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Dossier : 2001-3358(GST)G

ENTRE :

RÉAL BEAULIEU,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Appel entendu le 5 août 2005, à Montréal (Québec).

Devant : L'honorable juge Pierre R. Dussault

Comparutions :

Avocat de l'appelant :

Me Yves Ouellette

Avocat de l'intimée :

Me Gérald Danis

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation portant le numéro 0319247, établie en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d'accise, le 15 décembre 2000 pour la période du 1er janvier 1997 au 31 mars 2000, est accueilli et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant pour acquis que le rajustement de 30 509,43 $ apporté à la taxe sur les produits et services doit être réduit à 15 318,88 $, le tout avec dépens en faveur de l'intimée, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour d'octobre 2005.

« P. R. Dussault »

Juge Dussault


Référence : 2005CCI605

Date : 20051018

Dossier : 2001-3358(GST)G

ENTRE :

RÉAL BEAULIEU,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Dussault

[1]      Il s'agit d'un appel d'une cotisation relative à la taxe sur les produits et services ( « TPS » ), établie le 15 décembre 2000 en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d'accise ( « Loi » ) et se rapportant à une entreprise exploitée par l'appelant sous la dénomination Aubaines Plus R. B. Enr. ( « Aubaines » ). Par cette cotisation, un rajustement de 30 509,43 $ était apporté à la taxe nette pour la période du 1er janvier 1997 au 31 mars 2000. La cotisation comprend aussi un montant de 2 283,09 $ d'intérêt et un montant de 2 635,15 $ de pénalité.

[2]      Afin de situer la question en litige, je reproduis l'entente sur les faits produite par les avocats des parties le 29 octobre 2004. L'entente et les documents qui y sont joints en annexe ont été déposés sous la cote A-1. Je ne reproduis pas les documents mentionnés au paragraphe 8 de l'entente. J'y ferai référence plus loin, au besoin.

ENTENTE SUR LES FAITS

SUITE À L'ORDONNANCE DE LA COUR CANADIENNE DE L'IMPÔT EN DATE DU 19 OCTOBRE 2004, L'APPELANT ET L'INTIMÉE CONVIENNENT DES FAITS SUIVANTS POUR LES FINS DE L'AUDITION DE L'APPEL FIXÉE PÉREMPTOIREMENT À 9 H 30, LE VENDREDI 5 AOÛT 2005.

A.        LES PROCÉDURES

1.          Le ou vers le 17 septembre 2001, un avis d'appel a été introduit par l'appelant par le dépôt au greffe de la Cour canadienne de l'impôt d'un avis d'appel, le tout tel qu'il appert au dossier de la Cour canadienne de l'impôt.

2.          L'avis d'appel de l'appelant était relatif à un avis [de] (nouvelle) cotisation portant le numéro 0319247 émis le 15 décembre 2000 par le ministre du Revenu du Québec en application de la Loi sur la taxe d'accise - Partie IX - taxe sur les produits et services, L.R.C. (1985), ch. E-15 (ci-après la « L.T.A. » ), pour la période du 1er janvier 1997 au 31 mars 2000.

3.          Les détails de l'avis de (nouvelle) cotisation étaient les suivants :

Taxe nette cotisée

20 777,41 $

Intérêts nets

2 283,09 $

Pénalité

2 635,15 $

Montant dû

35 427,67 $

            Il était également mentionné ce qui suit :

« Le montant inscrit à la case « TAXE NETTE » correspond au total de la taxe nette déclarée pour la période mentionnée, plus les ajustements de 30 509,43 $ dt [sic] apportés lors de la vérification » .

           Photocopie de l'avis [de] (nouvelle) cotisation est produite au soutien des présentes de consentement à l'onglet 1.

4.         Le ou vers le 6 décembre 2001, l'intimée a produit sa réponse à l'avis d'appel et une réponse amendée a été produite de consentement le 28 septembre 2004, tel qu'il appert au dossier de la Cour.

B.       L'AUDITION DEVANT LA COUR DU QUÉBEC

5.         La vérificatrice du ministère du Revenu relativement à l'avis [de](nouvelle) cotisation émis en vertu de la L.T.A. était madame Sylvie Lynch.

6.         Lors de l'audition devant la Cour du Québec, chambre civile, les 12 et 13 février 2004, madame Sylvie Lynch a témoigné relativement à sa vérification, laquelle a donné lieu également à l'émission d'un avis de cotisation en vertu de la Loi sur la taxe de vente du Québec, L.R.Q., c. T-0.1.

7.         Le ou vers le 10 juin 2004, la Cour du Québec, chambre civile, a rendu jugement en faveur de l'appelant, et pour les fins des présentes, les parties produisent de consentement le jugement rendu le 10 juin 2004 à l'onglet 2, sous réserve du présent dossier devant la Cour canadienne de l'impôt.

8.         Pour les fins des présentes, l'appelant et l'intimée conviennent de produire de consentement les documents suivants :

a)       À l'onglet 3 : État des rajustements de vérification TPS/TVH;

b)       À l'onglet 4 : Pièce I-2 de l'intimée intitulée « RECONSTITUTION DE REVENUS » ;

c)       À l'onglet 5 : Pièce I-3 intitulée « SOMMAIRE » ;

d)       À l'onglet 6 : Notes sténographiques du 12 février 2003 et du 13 février 2003 en format condensé;

e)       À l'onglet 7 : Le rapport Pièce R-14 de l'expert Michel Hamelin.

C.         L'APPELANT ET L'INTIMÉE DÉCLARENT QUE LA SEULE QUESTION EN LITIGE EST RELATIVE À LA SOMME DE 15 318,88 $ APPARAISSANT À LA PAGE 10 DU RAPPORT DE L'EXPERT PRODUIT À L'ONGLET 7 DE LA PRÉSENTE ENTENTE

9.          L'appelant prétend que la somme de 15 318,88 $ ne fait pas partie des montants déterminés et cotisés par l'avis de (nouvelle) cotisation alors que l'intimée prétend que ladite somme est incluse dans la cotisation en litige.

10.        Plus précisément, l'appelant prétend que la Cour canadienne de l'impôt n'a pas compétence pour décider de ce montant de 15 318,88 $ et que le ministre du Revenu en application de la L.T.A. ne peut émettre un avis de cotisation relativement à ce montant de 15 318,88 $ compte tenu du délai de 4 ans.

11.        L'intimée prétend que, puisque le litige porte sur le montant de taxe nette, la somme de 15 318,88 $ est incluse dans la cotisation en litige.

12.        L'appelant n'est pas d'accord avec la formulation de l'intimée au paragraphe 11 et précise que, selon l'avis de (nouvelle) cotisation, un ajustement de 30 509,43 $ a été apporté lors de la vérification et ce montant ne peut comprendre la somme de 15 318,88 $.

13.        L'appelant reconnaît que les montants apparaissant sur la page 10 du rapport d'expertise (onglet 7) ne sont pas contestés.

D.         CONCLUSIONS

EN CONSÉQUENCE, les parties déclarent qu'il s'agit de la seule question en litige et sont d'accord pour procéder selon les documents produits en annexe à la présente entente.

[3]      Lors de sa vérification de l'entreprise de l'appelant aux fins de la TPS et de la taxe de vente du Québec ( « TVQ » ), madame Sylvie Lynch a constaté des écarts entre les taxes déclarées et remises (formulaires FPZ-500) et celles indiquées sur les rubans de caisse enregistreuse ( « Z de caisse » ) de l'entreprise. Selon elle, ces écarts confirmaient qu'il y avait eu des erreurs comptables et que toutes les taxes perçues n'avaient pas été déclarées et remises. Bien que ces écarts aient été consignés sur des feuilles de travail, madame Lynch décida par la suite, aux fins de déterminer la TPS et la TVQ non remises, de procéder par une autre méthode. Cette méthode consistait à tenter de reconstituer toutes les ventes de l'entreprise pour établir les montants de la TPS et de la TVQ qui auraient dû être perçus et remis comparativement à ceux qui avaient effectivement été déclarés et remis. Cela s'est fait par l'application d'un pourcentage de marge bénéficiaire brute aux achats de l'entreprise. Il importe peu d'entrer dans les détails. Le résultat a été le rajustement de 30 509,43 $ apporté à la TPS dans la cotisation du 15 décembre 2000 (pièce A-1, onglet 1), dont il est question au paragraphe 1 des présents motifs du jugement.

[4]      Madame Lynch a apporté un rajustement de 12 855 $ à la TVQ en utilisant la même méthode basée sur les ventes reconstituées.

[5]      Lors de l'audition de l'appel concernant la cotisation de TVQ, qui a eu lieu à la Cour du Québec, devant le juge Armando Aznar, l'expert dont les services avaient été retenus par l'appelant, monsieur Michel Hamelin, comptable agréé et expert en juricomptabilité, du cabinet Demers Beaulne, a contesté la méthode utilisée par madame Lynch et ses conclusions. Dans son rapport, il indique que cette méthode indirecte était tout à fait inappropriée dans les circonstances et qu'elle conduisait ainsi à l'établissement d'une cotisation de TVQ d'un montant injustifié et trop élevé. Évidemment, dans son rapport, il tire les mêmes conclusions concernant la TPS, puisque le rajustement de 30 509,43 $ résultait de l'utilisation de la même méthode (pièce A-1, onglet 7).

[6]      Toutefois, l'analyse effectuée par monsieur Hamelin menait à la conclusion qu'il y avait des écarts entre les taxes déclarées et remises (formulaires FPZ-500) et les taxes perçues selon les Z de caisse. Pour la TVQ, l'écart s'élevait à 3 671,30 $. Pour la TPS, il s'élevait à 15 318,88 $ (pièce A-1, onglet 7, page 10).

[7]      Dans son jugement, le juge Aznar de la Cour du Québec a rejeté la méthode utilisée par madame Lynch et il a accepté la conclusion de monsieur Hamelin qu'un montant de 3 671,30 $ de TVQ n'avait pas été versé par monsieur Beaulieu. Le juge Aznar s'est dit d'avis que ce montant pouvait faire l'objet d'une nouvelle cotisation, sans se prononcer sur la légalité ou validité d'une telle cotisation éventuelle du fait qu'elle serait tardive, comme le soutenait l'avocat de l'appelant.

[8]      En ce qui concerne la TPS, les parties se sont entendues sur le fait que seul le montant de 15 318,88 $ représentant la TPS non remise, tel qu'il est établi dans le rapport de monsieur Hamelin, est actuellement en litige devant la Cour.

[9]      Monsieur Hamelin et madame Lynch ont témoigné.

[10]     Monsieur Hamelin a témoigné à titre d'expert en juricomptabilité pour l'appelant. Qu'il soit qualifié à ce titre n'est pas contesté par l'intimée.

[11]     Monsieur Hamelin a produit une déclaration solennelle qui présente les éléments essentiels de son témoignage (pièce A-2). Aux paragraphes 27 à 33 de cette déclaration on peut lire ce qui suit :

27.        À l'égard des montants de TPS et de TVQ perçus, figurant dans les livres comptables de l'appelant et non remis au ministère du Revenu, je sais que ces montants n'ont pas été retenus pour fins de cotisation par la vérificatrice du ministère du Revenu et, j'émets l'opinion que le montant de 15 318,88 $ ne fait pas partie de la taxe nette déclarée de 20 777,41 $ et ne fait pas partie des ajustements de 30 509,43 $ apportés lors de la vérification de madame Sylvie Lynch et, en conséquence, ne fait pas partie de l'avis de (nouvelle) cotisation du 15 décembre 2000 actuellement en litige devant la Cour canadienne de l'impôt.

28.        Je base mon opinion à l'effet que les taxes non remises au montant de 15 318,88 $ pour la TPS et au montant de 3 671,30 $ pour la TVQ ne font pas partie de l'avis de (nouvelle) cotisation émis en vertu de la L.T.A. et de la L.T.V.Q. sur le témoignage de madame Sylvie Lynch, lors de son interrogatoire principal à la page 266, à l'onglet 6 de l'ENTENTE SUR LES FAITS.

29.        Également, je base mon opinion sur l'état des rajustements de vérification TPS/TVQ à l'onglet 3 de l'ENTENTE SUR LES FAITS.

30.        Je base également mon opinion sur la pièce I-2 de l'intimée intitulée « RECONSTITUTION DES REVENUES » et sur la pièce I-3 intitulée « SOMMAIRE » , onglet 4 et onglet 5 de l'ENTENTE SUR LES FAITS.

31.        En référence aux paragraphes précédents, les ventes reconstituées par la vérificatrice du ministère du Revenu sont les suivantes et les taxes relatives à ces ventes reconstituées sont également des taxes reconstituées:

ANNÉE

VENTES RECONSTITUÉES

TAXES RECONSTITUÉES

1997

459 270,45 $

32 148,93 $

1998

1 846 239,56 $

129 236,77 $

1999

1 559 951,05 $

109 196,57 $

2000

1 142 924,16 $

80 004,69 $

32.        De plus, à l'égard des taxes reconstituées, à partir des ventes reconstituées, afin de déterminer le montant d'ajustement de 30 509,44 $ de l'avis de (nouvelle) cotisation, émis en vertu de la L.T.A. le 15 décembre 2000, la vérificatrice du ministère du revenu a tenu compte uniquement des taxes perçues et remises au ministère du Revenu au cours de la période du 1er janvier 1997 au 31 mars 2000.

33.        En conséquence, le montant de 15 318,88 $ représentant de la taxe perçue et non remise au ministère du Revenu ne peut en aucune façon faire partie de l'ajustement de 30 509,44 $ et, à ce titre, comme expert, comme l'a mentionné madame Lynch lors de son témoignage, le montant de 15 318,88 $ ne fait pas partie de l'avis de (nouvelle) cotisation en date du 15 décembre 2000 pour la période du 1er janvier 1997 au 31 mars 2000.

[12]     Lors de son témoignage, monsieur Hamelin a affirmé que les écarts qu'il avait constatés entre les taxes remises et les Z de caisse s'élevaient, pour la TPS, à 15 318,88 $, soit le total des montants suivants pour chacune des années de la période du 1er janvier 1997 au 31 mars 2000 :

1997 : 1 565,70 $

1998 : 4 288,42 $

1999 : 5 116,46 $

2000 : 4 348,30 $

Total : 15 318,88 $

[13]     Selon les calculs basés sur les ventes reconstituées effectués par madame Lynch, les écarts entre la TPS perçue et la TPS remise s'élevaient à 30 509,43 $, soit le total des montants suivants pour chacune des années de la même période (pièce A-1, onglets 3, 4 et 5) :

1997 :    2 432,75 $

1998 : 10 058,47 $

1999 : 12 026,51 $

2000 : 5 991,70 $

Total : 30 509,43 $

[14]     La conclusion de monsieur Hamelin est que les écarts entre la TPS remise et les Z de caisse n'ont pas été considérés aux fins de la cotisation. Selon lui, s'ils l'avaient été le montant de 15 318,88 $ aurait dû être ajouté au montant de 30 509,43 $ aux fins de la cotisation. J'avoue avoir certaines difficultés à suivre cette logique.

[15]     Madame Lynch a aussi témoigné. L'avocat de l'appelant s'est opposé à son témoignage au motif que les parties devaient s'en tenir à l'entente sur les faits et aux documents y annexés. Je ne retiens pas cette objection puisque l'avocat de l'appelant a lui-même fait témoigner monsieur Hamelin à titre d'expert et a fait produire une déclaration solennelle au soutien de son témoignage. C'est une simple question de « fair-play » .

[16]     Dans son témoignage, madame Lynch a affirmé qu'elle avait effectivement produit un document qui démontrait des écarts de l'ordre de 15 000 $, en ce qui concerne la TPS, entre les taxes remises et les taxes perçues selon les Z de caisse et que ce document avait été présenté à monsieur Beaulieu. Toutefois, selon elle, ce ne sont pas ces écarts comme tels qui ont été retenus aux fins de la cotisation, mais plutôt les taxes calculées en fonction des ventes reconstituées, ce qui donnait lieu au rajustement de 30 509,43 $, compte tenu des taxes remises. Comme elle avait ainsi établi les écarts en fonction des ventes reconstituées, l'écart de l'ordre de 15 000 $ était, selon elle, inclus dans le rajustement et il ne pouvait être ajouté à ce montant de 30 509,43 $, puisqu'il y aurait alors eu double imposition.

Position de l'appelant

[17]     L'avocat de l'appelant soutient que le montant de 15 318,88 ne fait pas partie de la cotisation établie le 15 décembre 2000, car ce montant ne représente pas des écarts entre la TPS calculée en fonction des ventes reconstituées et la TPS remise, mais plutôt des écarts entre la TPS perçue selon les Z de caisse et la TPS remise, écarts dont on n'aurait pas tenu compte lors de la cotisation.

[18]     L'avocat de l'appelant estime que le fait pour l'intimée de vouloir maintenir la cotisation pour ce montant de 15 318,88 $ équivaut en réalité à tenter d'établir une nouvelle cotisation sur un nouveau fondement et non de soulever un nouvel argument à l'appui de la cotisation. Selon lui, le paragraphe 298(6.1) de la Loi, une disposition semblable au paragraphe 152(9) de la Loi de l'impôt sur le revenu, ne s'applique pas en l'espèce, puisque l'on aboutirait à un résultat différent de la cotisation en litige.

[19]     L'avocat de l'appelant prétend que la cotisation doit tout simplement être annulée puisqu'une nouvelle cotisation sur un fondement différent ne peut être établie au-delà du délai de quatre ans prévu au sous-alinéa 298(1)a)(i) de la Loi.

[20]     Au soutien de ses arguments, l'avocat de l'appelant s'est référé aux décisions suivantes :

·               Banque Continentale du Canada c. Canada, [1998] 2 R.C.S. 358;

·               Loewen c. Canada, [2003] A.C.I. no 282 (QL), 2003 DTC 686;

·               Canadac. Loewen (C.A.F.), [2004] 4 R.C.F. 3, 2004 DTC 6321;

·               Rogic c. Canada, [2001] A.C.I. no 583 (QL), 2001 DTC 855,

       [2001] G.S.T.C. 107;

·               Canadac. HollingerInc., [1999] A.C.F. no 1164 (QL), 99 DTC 550,

       (C.A.F.);

·               Marina Homes Ltd. c. Canada, [2000[ A.C.F. no 2107 (QL),

       2001 DTC 5046, [2001] 1 C.T.C. 179 (C.F. 1re inst.);

·               Paper Mill Recycling Inc. c. Sa Majesté La Reine, C.C.I.,

            2003-4544(GST)I, 21 septembre 2004, [2004] T.C.J. no 467 (QL);

·               Pedwell c. Canada (C.A.), [2000] 4 C.F. 616, [2000] A.C.F. no 858

       (QL).

[21]     L'avocat de l'appelant s'est aussi référé à un article de Christiane Maurice intitulé « Le Pouvoir du ministre d'avancer un nouvel argument : L'arrêt Banque Continentale et le nouveau paragraphe 152(9) L.I.R. » Revue de planification fiscale et successorale (2005), vol. 26, no 1, page 113.

Position de l'intimée

[22]     L'avocat de l'intimée rappelle d'abord l'alinéa 296(1)a) de la Loi, lequel énonce le pouvoir du ministre d'établir une cotisation relative à la taxe nette d'une personne, prévue à la section V, pour une période de déclaration. Il souligne qu'ici la taxe nette déterminée dans la cotisation ne comprend qu'un seul élément, soit la taxe perçue qui aurait dû être remise, puisqu'il n'y a aucun litige concernant le crédit de taxe sur les intrants.

[23]     Selon lui, des écarts entre la TPS remise et la TPS selon les Z de caisse avaient été constatés par madame Lynch et indiqués sur une feuille de travail remise à l'appelant. À cet égard, l'avocat de l'intimée se réfère d'ailleurs aux alinéas a) à p) du paragraphe 8 de la Réponse amendée [sic] de l'intimée [à l'avis d'appel] ( « Réponse » ).

[24]     Si madame Lynch a utilisé une autre méthode pour arriver à établir la TPS non remise et que cette méthode a été jugée par la Cour du Québec non fiable dans les circonstances, il n'en reste pas moins, selon l'avocat de l'intimée, qu'il a été démontré que la TPS non remise s'élevait non pas à 30 509,43 $, mais plutôt à 15 318,88 $. Ainsi, selon lui, la Cour a compétence pour déclarer que la TPS non remise n'est pas de 30 509,43 $, mais plutôt de 15 318,88 $. L'avocat de l'intimée s'en remet à cet égard au paragraphe 9 de la Réponse qui se lit comme suit :

À défaut, l'intimée soutient subsidiairement que l'ajustement à la taxe nette devrait être fixé à 15 318,88 $, le tout selon les relevés de caisse (ou « Z » de caisse) de l'appelant, tel qu'il sera démontré lors de l'audition par le biais du dépôt de documents de l'appelant et par son propre témoignage.

[25]     Je signale que ce paragraphe a été ajouté à la Réponse avec le consentement de l'avocat de l'appelant.

[26]     L'avocat de l'intimée estime que madame Lynch a tenté d'établir la taxe nette, et donc la taxe non remise, par la méthode basée sur les ventes reconstituées. Ainsi, elle ne pouvait ajouter aux écarts déterminés selon cette méthode, d'un montant total de 30 509,43 $, le montant des écarts préalablement constatés entre la TPS remise et celle perçue selon les Z de caisse, c'est-à-dire le montant de 15 318,88 $. Selon l'avocat, la seule conclusion logique est que ce montant de 15 318,88 $ fait partie de la cotisation et ne constitue pas le résultat d'un changement dans le fondement de la cotisation. L'avocat de l'intimée affirme que si monsieur Hamelin a déclaré que le montant de 15 318,88 $ n'était pas inclus dans le montant de 30 509,43 $, c'est qu'il a présumé que les écarts entre la TPS remise et celle perçue selon les Z de caisse n'avaient pas été examinés. Or, la preuve démontre qu'ils l'ont été.

[27]     L'avocat de l'intimée fait valoir qu'en l'espèce c'est la taxe nette qui doit faire l'objet d'une cotisation. Selon lui, la vérificatrice a établi selon une méthode la TPS perçue et non remise, mais il y a une preuve supplémentaire qu'il y a effectivement eu de la TPS perçue et non remise. Il soutient que l'argument de l'avocat de l'appelant mène à la conclusion que, malgré cette constatation, la Cour ne pourrait réduire le montant de la taxe nette établie dans la cotisation. Selon l'avocat de l'intimée, la Cour peut certainement le faire puisque les écarts entre la taxe remise et la taxe perçue selon les Z de caisse sont un élément qui a été considéré, de sorte qu'il est évident que le montant de 15 318,88 $ ne pouvait être ajouté au rajustement de 30 509,43 $ faisant l'objet de la cotisation. L'avocat de l'intimée appuie cet argument plus particulièrement sur les faits énoncés aux alinéas h), j), n) et o) du paragraphe 8 de la Réponse. Ces alinéas se lisent ainsi :

(h)         La vérificatrice a ensuite examiné les registres comptables, les factures, la caisse déboursée et la caisse recette, et les relevés bancaires relatifs aux périodes sous vérification (de 1997 à 2000);

[...]

(j)          À partir de ce constat et des nombreux écarts dans les documents présentés par l'appelant (par ex : TPS vs TVQ; relevés bancaires vs rubans de caisse « Z » ; taxes selon les registres comptables vs taxe remise au ministère; etc), la vérificatrice a pris la décision de reconstituer les ventes à partir des factures d'achat et des achats comptabilisés dans les registres de l'appelant majorés par une marge brute de profit, cette méthode ayant été jugée comme celle qui offrait la meilleur [sic] garantie de fiabilité afin d'établir la taxe nette de l'appelant;

[...]

(n)         La vérificatrice a ensuite préparé un tableau sommaire indiquant la différence entre la taxe nette déclarée et remise, et la taxe nette qui aurait dû être remise selon les ventes reconstituées, tel qu'il appert dudit tableau sommaire joints [sic] aux présentes pour en faire partie intégrale;

(o)         L'appelant a contesté la méthode de calcul de la vérificatrice en soumettant ses propres feuilles de calcul, mais lesdites feuilles conduisaient au même résultat, soit que la taxe déclarée et remise était inférieure à la taxe qui aurait dû être remise au ministère.

[28]     Somme toute, l'avocat de l'intimée estime qu'il ne s'agit aucunement de tenter de modifier le fondement de la cotisation. Selon lui, il ne s'agit pas non plus de tenter d'apporter un nouvel argument à l'appui de la cotisation, de sorte qu'il n'invoque même pas le paragraphe 298(6.1) de la Loi.

[29]     Il souligne par ailleurs le paragraphe 299(2) de la Loi, qui prévoit que « [l]'inexactitude, l'insuffisance ou l'absence d'une cotisation ne change rien aux taxes, pénalités, intérêts ou autres montants dont une personne est redevable aux termes de la présente partie. » Il s'appuie également sur les différentes obligations du contribuable concernant la perception de la taxe ainsi que le calcul, la déclaration et le versement de la taxe nette, obligations qui sont énoncées aux paragraphes 221(1), 228(1) et (2) et 238(1) de la Loi. L'avocat de l'intimée appuie ses arguments notamment sur les décisions dans les affaires suivantes :

·         Edible What Candy Corporation c. Sa Majesté La Reine, C.C.I.,

2001-2038(GST)I, 25 mars 2002, [2002] G.S.T.C. 33 (C.C.I.);

·         Québec (Sous-ministre du Revenu) c. Dupuis, [1996] R.D.F.Q. 70

(C.A.Q.);

·         Loewen c. Canada (C.C.I.), précitée;

·         Canada c. Loewen (C.A.F.), précitée;

·         Rogic c. Canada (C.C.I.), précitée;

·         Pedwell c. Canada (C.A.F.), précitée.

[30]     Dans la présente affaire, l'hypothèse fondamentale sur laquelle repose la cotisation établie par la vérificatrice, madame Lynch, est que l'appelant, monsieur Beaulieu, n'avait pas déclaré et remis la totalité des taxes perçues sur ses ventes au cours de la période du 1er janvier 1997 au 31 mars 2000. L'examen des documents fournis par l'appelant lui-même, notamment les Z de caisse, avait permis à la vérificatrice dans un premier temps de constater des écarts entre la TPS déclarée et remise et la TPS perçue au cours des différentes années de la période en question. Selon elle, les écarts constatés ont d'ailleurs été consignés sur une feuille de travail qu'elle a remise à l'appelant. Par la suite, elle a tenté d'établir le montant exact de ces écarts en reconstituant les ventes par une méthode indirecte. Comme je l'ai déjà indiqué, cette méthode consistait à déterminer le montant des ventes en fonction des achats majorés d'un pourcentage de marge bénéficiaire brute. Une fois le montant des ventes ainsi établi pour chaque année de la période, elle a par la suite déterminé le montant de la TPS applicable au montant des ventes et calculé l'écart pour chaque année entre ce montant de TPS et la TPS déclarée et remise, d'où le rajustement de 30 509,43 $. Il paraît évident, en toute logique, qu'elle ne pouvait ajouter à ces écarts constatés en fonction de toutes les ventes reconstituées les écarts préalablement constatés à l'analyse d'autres documents ou registres, dont les Z de caisse. Procéder ainsi aurait évidemment eu comme résultat une double imposition puisque certaines ventes et la TPS applicable à celles-ci auraient été prises en compte plus d'une fois.

[31]     La méthode utilisée par madame Lynch pour arriver au rajustement total de 30 509,43 $ apporté dans la cotisation a été contestée par l'appelant devant la Cour du Québec. L'expert de l'appelant, monsieur Hamelin, a démontré que l'utilisation de cette méthode était injustifiée et inappropriée dans les circonstances et qu'elle conduisait au calcul d'un montant de TVQ trop élevé. Ses conclusions étaient les mêmes concernant la TPS.

[32]     Toutefois, monsieur Hamelin a reconnu que des écarts existaient entre les taxes perçues selon les Z de caisse et les taxes déclarées et remises. En ce qui concerne la TPS, les écarts constatés par lui pour chaque année de la période en litige sont indiqués au paragraphe 12 des présents motifs du jugement. Selon ses calculs, le total de TPS perçue et non remise est de 15 318,88 $. Le rapport de monsieur Hamelin a été déposé en preuve (pièce A-1, onglet 7). Son témoignage va dans le même sens.

[33]     Ainsi, la preuve présentée par l'appelant lui-même est que, effectivement, un montant de 15 318,88 $ de TPS a été perçu et non remis pour la période en question.

[34]     Devant cette Cour, l'avocat de l'intimée défend non plus le rajustement de 30 509,43 $ établi dans la cotisation, mais le montant moindre de 15 318,88 $ - dont l'appelant a lui-même apporté la preuve - en soutenant toujours, cependant, qu'il s'agit d'un montant de TPS perçue et non remise. En réalité, l'avocat de l'intimée concède qu'il ne peut faire la preuve qu'un montant supérieur à 15 318,88 $ de TPS a été perçu et non remis par l'appelant et il demande à la Cour de déférer la cotisation au ministre pour une nouvelle cotisation sur cette base, puisqu'il admet que la cotisation contestée ne peut être justifiée pour l'excédent.

[35]     Dans l'affaire Banque Continentale du Canada, précitée, le ministre tentait pour la première fois devant la Cour suprême du Canada d'avancer, au soutien d'une cotisation, une nouvelle théorie concernant un ensemble de transactions et basée sur l'application de dispositions législatives différentes. La juge McLachlin, s'exprimant pour les juges majoritaires, déclarait au paragraphe 18 :

[...] Le ministre ne peut prétendre que la Banque ne pouvait pas transférer sa participation à cette étape. Il doit reconnaître que le transfert a eu lieu parce que la cotisation qu'il a établie à l'égard de la Banque reposait sur l'hypothèse que cette dernière avait disposé de sa participation dans la société en nom collectif. Je suis d'accord avec le juge Bastarache pour dire que ne peut être retenu l'argument du ministre - soulevé pour la première fois devant notre Cour - que la Banque a vendu des éléments d'actif de crédit-bail amortissables ou encore que celle-ci était par ailleurs imposable à l'égard de la récupération de la déduction pour amortissement en application du par. 88(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, ch. 148, et ses modifications. Le ministre ne saurait être autorisé à avancer un nouveau fondement pour justifier une nouvelle cotisation après l'expiration du délai prévu à cette fin.

[36]     De son côté, le juge Bastarache, s'exprimant pour les juges minoritaires, exposait dans les termes suivants, aux paragraphes 10 à 12 de la décision, les motifs de son refus de permettre au ministre d'avancer cette nouvelle théorie :

10         Le délai prévu par la Loi pour établir une cotisation à l'égard d'un contribuable est de quatre ans à compter de la délivrance par Revenu Canada d'un avis de nouvelle cotisation (par. 152(3.1) et 152(4) de la Loi).    Par conséquent, le ministre avait jusqu'au 12 octobre 1993 pour envoyer à la Banque une nouvelle cotisation à l'égard de la récupération de la déduction pour amortissement.    La Couronne n'est pas autorisée à invoquer un nouveau fondement pour justifier une nouvelle cotisation après l'expiration du délai prévu à cette fin. La bonne façon d'aborder cette question a été énoncée dans la décision La Reine c. McLeod, 90 D.T.C. 6281 (C.F. 1re inst.), à la p. 6286. Dans cette affaire, la cour a rejeté la requête de la Couronne, qui sollicitait l'autorisation de modifier ses actes de procédure pour fonder sur une nouvelle base dans la Loi la cotisation établie par Revenu Canada. La cour a refusé l'autorisation pour le motif que le désir de la Couronne d'invoquer un nouvel article de la Loi était, en fait, une tentative en vue de changer le fondement de la cotisation faisant l'objet de l'appel, ce qui « reviendrait à permettre au ministre d'en appeler de sa propre cotisation, notion qui a été expressément rejetée par les tribunaux » . De même, la Cour d'appel fédérale a qualifié de telles tentatives de la part de la Couronne de « tentative[s] tardive[s] de donner un nouveau fondement à la cause de l'appelante » (British Columbia Telephone Co. c. ministre du Revenu national (1994), 167 N.R. 112, à la p. 116).

11         L'appelante aurait pu - soit lorsqu'elle a délivré à l'intimée l'avis de nouvelle cotisation le 12 octobre 1989, soit à tout autre moment avant l'expiration du délai dont elle disposait pour établir une nouvelle cotisation - établir une cotisation sur la base que l'intimée était imposable à l'égard de la récupération de la déduction pour amortissement. L'appelante a toutefois choisi de ne pas le faire et elle ne peut être autorisée, onze ans plus tard, à modifier la cotisation. L'appelante a soutenu que l'obligation de l'intimée à l'égard de la cotisation fondée sur le par. 13(1) est un motif subsidiaire justifiant la cotisation précédente, et non une nouvelle cotisation. Selon l'appelante, puisque l'obligation relative à la récupération fondée sur le par. 13(1) ne peut être imposée que s'il est jugé, dans l'affaire Leasing, que Leasing n'était pas le vendeur des éléments d'actif vendus à Central, l'établissement d'une nouvelle cotisation sur cette base est simplement une conclusion de droit découlant de l'application correcte de la Loi.

12         Accepter cette qualification faite par l'appelante aboutirait, dans les faits, à une situation où la Couronne serait autorisée à avancer de nouveaux arguments simplement parce que ceux qu'elle a présentés aux juridictions inférieures n'ont pas été retenus. Contrairement à ce qu'avait fait le ministre dans l'affaire Ministre du Revenu national c. Riendeau (1991), 132 N.R. 157 (C.A.F.), le ministre n'a jamais voulu, en l'espèce, modifier, corriger ou redélivrer la nouvelle cotisation établie à l'égard de la Banque pour y inclure une obligation relative à la récupération de l'amortissement en vertu de l'al. 88(1)f) de la Loi. En outre, en affirmant qu'il s'agit d'un argument subsidiaire, l'appelante ne tient pas compte du fait que Leasing et la Banque sont deux contribuables distincts. Ce que le ministre cherche à faire, c'est substituer une cotisation établie à l'égard d'un contribuable donné à une cotisation établie à l'égard d'un autre contribuable, parce que la première cotisation n'a pas porté fruit.

[37]     On remarquera que la juge McLachlin traite de « l'hypothèse » sur laquelle repose la cotisation et du « fondement » de la cotisation. Le juge Bastarache parle d'une « nouvelle base dans la [l]oi » pour fonder une cotisation et « de nouveaux arguments » .

[38]     Il importe également de souligner que dans l'affaire McLeod, précitée, à laquelle le juge Bastarache fait référence, le juge Collier de la Section de première instance de la Cour fédérale avait refusé au ministre un amendement à sa procédure en s'appuyant sur une disposition législative différente de celle ayant servi de fondement à la cotisation alors même que l'application de cette disposition aurait entraîné une diminution et non une augmentation d'impôt pour le contribuable.

[39]     Comme on le sait, à la suite de cette décision de la Cour suprême du Canada, la Loi de l'impôt sur le revenu a été modifiée par l'ajout du paragraphe 152(9) et la partie IX de la Loi a été modifiée par l'ajout du paragraphe 298(6.1), qui a le même effet. Cette dernière disposition se lit ainsi :

(6.1) Nouvel argument à l'appui d'une cotisation -

Le ministre peut avancer un nouvel argument à l'appui d'une cotisation établie à l'égard d'une personne après l'expiration des délais prévus aux paragraphes (1) ou (2) pour l'établissement de la cotisation, sauf si, sur appel interjeté en vertu de la présente partie :

a) d'une part, il existe des éléments de preuve que la personne n'est plus en mesure de produire sans l'autorisation du tribunal;

b) d'autre part, il ne convient pas que le tribunal ordonne la production des éléments de preuve dans les circonstances.

[40]     Il est particulièrement difficile de concilier les commentaires émanant de la Cour canadienne de l'impôt et de la Cour d'appel fédérale concernant la portée exacte du nouveau paragraphe 152(9) de la Loi de l'impôt sur le revenu, commentaires qui s'appliquent, à mon avis, au nouveau paragraphe 298(6.1) de la Loi, et ce, à l'égard de la restriction sanctionnée par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Banque Continentale, précitée.

[41]     Ainsi, dans l'affaire Hollinger Inc., précitée, le juge Létourneau tenait les propos suivants concernant le nouveau paragraphe 152(9) de la Loi de l'impôt sur le revenu, au paragraphe 26 de la décision :

26         La modification n'est pas applicable dans la présente instance puisqu'elle n'était pas en vigueur lorsque la question a été débattue devant la Cour canadienne de l'impôt [voir note 12 ci-dessous]. Mais, elle donne une idée de l'orientation qu'il faut suivre dans ce genre d'affaires. Exiger que l'avis approprié à donner au contribuable concernant l'existence d'un nouvel argument à l'appui de la cotisation doive nécessairement prendre la forme d'une nouvelle cotisation établie par le ministre entraînerait un formalisme inutile que ne justifient ni la décision de la Cour suprême ni la modification subséquente de l'article 152. Cela ne signifie pas que le ministre peut changer le montant d'une cotisation dans ses actes de procédure, mais seulement que les arguments étayant la cotisation peuvent être invoqués dans ces actes, même s'ils ne font pas l'objet d'un avis de nouvelle cotisation. Reconnaître au ministre le droit de modifier le montant d'une cotisation dans un acte de procédure reviendrait à lui permettre d'interjeter appel de sa propre cotisation, notion qui a été expressément rejetée par les tribunaux [voir note 13 ci-dessous].

[Je souligne.]

________________________

Note 12 : La disposition modificatrice [art. 63.1(3)] énonce que le paragraphe s'applique aux appels réglés après la date de sanction de la Loi :

63.1 [...]

(3) Les paragraphes (1) et (2) s'appliquent aux appels réglés après la date de sanction.

L'art. 152(9) établit sans équivoque que le terme « appel » employé dans cette disposition renvoie aux appels interjetés en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu qui étaient en instance devant la Cour canadienne de l'impôt au moment de la sanction royale. Ce paragraphe ne s'applique pas aux appels formés sous le régime de la Loi sur la Cour fédérale qui, comme en l'espèce, étaient toujours en instance.

Note 13 :Banque Continentale du Canada c. Canada, [1998] 2 R.C.S. 358, à la p. 366.

[42]     Toutefois, dans l'affaire Loewen, précitée, la juge Sharlow commentait le nouveau paragraphe 152(9) de la Loi de l'impôt sur le revenu dans les termes suivants, aux paragraphes 21 et 22 de la décision :

21         Suivant mon interprétation du paragraphe 152(9), l'expiration du délai normalement prévu pour établir une nouvelle cotisation n'empêche pas Sa Majesté de défendre sa cotisation en invoquant quelque motif que ce soit, sous réserve uniquement des alinéas 152(9)a) et b). Les alinéas 152(9)a) et b) évoquent le préjudice que pourrait subir le contribuable si l'on permettait à Sa Majesté de formuler de nouvelles allégations factuelles de nombreuses années après les faits.

22         Parmi les nouveaux arguments que Sa Majesté pourraient [sic]invoquer en vertu du paragraphe 152(9), on pourrait songer par exemple à un argument qui justifierait l'établissement d'une cotisation qui excède le montant imposé. Toutefois, le paragraphe 152(9) ne dispense pas le ministre des exigences du paragraphe 152(4) [mod. par L.C. 1998, ch. 19, art. 181], qui fixe une date limite pour l'établissement d'une nouvelle cotisation. En conséquence, le ministre ne peut se servir d'un argument fondé sur le paragraphe 152(9) pour établir une nouvelle cotisation après l'expiration du délai prévu au paragraphe 152(4) ou encore pour percevoir un impôt supérieur à celui qui était fixé dans la cotisation frappée d'appel.

[Je souligne.]

[43]     Dans l'affaire Chan c. Canada, [1999] A.C.I. no 661 (QL), le juge Bonner de la Cour canadienne de l'impôt tenait les propos suivants, au paragraphe 18 du jugement :

18         L'avocat soutient subsidiairement que, si le paragraphe 152(9) s'applique effectivement, il ne permet pas au ministre d'avancer, à l'appui d'une nouvelle cotisation, des faits différents de ceux qu'il a tenus pour acquis pour établir la cotisation initiale (dans ce cas-ci la disposition de 3 500 actions de NCTL). L'avocat fait valoir que la loi modificatrice permet qu'un nouvel argument soit avancé uniquement si celui-ci peut être appuyé par les faits que le ministre a tenus pour acquis pour établir la cotisation initiale. Suivant cette théorie, il est interdit de se fonder sur une perception différente des faits. Encore une fois, je ne suis pas d'accord. Je ne vois rien, que ce soit dans le libellé ou dans l'objet de la loi, qui justifie la restriction que l'appelant tente d'imposer au texte du paragraphe 152(9) : « le ministre peut avancer un nouvel argument à l'appui d'une cotisation après l'expiration de la période normale de nouvelle cotisation [...] » . On peut difficilement imaginer une raison d'introduire, par interprétation, une telle restriction dans le paragraphe. Le fait de permettre au ministre de plaider et de démontrer que la cotisation d'impôt qu'il a établie est défendable compte tenu du droit et des faits dont il ne connaissait pas l'existence lorsqu'il a établi la cotisation ne revient pas, comme l'avocat le suggère, à permettre au ministre de porter en appel sa propre cotisation. Manifestement, la Loi ne permet pas au ministre de porter en appel sa propre cotisation, mais cela ne décrit pas avec justesse ce que le ministre tente de faire aujourd'hui. Il ne prétend pas que sa cotisation était erronée. Il prétend plutôt que la cotisation est juste, mais pour des motifs dont il n'était pas au courant antérieurement. L'argument de l'appelant confond les motifs qui appuient une cotisation et la cotisation elle-même. Ce que l'on établit n'est pas un motif, mais plutôt « l'impôt [à payer] pour l'année » . Je me reporte au paragraphe 152(1) de la Loi. La modification de l'article 152 fait ressortir la distinction entre la cotisation et les arguments qui peuvent appuyer celle-ci, et elle établit clairement que l'on peut dire que le ministre tente de porter en appel sa cotisation uniquement lorsqu'il cherche à augmenter le montant de l'impôt établi [Voir Note 4 ci-dessous]. Il est donc loisible à l'intimée de faire valoir, comme, je ferai remarquer, l'appelant l'a lui-même fait, que le bien dont il a été disposé n'était pas des actions de NCTL.


Note 4:    Comparer avec l'arrêt Vineland Quarries and Crushed Stone Limited v. M.N.R., 70 D.T.C. 6043.


[Je souligne.]

[44]     La décision rendue par le juge Cattanach de la Cour de l'Échiquier dans l'affaire Vineland Quarries and Crushed Stone Ltd. v. M.N.R., précitée, et à laquelle se réfère le juge Bonner, s'appuie sur des décisions antérieures de la même cour aux fins d'établir ce qui constitue la base d'un appel d'une cotisation. Voici comment le juge Cattanach s'exprimait à cet égard aux pages 6045 et 6046 du jugement :

[Appeal from amount of assessment]

    As I understand the basis of an appeal from an assessment by the Minister, it is an appeal against the amount of the assessment.

    In Harris v. M.N.R., (1965) 2 Ex. C.R. 653 [64 DTC 5332], my brother Thurlow said at page 662:

. . . On a taxpayer's appeal to the Court the matter for determination is basically whether the assessment is too high. This may depend on what deductions are allowable in computing income and what are not but as I see it the determination of these questions is involved only for the purpose of reaching a conclusion on the basic question. . . .

    Here the Minister does not seek to increase the amount of the assessment. He seeks to maintain the assessment at the amount he assessed. However by his amendment to his Reply he seeks to ensure that, if the Court should find that the basis of his assessment was wrong, he might then, pursuant to reference back, assess a considerably lesser amount on what he forsees [sic] the Court might say is the correct basis of assessment.

    In M.N.R. v. Beatrice Minden, 62 DTC 1044, Thorson P., the former President of this Court, said at page 1050:

. . . In considering an appeal from an income tax assessment the Court is concerned with the validity of the assessment, not the correctness of the reasons assigned by the Minister for making it. An assessment may be valid although the reason assigned by the Minister for making it may be erroneous. This has been abundantly established.

    In effect the Minister says that for a reason he thinks to be correct he assessed the appellant to income tax at "X" dollars. The appellant says that the reason assigned by the Minister was incorrect. The Minister then says if the Court should hold the basis for his assessment of "X" dollars is erroneous, then for what the Court might find to be the correct reason, he would assess the appellant at "X" minus "Y" dollars.

[Minister's motion allowed]

    This I think the Minister is entitled to do and accordingly I would allow the motion and permit the Minister to amend his Reply to the Notice of Appeal as requested. [...]

[Je souligne.]

[45]     On peut retrouver des propos similaires concernant l'objet d'un appel dans d'autres décisions et notamment dans la décision de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Canada c. Consumers' Gas Co., [1987] 2 C.F. 60, 87 DTC 5008, [1987] 1 C.T.C. 79. À la page 67 du jugement, le juge Hugessen affirmait :

[...] C'est la cotisation du ministre qui fait l'objet d'un appel devant les tribunaux aux termes de la Loi de l'impôt sur le revenu. Bien que le terme « cotisation » puisse être interprété de deux manières différentes, soit comme la procédure au moyen de laquelle l'impôt est évalué, soit comme le produit de cette évaluation, il me semble évident, à la lecture des articles 152 à 177 de la Loi de l'impôt sur le revenu, que le terme y est employé seulement dans son second sens. Cette conclusion découle en particulier du paragraphe 165(1) et du principe bien établi selon lequel un contribuable ne peut ni s'opposer à une cotisation égale à zéro ni interjeter appel contre celle-ci.

[46]     Le jugement du juge Bonner dans l'affaire Chan, précitée, a été porté en appel devant la Cour d'appel fédérale, [2001] A.C.F. no 1528 (QL). Au paragraphe 17 des motifs du jugement rendus par le juge Sexton, celui-ci exprime l'approbation de la Cour à l'égard de l'analyse du juge Bonner concernant la question procédurale soulevée par l'avocat de l'appelant quant à l'effet du paragraphe 152(9) de la Loi de l'impôt sur le revenu.

[47]     Par ailleurs, dans l'affaire Anchor Pointe Energy Ltd. c. Canada, [2003] A.C.F. no 1045 (QL), le juge Rothstein de la Cour d'appel fédérale affirmait ce qui suit aux paragraphes 38 et 39 de la décision :

38         Anchor Pointe tente d'établir une distinction entre un nouveau fondement pour une cotisation et un nouvel argument à l'appui d'une cotisation. Je ne trouve pas utile cette argumentation sémantique. La question qui se pose est celle de savoir si le ministre vise, en s'appuyant sur la décision Global, à faire croître le montant du revenu d'Anchor Pointe qui n'était pas inclus dans une cotisation ou une nouvelle cotisation établie pendant la période normale de nouvelle cotisation.

39         Le ministre ne le visait pas, à mon avis. La présente affaire diffère d'autres, comme Pedwell c. La Reine, 2000 D.T.C. 6050 (C.A.F.), où le ministre avait visé à prendre en compte des transactions différentes de celles ayant servi de fondement aux nouvelles cotisations établies pendant la période de la nouvelle cotisation. Je ne dis pas que la seule chose que le ministre ne peut faire après l'expiration de la période normale de nouvelle cotisation c'est prendre en compte d'autres transactions. Tout ce qui ferait augmenter l'impôt à payer par rapport à ce qui devrait l'être à la fin de la période de nouvelle cotisation serait répréhensible.

[Je souligne.]

[48]     Dans l'affaire Petro-Canada c. Canada, [2004] A.C.F. no 734 (QL), 2004 DTC 6329, au paragraphe 68, la juge Sharlow de la Cour d'appel fédérale confirmait, en s'appuyant sur la décision de la Cour de l'Échiquier dans l'affaire Harris v. M.N.R., précitée, que le juge de la Cour canadienne de l'impôt ne pouvait réduire une déduction accordée par le ministre et qui aurait eu comme conséquence une augmentation du montant de la cotisation « parce que cela aurait eu pour effet d'autoriser la Couronne à faire appel de la cotisation » .

[49]     Je signale également que dans la décision récente dans l'affaire Gould v. Canada, [2005] T.C.J. No. 403 (QL), le juge en chef Bowman interprétait la décision de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Loewen, précitée, dans les termes suivants, au paragraphe 16 de la décision :

[...] As I understand the decision of the Federal Court of Appeal in Her Majesty the Queen v. Charles B. Loewen, 2004 D.T.C. 6321, there is virtually no restriction on what the Crown can plead in a reply and there is no distinction between a new basis of assessment (Continental Bank Leasing Corporation v. The Queen, 98 D.T.C. 6505) and a new argument in support of the assessment (ss. 152(9) of the Income Tax Act).

[50]     Comme on peut le constater, la distinction entre ce qui constitue un changement dans le fondement d'une cotisation et ce qui peut être considéré comme de nouveaux arguments à l'appui d'une cotisation s'avère très difficile à établir et demeure imprécise. Toutefois, on ne peut manquer de constater que les tribunaux ont traditionnellement reconnu qu'une cotisation est essentiellement le résultat d'un processus, résultat qui exprime le montant de l'impôt, de l'intérêt et des pénalités dont un contribuable est redevable, et que c'est ce résultat qui est fondamentalement contesté dans un appel d'une cotisation.

[51]     La décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Banque Continentale, précitée, a sanctionné le principe selon lequel le ministre ne peut, après l'expiration du délai de prescription, avancer un argument qui équivaut à modifier l'hypothèse fondamentale sur laquelle repose la cotisation ou, si l'on veut, « sa base » ou « son fondement » de sorte que l'objet d'un appel deviendrait une cotisation fondamentalement différente de celle qui a été établie. Toutefois, dans la mesure où l'on considère qu'une cotisation représente essentiellement « un montant » , comme l'ont si souvent affirmé les tribunaux, j'estime que le paragraphe 298(6.1) de la Loi - tout comme le paragraphe 152(9) de la Loi de l'impôt sur le revenu - permet au ministre, sous réserve des restrictions qui y sont mentionnées, d'avancer après l'expiration du délai de prescription tout argument fondé sur les faits ou le droit pour défendre, en totalité ou en partie, le montant de la cotisation. Évidemment, la restriction demeure que le ministre ne peut, après l'expiration du délai de prescription, tenter, de quelque façon que ce soit, d'augmenter le montant de la cotisation, ce qui équivaudrait à lui permettre d'en appeler de sa propre cotisation.

[52]     Lorsque le ministre, pour quelque raison que ce soit, par exemple en raison d'une erreur ou de l'insuffisance de la preuve qu'il peut présenter, fait dans un acte de procédure une concession quelconque à un contribuable relativement à une cotisation, concession dont l'effet est de réduire le montant de la cotisation, je ne crois pas que l'on puisse affirmer qu'il tente alors d'en appeler de sa propre cotisation.

[53]     Dans le cas présent, l'hypothèse de base sur laquelle repose la cotisation est que la TPS perçue par l'appelant sur l'ensemble de ses ventes n'a pas été déclarée et remise. La méthode utilisée pour en déterminer le montant demeure ce qu'elle est : une simple méthode de calcul, qui peut s'avérer valable ou non selon les circonstances et qui n'exclut pas d'autres méthodes de calcul.

[54]     L'avocat de l'intimée admet que la cotisation établie par la vérificatrice, madame Lynch, pour la TPS perçue et non remise ne peut être maintenue dans son intégralité compte tenu de la preuve présentée quant à la méthode de calcul utilisée, et donc que cette cotisation est erronée pour partie. Il demande toutefois qu'elle soit maintenue pour partie, toujours en fonction de la preuve présentée fondée sur une autre méthode de calcul. À mon avis, il s'agit tout au plus d'un nouvel argument au soutien (pour partie) de la cotisation établie le 15 décembre 2000 à l'égard de la TPS perçue et non remise pour la période du 1er janvier 1997 au 31 mars 2000, ce qu'autorise le paragraphe 298(6.1) de la Loi.

[55]     En conséquence, l'appel est accueilli et la cotisation est déférée au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant pour acquis que le rajustement de 30 509,43 $ apporté à la TPS doit être réduit à 15 318,88 $ et que les pénalités et intérêts doivent être établis en conséquence, le tout avec dépens en faveur de l'intimée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour d'octobre 2005.

« P. R. Dussault »

Juge Dussault


RÉFÉRENCE :                                   2005CCI605

N º DU DOSSIER DE LA COUR :       2001-3358(GST)G

INTITULÉ DE LA CAUSE :               Réal Beaulieu c. Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                    Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                  le 5 août 2005

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :        l'honorable juge Pierre R. Dussault

DATE DU JUGEMENT :                    le 18 octobre 2005

COMPARUTIONS :

Avocat de l'appelant :

Me Yves Ouellette

Avocat de l'intimée :

Me Gérald Danis

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

       Pour l'appelant:

                   Nom :                              Me Yves Ouellette

                   Étude :

       Pour l'intimée :                             John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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