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Dossiers : 2001-1876(GST)G

ENTRE :

GAÉTAN PAQUET,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

___________________________________________________________________

Appel entendu le 28 mai 2003 à Shawinigan (Québec)

Devant : L'honorable juge Alain Tardif

Comparutions :

Avocat de l'appelant :

Me François Daigle

Avocat de l'intimée :

Me Louis Cliche

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d'accise, dont l'avis est daté du 29 mai 2000 et portant le numéro 02305309, pour la période allant du 1er décembre 1994 au 31 décembre 1996 est rejeté avec dépens, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 12e jour de novembre 2003.

« Alain Tardif »

Juge Tardif


Référence : 2003CCI804

Date : 20031112

Dossier : 2001-1876(GST)G

ENTRE :

GAÉTAN PAQUET,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Tardif

[1]      Il s'agit de l'appel d'une cotisation relative à la taxe sur les produits et services ( « TPS » ) de la Loi sur la taxe d'accise ( « Loi » ), en date du 29 mai 2000, portant le numéro 02305309, pour la période allant du 1er décembre 1994 au 31 décembre 1996.

[2]      Les procédures écrites à l'Avis d'appel ( « Avis » ) et à la Réponse à l'avis d'appel ( « Réponse » ) résument bien le contenu de l'audition. Je reproduis donc dans un premier temps les paragraphes 1 à 16 de l'Avis :

1.          L'appelant exploitait une entreprise de construction en 1994, 1995 et 1996;

2.          L'appelant se concentrait sur la construction d'immeubles d'habitations multiples;

3.          L'appelant est un menuisier et exerce son métier de menuisier depuis plus de vingt-cinq (25) ans;

4.          Quand les taxes à la consommation, la TPS et la TVQ sont entrées en vigueur, l'appelant ne connaissait pas bien l'application de ces taxes;

5.          L'appelant a rare consulté un de ses collègues constructeurs, qui lui a conseillé de ne pas s'inscrire et de ne pas réclamer de crédits sur intrants, afin de ne pas avoir à collecter les taxes par la suite;

6.          L'appelant a effectivement omis de s'inscrire;

7.          L'appelant a également omis de réclamer les crédits sur intrants afférents à la construction de ses immeubles;

8.          L'appelant a construit plusieurs immeubles sur la rue Collette à Trois-Rivières;

9.          L'appelant a construit les adresses civiques du 10, 15, 20 et 25 Colette avec les dates d'entrée des locataires suivantes :

a)    pour le 15 Colette : M. Stéphan Fortin, le 25 novembre 1994

b) pour le 10 Colette : M. Claude de La Chevrotière, le 27 mai 1995

c)    pour le 25 Colette : M. Laurent Bouchard et Mme Michèle Maillette, le 3 février 1996;

d) pour le 20 Colette : M. Yvon St-Pierre et Mme Marie-Reine Bouchard, le 27 novembre 1996

10.        L'appelant a construit les adresses civiques du 10, 15, 20 et 25 Colette avec les dates d'entrée des locataires suivantes :

a)    il a engagé des menuisiers avec une licence à son nom personnel;

b) la compagnie Construction Mlle Louise n'a pas été utilisée, ne possédant plus sa licence;

c)    un numéro de la CCQ et un numéro de la CSST ont été pris au nom personnel de l'appelant;

11.        En 1994, tout était nouveau au niveau de la fourniture à soi-même. L'appelant s'est renseigné à Mme Paquet du BACC pour obtenir des renseignements sur les taxes lors de la construction. L'appelant a alors indiqué qu'il n'avait pas l'intention de vendre l'immeuble. Les gens du BACC lui ont alors indiqué qu'il n'avait pas de taxes à payer, puisqu'il n'y avait pas vente;

12.        L'appelant s'est également informé auprès de son comptable M. Pierre Leblanc pour savoir s'il devait s'enregistrer ou retirer des taxes sur intrants. Le comptable lui aurait répondu « Non » .

13.        C'est avec une surprise consommée que l'appelant a appris lors de la vérification en 1999 que la fourniture à soi-même s'appliquait prétendument à la situation;

14.        L'appelant s'est fait cotiser le 29 mai 2000;

15.        L'appelant a porté le tout à l'attention du secteur des oppositions qui a ratifié la cotisation le 9 mars 2001;

16.        L'appelant est toujours menuisier;

[3]      Quant à la Réponse, il y a lieu de reproduire les paragraphes 1 à 30 inclusivement :

1.          Il admet le paragraphe 1 de l'avis d'appel;

2.          Il n'a pas connaissance des faits mentionnés au paragraphe 2 de l'avis d'appel;

3.          Il n'a pas connaissance des faits mentionnés au paragraphe 3 de l'avis d'appel;

4.          Il n'a pas connaissance des faits mentionnés au paragraphe 4 de l'avis d'appel;

5.          Il n'a pas connaissance des faits mentionnés au paragraphe 5 de l'avis d'appel;

6.          Au paragraphe 6, il pend acte que l'appelant n'est pas inscrit;

7.          Il n'a pas connaissance des faits mentionnés au paragraphe 7 de l'avis d'appel;

8.          Il admet le paragraphe 8 de l'avis d'appel;

9.          Il admet le paragraphe 9 de l'avis d'appel;

10.        Il n'a pas connaissance des faits mentionnés au paragraphe 10 de l'avis d'appel;

11.        Il n'a pas connaissance des faits mentionnés au paragraphe 11 de l'avis d'appel;

12.        Il n'a pas connaissance des faits mentionnés au paragraphe 12 de l'avis d'appel;

13.        Il n'a pas connaissance des faits mentionnés au paragraphe 13 de l'avis d'appel;

14.        Il admet le paragraphe 14 de l'avis d'appel;

15.        Il admet le paragraphe 15 de l'avis d'appel;

16.        Il n'a pas connaissance des faits mentionnés au paragraphe 16 de l'avis d'appel;

17.        Il ignore le paragraphe 17 de l'avis d'appel;

18.        Il nie le paragraphe 18 de l'avis d'appel;

19.        Il nie, tel que rédigé, le paragraphe 19 de l'avis d'appel;

20.        Il nie, tel que rédigé le paragraphe 20 de l'avis d'appel;

21.        Il n'a pas connaissance des faits mentionnés au paragraphe 21 de l'avis d'appel;

22.        Il nie, tel que rédigé, le paragraphe 22 de l'avis d'appel;

23.        Il nie, tel que rédigé, le paragraphe 23 de l'avis d'appel;

24.        Il nie le paragraphe 24 de l'avis d'appel;

25.        Il nie le paragraphe 25 de l'avis d'appel;

26.        Il nie le paragraphe 26 de l'avis d'appel;

27.        Suite à une vérification effectuée auprès de l'appelant, le ministre du Revenu national ( « Ministre » ) cotisa l'appelant au titre de la ( « TPS » ) pour la période du 1er décembre 1994 au 31 décembre 1996 pour un montant de 13 118,10 $, montant calculé en date du 29 mai 2000 porte le numéro 02305309;

28.        Par avis d'opposition en date du 28 juillet 2000, l'appelant s'est opposé à la cotisation du Ministre;

29.        Par décision sur opposition en date du 19 avril 2001, le Ministre ratifia la cotisation en litige;

30.        En cotisant l'appelante, le Ministre s'est fondé sur les conclusions et les hypothèses de faits suivants :

a)     les faits ci-dessus admis

b)    durant la période en litige, l'appelant exploitait une entreprise de construction d'immeubles;

c)     durant la période en litige, l'appelant n'était pas inscrit alors qu'il était tenu de l'être;

d)    au cours de cette période, l'appelant a construit et loué, sans s'autocotiser, les immeubles suivants ;

1 - 10, rue Colette, St-Louis-de-France;

2 - 15, rue Colette, St-Louis-de-France;

3.- 20, rue Colette, St-Louis-de-France;

4.- 25, rue Colette, St-Louis-De-France;

e)     la juste valeur marchande ( « JVM » ) des immeubles loués par l'appelant fut établie dans le cadre de la vérification;

f)     en raison de l'importance des écarts dans l'évaluation des immeubles émanant de la firme André Leblanc et Associés pour le compte de l'appelant, celle de l'institution prêteuse et l'évaluation municipale, une demande d'évaluation fut requise auprès de la Direction des services administratifs et techniques ( « DSAT » ) du ministère du Revenu du Québec;

g)     à la suite de discussions avec monsieur André Leblanc, évaluateur agréé de la firme André Leblanc et Associés, madame Francyne Bélanger, évaluateur agréé auprès de la DSAT, arrêta la JVM des immeubles aux montants suivants :

1 - 10, rue Colette, St-Louis-de-France : 220 000 $;

2 - 15, rue Colette, St-Louis-de-France : 175 000 $;

3.- 20, rue Colette, St-Louis-de-France : 216 000 $;

4.- 25, rue Colette, St-Louis-De-France : 190 000 $;

h)     cette JVM a servi à déterminer les montants de TPS que l'appelant aurait dû remettre au Ministre;

i)      certains montants réclamés à titre de crédits de taxe sur les intrants ( « CTI » ) ont été refusés à l'appelant faute de pièces justificatives;

j)     l'appelant n'a pas fait preuve de diligence raisonnable en omettant de s'informer de ses obligations à la Loi;

k)    au surplus, il appert que l'appelant connaissait les règles de l'autocotisation mais ne les aurait pas appliquées étant donné qu'il était en désaccord avec les dispositions législatives à cet égard.

[4]      Menuisier, l'appelant oeuvrait dans le domaine de la construction depuis plus de 25 ans. Malgré son expertise et vaste expérience dans ce domaine, l'appelant a indiqué et répété qu'il ne connaissait pas les règles d'application des nouvelles taxes à la consommation. Il a cependant affirmé avoir discuté de la question avec d'autres entrepreneurs.

[5]      Les faits et circonstances entourant la non-inscription sont demeurés assez nébuleux. Certaines affirmations étaient à l'effet que l'ignorance avait été à l'origine de la non-inscription alors que, d'autres étaient à l'effet qu'il s'agissait d'un choix. D'ailleurs, cette interprétation ressort très clairement des paragraphes 5, 6 et 7 de l'Avis, que je reproduirai à nouveau pour faciliter la lecture :

5.          L'appelant a rare consulté un de ses collègues constructeurs, qui lui a conseillé de ne pas s'inscrire et de ne pas réclamer de crédits sur intrants, afin de ne pas avoir à collecter les taxes par la suite;

6.          L'appelant a effectivement omis de s'inscrire;

7.          L'appelant a également omis de réclamer les crédits sur intrants afférents à la construction de ses immeubles;

[6]      Aux termes d'un sommaire et rapide questionnement, l'appelant a décidé de ne pas s'inscrire; il ne s'est donc pas cotisé et n'a pas réclamé de crédits de taxe sur les intrants ( « CTI » ).

[7]      Il a aussi expliqué avoir modifié sa façon habituelle de faire; plutôt que de faire construire les immeubles par la compagnie qu'il contrôlait, il a choisi de les construire personnellement.

[8]      La conjointe de l'appelant, très impliquée dans la gestion des affaires de l'appelant, a soumis une version des faits soutenant plutôt la thèse du choix.

[9]      En effet, elle a affirmé qu'elle n'était pas d'accord avec les dispositions de la Loi. Selon elle, il ne s'agissait pas d'immeubles destinés à la revente, mais essentiellement d'immeubles devant être exploités pour générer des revenus et devant éventuellement constituer des revenus de retraite. Elle a aussi affirmé avoir fait certaines démarches auprès des divers intervenants.

[10]     L'appelant et son épouse oeuvraient dans le domaine de la construction d'immeubles depuis de nombreuses années; il s'agit là d'un secteur d'activités économiques où les règlements et contraintes de toute nature sont nombreux et omniprésents.

[11]     La Loi était en vigueur depuis quelques années. Malgré cela, étant donné qu'il s'agissait de nouvelles dispositions, il pouvait y avoir des éléments ou des situations sujettes à certaines interrogations.

[12]     Devant une telle réalité, deux choix s'offraient. Le premier consistait à tout mettre en oeuvre pour obtenir des réponses claires et non équivoques. Le deuxième, ignorer ou prendre pour acquis une interprétation personnelle en s'appuyant sur le fait qu'il a été impossible au moment opportun d'obtenir des réponses claires à toutes les questions.

[13]     En l'espèce, je doute fort que seule l'ignorance ait été à l'origine de la non-inscription. Je crois plutôt que l'appelant, après évaluation de la situation, a tout simplement décidé, de concert avec sa conjointe, de ne pas pousser les recherches à leurs limites concluant sans doute qu'il y avait des avantages de divers ordres à ne pas s'inscrire.

[14]     Le choix s'est fait à partir de leur propre analyse de la situation en prenant en considération leurs seuls intérêts et le fait que ce serait plus facile et plus avantageux; les supposées ambiguïtés pourraient éventuellement constituer une explication et justification de leur choix.

[15]     En l'espèce, l'appelant a affirmé s'être cotisé d'une manière tout aussi valable que celle prescrite par la Loi; il a choisi de s'autocotiser en suivant une façon qui lui semblait plus logique et plus raisonnable, soit en payant les taxes sur tous les intrants au moment de leurs acquisitions auprès des divers fournisseurs et en ne réclamant pas de CTI .

[16]     La Loi n'a jamais donné et ne donne toujours pas un tel choix; elle prévoit des dispositions très précises sur la façon de procéder et surtout quant au moment précis où le calcul doit être fait.

[17]     De plus, l'ignorance de la Loi n'est jamais une défense pour se soustraire à son application et, d'une manière toute particulière, lorsqu'il s'agit de dispositions légales assujettissant le secteur commercial dans lequel on évolue d'une manière professionnelle.

[18]     Le choix d'oeuvrer dans un domaine d'activités économiques complexes et assujetties à de nombreuses lois et règlements, fait en sorte que les professionnels en cette matière doivent manifester encore plus de vigilance et agir avec une plus grande prudence dans la façon de conduire leurs affaires en conformité avec les lois existantes.

[19]     Dans ce dossier, la crédibilité des témoins ne constitue pas un élément déterminant pour disposer de l'appel puisqu'il n'est nullement nécessaire de savoir si la non-inscription a découlé de l'ignorance de la Loi ou d'un choix. J'ai cependant pu constater que les faits et circonstances entourant le processus d'analyse et de vérification à l'origine des cotisations n'étaient manifestement pas conformes à la description que la conjointe de l'appelant en a faite.

[20]     Pour décrire les faits et circonstances, elle a utilisé un vocabulaire sévère, agressif et empreint d'animosité.

[21]     La personne responsable de l'analyse du dossier a aussi témoigné. Madame Bélanger s'est exprimée d'une manière calme et sereine, et ce, même si la collaboration de l'appelant et de son épouse a été douteuse, voire même agressive à son endroit. Je n'ai aucun doute que le dossier de l'appelant a fait l'objet d'une vérification correcte et civilisée.

[22]     Se décrivant comme un travailleur manuel, peu ou pas renseigné sur les exigences comptables et en matière d'administration en général, l'appelant a affirmé et répété avoir délégué à sa conjointe tout ce qui avait trait au travail clérical et à la comptabilité.

[23]     Dotée d'une forte personnalité, madame n'était pas du genre à s'en laisser imposer. Peu importe le sujet, elle avait toujours raison. La Loi n'était ni juste, ni raisonnable, les fonctionnaires l'avaient mal conseillée, l'Association professionnelle des constructeurs en habitation du Québec ( « A.P.C.H.Q. » ) n'était pas fiable, les comptables se trompaient et la vérificatrice avait été impolie et envahissante, voire même grossière dans ses propos à son endroit.

[24]     Pour disposer du présent appel, il ne m'est aucunement nécessaire de faire une analyse exhaustive de l'ensemble des faits et circonstances desquels ont résulté la cotisation. Les seuls faits pertinents sont les suivants :

·         La Loi sur la TPS est en vigueur depuis janvier 1991.

·         En 1994, 1995 et 1996, l'appelant a construit lui-même, pour lui-même et non dans un but de vente quatre immeubles à logements multiples.

·         L'appelant ne s'est pas autocotisé. Soit par ignorance, soit par choix, il ne s'est pas inscrit; il a choisi de payer les taxes sur les fournitures requises pour la construction de ses immeubles et de ne pas réclamer les CTI.

·         En vertu de la Loi, il devait s'autocotiser et réclamer les CTI.

·         Suite à une vérification, il a été cotisé.

·         La juste valeur marchande des immeubles ayant fait l'objet de cotisation ne fait pas l'objet du litige.

·         La cotisation était donc justifiée.

[25]     L'appelant soutient que la cotisation est nulle pour le motif que la prescription prévue au paragraphe 298(1) de la Loi était acquise au moment de la cotisation.

[26]     Selon l'appelant, le délai de quatre ans prévue à l'alinéa 298(1)a) s'était écoulé au moment de la cotisation puisque le délai devait commencer à courir à partir de la date où il aurait dû se cotiser. L'alinéa 298(1)a) de la Loi se lit comme suit :

a)          s'agissant d'une cotisation visant l'un des montants suivants, quatre ans après le dernier en date du jour où la personne était tenue par l'article 238 de produire une déclaration pour la période et du jour de la production de la déclaration [...]

La version anglaise, se lit comme suit :

a)          . . . more than four years after the later of the day on or before which the person was required under section 238 to file a return for the period and the day the return was filed;

[27]     Le calcul du délai de quatre ans commence à la date la plus éloignée des deux dates suivantes :

·         la journée où la déclaration devait être faite; ou

·         la journée où la déclaration a effectivement été faite.

[28]     En l'espèce l'appelant n'a simplement pas fait de déclaration.

[29]     Le délai de la prescription n'a donc jamais commencé, d'où, le 22 mai 2000, date de la cotisation, il était tout à fait conforme à la Loi d'établir une cotisation. D'ailleurs cette interprétation s'avère conforme à ce que dictait l'honorable juge Dussault de cette Cour, dans l'affaire Trudel c. Canada, [2001] A.C.I. no 82 (Q.L.), par. 19 :

C'est l'alinéa 296(1)a) qui prévoit que le Ministre peut établir une cotisation, une nouvelle cotisation ou une cotisation supplémentaire pour déterminer la taxe nette d'une personne, prévue à la section V, pour une période de déclaration. En ce qui concerne la taxe nette d'une personne pour sa période de déclaration, le sous-alinéa 298(1)a)(i) prévoit qu'une cotisation ne peut être établie après l'expiration de quatre ans après le dernier en date du jour où la personne était tenue par l'article 238 de produire une déclaration pour la période et du jour de la production de la déclaration. Or, l'appelante n'a jamais produit de déclaration suite à l'application de l'alinéa 191(1)e) de la Loi selon lequel elle est réputée avoir perçu la TPS suite à la location de son immeuble en avril 1991. Ainsi, le délai pour établir une cotisation à l'égard de l'appelante n'était pas expiré le 24 octobre 1997. La cotisation a donc validement été établie à cette date.

[30]     L'appelant soumet un autre argument plus subtil découlant des explications ayant entourées la non-inscription. En effet, l'appelant semble dire « le délai doit courir à partir de la déclaration que j'ai faite, à savoir, choisir de ne pas en faire » . L'argument de l'appelant aurait une certaine valeur si la Loi permettait et offrait aux personnes qui y sont assujetties de faire un tel choix. L'appelant a tenté de justifier son choix dans le but ultime de faire la démonstration qu'il n'y avait pas eu d'intention frauduleuse ni même de négligence et rendre ainsi son dossier plus sympathique.

[31]     Cette Cour ne peut pas retenir cet argument pour motif d'équité; cela ressort de plusieurs décisions et, très particulièrement, lors d'une récente décision signée par l'honorable juge McArthur, le 3 juin 2003 dans l'affaire Khullar au Gourmet International v. Her Majesty The Queen, dossier 1999-1649(GST)I, par. 31 :

[TRADUCTION]

Invoquant non seulement l'ordre public, mais aussi la Charte canadienne des droits et libertés, l'avocat des appelantes s'est donné beaucoup de mal pour présenter comme un « travestissement de la justice » la cotisation établie par le ministre. Or, les tribunaux ont à maintes reprises statué que la justice et l'équité n'ont rien à voir avec le droit fiscal.

[32]     L'appelant a aussi soutenu que le fait d'avoir fait des démarches auprès des personnes assignées aux appels téléphoniques cristallisaient dans le temps le point de départ de la prescription. Telle interprétation ne peut pas tenir d'autant plus que le paragraphe 238(4) de la Loi se lit comme suit :

« [...] la déclaration doit être produite en la forme, selon les modalités et avec les renseignements déterminés par le ministre. »

[33]     De son côté, l'intimée a essentiellement soutenu qu'au moment pertinent, la TPS existait depuis trois ans que l'appelant avait une vaste et longue expérience dans le domaine de la construction, et que l'ignorance de la Loi n'est pas un argument recevable.

[34]     En vertu des dispositions très claires de la Loi, l'appelant devait faire une déclaration dans un premier temps et s'autocotiser dans un deuxième temps. Dans un cas comme dans l'autre, il s'agit d'un moment très précis dans le temps à partir duquel le délai ou les délais de prescription commencent à courir.

[35]     En refusant ou omettant de s'inscrire, l'appelant a délibérément suspendu l'application de la prescription et l'intimée, responsable de la perception, était dans l'impossibilité totale d'agir.

[36]     En ayant choisi de ne pas faire de déclaration, l'appelant a fait en sorte qu'il était impossible pour le ministre du Revenu de savoir, qu'une cotisation était requise. Conséquemment, tant et aussi longtemps que la créance ou le droit à une créance n'était pas porté à sa connaissance, la prescription était suspendue.

[37]     Pour ces raisons, l'appel est rejeté, avec dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 12e jour de novembre 2003.

« Alain Tardif »

Juge Tardif


RÉFÉRENCE :

2003CC804

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2001-1876(GST)G

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Gaétan Paquet et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :

Shawinigan (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE

le 28 mai 2003

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

l'honorable juge Alain Tardif

DATE DU JUGEMENT :

le 12 novembre 2003

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :

Me François Daigle

Pour l'intimée :

Me Louis Cliche

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER:

Pour l'appelant :

Nom :

Me François Daigle

Étude :

Bélanger Sauvé

Trois-Rivières (Québec)

Pour l'intimée :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

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