai été au Liban, je viens d'y arriver puis mes proches, ma paroisse, ils ne réussissent pas à avoir une part de ces dons-là » . J'ai dit : « J'ai vu des choses qui se font mais eux autres ils n'arrivent pas à avoir leur part » . J'ai dit : Moi, j'aimerais ça qu'on envoie directement, que l'organisation ici envoie une partie de l'argent directement là-bas puis que moi je puisse être sûr que mes proches vont ... mes proches, ma paroisse va pouvoir en profiter. Il dit : « Je regarde ça avec les prêtres » . Ils ont regardé ça, après ça il m'a appelé, il a dit : « Oui, on pourra faire ça » . Ça fait que là, entre 91 et 93, là il dit : « Comment on peut s'arranger pour envoyer l'argent? » J'ai dit : « Écoute, moi j'ai un compte au Liban, un compte conjoint entre moi et Ziad, tu envoies l'argent là-bas puis s'il arrive de quoi, Ziad est capable de le protéger, puis moi, à la prochaine visite que je vais au Liban, j'irai la donner. Là, il a dit : Oui, mais je ne sais pas, ils vont-tu te faire confiance? J'ai dit : Écoute, moi, là, ça fait depuis 88 que je leur fais confiance puis j'envoie... j'ai jamais dit un mot. J'ai dit : Là, là, là-bas, j'aimerais ça que mon petit monde à moi, là, ma petite paroisse, ils veulent bâtir l'église puis l'école, puis ils ont besoin d'argent puis je veux participer. J'ai dit : Moi, là, nous autres, dans la famille ça a toujours... j'ai dit mon grand-père il a fait un don quand l'église a été construite, il avait fait un don, il a donné les deux (2)... les petits hôtels. J'ai dit : mon père il était dans la construction puis il faisait des... il aidait quand il fallait du béton, du ciment, des pierres, etc., il donnait puis j'ai dit moi je veux les aider. Je veux faire ma part.

Ça fait que ça a réussi, il a envoyé de l'argent entre 91 et 93 dans mon compte conjoint au Liban. En 93, je suis retourné avec ma femme puis on a pris l'argent qui revenait des dons, on a été le donner directement à la paroisse de St-Élie.

[54]     L'état du compte bancaire au Liban (pièce I-3, onglet 107) fait état cependant de deux dépôts le 5 septembre 1991, soit un de 6 000 $ américains et un autre de 13 800 $ américains. Pour convertir cette somme en argent américain, il aurait fallu, selon le vérificateur Délisle, un montant de 22 508 $ en argent canadien. Contre-interrogé sur cet état de compte, l'appelant dit maintenant que Ziad aurait déposé 6 000 $ américains et qu'il aurait lui-même déposé 13 800 $ américains. L'appelant n'a pas conservé de détails sur les opérations de son compte bancaire au Liban. Chose certaine selon le vérificateur Délisle, aucun retrait des comptes en banque de l'appelant au Canada ne correspond à ce dépôt fait par l'appelant au Liban.

[55]     Lors de ce même voyage au Liban, l'appelant a fait l'achat de bijoux le 12 septembre 1991 d'une valeur de 9 600 $ américains, soit 10 900 $ en devise canadienne. La facture pour cet achat a été trouvée à la résidence de l'appelant. Selon le vérificateur Délisle, le total des dépenses faites par l'appelant en septembre 1991, une fois appliqué le taux de change, est de 33 400 $, soit 19 800 $ américains (22 508 $ canadiens) pour le dépôt dans le compte au Liban et 9 600 $ américains (10 900 $ canadiens) pour l'achat des bijoux. Ce montant correspond à 80 % des dons faits à l'OALM par l'appelant en juillet et août 1991, soit 32 000 $ pour des dons de 40 000 $; les dépenses sont donc à 1 400 $ près de ce pourcentage. Selon l'appelant, son père aurait fait l'achat des bijoux.

[56]     Sur cette question, le père de l'appelant a témoigné que la tradition chez les Libanais était de donner des bijoux aux femmes. Il voulait acheter un cadeau pour sa bru et il lui aurait acheté des bijoux d'une valeur de 4 800 $ américains. Selon lui, il s'agit d'un bracelet, d'un anneau, d'un collier avec un anneau, et d'un diamant. Il ne peut cependant lire la facture au nom de l'appelant (pièce I-3, onglet 111). Cette facture indique qu'il s'agit de boucles en or, d'une bague solitaire pour homme et d'une bague solitaire pour dame. Il ne s'agit donc pas, de toute évidence, du même achat.

[57]     Parmi les documents saisis dans le coffre-fort de l'appelant, on a trouvé une traite bancaire de 10 000 $ en date du 4 décembre 1991 payable à Ziad Saba. Cette traite bancaire se trouvait à l'intérieur d'une enveloppe de l'OALM avec la carte professionnelle de Ziad Saba (pièce I-3, onglet 102). Il devait s'agir, à mon avis, de la mise à exécution du désir de l'appelant de faire transférer l'argent provenant de ses dons à l'OALM dans son compte personnel au Liban, tel qu'il a témoigné ci-dessus. En contre-interrogatoire, on a confronté l'appelant avec les réponses qu'il a données lors de son interrogatoire préalable, et il s'agissait alors d'une affaire différente. Je reproduis les réponses qu'il a données lors de son interrogatoire préalable.

[78]       Q. Alors, Monsieur, je fais un aparté, Monsieur Abinader, à la lecture des notes sténographiques, regardez l'onglet 102, il y a la première page d'une traite bancaire que vous avez reconnue?

            R. Oui.

[79]       Q. La deuxième page, il s'agit d'une photocopie de carte d'affaires...

            R. Carte d'affaires, oui.

[80]       Q. De monsieur Ziad Saba.

            R. Oui.

[81]       Q. Troisième page, il s'agit de...

            R. L'enveloppe.

[82]       Q. ... d'une photocopie d'une enveloppe de l'Ordre Antonien libanais des Maronites.

            R. Justement.

[83]       Q. Ça va?

            R. Oui.

[84]       Q. Je reprends la lecture :

Alors ces deux (2) documents-là ayant été saisis à votre résidence, est-ce que vous savez si l'Ordre Antonien libanais des Maronites envoyait des sommes à monsieur Ziad Saba?

Je vais vous demander de lire la réponse à voix haute.

R. Je sais qu'à un moment donné, ils m'ont... Boustany m'a demandé si je connaissais quelqu'un là-bas de fiable pour transiger de l'argent, puis j'ai dit oui, j'ai mon beau-frère, il travaille... il est haut placé dans la Banque American Express, c'est une personne qui est fiable, tu peux compter dessus. Je lui ai donné sa carte d'affaires puis j'ai dit : écoute, tu peux faire affaires avec lui, il n'y a pas de problème.

Je continue?

[85]       Q. Continuez, oui.

R. Je sais qu'ils l'ont utilisé comme intermédiaire pour envoyer de l'argent de Montréal au Liban, pour que lui prenne l'argent puis la donne à l'Ordre des Maronites, là-bas. C'est arrivé quelques fois, je ne sais pas exactement dans quelle période puis je ne sais pas combien de fois. Je sais qu'ils me l'ont demandé, j'ai donné sa carte d'affaires, j'ai dit : appelle-le, arrange-toi avec lui, c'est un gars qui est fiable.

[86]       Q. Est-ce que vous avez mentionné à quelque part dans ce passage-là, Monsieur Abinader, que c'était votre argent qui partait de l'Ordre Antonien libanais des Maronites pour se rendre au Liban?

R. Non.

[87]       Q. Pas dans ce passage-là.

R. En fait, c'est pas mon argent qu'ils transigeaient, c'est l'argent du... c'est l'argent des dons, c'est pas mon propre argent.

[88]       Q. O.K., On va continuer la lecture de la page 118, Monsieur Abinader.

R. Oui.

[89]       Q. Je vais continuer la lecture. Vous avez dit ça à monsieur Boustany, vous?

            C'était la question.

            Réponse : Oui, oui.

            Question :

Et, comment se fait-il qu'on retrouve dans votre coffre-fort une copie d'une traite bancaire que l'Ordre fait à Ziad Saba, avec une enveloppe à votre nom, de l'Ordre?

Réponse :

Probablement qu'ils me l'ont envoyée comme quoi on a fait affaires avec lui, comme une preuve ou quelque chose, mais je ne peux pas te dire plus.

Question : Ils vous l'auraient envoyée comme une preuve, vous ne savez pas trop pourquoi?

Réponse :

Je ne peux pas te répondre sur cette question-là, pourquoi ça s'est retrouvé chez nous cette copie-là. Peut-être... peut-être pour me prouver qu'ils ont fait affaires avec lui.

Question : Puis, pourquoi vous avez mis ça dans votre coffre-fort?

Réponse : C'est pas moi qui a mis ça dans mon coffre-fort, probablement ...

Question : C'est qui? Ma femme, elle gardait tous les papiers, toutes les factures, tout, tout, tout, elle gardait tout, tout, tout.

[58]     Durant cette même année, l'appelant a acheté de l'huile végétale afin de l'expédier à son père au Liban. Selon la pièce I-2, la commande a été faite le 21 mars 1991 et la facture est datée du 22 mars 1991. Sous la rubrique « no de commande » , on trouve le nom « Samir » . Il s'agit d'un achat de 18 716 $ d'une société à Laval au Québec. Une note manuscrite indique que la commande a été payée par un chèque de 16 000 $ le 1er mars 1991 et indique le solde à payer. La pièce I-2 contient aussi une copie d'un chèque de 16 000 $ en date du 26 février 1991 fait par l'appelant à l'ordre du vendeur.

[59]     Cette huile aurait été expédiée au père de l'appelant au Liban et ce dernier aurait envoyé de l'argent à l'appelant pour l'acheter. Dans son témoignage, le père de l'appelant déclarait que le prix d'achat était entre 10 000 et 12 000 $ américains. Il a fait parvenir cet argent par l'entremise de son gendre Ziad Saba. Selon le père de l'appelant, l'année 1989 était l'année de la transaction.

1992

[60]     En 1992, l'appelant a fait à l'OALM des dons totalisant 60 200 $. Trois reçus de 20 000 $ chacun ont été délivrés par l'OALM le 19 mai, le 18 juillet et le 2 septembre 1992 et un de 200 $ le 2 novembre 1992. Cependant, l'appelant a fait un don de 20 000 $ le 28 mai 1992 et un don de 40 000 $ le 21 juillet 1992. L'appelant ne sait pas pourquoi il a obtenu deux reçus de 20 000 $ en juillet et septembre alors que son chèque était de 40 000 $. Des traites bancaires faites par l'OALM et payables à l'ordre de Ziad Saba ont suivi et ont été déposées dans le compte de l'appelant, tout comme le don de 10 000 $ fait par l'appelant le 13 novembre 1991 fut suivi d'une traite bancaire de l'OALM à l'ordre de Ziad Saba. Selon M. Délisle, le total des dons de 1992 et du montant de 10 000 $ en novembre 1991 est de 70 000 $, dont 80 % équivaut à 56 000 $. Le total des traites bancaires faites par l'OALM est de 55 000 $, soit à 1 000 $ près du montant en vertu du stratagème de l'OALM.

[61]     Le 10 avril 1992, l'appelant a fait l'achat d'une automobile de marque Porsche de l'an 1974 au prix de 27 000 $. Cependant, le contrat de vente (pièce I-3, onglet 122) indique un prix d'achat de 11 000 $. L'appelant explique cet état de choses par le fait que le vendeur lui aurait suggéré de faire le contrat ainsi pour lui éviter de payer des taxes sur le montant total au motif que la voiture ne valait pas plus de 11 000 $. Cette façon de faire ne dérangeait pas l'appelant et il n'y voyait rien d'illégal.

1993

[62]     En 1993, l'appelant a fait à l'OALM des dons de 50 000 $. Il a obtenu le reçu numéro 2908 de l'OALM (pièce I-1, onglet 26) le 20 mai 1993 pour 20 000 $ alors que le chèque de l'appelant a été fait le 25 mai 1993. Un deuxième reçu lui a été remis le 24 novembre 1993 pour 20 000 $ (reçu numéro 2897). Un troisième reçu de 20 000 $ en date du 31 décembre 1993 a été préparé mais annulé. Un autre reçu de 10 000 $ en date du 31 décembre 1993 a aussi été préparé et annulé. L'appelant explique cela en disant qu'il se souvient qu'il n'avait pas obtenu ces reçus et que ceux-ci avaient été égarés par Samir El-Boustany. On avait dû les remplacer. Un dernier reçu de 10 000 $ fait le 31 décembre 1993 complète les dons. Les trois reçus du 31 décembre 1993 portent les numéros 81, 292 et 474 et sont signés par la même personne pour l'OALM. Deux des reçus indiquent l'adresse de la résidence de l'appelant et l'autre indique l'adresse de son bureau. Le chèque visant le reçu numéro 474 de 10 000 $ n'a été déposé par l'OALM que le 28 janvier 1994. L'appelant n'a pas d'explication et ne sait pas quand il a fait le chèque.

[63]     Le 8 avril 1993, l'appelant a fait l'acquisition d'une roulotte de voyage de 27 pieds pour un prix convenu de 8 500 $. Selon le vérificateur Délisle et selon son enquête, le prix d'achat a été payé par l'appelant en argent comptant. Selon l'appelant, il est possible que l'argent provenait de son coffre-fort ou d'un retrait bancaire, mais il ne peut pas le confirmer. On se souviendra aussi que l'appelant a payé 3 200 $ en argent liquide en septembre 1993 pour des travaux de rénovation et que l'argent provenait de son coffre-fort. L'appelant aurait aussi payé, le 31 août 1993, une somme de 1 431 $ en argent comptant pour un voyage.

[64]     L'appelant témoigne que c'est à l'occasion d'un voyage au Liban en 1993 qu'il a remis l'argent des dons à sa paroisse, soit celle de St-Élie. C'est aussi lors de ce voyage que l'appelant a appris que son père avait un projet de construction. À la demande de son père, il lui a prêté la somme de 60 000 $ qu'il a prise de sa marge de crédit. Il a acheminé le montant par transfert bancaire de la Banque Nationale à son compte conjoint au Liban. Le remboursement de ce prêt devait se faire aussitôt que son père pouvait vendre le projet.

[65]     Selon l'appelant, son père l'aurait ensuite rappelé pour lui annoncer que quelqu'un était venu le voir pour acheter un de ses appartements pour son frère qui vivait à Montréal et qui prévoyait retourner au Liban. Cet acheteur était en train de liquider ses avoirs à Montréal et il paierait l'appartement graduellement. Cet acheteur, que l'appelant a baptisé M. Untel, a donc contacté l'appelant et ils se sont entendus que lorsque M. Untel aurait un certain montant d'argent et que l'appelant serait à Montréal pour faire son épicerie libanaise, ils se donneraient rendez-vous pour effectuer un paiement. L'appelant témoigne avoir reçu trois paiements de M. Untel en 1994 et 1995 et avoir déposé cet argent dans son compte pour rembourser sa marge de crédit.

[66]     En contre-interrogatoire, l'appelant a été obligé d'admettre qu'il n'a jamais mentionné cette forme de remboursement par son père par voie de la vente d'un condominium à un M. Untel vivant à Montréal. En fait, à l'interrogatoire préalable, l'appelant ne se souvenait pas de la façon dont son père lui remboursait le prêt, sauf qu'il a dit avoir été remboursé. Il n'a pas fait de suivi rigoureux, mais témoigne que son épouse notait cela dans ses papiers personnels. Les remboursements par son père auraient été faits, selon l'appelant, en devise canadienne.

[67]     Interrogé à nouveau sur ce prêt, l'appelant identifie maintenant M. Untel comme étant appelé Antoine. La question a refait surface lorsque l'appelant a été interrogé sur un dépôt bancaire de 11 130 $ constitué de 10 billets de 1 000 $, le solde étant en chèques. L'appelant témoigne que ce M. Antoine lui aurait remis les dix billets de 1 000 $ comme paiement pour l'achat de son condominium à Beyrouth, alors qu'à l'interrogatoire préalable, il n'avait aucune explication sur la provenance de ces 10 billets.

[68]     Un second dépôt bancaire de 18 546 $ est effectué dans son compte le 10 janvier 1995. Il est constitué de 20 billets de 100 $ et de 13 billets de 1 000 $, le solde étant en chèques. L'appelant se souvient maintenant qu'il s'agit encore d'un remboursement de M. Antoine pour l'achat du condominium de son père.

[69]     Le père de l'appelant a également témoigné au sujet de ce prêt de 60 000 $ que lui a fait l'appelant en 1993. Il a reçu cet argent lors du retour de l'appelant au Canada et l'argent remis était en devise canadienne qu'il a convertie en devise américaine. Il a acheté un terrain et y a construit des appartements ou des condominiums. À la fin de 1993, il a reçu de l'argent et a offert à l'appelant de lui en envoyer. Il a cependant vendu un condominium 5 000 $ en devise américaine et le frère de cet acheteur, qui vivait à Montréal, a remboursé l'appelant au Canada. L'appelant aurait été complètement remboursé, mais aucun paiement ne provenait directement de son père. Le père de l'appelant conservait un registre de ses transactions, mais il n'indique aucune transaction conclue par lui et l'appelant. Il n'a aucun détail des sommes payées par cette personne de Montréal à l'appelant, mais il suggère que la somme a été remboursée.

[70]     Également en 1993, l'appelant s'est porté acquéreur d'un chalet de chasse. Il l'a payé 4 000 $ en argent comptant. Cet argent provenait de son coffre-fort et l'appelant explique que le vendeur avait construit le chalet avec de l'argent liquide et qu'il ne voulait pas de chèque, parce qu'il ne voulait pas que le paiement apparaisse. Le vendeur en question était en faillite.

[71]     Le père de l'appelant a témoigné qu'au printemps de 1993, l'appelant a remis à la paroisse St-Élie la somme de 32 000 $ en devise américaine pour compléter la construction de l'église. Ce fait a d'ailleurs été confirmé par la lettre du père Boulas Youssef de cette paroisse. Ce dernier n'a cependant pas témoigné et précise que le don a été fait en juillet 1993.

[72]     L'appelant a fermé le compte en banque conjoint qu'il avait au Liban en 1993. Il invoque le fait que Ziad, son beau-frère, travaillait maintenant pour une autre banque et que American Express n'était plus à Beyrouth. Il n'existe pas de document sur les transactions de ce compte conjoint. Lors de la saisie des documents chez l'appelant, le vérificateur Délisle a pris possession d'un document de la American Express Bank confirmant le renouvellement d'un dépôt à terme, numéro 2 21 00787 007 (pièce I-3, onglet 108), selon des directives envoyées par telex, d'un montant de 50 000 $ U.S. pour la période allant du 3 juin 1993 au 6 juillet 1993. À échéance, le paiement sera fait en créditant le compte numéro 099120010 de l'appelant. Selon l'appelant, il ne s'agit pas d'un dépôt à terme, mais plutôt le montant d'argent qui était « amassé » dans son compte à la American Express de 1991 à 1993. Il témoigne que cela comprend le compte qu'il a ouvert en 1991 et les transferts d'argent envoyés par les prêtres de l'OALM. Il ajoute qu'il s'agit d'une mise à jour de son compte à cette date-là.

[73]     Contre-interrogé au sujet de ce document, l'appelant fut confronté avec son témoignage rendu à l'interrogatoire préalable et sa réponse initiale lorsqu'on lui a présenté le document « Certificat de dépôt » (pièce I-3, onglet 108). Je reproduis l'extrait de son témoignage au procès :

Q.         Vous souvenez-vous c'est quoi votre réaction initiale lorsque vous avez vu ce document-là à l'interrogatoire préalable?

R.          Non.

Q.         Je vais vous faire une lecture de votre commentaire, monsieur Abinader.

R.          Oui.

Q.         Pour vous rafraîchir la mémoire.

R.          Oui.

[. . . ]

Q.         En fait, je vais reprendre en haut la question...

R.          Oui.

Q.         ... qui commence à la page 96...

R.          Oui.

Q.         Bon. Alors, on va reprendre avec le document 108 de notre liste de documents, et je vais vous en prêter la copie. Alors, je vous laisse le temps d'en prendre connaissance. Il me semble que ce serait une attestation d'un renouvellement d'un placement à votre nom à l'American Express Bank de 50 000 $US. Est-ce que c'est à votre souvenir?

Votre réponse :

            Juste le temps de le lire un petit peu... ça, il faut être innocent pour garder des documents de même, hein? Maudit que j'étais innocent. Bon. Alors, tu veux une explication?

Pourquoi vous faites cette déclaration-là en voyant le document, monsieur Abinader, avant de répondre?

R.          Qu'est-ce que ça veut dire innocent en français, moi j'ai trouvé deux (2) explications pour innocent. C'est soit innocent niaiseux, soit innocent qui n'est pas criminel.

Q.         Hum, hum.

R.          Si je prends l'explication innocent niaiseux, si j'étais criminel puis que j'ai gardé ce document, je serais niaiseux.

Q.         Hum, hum.

R.          Je pense qu'hier vous m'avez dit que j'étais un diplômé universitaire puis spécialisé, donc ça ne devrait pas « fiter » dans la définition.

Q.         Hum, hum.

R.          Il reste l'autre définition, il faut être innocent non coupable pour garder tous ces documents-là quand on sait que quand on a fait un crime, quelqu'un peut venir poser des questions sur ces documents-là. Alors, c'était à peu près dans ce contexte-là.

Q.         Donc, on pourrait relire le même passage en disant : Ça, il faut être non coupable pour garder des documents de même, hein? Maudit que j'étais non coupable. C'est ça?

R.          Quand je l'ai dit, j'ai pas réfléchi à la définition puis pour moi, que ce soit innocent non coupable ou innocent niaiseux, j'étais entre les deux (2), j'étais entre les deux (2) explications possibles. Puis, il faut dire quand même que c'est une réaction spontanée, que je dis... je pense que je ne peux pas expliquer plus.

Q.         D'accord. [...]

[74]     Chose certaine, selon M. Délisle, aucun retrait des comptes de banque de l'appelant au Canada ne correspondait à ce montant de 50 000 $.

[75]     Le 1er juillet 1993, soit pendant la même période que celle du transfert d'argent à son père et du dépôt à terme susmentionné, l'appelant s'est vu remettre une traite bancaire de 5 000 $ américains payable à son ordre (pièce I-3, onglet 110) de la American Express Bank de Beyrouth. L'appelant a témoigné au procès que cet argent a été retiré de son compte pour payer des dépenses personnelles lors de son voyage au Liban. Lors de son témoignage à l'interrogatoire préalable, il avait expliqué que cet argent avait servi à l'achat d'huile Mazola, mais cet achat a eu lieu en 1991. Il explique cette anomalie par le fait qu'il n'avait pas devant lui les deux documents et qu'il cherchait à trouver une explication et qu'il s'agissait peut-être de l'achat de cette huile qu'il a fait en 1991.

1994

[76]     En 1994, l'appelant a fait des dons de 50 000 $ à l'OALM. Le premier reçu est daté du 8 septembre 1994 et est de 20 000 $. Le deuxième reçu est daté du 4 novembre 1994 et est du même montant, et le troisième est du 13 décembre 1994 et est de 10 000 $. Par contre, les dons réclamés pour cette année sont de 61 571 $, puisque l'appelant, tout comme pendant les années antérieures, a utilisé le surplus des dons qu'il faisait à l'OALM pour avoir droit au crédit maximal auquel il avait droit en fonction de ses revenus.

[77]     Selon le témoignage du vérificateur Délisle, l'appelant aurait cependant fait un don de 10 000 $ à l'OALM le 28 janvier 1994 et il a fait un lien possible entre ce don et un dépôt de 13 133,47 $ fait par l'appelant le 21 mars 1994, lequel était composé de deux billets de 1 000 $ et de 80 billets de 100 $ (pièce I-5, onglet 129, page 90). Il continue son témoignage en faisant référence au reçu de 10 000 $ fait le 13 décembre 1994. Selon les registres de l'OALM, un retrait en espèces de 3 000 $ a été fait le 16 décembre 1994 et un autre de 95 000 $ le 22 décembre 1994. Ce dernier retrait était composé de 41 billets de 1 000 $, de 340 billets de 100 $ et de 400 billets de 50 $. Selon le vérificateur Délisle, il y a un lien possible avec un dépôt de 18 545 $ effectué par l'appelant le 10 janvier 1995 dans son compte en banque, dont 15 000 $ était en argent liquide et composé de 13 billets de 1 000 $ et de 20 billets de 100 $. Dans les registres comptables de l'appelant, on a trouvé la mention « argent Père Liban » .

[78]     Le reçu de 20 000 $ du 4 novembre 1994 et celui de 10 000 $ du 13 décembre 1994 totalisent 30 000 $. Selon le vérificateur Délisle, puisqu'un des stratagèmes mis en place par l'OALM était de remettre au donateur 80 % du don, le total des deux dons devrait rapporter 24 000 $ au donateur. M. Délisle fait un lien avec le dépôt en numéraire du 10 janvier 1995 mentionné ci-dessus et un autre dépôt en date du 14 novembre 1994 auquel l'appelant a référé plus tôt. On se retrouve donc avec un total en numéraire de 25 000 $ pour ces deux dépôts, soit à 1 000 $ près du montant selon l'un des stratagèmes de l'OALM.

[79]     L'appelant s'est porté acquéreur d'un terrain à Stoneham en décembre 1994, soit environ deux ans après qu'il avait acheté un chalet au même endroit. L'acte de vente est cependant daté du 6 février 1995 et indique un prix de vente de 4 000 $, alors que l'appelant avait payé 9 000 $ pour ce terrain. L'appelant explique cette anomalie en disant qu'il s'agissait d'une exigence du vendeur.

1995

[80]     L'appelant a fait son dernier don à l'OALM en 1995. Il s'agit d'un don de 50 000 $, dont le reçu, du même montant, est daté du 28 décembre 1995. L'appelant avait cependant contacté Samir El-Boustany au début de l'année pour faire un don, et ce dernier lui aurait dit de ne pas le faire car le couvent (l'OALM) faisait l'objet d'une enquête par le fisc. Quelques mois plus tard, l'appelant apprenait de M. Claude Ménard qu'il faisait lui-même l'objet d'une enquête.

[81]     Le vérificateur Délisle a cependant trouvé un document (pièce I-3, onglet 135) qui fait état d'un transfert téléphonique de Ziad Saba, en date du 6 mars 1996, à l'appelant pour la somme de 20 422,61 $ américains. Le document indique « tel que demandé » et le montant a été déposé le 7 mars 1996 dans le compte de l'appelant. Ce dépôt, selon le vérificateur Délisle, a probablement un lien avec le dernier don de 1995. L'appelant n'a pas apporté de précisions sur ce dépôt.

[82]     Interrogé sur le fait que le don ait été fait si tard dans l'année, l'appelant n'a pas eu d'explication. Il dit ne pas avoir été informé qu'une perquisition avait effectivement eu lieu chez l'OALM en novembre 1995 et qu'il n'en a pas discuté avec Samir El-Boustany lors d'une conversation avec lui au printemps 1996. L'appelant a témoigné avoir été mis au courant de la perquisition chez l'OALM après celle qui fut effectuée chez lui en juillet 1996. À l'interrogatoire, il a témoigné que son beau-père l'avait appelé pour lui dire qu'il avait lu ça dans « Le Journal de Montréal » .

[83]     L'appelant n'a pas fait d'autres dons à l'OALM. Il fit l'objet d'une vérification et, en juillet 1996, le service des enquêtes effectuait une perquisition chez lui.

[84]     La preuve a révélé que durant les années en litige, l'appelant effectuait au moins un voyage par an à l'extérieur du Canada, soit pour des vacances, soit pour assister à des congrès d'orthopédie.

[85]     L'appelant a déposé un rapport d'expert-comptable préparé par Gratien Ouellet, comptable agréé au cabinet Mallette. Le mandat confié à M. Ouellet consistait à établir de façon claire et précise le bilan de l'appelant, de même que ses revenus et dépenses annuelles, de 1989 à 1995 inclusivement et ainsi de faire ressortir l'évolution de son avoir net. Selon M. Ouellet, le but était de démontrer que tous les revenus de l'appelant et de sa conjointe provenaient de sources clairement identifiables. Le rapport révèle que la méthode employée a consisté à inscrire toutes les opérations apparaissant sur les relevés bancaires de l'appelant. La méthode de la comptabilité de caisse a été utilisée afin de faciliter l'analyse et le rapprochement avec les documents et les pièces justificatives disponibles. Le rapport nous indique également qu'en plus de procéder à l'entrée des données informatiques, le travail a consisté essentiellement en la prise de renseignements, en des procédés analytiques et en des discussions portant sur les renseignements qui ont été fournis par l'appelant.

[86]     La conclusion de cet exercice, selon M. Ouellet, est que le « coût de la vie » de l'appelant et de sa conjointe est bien reflété par les revenus qu'ils ont déclarés, que l'appelant n'a pas touché de revenus ou engagé de dépenses autres que ceux déclarés dans ses déclarations de revenus, et finalement que les dons effectués par l'appelant à l'OALM ont vraiment été faits et qu'il est fort probable qu'aucune somme d'argent ne lui ait été remise sous la forme du stratagème décrit, soit le retour au donateur en général de 80 % du don en numéraire.

[87]     L'intimée s'est opposée à ce que cette preuve soit présentée par témoignage d'expert. Selon les avocats de l'intimée, il s'agit simplement d'une compilation de données factuelles qui reposent sur la crédibilité des informations utilisées. Ils soutiennent que la préparation d'une évaluation de l'avoir net n'est pas un acte réservé à un ordre professionnel et que l'Institut canadien des comptables agréés ne précise pas comment préparer une évaluation de l'avoir net.

[88]     Il est connu que la méthode de l'avoir net est une méthode de dernier recours pour vérifier les revenus d'un contribuable et qu'elle repose sur la crédibilité des informations utilisées. (Voir Bastille c. La Reine, [1999] D.T.C. 431.) Il est aussi reconnu que cette méthode est loin d'être précise, d'où le fait qu'elle soit une méthode de dernier ressort. Ce genre de preuve est partiellement utilisée lors de vérifications par l'Agence du revenu lorsque l'équation voulant que les revenus d'un contribuable soient égaux à son coût de la vie et ses dépenses ou avoirs ne concorde pas. Étant donné qu'elle constitue une compilation de données factuelles fondées sur de l'information contraignable, cette preuve est admissible par le truchement de celui qui fait la compilation et il n'est pas nécessaire que cette personne possède une expertise quelconque. En fait, le contribuable est celui qui est le mieux en mesure de défendre la gestion de ses revenus et dépenses et l'accroissement de ses actifs. J.C. Royer, dans la deuxième édition de La Preuve Civile, a défini le « témoin expert » comme étant celui qui possède une compétence spécialisée dans un secteur donné d'activité et qui a pour rôle d'éclairer le tribunal et de l'aider dans l'appréciation d'une preuve portant sur des questions scientifiques ou techniques. À mon avis, ce n'est pas le cas en l'espèce. M. Gratien Ouellet n'a pas besoin d'être déclaré expert pour présenter un rapport démontrant que l'appelant n'a pas touché de revenus ou engagé de dépenses autres que ceux déclarés dans ses déclarations de revenus. Le témoignage et le rapport de M. Gratien Ouellet sont donc admissibles, mais non pas à titre de témoignage d'expert.

[89]     Cela étant dit, le témoignage de M. Ouellet repose en grande partie sur la crédibilité des informations obtenues de l'appelant et de sa conjointe. En contre-interrogatoire, M. Ouellet a reconnu qu'il n'avait pas tenu compte dans son analyse des sommes détenues par l'appelant au Liban, puisque cette information ne lui a pas été révélée. En fait, il admet ne pas avoir posé de questions à l'appelant concernant des actifs au Liban et ne pas avoir été au courant que l'appelant y détenait un compte en banque. Il a toutefois été informé du prêt de 60 000 $ que l'appelant dit avoir fait à son père le 8 juillet 1993. D'ailleurs, dans le bilan personnel de l'appelant, il a identifié cette somme, plus les frais de transfert, sous la rubrique « Effet à recevoir » en 1993. En 1994, le bilan indique que la somme due est maintenant de 27 109 $, ce qui indique que 33 000 $ avaient été remboursés.

[90]     Contre-interrogé sur la provenance du remboursement de ce prêt, M. Ouellet dit s'être fié aux entrées faites par l'épouse de l'appelant dans les registres. Il dit avoir retracé quatre remboursements en 1994. Le premier remboursement est de 5 000 $ et, selon les registres, il a été fait le 21 avril 1994. On peut lire l'inscription « Argent du père Liban » . On voit aussi qu'il y a, à la même date, un montant additionnel de 1 600,05 $ sous la rubrique « Autres » , M. Ouellet reconnaît ne pas avoir vu le bordereau de dépôt du 21 avril 1994. Celui-ci est composé d'une série de chèques de différents montants pour un total de 6 600,05 $. Le bordereau de dépôt ne correspond pas au montant de 5 000 $ qui aurait servi de remboursement.

[91]     Le deuxième remboursement aurait été effectué le 23 juin 1994. Le registre tenu par l'épouse de l'appelant indique un dépôt de 10 000 $ identifié comme « Argent prêt Père » et un autre montant de 2 134,95 $. M. Ouellet dit avoir utilisé le montant de 12 134,95 $ comme remboursement du prêt. Le bordereau de dépôt du 27 juin 1994 indique bien 12 134,95 $ (pièce I-5, onglet 129A, page 79A) et serait constitué d'un seul chèque. Or, dans la pièce I-5, onglet 130A, page 53A, on a relevé une copie des chèques constituant le dépôt du 27 juin 1994 et aucun ne provient du père de l'appelant. M. Ouellet admet ne pas avoir vu les chèques et doit donc reconnaître qu'il ne s'agit pas d'un remboursement du prêt par le père de l'appelant.

[92]     Le troisième remboursement, selon M. Ouellet, remonte à un dépôt du 27 octobre 1994. Dans le registre de l'épouse de l'appelant, un montant de 8 000 $ est identifié comme « Argent prêt Père Liban » et un autre montant de 637 $ apparaît sous la rubrique « Autre » . Le bordereau de dépôt de cette date indique que le montant de 8 637 $ est constitué de chèques que l'on retrouve à l'onglet 130 de la pièce I-5 et qui n'ont rien à voir avec un remboursement par le père de l'appelant. M. Ouellet est obligé d'admettre que le tout était confondant.

[93]     Le dernier remboursement du prêt proviendrait, selon M. Ouellet, d'un dépôt fait le 14 novembre 1994. Il est de 11 130 $ (pièce I-8, page 197), apparaît sous la rubrique « Autre » et fait référence au « prêt Père Liban » . M. Ouellet n'a pas vu le bordereau de dépôt (pièce I-4, onglet 98, page 1) correspondant à cette somme et ne savait pas qu'elle était constituée de 10 billets de 1 000 $. Il reconnaît que s'il l'avait vu, il l'aurait mis en doute. Le montant de 1 130 $ est constitué de différents chèques.

[94]     M. Ouellet a considéré un dépôt de 10 000 $ en 1995 comme un remboursement du prêt. Il s'est fié à un dépôt fait le 10 janvier. Selon les registres (pièce I-8, page 201), le dépôt est constitué de 10 000 $ (sous la rubrique « Argent Père Liban » ) et de 8 546 $ (sous la rubrique « Autre » ). Le bordereau de dépôt (pièce I-4, onglet 98, page 2) indique bien un dépôt de 18 546 $. Il est constitué de chèques divers d'un total de 3 546 $ et d'un montant de 15 000 $ en espèces, soit 13 billets de 1 000 $ et 20 billets de 100 $. M. Ouellet admet ne pas avoir vu le bordereau de dépôt et s'être fié au registre de l'épouse de l'appelant pour créditer le compte du prêt du père de l'appelant.

[95]     M. Ouellet reconnaît également que si l'appelant a reçu des sommes en numéraire, qu'il ne les a pas déposées et qu'il s'en sert pour payer l'épicerie, ces sommes n'apparaîtraient pas dans son rapport. En fait, il ne peut pas affirmer si les honoraires de l'appelant payés en argent liquide à la clinique ont été déclarés dans ses revenus car il n'a pas vu les reçus de la clinique qui ont été délivrés après des paiements en argent comptant. Il admet aussi que si des sommes ne passent pas par le compte bancaire de l'appelant, elles n'apparaîtraient nulle part dans son analyse comptable. Quant au dépôt à terme de 50 000 $ américains que l'appelant détenait en 1993 au Liban (pièce I-3,onglet 103), M. Ouellet a reconnu n'avoir jamais vu ce document avant son témoignage en Cour et ne pas en avoir tenu compte dans son rapport.

[96]     Mme Colette Langelier a aussi témoigné sur certains aspects du rapport de M. Ouellet et y a relevé plusieurs erreurs, qui ont d'ailleurs fait l'objet du contre-interrogatoire de M. Ouellet par l'intimée. De plus, sa vérification a également permis de conclure que les honoraires professionnels de l'appelant payés comptant n'ont jamais été déposés et que certains autres revenus n'ont pas été déclarés par l'appelant.

L'exclusion de la preuve

[97]     L'appelant demande que soient exclus de la preuve une série de documents obtenus lors de la perquisition chez l'OALM en novembre 1995. Il s'agit d'un carnet de reçus de l'OALM pour l'année 1989, la pièce I-11, à l'onglet 56, et les pièces 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 12, et 13, la pièce I-11, aux onglets 57 et 58, la pièce I-12, à l'onglet 50, les pièces 1 à 6 inclusivement, la pièce I-13, les pièces 7 à 15 inclusivement, la pièce I-14, aux onglets 83, 83A et 84. L'appelant s'appuie sur l'article 24 de la Charte canadienne des droits et libertés (la « Charte » ), sur l'article 40 de la Loi sur la preuve au Canada et sur l'article 2858 du Code civil du Québec (le « Code » ). Il soutient qu'il a l'intérêt requis pour faire cette demande car l'utilisation de la preuve obtenue déconsidérerait l'administration de la justice.

[98]     Les prétentions de l'appelant sont fondées principalement sur l'argument voulant que les circonstances de l'espèce démontrent que la conduite de l'Agence correspond à une enquête de nature criminelle, que la conduite de madame Langelier porte à croire qu'elle agissait comme mandataire des enquêteurs et que l'objet principal de son travail était d'établir la responsabilité pénale de l'OALM. La conduite qu'on lui reproche serait d'avoir demandé à madame Isabelle Mercier de lui donner une dénonciation écrite lors d'une rencontre avec cette dernière le 8 septembre 1994. L'appelant soutient que les actes de madame Langelier avaient pour but de transmettre le dossier au service des enquêtes spéciales.

[99]     De son côté, l'intimée soutient que les éléments de preuve en litige ont été recueillis lors d'une vérification et d'une perquisition chez l'OALM et non chez l'appelant. L'appelant ne peut invoquer à son bénéfice la violation d'un droit ou d'une liberté appartenant à l'OALM. L'intimée soutient que même l'OALM n'a pas été victime de violation ou de négation de droits et de libertés garantis par la Charte. Elle soutient que l'appelant ne peut invoquer la protection prévue à l'article 2858 du Code puisque cet article ne s'applique que lors de litiges entre parties privées et non pas lorsque l'action gouvernementale est en cause. De plus, la réparation prévue en vertu tant de la Charte que du Code ne peut être obtenue que par la victime d'une atteinte aux droits protégés.

[100] Dans son mémoire, l'avocat de l'appelant a soutenu que toutes ses garanties juridiques prévues par la Charte devraient s'appliquer intégralement. Il ne fait toutefois aucune référence à un article spécifique de la Charte. L'avis d'appel ne réfère également qu'au paragraphe 24(2) de la Charte. L'avis d'appel précise toutefois que les saisies ont permis d'obtenir des informations et des documents qui n'auraient pu être obtenus par d'autres moyens, c'est-à-dire qu'il s'agit d'éléments de preuve obtenus indirectement au moyen de la violation d'un droit constitutionnel et dont la pertinence n'apparaît qu'après cette violation.

[101] Les dispositions pertinentes se lisent comme suit :

Charte canadienne des droits et libertés

Recours

24.(1) ...

(2)         Lorsque, dans une instance visée au paragraphe (1), le tribunal a conclu que des éléments de preuve ont été obtenus dans des conditions qui portent atteinte aux droits ou libertés garantis par la présente charte, ces éléments de preuve sont écartés s'il est établi, eu égard aux circonstances, que leur utilisation est susceptible de déconsidérer l'administration de la justice.

Loi sur la preuve au Canada

40.        Dans toutes les procédures qui relèvent de l'autorité législative du Parlement du Canada, les lois sur la preuve qui sont en vigueur dans la province où ces procédures sont exercées, y compris les lois relatives à la preuve de la signification d'un mandat, d'une sommation, d'une assignation ou d'une autre pièce s'appliquent à ces procédures, sauf la présente loi et les autres lois fédérales.

Le Code civil du Québec

2858. Le tribunal doit, même d'office, rejeter tout élément de preuve obtenu dans des conditions qui portent atteinte aux droits et libertés fondamentaux et dont l'utilisation est susceptible de déconsidérer l'administration de la justice.

Il n'est pas tenu compte de ce dernier critère lorsqu'il s'agit d'une violation du droit au respect du secret professionnel.

[102] Le paragraphe 24(2) de la Charte prévoit le redressement disponible à toute personne victime de violation ou de négation des droits et libertés qui lui sont garantis par la Charte. Il faut donc que la Cour conclue que des éléments de preuve ont été obtenus dans des circonstances qui portent atteinte aux droits et libertés de cette personne. En l'espèce, les éléments de preuve que l'on cherche à exclure sont ceux qui ont été obtenus chez l'OALM et son comptable lors des perquisitions effectuées par l'Agence. Il s'agit donc des droits et des libertés de l'OALM. L'appelant peut-il donc invoquer la violation des droits d'une autre personne afin d'obtenir le redressement prévu au paragraphe 24(2)? Y a-t-il eu une violation des droits et des libertés de l'appelant pouvant rendre applicable le paragraphe 24(2) de la Charte?

[103] À mon avis, l'appelant n'a pas démontré quelque violation que ce soit de ses droits et ses libertés garantis par la Charte. L'appelant n'a aucunement démontré qu'il avait une attente raisonnable en matière du respect de la vie privée quant aux documents saisis chez l'OALM ou chez son comptable. En fait, la preuve démontre clairement que la vérification et la perquisition visaient l'OALM seulement. Dans l'arrêt R. c. Jarvis, [2002] 3 RCS 757, on a restreint l'expectative du respect de la vie privée dans le cas de registres et documents qui doivent être tenus et conservés aux fins de la Loi et qui sont sujet à inspection par le gouvernement (voir le paragraphe 230(2) de la Loi). De plus, cette protection, selon l'arrêt R. c. Edwards, [1996] 1 R.C.S. 128, ne confère en général un droit qu'à l'accusé qui fait la contestation. Le juge Cory disait ceci au paragraphe 45, quant à la nature du droit garanti par l'article 8 de la Charte :

Une demande de réparation fondée sur le par. 24(2) ne peut être présentée que par la personne dont les droits garantis par la Charte ont été violés. [...] Comme tous les droits garantis par la Charte, l'art. 8 est un droit personnel. Il protège les personnes et non les lieux. [...] Le droit d'attaquer la légalité d'une fouille ou perquisition dépend de la capacité de l'accusé d'établir qu'il y eu [sic] violation de son droit personnel à la vie privée. [...] Premièrement, l'accusé pouvait-il raisonnablement s'attendre au respect de sa vie privée? Deuxièmement, si tel est le cas, la fouille ou la perquisition a-t-elle été effectuée de façon raisonnable par la police?

[104] L'appelant n'avait rien à voir avec l'OALM et sa gestion interne. Il n'exerçait aucune autorité et ne possédait aucun pouvoir sur sa façon de faire. Il ne peut, par conséquent, raisonnablement s'attendre au respect de sa vie privée lors de la perquisition chez l'OALM.

[105] En ce qui concerne l'information et les éléments de preuve obtenus lors de la vérification chez l'OALM par l'Agence et par la suite, lors de l'enquête, la preuve entendue me permet de conclure que le tout a été obtenu en conformité avec les droits garantis par la Charte. Dans l'affaire R. c. Jarvis, précité, la Cour suprême du Canada énonce un certain nombre de facteurs à examiner afin de faire la distinction entre les fonctions de vérification et d'enquête de l'Agence. Il est pertinent, à mon avis, de reproduire les lignes directrices que la Cour a mises en place pour effectuer cet exercice. Aux paragraphes 88, 89 et 90, on lit :

88 À notre avis, lorsqu'un examen dans un cas particulier a pour objet prédominant d'établir la responsabilité pénale du contribuable, les fonctionnaires de l'ADRC doivent renoncer à leur faculté d'utiliser les pouvoirs d'inspection et de demande péremptoire que leur confèrent les par. 231.1(1) et 231.2(1). Essentiellement, les fonctionnaires [TRADUCTION] « franchissent le Rubicon » lorsque l'examen crée la relation contradictoire entre le contribuable et l'État. Il n'existe pas de méthode claire pour décider si tel est le cas. Pour déterminer si l'objet prédominant d'un examen consiste à établir la responsabilité pénale du contribuable, il faut plutôt examiner l'ensemble des facteurs qui ont une incidence sur la nature de cet examen.

89 D'abord, la simple existence de motifs raisonnables de croire qu'il peut y avoir eu perpétration d'une infraction est insuffisante en soi pour conclure que l'objet prédominant d'un examen consiste à établir la responsabilité pénale du contribuable. Même lorsqu'il existe des motifs raisonnables de soupçonner la perpétration d'une infraction, il ne sera pas toujours exact de dire que l'objet prédominant de l'examen est d'établir la responsabilité pénale du contribuable. À cet égard, les tribunaux doivent se garder d'imposer des entraves de nature procédurale aux fonctionnaires; il ne serait pas souhaitable de [TRADUCTION] « forcer la main des autorités réglementaires » en les privant de la possibilité de recourir à des peines administratives moindres chaque fois qu'il existe des motifs raisonnables de croire à l'existence d'une conduite plus coupable. Ce point a été exprimé clairement dans l'arrêt McKinlay Transport, précité, p. 648, où le juge Wilson affirme : « Le Ministre doit être capable d'exercer ces [larges] pouvoirs [de surveillance], qu'il ait ou non des motifs raisonnables de croire qu'un certain contribuable a violé la Loi » . Bien que l'existence de motifs raisonnables constitue en fait une condition nécessaire à la délivrance d'un mandat de perquisition pour mener une enquête criminelle (art. 231.3 de la LIR et 487 du Code criminel) et pourrait, dans certains cas, indiquer que les pouvoirs de vérification ont été utilisés à mauvais escient, cet élément ne suffit pas pour établir que l'ADRC mène une enquête de facto. Dans la plupart des cas, si l'on croit raisonnablement à la présence de tous les éléments d'une infraction, il est probable que le processus d'enquête sera enclenché.

90 On peut encore moins retenir comme critère le simple soupçon qu'une infraction a été commise. Au cours de sa vérification, le vérificateur peut soupçonner toutes sortes de conduites répréhensibles, mais on ne peut certainement pas affirmer qu'une enquête est enclenchée dès l'apparition d'un soupçon. Sur le fondement de quels éléments de preuve un enquêteur pourrait-il obtenir un mandat de perquisition si un vague soupçon était suffisant pour bloquer le processus de vérification qui permet d'établir les faits? L'intérêt qu'a l'État à poursuivre ceux qui éludent volontairement le paiement d'un impôt revêt une grande importance, et nous devons nous garder de neutraliser la capacité de l'État d'enquêter et de recueillir des éléments de preuve de la perpétration de ces infractions.

[106] On trouve les facteurs à examiner au paragraphe 94 :

a) Les autorités avaient-elles des motifs raisonnables de porter des accusations? Semble-t-il, au vu du dossier, que l'on aurait pu prendre la décision de procéder à une enquête criminelle?

b) L'ensemble de la conduite des autorités donnait-elle à croire que celles-ci procédaient à une enquête criminelle?

c) Le vérificateur avait-il transféré son dossier et ses documents aux enquêteurs?

d) La conduite du vérificateur donnait-elle à croire qu'il agissait en fait comme un mandataire des enquêteurs?

e) Semble-t-il que les enquêteurs aient eu l'intention d'utiliser le vérificateur comme leur mandataire pour recueillir des éléments de preuve?

f) La preuve recherchée est-elle pertinente quant à la responsabilité générale du contribuable ou, au contraire, uniquement quant à sa responsabilité pénale, comme dans le cas de la preuve de la mens rea?

g) Existe-t-il d'autres circonstances ou facteurs susceptibles d'amener le juge de première instance à conclure que la vérification de la conformité à la loi était en réalité devenue une enquête criminelle?

[107] La position de l'appelant est que la prétendue vérification de madame Langelier avait pour but principal de transmettre le dossier au service des enquêtes spéciales afin d'établir la responsabilité pénale de l'OALM et que madame Langelier était le prolongement de l'enquêteur Gaetan Ouellet puisqu'il s'est basé sur son travail pour obtenir les mandats de perquisition chez l'OALM. Il soutient que dès le 30 mars, il y avait suffisamment de motifs pour procéder à une enquête et qu'il n'est pas dans le rôle d'un vérificateur d'obtenir une déclaration.

[108] L'appelant a fait référence à la pièce I-26 intitulée « Dénonciation » . Il ne s'agit pas en l'espèce d'une dénonciation, mais plutôt d'un procès-verbal de la rencontre initiale avec madame Mercier. Il faut se rappeler que madame Mercier était accompagnée du conjoint de son comptable, M. Gaétan Picard, qui connaissait Raymond Galimi, le chef d'équipe qui était présent à cette rencontre. L'enquêteur Gaetan Ouellet était présent parce qu'il faisait partie de l'équipe de liaison au service des enquêtes. Son témoignage à la suite de cette rencontre est que l'information obtenue était incertaine et manquait de précision. Madame Mercier parlait à l'époque de l'Ordre St-Antoine-le-Grand et n'avait aucun document pouvant confirmer ses dires. Le dossier a été conservé par le chef d'équipe Raymond Galimi et monsieur Ouellet n'a rien eu à faire avant que madame Langelier fasse le renvoi au service des enquêtes spéciales le 29 juin 1995. M. Ouellet a témoigné ne pas avoir eu de contact avec qui que ce soit concernant ce dossier, et particulièrement avec M. Galimi, madame Langelier ou madame Mercier, et n'avoir examiné aucun document durant la période allant du 30 mars 1994 au 29 juin 1995. Ce fait est d'ailleurs confirmé par madame Langelier.

[109] Madame Langelier et M. Galimi ont de nouveau rencontré madame Mercier le 8 septembre 1994. Madame Mercier leur avait fait parvenir des documents et le but de la rencontre était de réviser certains points et de préciser certaines façons de procéder de l'OALM. La page 3 de la pièce I-26 fait référence à une question posée à madame Mercier par M. Galimi : advenant une vérification, accepterait-elle de répéter ce qu'elle a déjà déclaré et de signer une déclaration à ce sujet? Madame Mercier a répondu être prête à signer une déclaration et à témoigner en Cour s'il le fallait. Madame Mercier a signé un premier affidavit le 23 août 1995 et un deuxième le 31 janvier 1997.

[110] C'est effectivement après cette rencontre que madame Langelier a eu le mandat de vérifier l'OALM auprès du bureau d'Ottawa; elle a appris qu'on était sur le point de préparer une lettre pour retirer l'enregistrement de l'OALM. Elle a donc obtenu les relevés T-3010 et le rapport du vérificateur. Elle a examiné les déclarations de revenus et après une discussion avec M. Galimi, la décision d'entreprendre une vérification de l'OALM a été prise. Madame Langelier a contacté l'OALM plus tard en septembre 1994 et témoigne qu'elle n'a eu aucun contact avec l'enquêteur Ouellet avant le renvoi du dossier à la fin juin 1995.

[111] À mon avis, l'information obtenue de madame Mercier lors de ces deux rencontres n'aura servi qu'à commencer une vérification de conformité et non une enquête dans le but d'établir la responsabilité pénale de l'OALM ou de quiconque. Le travail de madame Langelier était d'analyser les données provenant des registres de l'OALM en essayant d'établir le cheminement des fonds recueillis par l'entremise des dons que l'OALM recevait et de vérifier si le tout était conforme à la Loi. Il n'y a rien dans la preuve qui me permet de conclure qu'elle était mandataire des enquêteurs. Ce n'est qu'à la suite de cette vérification et de ce qu'elle a révélé qu'un renvoi au service des enquêtes spéciales fut fait. À mon avis, les étapes suivies en l'espèce sont conformes à celles que la Cour suprême du Canada a énoncées dans l'arrêt Jarvis, précité.

[112] Il n'y a donc pas de violation ou de négation de droits et de libertés de l'OALM ou de l'appelant. Il n'y a donc pas lieu d'exclure cette preuve.

Pertinence de certains éléments de preuve

[113] L'avocat de l'appelant demande aussi que soit exclus de la preuve les onglets 56 et 59 de la pièce I-11, le procès-verbal d'autres dossiers qu'il a identifié comme étant la pièce 2 et des déclarations identifiées comme étant les pièces 10 et 11 au motif qu'il est inadmissible et non pertinent de prouver que d'autres personnes ont commis des crimes et des actes répréhensibles en réclamant de faux reçus dans le but d'y associer l'appelant. Il soulève la même objection concernant le témoignage de Marcel Thibodeau.

[114] Je tiens tout d'abord à préciser que l'onglet 56 de la pièce I-11 n'a pas été déposé en preuve, ni la pièce 2 à laquelle l'avocat de l'appelant réfère. Quant aux pièces 10 et 11, il s'agit en réalité des pièces I-18 et I-19, soit les témoignages d'Élias Farhat et de Michel Yazbeck, témoignages qui ont d'ailleurs été rendus dans une autre instance; l'avocat de l'appelant avait consenti au dépôt de l'extrait de leurs témoignages, sauf pour la question de leur pertinence.

[115] Je suis d'accord avec les propos de l'avocat de l'appelant lorsqu'il soutient que le fait qu'un ensemble d'intervenants auraient participé à un prétendu stratagème ne signifie pas que l'appelant y a participé. Si, par contre, cette preuve sert à établir l'existence d'un tel stratagème, son fonctionnement, son ampleur, l'identité des participants, les signataires des reçus, l'étendue ou la durée du stratagème et le nombre de ceux qui y ont participé, elle devient, à mon avis, pertinente et par conséquent admissible. Les témoignages de madame Langelier et de M. Gaetan Ouellet exposent l'existence d'un stratagème mis en place par l'OALM qui implique les prêtres signataires de reçus et plusieurs centaines de contribuables qui y ont participé. Pour qu'il y ait tant de participants, il fallait que l'existence du stratagème soit connue; ce que ces témoignages confirment d'ailleurs. On ne peut pas non plus faire abstraction du fait que les auteurs impliqués dans le dossier de l'appelant ont également joué un rôle dans les dossiers de ces témoins et dans celui de madame Mercier et des centaines d'autres. Cette preuve est donc pertinente et admissible.

Équité procédurale

[116] L'avocat de l'appelant soulève une série d'événements qui se seraient produits durant la période du 13 août au 13 septembre 2002, date à laquelle le ministre a ratifié la cotisation. Parmi les arguments soulevés par l'avocat, on trouve des faits qui, de l'avis de l'avocate de l'intimée, avec laquelle je suis d'accord, n'ont pas été mis en preuve. Nonobstant cette anomalie, je suis d'avis que ce motif ne peut être retenu en l'espèce. La Cour d'appel fédérale a affirmé dans plusieurs instances que la Cour canadienne de l'impôt n'a pas compétence pour statuer qu'un avis de cotisation est nul parce qu'il constitue un abus de procédure reconnu en droit. En d'autres mots, la Cour canadienne de l'impôt ne peut tenir compte des actions de l'Agence lors d'appels interjetés à l'encontre d'un avis de cotisation. Une cotisation ne peut être annulée pour cause de manque de diligence dans son traitement. (Voir Gersberg c. Canada, [1996] 3 C.F. 334, et Lassonde c. La Reine, 2005 CAF 323.) Je suis donc limité à décider si la cotisation est conforme à la Loi en me fondant sur les faits et les dispositions applicables (voir Main Rehabilitation Co. c. Canada, 2004 CAF 403).

La preuve

[117] Les parties s'entendent qu'il revient à l'intimée de faire la preuve que l'appelant a fait une présentation erronée des faits par négligence, inattention ou omission volontaire durant les années d'imposition 1989 à 1993 inclusivement, puisque les nouvelles cotisations pour ces années-là ont été établies après la période normale de nouvelle cotisation (voir le sous-alinéa 152(4)a)(i) de la Loi). Il en va de même pour les pénalités imposées à l'appelant en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi à l'égard de toutes les années d'imposition.

[118] En ce qui concerne le degré de preuve requis, il s'agit d'une preuve par prépondérance. Le juge Dussault, dans l'affaire Kiwan c. Canada, [2004] CCI 136, en première instance, a très bien résumé l'appréciation de la preuve que doit faire un tribunal dans différentes circonstances applicables à cette instance. Je reproduis cet extrait :

201 L'article 2804 du Code civil établit le degré de preuve requis en matière civile dans les termes suivants :

La preuve qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n'exige une preuve plus convaincante.

202 Dans son traité intitulé La preuve civile, 3e édition, Les Éditions Yvon Blais Inc., 2003, l'auteur Jean-Claude Royer rappelle à la page 113, au paragraphe 174, que « le degré de preuve requis ne réfère pas à son aspect quantitatif mais bien qualitatif » et que « [la] preuve produite n'est pas évaluée en fonction du nombre de témoins présentés par chacune des parties, mais en fonction de leur capacité de convaincre » .

203 À la même page, au paragraphe 175, il souligne que la preuve directe qui porte directement sur le fait litigieux est généralement préférable à la preuve indirecte ou indiciaire qui porte sur « des faits pertinents qui permettent d'inférer l'existence du fait litigieux [...] » , mais il ajoute « [qu'en] certaines circonstances, le tribunal peut préférer une preuve indiciaire à une preuve directe » .

204 À la page 116, au paragraphe 178, Jean-Claude Royer rappelle également « que le témoignage d'une seule personne peut être suffisant pour [...] se décharger du fardeau de persuasion » . Par ailleurs, il souligne également le fait « [qu']un juge n'est pas tenu de croire un témoin qui n'est pas contredit. » Sur ce dernier point, il se réfère à la décision de la Cour d'appel du Québec dans l'affaire Légaré v. The Shawinigan Water and Power Co. Ltd., [1972] C.A. 372. Dans cette affaire, le tribunal énonçait ce qui suit aux pages 373 et 374 :

[...] Mais, les tribunaux ne sont pas tenus de croire les témoins, même s'ils ne sont pas contredits par d'autres témoins. Leur version peut être invraisemblable par suite de circonstances révélées par la preuve ou par suite des règles du simple bon sens [...]

Analyse

[119] Il ne fait aucun doute que l'OALM a mis en place un stratagème qui lui permettait de délivrer de faux reçus pour dons, et ce, durant toutes les années d'imposition en litige. Il ne fait également aucun doute que plusieurs centaines de contribuables ont profité de ce stratagème et qu'il n'était pas connu uniquement dans la communauté libanaise. La preuve établie par la documentation obtenue lors de la vérification et par suite de l'enquête, soit les différentes formes de « bibliorec » , illustrent bien le fonctionnement du stratagème et les bénéfices obtenus par les participants, tout comme l'ensemble du travail de conciliation fait par madame Langelier et M. Gaetan Ouellet permet aussi de conclure qu'il y avait d'autres participants aux stratagèmes dont les noms ne figuraient pas aux « bibliorecs » . Devant une telle organisation, il faut se demander combien de reçus délivrés par l'OALM étaient représentatifs du don réellement fait.

[120] La découverte du pot aux roses par les autorités fiscales est attribuable à madame Isabelle Mercier. Elle a elle-même participé avec son époux Samir El-Boustany qui, en plus d'y avoir participé, faisait de la sollicitation auprès de ses collègues et de ses connaissances afin de les inciter à faire des dons et à profiter des ristournes qu'offrait l'OALM. Il était en plus membre du conseil d'administration de l'OALM et ami des prêtres qui signaient les reçus. Madame Mercier a donc rencontré les autorités fiscales et, fidèle à son engagement envers eux, elle a témoigné dans plusieurs dossiers portant sur des contribuables. Son témoignage a été franc et honnête, de sorte que malgré quelques légères imprécisions, il n'y a aucune raison d'écarter quoi que ce soit de son témoignage. Malgré le fait qu'elle soit séparée de son conjoint, je n'ai aucune raison de penser que madame Mercier soit en « mode » vengeance et qu'elle avancerait des choses pour nuire à quiconque. Madame Mercier a été très près de l'appelant et sa conjointe pendant quelques années et malgré sa séparation de son conjoint, je ne détecte aucun esprit de vengeance de sa part envers l'appelant pouvant mettre en péril sa crédibilité.

[121] Son témoignage indique la participation de l'appelant dans le stratagème de l'OALM. Je ne veux pas reprendre son témoignage au complet puisque mes motifs l'ont déjà précisé, mais qu'il me suffise de dire qu'elle et son conjoint sont amis de l'appelant et de sa conjointe. Ils ont discuté. Elle a vu les remboursements d'argent chez elle à être remis à l'appelant et la façon dont cela se faisait. Elle a vu les gros billets de banque. Elle a vu des reçus au nom de l'appelant dans la voiture de son conjoint. Son conjoint était promoteur. De son côté, l'appelant soutient qu'il demeure à Roberval, qu'il ne connaît pas les prêtres de l'OALM et qu'il ne connaissait rien du stratagème. À mon avis, il est très difficile de croire que l'appelant ne connaissait pas le stratagème car il est presque impossible de penser que son ami Samir El-Boustany ne lui en aurait pas parlé en l'invitant du moins à en prendre avantage. Madame Mercier nous dit également dans son affidavit du 23 août 1995 que Fadi Basile, une autre connaissance de l'appelant, était également un promoteur, voire même l'initiateur. Peut-on croire que l'appelant n'en savait rien? L'appelant a été mis au courant de l'OALM par Fadi Basile ou Samir El-Boustany, et il faudrait croire que ni l'un ni l'autre ne lui aurait jamais parlé du stratagème alors qu'ils en étaient les promoteurs?

[122] Madame Mercier a témoigné au sujet de la participation de l'appelant depuis 1990. L'appelant avisait le conjoint de madame Mercier de la date de sa visite et remettait alors un chèque pour son don. Son conjoint se rendait chez l'OALM pour porter le chèque et ramener l'argent. Il est aussi arrivé à trois ou quatre reprises que des enveloppes contenant des coupures de 100 $ et de 1 000 $ étaient apportées à l'appelant par le conjoint de madame Mercier lors de sa visite chez l'appelant durant l'été et que son conjoint rapporte un ou des chèques que l'appelant avait faits au nom de l'OALM. Elle confirme que les enveloppes contenaient 16 000 $ et on sait que plusieurs des dons de l'appelant étaient de 20 000 $. Cela nous approche donc du stratagème.

[123] Madame Mercier a également souligné qu'il est arrivé que le beau-père de l'appelant apporte un chèque fait à l'OALM chez elle pour son conjoint et qu'il ramasse une enveloppe contenant le reçu et la remise en argent. Ce fait a été nié par le beau-père, M. Leduc, lors de son témoignage. Il a témoigné que l'enveloppe ne contenait que des photos et une lettre et qu'il n'a jamais pris l'enveloppe contenant de l'argent à la résidence de Samir pour la remettre à l'appelant. M. Leduc a aussi témoigné au procès qu'il avait lui-même payé les billets d'avion pour son voyage au Liban en 1991 alors qu'il avait dit, dans un affidavit en avril 1997, que l'appelant les avait payés. Cette contradiction, que je considère majeure, allège beaucoup le poids que je peux accorder au témoignage de M. Leduc.

[124] Le témoignage de M. Gaetan Ouellet que j'ai reproduit au paragraphe 20 place l'appelant sur la liste de ceux qui auraient reçu une ristourne de l'OALM à la suite d'un don; selon M. Ouellet, la personne qui a recruté l'appelant est Samir, le prénom du conjoint de madame Mercier. Je ne peux également faire abstraction de la trouvaille de M. Ouellet dans les boîtes de rebus, telle que je l'ai décrite au paragraphe 22 des présentes, et qui indique encore une fois que l'appelant a déjà reçu une somme de 16 000 $ de l'OALM. Ces trouvailles dans les documents de l'OALM indiquent avec suffisamment de certitude que l'appelant participait au stratagème de l'OALM.

[125] La chose qui me paraît la plus étrange dans toute cette affaire est le pouvoir que l'appelant pouvait exercer sur son ami Samir El-Boustany et sur l'OALM lorsqu'il a réussi à les convaincre de lui envoyer l'argent qu'il a remis en dons à l'OALM dans un compte personnel qu'il détenait au Liban avec son beau-frère. La preuve est claire qu'en 1991 et en 1992, la somme de 55 000 $ a été transférée au beau-frère de l'appelant par l'OALM par traite bancaire, et l'appelant dit s'en être servi pour la remettre à son ancienne paroisse. Le don était de 32 000 $. La prétention de l'intimée voulant que ces transferts, effectués en trois occasions, soient si près des dates des dons réels de l'appelant - soit le 13 novembre 1991 pour l'encaissement du chèque de 10 000 $ et le 4 décembre 1991 pour le transfert de 10 000 $, le 28 mai 1992 pour l'encaissement d'un chèque de 20 000 $ et la même date pour le transfert, et le 21 juillet 1992 pour l'encaissement d'un chèque de 40 000 $ et le lendemain pour un transfert de 25 000 $ - et qu'ils représentaient 78 % du total des dons, donc des reçus, n'est pas si invraisemblable que cela lorsqu'on considère qu'il s'agit d'une des prétendues méthodes du stratagème.

[126] Depuis quand est-il possible pour un contribuable, à la suite d'un don à un organisme de bienfaisance, de dicter comment l'argent de ses dons sera dépensé, et pis encore, de faire déposer cet argent dans son compte personnel pour qu'il le dépense à sa guise? Je veux bien croire qu'il a remis 32 000 $ à sa paroisse, mais cela ne dépendait que de lui. Il était libre de faire ce qu'il voulait avec cet argent.

[127] L'appelant a été incapable d'expliquer le fait qu'il a obtenu deux reçus de 40 000 $ ou encore d'expliquer comment il a obtenu un reçu (pièce I-1, onglet 26) en date du 20 mai 1993, alors que son chèque (pièce I-3, onglet 114, p. 2) est en date du 25 mai 1993. Il en est de même pour le reçu en date du 24 novembre 1993 (pièce I-1, onglet 27), soit six mois après le chèque de l'appelant du 21 juin 1993 (pièce I-3, onglet 114, p. 3), et finalement le reçu en date du 31 décembre 1993 (pièce I-1, onglet 30) est remis à la suite d'un chèque de l'appelant en date du 22 décembre 1993 (pièce I-3, onglet 114, p. 4), mais le chèque n'est encaissé que le 28 janvier 1994, alors que l'OALM, selon la vérification, déposait les chèques de façon régulière.

[128] Le témoignage de M. Jean-Claude Delisle a non seulement servi à faire un lien entre certains achats faits par l'appelant et payés comptant et l'encaissement des chèques pour ses dons à l'OALM, mais aussi à examiner les transactions bancaires, telles que les bordereaux de dépôt et les mentions faites dans les registres personnels de l'appelant à propos de ces dépôts. Je ne veux pas reprendre son témoignage, mais ces détails sont résumés dans les présents motifs. Il a été démontré que ces dépôts ne pouvaient représenter le remboursement d'un prêt fait par le père de l'appelant. Cet exercice de la part de M. Delisle permet aussi de constater que, contrairement au témoignage de l'appelant voulant qu'il paye tous ses achats par chèque ou carte de crédit, l'appelant a effectué beaucoup d'achats en comptant, ou a payé un acompte en argent comptant. Il faut aussi s'interroger sur la provenance des billets de banque de 1 000 $ et de 100 $ qu'il déposait dans son compte. De son propre aveu, les billets de 1 000 $ ne provenaient pas de paiements pour des services professionnels rendus à sa clinique, qui, d'ailleurs, n'étaient pas déposés en banque mais plutôt mis dans son coffre-fort, et il faisait très peu de retraits d'argent liquide de son compte en banque. Le témoignage détaillé de Mme Langelier démontre que cet argent n'a pas été déclaré comme revenu par l'appelant.

[129] Dans tout l'ensemble de la preuve, l'appelant s'est contredit à plusieurs reprises. Certaines de ses contradictions ont d'ailleurs été résumées dans mes motifs. Qu'il me suffise toutefois d'en reproduire quelques-unes afin de démontrer le peu de fiabilité qu'il m'est possible d'accorder aux propos de l'appelant et de certains autres témoins :

1.        L'appelant témoigne à l'interrogatoire préalable que son premier don a été fait en 1987 à la paroisse St-Élie Maronite et qu'il a fait ce don par l'entremise de son père et que le montant était entre 15 000 $ et 20 000 $. Au procès, il témoigne qu'il s'agit d'un don de 10 000 $ canadiens comptant. Le reçu (pièce A-3) parle d'un don de 10 000 $ en deux versements.

2.        Il y a contradiction chez l'appelant quant à savoir si c'est Samir El-Boustany ou Fadi Basile qui l'a informé de la possibilité de faire des dons à l'OALM. De plus, l'appelant a témoigné que son père (par. 33 des motifs) lui avait dit de communiquer avec Fadi Basile lors de son arrivée au Canada. Le père de l'appelant a témoigné ne pas connaître Fadi Basile.

3.        L'appelant témoigne ne pas avoir de calendrier précis pour les dons faits à l'OALM. À l'interrogatoire préalable, il soutient que ses dons à l'OALM étaient faits selon ses disponibilités financières. Les dons sont sensiblement les mêmes chaque année.

4.        L'appelant déclare payer ses achats par chèque ou carte de crédit, alors que plusieurs achats et factures démontrent qu'il a souvent payé en argent liquide. Les travaux de rénovations effectués par Mario Tanguay ont été payés en argent liquide à deux reprises. Ce qu'il faut surtout retenir, c'est le fait qu'aucun retrait d'argent de ses comptes bancaires ne justifie la provenance de l'argent pour payer dans la majorité des cas. Il a aussi déclaré que l'argent dans son coffre-fort était utilisé pour des achats tels que l'épicerie et la gardienne.

5.        L'appelant affirme que tous ses revenus sont déclarés alors que la preuve démontre que ses honoraires payés comptant à sa clinique ne l'ont pas été, et même certains provenant de la Régie de l'assurance-maladie du Québec.

6.        L'appelant témoigne qu'il a prêté 60 000 $ en 1993 à son père pour lui permettre de réaliser un projet de construction. Selon l'appelant, son père lui a remboursé cette somme au complet par l'entremise d'un M. Untel, et finalement d'un dénommé Antoine de Montréal, qui voulait retourner au Liban. Il a reçu trois paiements de ce dernier en 1994 et 1995 et l'argent a été déposé dans son compte pour rembourser sa marge de crédit. L'appelant, on se souvient, n'a jamais parlé de cette forme de remboursement lors de son témoignage à l'interrogatoire préalable, disant qu'il ne se souvenait pas de la façon dont son père l'avait remboursé. Quant à son père, il a témoigné que le prêt de 60 000 $ avait été remboursé au complet à la fin de 1993. On sait aussi que les notes au registre de l'appelant identifiant ce remboursement sont inexactes, car il s'agit en fait de dépôts de sommes qui n'ont rien à voir avec ça.

7.        Une facture de 9 600 $ U.S. pour l'achat de bijoux par l'appelant a été retrouvée chez lui. L'appelant soutient qu'il s'agit d'un cadeau de noces de son père. Il dit que le prix indiqué est le prix que valent les bijoux et non le prix payé. Son père a témoigné qu'il est de tradition de donner des bijoux aux femmes. Il a acheté des bijoux d'une valeur de 4 800 $ U.S. pour sa bru, mais les bijoux qu'il décrits ne correspondent pas tous avec ceux décrits dans la facture trouvée chez l'appelant. Que fait cette facture chez l'appelant, et si c'est le père qui a fait l'achat, comment se fait-il que la facture soit au nom de l'appelant?

8.        L'existence des traites bancaires de l'OALM au compte en banque de Ziad Saba et de l'appelant au Liban. S'agit-il de l'argent de ses dons, selon la version de l'appelant au procès, ou s'agit-il simplement du moyen utilisé pour l'OALM pour transférer de l'argent au Liban, et Ziad Saba n'était-il qu'un simple intermédiaire que l'appelant a recommandé à Samir El-Boustany? Dans la dernière éventualité, comment se fait-il qu'une copie d'une traite bancaire que l'OALM fait à Ziad Saba avec une enveloppe au nom de l'appelant se retrouve dans son coffre-fort?

9.        Le dépôt à terme de 50 000 $ (pièce I-3, onglet 108) ne serait pas, selon l'appelant, un dépôt à terme mais plutôt une mise à jour du montant dans son compte à cette date, soit le 3 juin 1993. Le document parle de lui-même et réfère, à mon avis, au renouvellement d'un dépôt puisqu'il identifie la provenance des fonds comme étant le transfert d'un « maturing deposit » que l'appelant a chez eux. S'il s'agissait de son compte, on devrait aussi mentionner le propriétaire conjoint, qui est Ziad Saba. Par contre, l'appelant, lors de l'interrogatoire préalable, n'a jamais répondu à la question et semblait plutôt préoccupé par le fait qu'il fallait être innocent pour garder des documents de ce genre. Si l'appelant n'a rien à se reprocher, pourquoi réagit-il ainsi?

10.      La traite bancaire de la banque American Express de Beyrouth pour 5 000 $ américains, payable à l'appelant, est datée du 1er juillet 1993. Il témoigne que c'est de l'argent qu'il a retiré de son compte pour payer des dépenses lors de son voyage au Liban. À l'interrogatoire préalable, il a témoigné que cet argent a servi à faire l'achat d'huile Mazola qu'il a expédiée au Liban, mais cette huile a été achetée en 1991.

[130] L'appelant n'a déposé aucun document démontrant les activités bancaires de son compte au Liban. L'ouverture du compte et les dépôts initiaux (a-t-il seul fait des dépôts, ou Ziad Saba en a-t-il faits aussi, et quels en étaient les montants?) ont fait l'objet de contradiction chez l'appelant et il faut se demander pourquoi l'appelant n'a jamais informé son comptable, Gratien Ouellet, de l'existence de ce compte bancaire au Liban, ni du dépôt à terme de 50 000 $ américains. À mon avis, le témoignage de Ziad Saba aurait pu certainement élucider bien des choses et le simple dépôt de son affidavit (pièce A-5) confirmant l'ouverture du compte, sa fermeture et le fait qu'aucun document officiel n'a pu être retrouvé est nettement insuffisant pour expliquer la raison d'être du compte, sa participation, les dépôts et retraits qui lui sont attribuables et ceux de l'appelant, son rôle avec l'OALM, son contact et le roulement d'argent effectué par l'OALM. Vu l'importance de cette information, il m'est possible d'inférer que son témoignage n'aurait pas aidé la cause de l'appelant.

[131] Il en va de même pour l'épouse de l'appelant. Même si la maladie a pu l'empêcher de témoigner lors du procès, son témoignage aurait pu être rendu à un autre moment, mais aucune demande n'a été adressée à cet égard. Ce témoin aurait aussi été capable, à mon avis, d'apporter bien des explications sur les transactions d'achat de l'appelant, la comptabilité du bureau, la tenue du registre et la signification des dépôts, et j'en passe. L'appelant lui-même a d'ailleurs dit à deux reprises au procès que c'est son épouse qui s'occupait des finances et qui gérait son argent. Il ne fait que signer les chèques. J'en conclus également que son témoignage n'aurait pas été à l'avantage de l'appelant.

[132] Il ne fait aucun doute que l'appelant jouit d'une bonne réputation dans sa communauté et dans son milieu de travail. Son témoignage, par contre, est parsemé de contradictions et ses explications sont dépourvues de vraisemblance et manquent totalement de cohérence. Il m'est impossible de conclure qu'il ne connaissait rien du stratagème et qu'il n'y a pas participé durant toutes les années en litige. Je suis donc convaincu selon la prépondérance des probabilités que l'appelant a participé au stratagème et en a pris avantage durant toutes les années en litige. L'intimée a donc satisfait à son fardeau de la preuve en ce qui concerne les années prescrites.

[133] Il est donc évident qu'en l'espèce, il ne s'agit pas de dons au sens de la Loi mais plutôt de l'achat de reçus dans le but de se procurer frauduleusement un avantage fiscal. Pour ces raisons, je maintiens les cotisations pour toutes les années en litige. Puisque l'appelant a participé au stratagème mis en place par l'OALM, il devait être conscient du fait que ses crédits d'impôt étaient fondés sur de faux reçus et ce, volontairement et en toute connaissance de cause. Pour ces raisons, l'intimée était justifiée d'imposer des pénalités.

[134] L'appel est donc rejeté avec dépens en faveur de l'intimée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour de février 2007.

« François Angers »

Juge Angers


RÉFÉRENCE :                                   2007CCI111

N º DU DOSSIER DE LA COUR :       2002-4812(IT)G

INTITULÉ DE LA CAUSE :               Naji Abinader c. Sa Majesté La Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                    Roberval (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                  les 6, 7, 8, 9, 12, 13, 14, 15 et

                                                          16 septembre 2005

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :        L'honorable juge François Angers

DATE DU JUGEMENT :                    le 23 février 2007

COMPARUTIONS :

Avocats de l'appelant :

Me Martin Dallaire

Me Sebastien Talbot

Avocats de l'intimée :

Me Nathalie Lessard

Me Simon-Nicolas Crépin

AVOCATS INSCRIT AU DOSSIER :

       Pour l'appelant:

                   Noms :                             Me Martin Dallaire

                                                          Me Sebastien Talbot

                   Étude :                             Cain Lamarre Casgrain Wells

                                                          Avocats - S.E.N.C.

                                                          Saint-Félicien (Québec)

       Pour l'intimée :                             John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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