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Dossier : 2004-3849(IT)G

ENTRE :

LUC LABBÉ,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

__________________________________________________________________

Appel entendu le 12 mai 2006, à Québec (Québec).

Devant : L'honorable juge Alain Tardif

Comparutions :

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :

Me Bruno Levasseur

__________________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1999, 2000 et 2001 est rejeté, avec dépens en faveur de l'intimée, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour de juin 2006.

« Alain Tardif ۚ »

Juge Tardif


Référence : 2006CCI286

Date : 20060609

Dossiers : 2004-3849(IT)G

ENTRE :

LUC LABBÉ,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Tardif

[1]      Il s'agit d'un appel pour les années d'imposition 1999, 2000 et 2001.

[2]      La question en litige consiste essentiellement à déterminer si l'intimée a imposé de bon droit une pénalité sur les revenus découlant des paiements faits en vertu du contrat entre l'appelant et Itochu International ( « Itochu » ) pour les années d'imposition 1999, 2000 et 2001 ainsi que sur les dépenses personnelles de l'appelant totalisant 828 $ payées par Aalexx International, société contrôlée par l'appelant, durant l'année d'imposition 2001.

[3]      Pour établir et ratifier les pénalités concernant les années d'imposition 1999, 2000 et 2001, le 15 décembre 2003, le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a tenu pour acquis les hypothèses de fait suivantes :

     10     a)          L'appelant est un homme d'affaires, agronome de formation, qui se spécialise dans la commercialisation de fèves soya. (admis)

b)          L'appelant est l'unique actionnaire de la société Aalexx International Inc. ( « Aalexx » ). (admis)

c)          En date du 17 février 2003, l'appelant a été informé qu'une vérification de la société Aalexx allait avoir lieu. (admis)

d)          Au moment de ladite vérification, Monsieur Guy Morin, vérificateur, a demandé à l'appelant, par lettre datée du 17 février 2003, de mettre à sa disposition une liste des registres et documents concernant Aalexx, ainsi que les comptes bancaires personnels de l'appelant. (admis)

e)          Parmi les documents remis au vérificateur, il manquait une partie des comptes bancaires personnels de l'appelant. (nié)

f)           Le compte bancaire manquant comportait des sommes reçues de la compagnie Itochu International Inc. ( « Itochu » ) entre le 1er juin 1999 et le 31 décembre 2002. (nié)

g)          En 1999, l'appelant a conclu un contrat de service de consultation en agro-alimentaire avec Itochu. (admis)

h)          Itochu a son siège social à New York, aux États-Unis. (nié)

i)           En vertu du contrat signé entre Itochu et l'appelant, ce dernier était tenu faire de la recherche et informer Itochu des développements dans le marché des produits à base de soya en Amérique du Nord. (admis)

j)           Le contrat signé entre Itochu et l'appelant a été renouvelé jusqu'au 31 décembre 2002. (admis)

k)          L'appelant était payé mensuellement par Itochu et ce, par virements bancaires ou télégraphiques en devises américaines. (nié)

l)           En prévision uniquement des virements bancaires ou télégraphiques à recevoir d'Itochu, l'appelant a ouvert un compte bancaire personnel, portant le numéro 450-6192, à la Banque Royale du Canada. (nié à cause du mot « uniquement » )

m)         L'appelant a reçu d'Itochu les montants suivants :

1999

2000

2001

32 643 $ Can

38 022 $ Can

18 671$ Can

            (admis)

n)          Durant les années en litige, l'appelant a fait affaires avec une firme comptable pour la production de ses déclarations de revenu. (admis)

o)          L'appelant a omis d'inclure dans son revenu les sommes reçues de Itochu pendant les années d'imposition 1999, 2000 et 2001. (nié)

p)          De plus, Aalexx a payé diverses dépenses personnelles de l'appelant pour un total de 1 080 $ durant l'année 2001. (ignoré)

     11     En confirmant la nouvelle cotisation relative à l'année d'imposition 2000 et en établissant une nouvelle cotisation le 29 juillet 2004 en ce qui concerne l'année d'imposition 2001, le ministre du Revenu national a tenu pour acquis les faits suivants :

            a)          Les faits mentionnés aux paragraphes 10a) à p) ci-dessus. (admis)

            b)          Les dépenses personnelles de l'appelant payées par Aalexx durant l'année d'imposition 2001 totalisent 828 $, soit 252 $ de moins que ce qui a été tenu pour acquis lors de l'établissement de la nouvelle cotisation du 15 décembre 2003. (admis)

     12     En établissant une nouvelle cotisation à l'égard de l'année d'imposition 1999 le 15 décembre 2003, soit en dehors de la période normale de nouvelle cotisation, et en la confirmant, le ministre du Revenu national a considéré les faits suivants :

a)          Les faits mentionnés aux paragraphes 10a) à o) ci-dessus. (admis)

b)          Après ses études universitaires en agronomie et un stage d'un an, l'appelant a trouvé un emploi à titre de courtier pour Maple Leaf Canada à Toronto où il acquis une expertise dans le commerce de la fève soya sur le marché mondial. (admis)

c)          L'appelant a occupé cet emploi de courtier pour Maple Leaf Canada pendant 8 ans. (admis)

d)          Pour accomplir ce travail de courtier dans le domaine du commerce international, l'appelant devait connaître les règles régissant l'exportation, les formalités douanières des pays importateurs et l'obtention des certificats et autorisations nécessaires. (nié)

e)          Afin de compléter la documentation requise au niveau gouvernemental, l'appelant devait connaître les dispositions légales applicables aux activités de commerce international incluant les dispositions fiscales. (nié)

f)           En mai 1995, l'appelant a décidé de s'établir au Québec et de fonder Aalexx dans le but de poursuivre ses activités dans le même domaine d'expertise en plus d'offrir des services de consultation en agro-alimentaire. (admis)

g)          Pour les fins de son travail pour Aalexx, l'appelant devait maintenir les connaissances requises au niveau légal pour pouvoir faire affaires dans le domaine du commerce international. (nié)

h)          Les revenus que l'appelant a omis de déclarer à l'égard des années en litige sont importants d'un point de vue quantitatif. (ignoré)

i)           L'appelant n'avait pas l'intention de déclarer les revenus découlant de son contrat avec Itochu même suite à la terminaison de son contrat en décembre 2002. (nié)

j)           La révélation de l'existence du contrat entre Itochu et l'appelant par le représentant de ce dernier fait suite à la vérification fiscale entreprise en février 2003. (nié)

[4]      L'appelant a fait un certain nombre d'admissions, notamment les faits indiqués aux alinéas 10 a), b), c), d), g), i), j), m), n) ainsi qu'aux alinéas 11 a) et 11 b) et 12 a), b), c) et f).

[5]      Comme l'appel porte essentiellement sur le bien-fondé d'imposer des pénalités pour les années en litige, l'intimée a, au moyen du vérificateur, monsieur Guy Morin, soumis la preuve qu'elle croyait pertinente pour justifier l'imposition des pénalités dont il est fait appel par les présentes.

[6]      De son côté, l'appelant se représentait lui-même; il a témoigné pour démontrer que les pénalités n'étaient ni justifiées, ni appropriées.

[7]      Les faits sont relativement simples.

[8]      Le 17 février 2003, l'intimée faisait parvenir une lettre à la société Aalexx International, dont l'appelant était le seul actionnaire, indiquant clairement tous les documents et informations que devait rassembler l'appelant pour permettre la vérification débutée par une visite à la place d'affaires de l'appelant. Il y a lieu de reproduire la demande écrite en question, la pièce I-2.

Le 17 février 2003

AALEXX INTERNATIONAL

[...]

À l'attention de Monsieur Luc Labbé

Objet : Déclaration d'impôt sur le revenu de 2001 et 2002

Suite à notre conversation téléphonique du 17 février courant, j'aimerais confirmer ma visite à votre place d'affaires le 24 février 2003.

L'objet de cette visite est d'examiner vos livres et registres comptables et d'obtenir le cas échéant d'autres renseignements sur vos déclarations d'impôt sur le revenu. À cet effet, vous êtes prié de mettre à ma disposition tous les registres applicables pour les 2000 et 2001 y compris :

·         Balance de vérification et écritures de régularisation et chiffrier

·         Livre de procès verbaux de toutes les sociétés du groupe

·         Caisse recette, caisse déboursé et grand livre

·         Liste des comptes à recevoir et des comptes à payer

·         Chèques retournés de la banque avec les états bancaires

·         Factures de vente et d'achat

·         Comptes de banques personnels des actionnaires

·         Organigramme du groupe des sociétés

La durée de la vérification dépendra de l'état de vos livres comptables, de la taille et de la complexité de votre entreprise ainsi que de votre collaboration. Je vous tiendrai informé de l'avancement de la vérification tout au long de celle-ci.

Je vous ferai part de toute proposition de redressement, s'il y a lieu, et un délai de 30 jours vous sera accordé, le cas échéant, pour effectuer vos représentations. Il me fera alors plaisir de discuter avec vous des points sur lesquels vous serez en désaccord.

Vous trouverez ci-joint une brochure intitulée « Ce que vous devriez savoir à propos des vérifications » . Je vous invite à en prendre connaissance afin que l'on puisse en discuter lors de ma prochaine visite. De plus, vous trouverez ci-inclus la circulaire d'information 78-10R3, Conservation et destruction des livres et des registres.

Si vous avez des questions à poser en prévision de cette visite, vous êtes prié de communiquer avec moi au numéro suivant : (418) 6494993.

            [...]

[9]      Au moment de la vérification, l'appelant a remis au vérificateur les renseignements quant à deux comptes auprès de la Banque Royale du Canada.

[10]     Le vérificateur a dès lors entrepris sa vérification. Le 5 mars 2003, le vérificateur Guy Morin recevait un appel de l'avocat fiscaliste Dagenais. représentant de l'appelant; ce dernier demande à le rencontrer, et un rendez-vous est fixé pour le 6 mars 2003.

[11]     Des faits nouveaux sont alors portés à l'attention du vérificateur; il est notamment question à ce moment d'un contrat avec la société Itochu International et de l'existence d'un troisième compte en banque, toujours à la Banque Royale du Canada.

[12]     À la suite de ces nouvelles révélations, le vérificateur Guy Morin rencontre à nouveau l'appelant à ses bureaux le 13 mars. L'appelant confirme alors les informations transmises par son représentant, l'avocat fiscaliste Dagenais.

[13]     Surpris de ces nouveaux faits, le vérificateur décide alors de pousser sa recherche un peu plus loin; il a constaté que les informations communiquées ne couvraient pas l'année d'imposition 1999; il a dès lors obtenu la totalité des informations de la Banque Royale du Canada relatives aux informations communiquées par l'avocat Dagenais.

[14]     Le vérificateur a également affirmé qu'il avait constaté que des dépenses personnelles substantielles avaient été payées par la société.

[15]     Il s'agissait notamment de dépenses liées à l'aménagement paysager, à des voyages à l'étranger et à des repas. L'appelant n'a pas nié ces faits.

[16]     En bref, le vérificateur a soutenu que les pénalités étaient justifiées et appropriées, compte tenu des nombreuses connaissances de l'appelant, de son expérience au sujet des opérations et de ses études de son expertise et ses qualités en tant qu'homme d'affaires ayant à son crédit de vastes et nombreuses connaissances. En d'autres termes, le vérificateur a soutenu qu'en raison des faits, des circonstances et du contexte, eu égard à l'expérience, la compétence et les connaissances de l'appelant, il avait conclu que les conditions requises pour l'imposition des pénalités étaient satisfaites.

[17]     Employé de haut niveau pour la société Maple Leaf Canada à Toronto en Ontario, durant près de dix ans, l'appelant décide à un certain moment de faire cavalier seul dans le domaine de la fève soya; il quitte alors l'Ontario pour s'établir au Québec pour créer et développer une entreprise pour mettre à profit son savoir et expérience dans le domaine du commerce local et international de la fève de soya.

[18]     Au moment où il travaillait pour la société Maple Leaf Canada, il a développé, au fil des ans, une relation de confiance avec les dirigeants de la société Itochu; lorsqu'il décide de quitter la société Maple Leaf Canada, l'appelant conclut une entente contractuelle avec Itochu aux termes de laquelle il s'engage à agir comme consultant ou personne-ressource, afin de renseigner ses interlocuteurs japonais sur l'état du marché nord-américain de la fève de soya.

[19]     L'appelant a affirmé que ses clients étaient particulièrement préoccupés par le débat sur la question des OGM (organismes génétiquement modifiés). Les Japonais étant de très grands consommateurs de la fève soya et constituant un imposant marché pour les pays producteurs, dont le Canada, avaient en la personne de l'appelant un spécialiste sur place pour les renseigner et leur faire état des divers développements en cette matière.

[20]     L'appelant a expliqué qu'il comprenait du contrat qu'il s'agissait essentiellement d'avances qui lui étaient payées pour des informations qu'il devait transmettre à la satisfaction de l'autre partie.

[21]     Selon l'appelant, il s'exposait à devoir éventuellement rembourser la totalité des montants obtenus si ceux à qui l'information était destinée exprimaient leur insatisfaction.

[22]     Cette compréhension et interprétation du contrat assez particulières des termes du contrat l'aurait amené à ouvrir un compte particulier en devises américaines, lui permettant de maintenir une comptabilité parallèle, indépendante de ses activités régulières, en prévision, semble-t-il, de devoir rembourser éventuellement les montants reçus.

[23]     Appelé à expliquer pourquoi il avait une telle interprétation des termes pourtant clairs du contrat, dont ni la portée, ni le libellé ne permet une telle conclusion ou une telle interprétation, l'appelant, manifestement inconfortable, a tenté de présenter des arguments pour soutenir son appréciation; il a notamment fait référence à des manquements professionnels, à des tricheries, à des négligences, à toutes sortes de griefs et de faiblesses n'ayant strictement rien à voir avec les termes du contrat, mais découlant essentiellement d'un manquement à son obligation juridique, ce qui en soi n'avait rien à voir avec les termes du contrat. Si une telle façon de faire était acceptée, cela aurait pour effet de suspendre l'imposition des revenus provenant d'honoraires jusqu'à l'expiration des délais de prescription d'une possible poursuite pour manquement ou toute autre raison, ce qui est tout à fait farfelu et totalement déraisonnable, voire invraisemblable comme explication ou excuse.

[24]     D'ailleurs, le contrat a fait l'objet de renouvellement automatique à quelques reprises; l'appelant a d'ailleurs indiqué que sa relation contractuelle avec la société Itochu International découlait de la relation de confiance qu'il avait développée avec les responsables de cette société au moment où il travaillait pour Maple Leaf Canada, ce qui en soi a contredit un peu la logique de ses arguments.

[25]     Se décrivant comme une personne ayant développé une expertise exceptionnelle en matière de la fève soya, l'appelant a dit être une personne fondamentalement honnête et de bonne foi ayant très peu ou pas de connaissance en matière de fiscalité, ce qui l'obligeait à retenir les services de personnes en mesure de le conseiller en cette matière.

[26]     Homme d'affaires dynamique et prospère, excellent père de famille, l'appelant a soutenu qu'il avait été imprudent, malhabile et, de toute évidence, quelque peu négligent. Il a affirmé qu'il n'avait strictement rien voulu cacher et que toute sa vie, il avait toujours eu une conscience sociale tout en étant un bon citoyen corporatif et un bon citoyen ayant toujours assumé toutes ses obligations fiscales.

[27]     Quant à la façon dont son dossier avait été géré, il a soumis des explications tout au moins nébuleuses, à savoir qu'il avait fourni au comptable les documents du contrat dont il n'avait, semble-t-il, jusqu'à ce moment jamais parlé, étant donné que le contrat avait pris fin dans les mois précédents.

[28]     Je crois plutôt que l'appelant a rapidement compris la gravité de la situation et, dès lors, a consulté ses conseillers afin d'obtenir des conseils quant à la façon de faire. Ces derniers ont manifestement choisi la stratégie qui consistait à aller au-devant des coups pour tenter de réduire les conséquences d'une éventuelle découverte du compte secret.

[29]     Il s'agissait manifestement de conseils fort judicieux, puisque le délai pour la production de la déclaration pour l'année d'imposition 2003 n'était pas expiré. L'appelant croyait ainsi probablement pouvoir éviter l'imposition de pénalités pour les années d'imposition 2000 et 2001 et l'absence de cotisation pour l'année 1999.

[30]     Les explications soumises par l'appelant, c'est-à-dire que le compte en devises américaines n'était pas secret et qu'il n'avait pas été mentionné dans la demande du 17 février 2003, ne sont ni crédibles, ni vraisemblables, d'autant plus qu'il s'agissait d'un compte actif dans lequel il faisait des opérations dont les montants étaient relativement importants.

[31]     D'autre part, si l'appelant avait été aussi convaincu de la qualité de ses arguments quant à l'interprétation du contrat, il aurait été dans l'ordre des choses qu'il dévoile le compte en question en même temps que les deux autres et qu'il fasse valoir à ce moment ses observations quant à son interprétation. Un tel comportement aurait été prudent, sage et tout à fait raisonnable pour une personne ayant les qualités de l'appelant. Or, les observations ont été faites par le représentant juridique et le comptable de l'appelant plusieurs semaines après la visite et l'analyse des dossiers.

[32]     Au moment de la signature du contrat, l'appelant entretenait des relations d'affaires avec la société Itochu depuis neuf ans, au moment où il travaillait pour la société Maple Leaf Canada. Le Japon est un marché extrêmement important pour le soya, à tel point que l'appelant a fait mention que 70 % du marché pour ce produit était au Japon.

[33]     Les faits, les explications et l'ensemble du contexte sont de nature à soutenir une seule conclusion, à savoir que l'appelant avait obtenu un contrat particulier où il s'agissait essentiellement de monnayer son expérience, son expertise et ses connaissances.

[34]     En raison de cette particularité, je crois que l'appelant savait très bien qu'il s'agissait d'une entente ponctuelle d'une durée limitée et que la contrepartie monétaire n'apparaîtrait probablement jamais à quelque endroit que ce soit eu égard à la provenance de l'autre partie du contrat.

[35]     En effet, comment un homme d'affaires avisé, prospère, dynamique, fort d'une expérience et de connaissances très pointues dans un domaine économique assez particulier peut-il prétendre que ses honoraires pouvaient faire l'objet d'une demande de remboursement? Une telle interprétation n'est ni raisonnable, ni soutenue par un quelconque élément du contrat. Bien plus, elle constitue une explication totalement irréconciliable avec les connaissances et l'expérience de l'appelant. La recevabilité d'une excuse doit être fonction de son caractère raisonnable, dont les critères d'appréciation peuvent varier suivant le statut et les connaissances de celui ou de celle qui l'invoque.

[36]     En l'espèce, l'excuse présentée par l'appelant est tout simplement farfelue et sans fondement aucun, tant au niveau des faits qu'au niveau des termes du contrat.

[37]     Homme d'affaires extrêmement vigilant, il a tout simplement décidé de tenter sa chance et de ne pas déclarer les revenus découlant du contrat privé avec un intervenant étranger. Il a été rattrapé, et il devenait donc impératif d'identifier des raisons et des motifs pour tenter d'expliquer ce qui d'emblée était à peu près inexplicable.

[38]     Tenant sans doute pour acquis que le fardeau de la preuve qui incombait à l'intimée était semblable à celui qui prévaut en matière pénale, à savoir une preuve hors de tout doute, l'appelant a voulu s'attribuer une certaine naïveté en agissant d'une façon quelque peu négligente, se pressant d'ajouter qu'il ne s'agissait cependant pas d'une faute lourde, mais tout au plus d'un manquement mineur ou d'une faute ou négligence fort involontaire, le tout suffisant pour conclure que l'intimée n'avait pas fait la preuve hors de tout doute.

[39]     D'une part, le fardeau de la preuve n'est pas de cette nature et, d'autre part, l'intimée a démontré de façon convaincante que l'appelant avait agi d'une telle manière que les exigences prévues par le paragraphe 163(2) de la Loi étaient satisfaites, les pénalités étant, dans les circonstances, pleinement justifiées; il en est ainsi au niveau de l'année d'imposition 1999 où, encore là, l'intimée a relevé le fardeau de la preuve en démontrant d'une manière non équivoque et surtout très prépondérante que l'appelant avait manifestement volontairement planifié d'occulter les revenus provenant de la société japonaise de ses revenus.

[40]     Je ne retiens pas les explications soumises par l'appelant, c'est-à-dire qu'il croyait possible de devoir rembourser, éventuellement, les sommes reçues. Je ne retiens pas ses prétentions en raison de ses propres explications, à savoir la création du compte, l'utilisation de son contenu, la non-dénonciation en dépit de la demande formelle qui lui a été faite, son expérience et ses connaissances, la façon dont le tout a été dénoncé et l'impossibilité totale de donner une telle interprétation au libellé du contrat que l'appelant a signé avec la société.

[41]     Pour toutes ces raisons, l'appel est rejeté avec dépens en faveur de l'intimée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour de juin 2006.

« Alain Tardif ۚ »

Juge Tardif


RÉFÉRENCE :                                   2006CCIxxx

N º DU DOSSIER DE LA COUR :       2004-3849(IT)G

INTITULÉ DE LA CAUSE :               Luc Labbé et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                    Québec (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                   le 12 mai 2006

MOTIFS DES JUGEMENTS PAR :    L'honorable juge Alain Tardif

DATE DU JUGEMENT :                    le 9 juin 2006

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :

Me Bruno Levasseur

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER :

       Pour l'appelant :

      

       Pour l'intimée :                             John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Ontario

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