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Dossier : 2002-1108(IT)I

ENTRE :

CLIFF MYMRYK,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Appel entendu le 25 octobre 2002 à Winnipeg (Manitoba), le 5 mai 2003 à Ottawa (Ontario) par voie de conférence téléphonique, et le 25 septembre 2003 à Winnipeg (Manitoba).

Devant : L'honorable juge en chef Alban Garon

Comparutions :

Représentant de l'appelant :

Richard Guy Gamble

Avocat de l'intimée :

Me Michael Van Dam

JUGEMENT

          L'appel interjeté à l'encontre de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 2000 est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour d'octobre 2003.

« Alban Garon »

Juge en chef Garon

Traduction certifiée conforme

ce 4e jour d'octobre 2006.

Mario Lagacé, jurilinguiste


Référence : 2003CCI760

Date : 20031024

Dossier : 2002-1108(IT)I

ENTRE :

CLIFF MYMRYK,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge en chef Garon

[1]      Le présent appel est interjeté à l'encontre d'une nouvelle cotisation d'impôt établie pour l'année d'imposition 2000. Dans la nouvelle cotisation, le ministre du Revenu national a refusé d'accorder le crédit équivalent pour personne entièrement à charge que l'appelant avait demandé à l'égard de son fils en application de l'alinéa 118(1)b) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ).

[2]      Pour établir la nouvelle cotisation à l'égard de l'appelant pour l'année 2000, le ministre du Revenu national a formulé les hypothèses de fait suivantes, qui sont énoncées au paragraphe 7 de la réponse à l'avis d'appel. Le paragraphe 7 est rédigé ainsi :

                   [traduction]

7. Pour établir la nouvelle cotisation à l'égard de l'appelant, le ministre s'est fondé sur les hypothèses de fait suivantes :

a)    les faits énoncés aux paragraphes 4 et 6 ci-dessus;

b) l'appelant et Lynnette Mymryk (ci-après appelée l' « ex-épouse » ) sont les parents de deux enfants issus de leur mariage, [...] *(ci-après appelés la fille et le fils);

c)    conformément à une ordonnance provisoire sur consentement rendue le 6 mai 1992 (l' « ordonnance provisoire sur consentement » ), l'appelant était tenu de verser à l'ex-épouse une pension alimentaire provisoire de 1 000 $ par mois pour subvenir aux besoins de l'ex-épouse et des enfants issus du mariage, soit [la fille et le fils], à partir du 15 février 1992;

d) conformément à une ordonnance provisoire sur consentement modificative rendue le 4 août 1993, l'ordonnance provisoire sur consentement a été modifiée de façon à ce que la pension alimentaire que l'appelant était tenu de verser à l'ex-épouse pour subvenir à ses besoins et à ceux des enfants issus du mariage soit de 700 $ par mois à partir du 15 septembre 1992;

e)    conformément à un accord de séparation conclu le 28 décembre 1993, l'appelant a accepté de verser à l'ex-épouse une pension alimentaire pour enfants de 700 $ par mois à l'égard [de la fille et du fils] à partir du 1er octobre 1993;

f)    le jugement de divorce entre l'appelant et son ex-épouse a été prononcé le 10 avril 1997;

g)    conformément à un jugement sur consentement rendu le 10 avril 1997, l'appelant était tenu de verser à son ex-épouse une pension alimentaire pour enfants de 250 $ par mois par enfant à l'égard [de la fille et du fils], pour un total de 500 $ par mois, à partir du 1er avril 1997;

h)    [le fils] a commencé à vivre avec l'appelant vers janvier 2000;

i)     conformément à une déclaration solennelle faite le 22 janvier 2000, l'ex-épouse a accepté de recevoir une pension alimentaire pour enfants de 250 $ par mois pour un seul des enfants à partir du 30 janvier 2000;

j)    l'appelant a versé des paiements de pension alimentaire totalisant 3 800 $ au cours de l'année d'imposition 2000;

k) pour ce qui est de la pension alimentaire pour enfants versée au cours de l'année d'imposition 2000, 3 050 $ ont été versés au titre de la pension alimentaire pour enfants due pour l'année d'imposition 2000, et 750 $ ont été versés au titre de l'arriéré de pension alimentaire pour enfants se rapportant à la période antérieure à l'année d'imposition 2000;

l)     l'arriéré de pension alimentaire pour enfants de 750 $ qui a été payé par l'appelant au cours de l'année d'imposition 2000 comportait des montants dus à l'égard [du fils];

m) l'appelant vivait séparé de son ex-épouse tout au long de l'année d'imposition 2000 pour cause d'échec de leur mariage.

*[Les mots entre crochets dans le paragraphe 7 de la réponse à l'avis d'appel ont été substitués aux noms des enfants.]

[3]      Comme l'alinéa 7a) de la réponse à l'avis d'appel indique que le ministre du Revenu national a tenu pour acquis, notamment, les faits énoncés aux paragraphes 4 et 6 de ladite réponse à l'avis d'appel, ces deux paragraphes doivent être reproduits :

                   [traduction]

4.          Dans le calcul de l'impôt sur le revenu à payer pour l'année d'imposition 2000, l'appelant a demandé les éléments suivants :

a)           une déduction de 3 800 $ au titre de la pension alimentaire pour enfants;

b)           un crédit d'impôt personnel de 6 140 $ pour personne entièrement à charge (le « crédit » ) à l'égard de son fils, [...], dont 17 % correspond au crédit d'impôt non remboursable réel pour l'année.

[...]

6.          Lorsqu'il a établi la nouvelle cotisation de l'appelant pour l'année d'imposition 2000 le 6 juillet 2001, le ministre a admis une déduction de 3 800 $ au titre de la pension alimentaire pour enfants.

[4]      L'appelant et M. Richard Guy Gamble, c.a., étaient les seuls témoins lors de l'audience du présent appel.

[5]      L'appelant a nié l'alinéa 7l) de la réponse à l'avis d'appel et a admis les allégations énoncées dans le reste des alinéas de cet acte de procédure, notamment l'alinéa 7a), qui reprend expressément les paragraphes 4 et 6 de la réponse à l'avis d'appel.

[6]      À la demande de la Cour, les deux parties ont présenté des observations écrites après la clôture de la première partie de l'audition de l'appel. Dans ces observations, les parties ont renvoyé à sept documents qui n'avaient pas été déposés devant la Cour. Compte tenu des circonstances, j'ai décidé de rouvrir l'audience au moyen d'une conférence téléphonique pour que les parties puissent déposer devant la Cour ces documents supplémentaires, sous réserve de toute objection qu'une des parties pourrait soulever à l'égard du dépôt d'un document par la partie adverse. Les parties ont également eu l'autorisation de présenter des arguments additionnels découlant des nouveaux éléments de preuve qu'elles ont pu présenter devant la Cour.

[7]      Après la conférence téléphonique, au cours de laquelle sept pièces ont été déposées et d'autres arguments ont été entendus, il est devenu évident que la Cour avait besoin d'autres éléments de preuve pour pouvoir statuer sur la cause. Ces nouveaux éléments portaient sur cinq questions précises qui avaient été soulevées dans une lettre de la Cour datée du 8 mai 2003. À cette fin, une autre audience publique a été tenue récemment. Lors de la dernière partie de l'audience, sept autres pièces ont été déposées dans le cadre du témoignage du représentant de l'appelant, M. Richard Guy Gamble, c.a.

[8]      De façon générale, d'après le témoignage de l'appelant, le paiement de 750 $ effectué au cours de l'année 2000 représentait un arriéré de pension alimentaire, mais ce montant n'avait pas été versé à l'ex-épouse, il avait été versé au ministre des Finances du Manitoba. Lorsque la Cour a demandé à l'appelant à l'égard duquel de ses deux enfants le paiement de 750 $ avait été versé, celui-ci n'a pas été en mesure de répondre de façon précise, comme le montre le passage suivant :

                   [traduction]

M. LE JUGE : [...] à l'égard de qui?

LE TÉMOIN :               Je n'en suis pas certain. Le paiement aurait pu avoir été versé en totalité à l'égard de ma fille parce que des paiements étaient effectués. Il aurait pu avoir été versé pour ma fille. Les paiements auraient pu être pour ma fille.

M. LE JUGE : Et il a pu être versé pour les deux, je suppose?

LE TÉMOIN :               J'imagine que oui.

M. LE JUGE : Je vois. Donc, vous ne savez pas vraiment ce que ce montant de 750 $ représente? Vous savez que le montant constitue de l'arriéré, mais vous ne savez pas à l'égard de quel enfant il a été payé au cours de l'année 2000?

[...]

LE TÉMOIN :               Oui, c'est clair, c'est vrai. Mais, les paiements faits au cours de l'année 2000 n'ont pas été versés à mes enfants, ils ont été versés au ministre des Finances [..]

[Transcription du 25 octobre 2002, à la page 18, lignes 2 à 17 inclusivement]

[9]      Pour ce qui est du reste de la preuve, il me semble utile de reproduire des parties du témoignage du représentant de l'appelant, M. Gamble, qui a été donné lors de la dernière partie de l'audience et qui concerne certaines questions précises que la Cour a soulevées dans sa lettre datée du 8 mai 2003 susmentionnée.

Question 1 : Quand le montant de pension alimentaire de 750 $ payé par l'appelant en 2000 était-il devenu exigible pour la première fois? C'est-à-dire quelle était la durée du retard?

Réponse (transcription du 25 septembre 2003, à la page 10) :

[traduction]

TÉMOIGNAGE DE M. GAMBLE :

LE TÉMOIN : [...]

Et, ce montant de 750 $ correspondait à des paiements que M. Mymryk avait versés en 2000 en vertu de l'ordonnance sur consentement par défaut et il faisait partie du montant de 4 817 $ et découlait de l'arriéré accumulé entre le 1er avril 1995 et le 1er avril 1997.

Question 2 : Quelle ordonnance ou quel jugement exigeait que l'appelant verse le paiement de 750 $? S'agissait-il du jugement sur consentement rendu le 10 avril 1997 ou d'une autre ordonnance? Veuillez présenter une copie de l'ordonnance ou du jugement applicable, s'il a lieu, lors de la prochaine audience.

Réponse (transcription du 25 septembre 2003, à la page 11) :

                   [traduction]

M. LE JUGE : La réponse à la deuxième question est donc l'ordonnance sur consentement, qui a été rendue le...?

LE TÉMOIN :               Le 22 avril 1999.

[...]

LE TÉMOIN :               Je suppose qu'elle a été signée par le protonotaire Ring le 10 mai 1999.

Question 3 : La Cour a en sa possession des copies de deux cessions datées du 10 décembre 1996. Si une autre cession s'applique au montant de 750 $ en cause, veuillez la déposer devant la Cour.

À ce sujet, même si ce n'est pas très clair, il semble que le témoin a déclaré qu'en plus des deux cessions datées du 10 décembre 1996, il faudrait tenir compte d'un document intitulé [traduction] « Fin de cession » , qui est daté du 1er avril 1997, soit la pièce A-9.

Question 4 : La Cour possède une copie d'un document intitulé [traduction] « Fin de cession » daté du 1er avril 1997. Si un autre document de ce genre s'applique, veuillez le déposer devant la Cour.

Réponse (transcription du 25 septembre 2003, à la page 14) :

                   [traduction]

[...] à notre connaissance, il n'y a pas d'autre fin de cession.

Question 5 : Veuillez présenter des éléments de preuve permettant d'associer le paiement de 750 $ à l'un des enfants de l'appelant ou à ses deux enfants.

Réponse (transcription du 25 septembre 2003, à la page 14) :

                   [traduction]

                        [...] Je dois admettre qu'il est impossible d'associer le paiement à l'un des enfants.

M. LE JUGE :               C'est impossible.

LE TÉMOIN :               Les paiements effectués pendant la période de versement de la pension alimentaire excédaient toujours le montant à verser pour un enfant, mais ils n'étaient pas associés à un enfant en particulier.

Analyse

[10]     La question générale en litige est de savoir si l'appelant a droit, pour l'année 2000, au crédit équivalent pour personne entièrement à charge à l'égard de son fils. Ce crédit d'impôt est prévu à l'alinéa 118(1)b) de la Loi, comme il a été mentionné précédemment. Ce crédit est également décrit dans la Loi comme un crédit d'impôt à l'égard d'une personne entièrement à charge.

[11]     Il n'est pas contesté que tous les critères précisés à l'alinéa 118(1)b) de la Loi concernant le droit d'obtenir ce crédit s'appliquent en l'espèce pour ce qui est de l'année 2000. Conformément à cette disposition, durant l'année 2000, l'appelant était une personne qui n'était pas mariée, qui tenait un établissement domestique autonome et qui subvenait réellement aux besoins de son fils. Toutefois, le paragraphe 118(5) de la Loi a pour effet d'empêcher une personne qui se trouve dans des circonstances particulières de demander les crédits d'impôt prévus aux différents alinéas du paragraphe 118(1) de la Loi, y compris à l'alinéa 118(1)b), qui est en litige en l'espèce. Je dois donc examiner quelle est l'incidence du paragraphe 118(5) de la Loi sur l'appelant.

[12]     La version du paragraphe 118(5) de la Loi qui est applicable à l'année en cause est rédigée ainsi :

Aucun montant n'est déductible en application du paragraphe (1) relativement à une personne dans le calcul de l'impôt payable par un particulier en vertu de la présente partie pour une année d'imposition si le particulier, d'une part, est tenu de payer une pension alimentaire au sens du paragraphe 56.1(4) à son conjoint ou ancien conjoint pour la personne et, d'autre part, selon le cas :

a) vit séparé de son conjoint ou ancien conjoint tout au long de l'année pour cause d'échec de leur mariage;

b) demande une déduction pour l'année par l'effet de l'article 60 au titre de la pension alimentaire versée à son conjoint ou ancien conjoint.

[13]     En résumé, ce paragraphe prévoit qu'un contribuable ne peut pas demander un crédit pour une année d'imposition en vertu du paragraphe 118(1) de la Loi, y compris le crédit qui intéresse la Cour en l'espèce, soit le crédit relatif à un enfant entièrement à charge, si le contribuable est tenu de verser une pension alimentaire à l'égard de cet enfant.

[14]     L'expression « pension alimentaire » mentionnée au paragraphe 118(5) de la Loi est définie au paragraphe 56.1(4) de la Loi :

« pension alimentaire » Montant payable ou à recevoir à titre d'allocation périodique pour subvenir aux besoins du bénéficiaire, d'enfants de celui-ci ou à la fois du bénéficiaire et de ces enfants, si le bénéficiaire peut utiliser le montant à sa discrétion et, selon le cas :

a) le bénéficiaire est le conjoint ou l'ancien conjoint du payeur et vit séparé de celui-ci pour cause d'échec de leur mariage et le montant est à recevoir aux termes de l'ordonnance d'un tribunal compétent ou d'un accord écrit;

b) le payeur est le père naturel ou la mère naturelle d'un enfant du bénéficiaire et le montant est à recevoir aux termes de l'ordonnance d'un tribunal compétent rendue en conformité avec les lois d'une province.

[15]     Je dois donc décider si le paragraphe 118(5) de la Loi empêche l'appelant, compte tenu des circonstances en l'espèce, de demander le crédit d'impôt prévu à l'alinéa 118(1)b) de la Loi.

[16]     En ce qui concerne les positions respectives des parties, il me faut régler deux questions générales :

1.        Au cours de l'année 2000, l'appelant était-il tenu de verser une pension alimentaire à son ex-épouse, comme le prévoit le paragraphe 118(5) de la Loi?

2.        Si la réponse à la question précédente est affirmative, le montant de pension alimentaire en question était-il payable à l'égard du fils de l'appelant?

[17]     Étant donné le contenu de la pièce A-6 et de la déposition de M. Gamble, il est clair que le paiement de 750 $ versé au cours de l'année 2000 par l'appelant représentait l'arriéré de pension alimentaire qui s'était accumulé entre le 1er avril 1995 et le 30 avril 1997. D'une façon plus générale, d'après l'ensemble de la preuve, il n'est pas contesté que l'appelant était tenu de payer l'arriéré de pension alimentaire à son ex-épouse au cours de l'année 2000. À cet égard, il est utile de renvoyer à l'ordonnance sur consentement par défaut datée du 10 mai 1999, où il est énoncé, entre autres choses, que le montant de l'arriéré de pension alimentaire qui s'était accumulé en date du 22 avril 1999 (environ huit mois avant le début de l'année 2000, soit l'année en cause) avait été fixé à 4 817,66 $. Conformément à la même ordonnance, les paiements périodiques de pension alimentaire (versés selon un taux bimensuel de 50 $), qui devaient commencer le 1er juin 1999, étaient payables à l'ex-épouse de l'appelant et devaient être envoyés au fonctionnaire désigné du Programme d'exécution des ordonnances alimentaires du gouvernement du Manitoba. Toutefois, aucun élément de preuve n'a été produit concernant le montant précis de l'arriéré de pension alimentaire qui était dû par l'appelant à l'égard de ses enfants tout au long de l'année 2000.

[18]     À l'égard de la première question, deux arguments ont été présentés pour le compte de l'appelant à l'appui de la proposition selon laquelle l'appelant n'était pas tenu de verser une pension alimentaire à son ex-épouse au cours de l'année en cause.

[19]     Le représentant de l'appelant a soutenu qu'en raison de l'existence des cessions de l'arriéré de pension alimentaire susmentionnées, l'arriéré de pension alimentaire n'était pas payable par l'appelant à son ex-épouse, mais plutôt au gouvernement du Manitoba. Par conséquent, selon l'appelant, le paragraphe 118(5) de la Loi ne s'applique pas.

[20]     Il est vrai que l'arriéré de pension alimentaire a fait l'objet de deux cessions datées respectivement du 10 décembre 1996 et du 3 février 1997 (pièces A-2 et A-11), où le cessionnaire est le directeur général des services sociaux du gouvernement du Manitoba. La première cession vise la période allant du 1er avril 1995 au 5 décembre 1996 inclusivement, et la deuxième cession concerne la période allant du 1er décembre 1996 au 3 février 1997. Je n'ai pas à décider laquelle des deux cessions s'applique au montant de 750 $ payé par l'appelant au cours de l'année 2000 étant donné que le dispositif de chacune des cessions est libellé de la même façon et prévoit ce qui suit : [traduction] « Par conséquent, par les présentes, je, Lynnette Mymryk [l'ex-épouse de l'appelant], cède au directeur général des services sociaux tous mes droits sur l'arriéré de pension alimentaire pour la période pendant laquelle je recevais des prestations d'aide sociale. » [Les mots entre crochets ne figurent pas dans l'original.]

[21]     L'appelant a également renvoyé à une pièce (A-4)[1] intitulée [traduction] « Fin de cession » datée du 1er avril 1997. Ce document n'a aucune incidence sur l'application des deux cessions de l'arriéré de pension alimentaire étant donné qu'une disposition qu'il contient prévoit ce qui suit : [traduction] « Par les présentes, le directeur général des services sociaux conserve également un droit sur l'arriéré de pension alimentaire qui s'est accumulé entre le 1er avril 1995 et le 30 avril 1997. »

[22]     Lorsque j'examine le premier argument exposé par l'appelant, je constate que l'appelant laisse clairement entendre que, selon les deux ordonnances de la Cour mentionnées dans les deux cessions, lesquelles ordonnances n'ont pas été déposées devant la Cour, il devait verser les paiements à son ex-épouse. De plus, il faut considérer que les paiements versés par l'appelant, en vertu de ces deux cessions, au directeur général des services sociaux ont été versés à l'ex-épouse étant donné qu'ils ont été faits avec le consentement de l'ex-épouse et suivant les instructions de celle-ci. Voir le paragraphe 56(2) de la Loi concernant les paiements indirects.

[23]     Je suis donc d'avis que le premier argument présenté par l'appelant n'est pas fondé.

[24]     J'examinerai maintenant le deuxième argument de l'appelant selon lequel son ex-épouse ne pouvait utiliser l'arriéré de pension alimentaire en question à sa discrétion.

[25]     Compte tenu du fait qu'il était obligé de verser l'arriéré de pension alimentaire au directeur général des services sociaux conformément aux ordonnances de la Cour (mentionnées dans les deux cessions) datées respectivement du 14 septembre 1993 et du 12 avril 1996, l'appelant soutient que son ex-épouse ne pouvait pas utiliser le montant de pension alimentaire à payer au cours de l'année 2000 à sa discrétion. Selon l'appelant, l'arriéré de pension alimentaire ne répond pas à la définition de pension alimentaire figurant au paragraphe 56.1(4) de la Loi.

[26]     Pour appuyer sa position, l'appelant s'est fondé sur la décision rendue par le juge Kempo de la Cour dans le dossier C. Bishop v. M.N.R., [1993] 1 C.T.C. 2333. Il s'agit d'une affaire où Mme Bishop n'avait reçu aucun des paiements de pension alimentaire que son ex-époux était tenu de lui verser conformément à une ordonnance de la Cour. Afin de subvenir à ses besoins et à ceux de ses enfants, elle avait été obligée d'avoir recours à l'aide sociale. Du fait de cette situation, elle avait cédé au ministre des Services sociaux et communautaires de l'Ontario son droit de recevoir les paiements de pension alimentaire. Dans ce dossier, la Cour a décidé que Mme Bishop s'était dessaisie de tout pouvoir sur les paiements de pension alimentaire provenant de son ex-époux et que, par conséquent, elle ne pouvait pas utiliser les montants payés par M. Bishop à sa discrétion. Selon le juge Kempo, le droit de Mme Bishop de recevoir des prestations d'aide sociale n'avait pas sa source dans la cession, mais plutôt dans la loi ontarienne en matière d'aide sociale.

[27]     Je n'ai pas suivi la décision Bishop dans le dossier Pepper v. R., [1997] C.T.C. 2716. Dans la décision Pepper, j'ai dit que je ne comprenais pas comment une personne qui était en droit de recevoir des paiements de pension alimentaire pouvait de son propre chef, c'est-à-dire en faisant simplement une cession à un tiers, priver l'auteur de ces paiements du droit de se prévaloir des déductions auxquelles il aurait par ailleurs droit en vertu des dispositions pertinentes de l'article 60 de la Loi. Dans le même ordre d'idées, en l'espèce, il serait illogique et injuste que l'ex-épouse puisse empêcher l'appelant de traiter comme un montant de pension alimentaire tout montant payé ou à payer au directeur général des services sociaux en vertu des deux cessions susmentionnées. À cet égard, il convient de noter que, dans le calcul de son revenu pour l'année d'imposition 2000, l'appelant a déduit, et le ministre du Revenu national a admis à titre de déduction, le montant de 750 $, qui représentait l'arriéré de pension alimentaire payé par l'appelant au cours de l'année 2000.

[28]     Aucune restriction figurant dans les deux ordonnances de la Cour en vertu desquelles l'appelant était tenu de payer une pension alimentaire et qui ont été mentionnées dans les cessions de l'arriéré de pension alimentaire n'a été portée à ma connaissance. Compte tenu de la conclusion à laquelle j'ai abouti concernant cette question, je n'ai pas jugé qu'il était nécessaire d'examiner quelle était l'incidence sur les cessions susmentionnées, le cas échéant, de l'ordonnance sur consentement par défaut datée du 10 mai 1999.

[29]     Par conséquent, je conclus que je ne peux pas accepter le deuxième argument de l'appelant selon lequel son ex-épouse ne pouvait utiliser l'arriéré de pension alimentaire à sa discrétion.

[30]     J'examinerai maintenant la deuxième question générale qui est de savoir si l'appelant était tenu de verser une pension alimentaire à son ex-épouse à l'égard de son fils au cours de l'année 2000.

[31]     Il n'est pas contesté que le paiement de 750 $ représentait un arriéré de pension alimentaire à l'égard de l'un ou l'autre des enfants de l'appelant ou de ses deux enfants. Comme je l'ai déjà indiqué, il ressort de la preuve que l'arriéré de pension alimentaire qui intéresse la Cour concerne une période commençant en avril 1995 et se terminant en avril 1997.

[32]     L'appelant a déclaré dans son témoignage qu'il ne savait pas si une partie du montant de 750 $ qu'il avait payé au cours de l'année 2000 correspondait à l'arriéré de pension alimentaire versé à l'égard de son fils.

[33]     M. Gamble a affirmé dans sa déposition qu'il est impossible de déterminer si une partie du montant de pension alimentaire de 750 $ avait été payée par l'appelant à l'égard du fils.

[34]     L'avocat de l'intimée (à la page 35 de la transcription de l'audience de septembre 2003) a indiqué ne disposer d'aucun élément de preuve contredisant la possibilité que le paiement de 750 $ soit associé à la fille de l'appelant seulement. Il semble avoir reconnu la validité de l'affirmation de M. Gamble à cet égard. Cependant, il n'a pas dit que l'hypothèse formulée par le ministre du Revenu national à l'alinéa 7l) de la réponse à l'avis d'appel était incorrecte.

[35]     La plupart des questions soulevées dans la lettre de la Cour datée du 8 mai 2003 que j'ai mentionnée ci-dessus concernaient le paiement de l'arriéré de pension alimentaire de 750 $ qui avait été fait par l'appelant au cours de l'année 2000. Je crois maintenant que j'ai eu tort de limiter ces questions au paiement des 750 $ en raison du libellé du paragraphe 118(5) de la Loi, qui traite de situations où « le particulier [...] est tenu de payer une pension alimentaire [...] à son conjoint ou ancien conjoint » . [Non souligné dans l'original.] J'aurais dû soulever la question plus générale de savoir si, au cours de l'année 2000, l'appelant était tenu de payer une pension alimentaire, sans égard au montant précis, à son ex-épouse pour son fils.

[36]     Comme je l'ai indiqué précédemment, la preuve ne révèle pas le montant exact de l'arriéré de pension alimentaire que l'appelant devait payer pendant l'année 2000. Toutefois, la preuve révèle, comme il ressort de l'ordonnance sur consentement par défaut datée du 10 mai 1999, que a) l'arriéré de pension alimentaire accumulé en date du 22 avril 1999 s'élevait à 4 817,66 $, et que b) cet arriéré de pension alimentaire devait être payé selon un taux bimensuel de 50 $ à partir du 1er juin 1999. La preuve montre également clairement que le paiement de 750 $ effectué au cours de l'année 2000 représentait une partie de l'arriéré en question.

[37]     Vu ce qui précède, il est probable que le montant de l'arriéré de pension alimentaire était de près de 4 000 $ au début de l'année 2000 ou, à tout le moins, qu'il était bien plus élevé que 750 $. M. Gamble a également mentionné dans son témoignage que [traduction] « les paiements effectués pendant la période de versement de la pension alimentaire excédaient toujours le montant à verser pour un enfant, mais ils n'étaient pas associés à un enfant en particulier » . (Transcription du 25 septembre 2003, à la page 14)

[38]     La proposition selon laquelle les paiements d'arriérés n'ont été effectués qu'à l'égard de la fille est sans fondement. Selon moi, ces paiements d'arriérés se rapportaient, en partie, au fils de l'appelant. Entre avril 1995 et avril 1997, la période durant laquelle l'arriéré s'est accumulé, les paiements mensuels que l'appelant devait verser étaient de 700 $ par mois. Personne n'a laissé entendre que l'appelant a fait deux chèques de pension alimentaire : l'un à l'égard de son fils et l'autre à l'égard de sa fille. De plus, quand l'appelant a manqué à ses obligations alimentaires au cours de la période susmentionnée et payé moins que le montant requis, personne n'a laissé entendre qu'il avait expressément réparti la différence entre son fils et sa fille, en supposant qu'une telle répartition ait été valide. Par conséquent, il est raisonnable d'affirmer que lorsqu'ils ont été faits, les paiements d'arriérés étaient destinés dans une proportion égale aux deux enfants de l'appelant. Les paiements d'arriérés ont donc été, en partie, faits à l'égard du fils de l'appelant.

[39]     Compte tenu de l'ensemble de la preuve, je conclus qu'il est probable que l'appelant était tenu de payer une pension alimentaire à l'égard de son fils au cours de l'année 2000.

CONCLUSION

[40]     Comme j'ai décidé que l'appelant était tenu de verser une pension alimentaire à son ex-épouse au cours de l'année 2000 et qu'une partie de la pension alimentaire était destinée au fils de l'appelant, il s'ensuit que le paragraphe 118(5) de la Loi empêche l'appelant de demander le crédit équivalent pour personne entièrement à charge visé à l'alinéa 118(1)b) de la Loi.


[41]     Pour ces motifs, l'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour d'octobre 2003.

« Alban Garon »

Juge en chef Garon

Traduction certifiée conforme

ce 4e jour d'octobre 2006.

Mario Lagacé, jurilinguiste


RÉFÉRENCE :

2003CCI760

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2002-1108(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Cliff Mymryk c. Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :

Winnipeg (Manitoba)

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 25 octobre 2002

Le 5 mai 2003

Le 25 septembre 2003

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :

L'honorable juge en chef Alban Garon

DATE DU JUGEMENT :

Le 24 octobre 2003

COMPARUTIONS :

Représentant de l'appelant :

Richard Guy Gamble

Avocat de l'intimée :

Me Michael Van Dam

AVOCAT(S) INSCRIT(S) AU DOSSIER :

Pour l'appelant :

Nom :

Cabinet :

Pour l'intimée :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada



[1] Une copie du même document a également été déposée une deuxième fois sous la cote A-9.

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