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Référence : 2006CCI474

Date : 20060901

Dossier : 2005-987(IT)I

ENTRE :

MARCELLA SCHATZ,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

(Rendus oralement à l'audience

à Calgary (Alberta), le 17 mai 2006.)

Le juge Beaubier

[1]      Le présent appel interjeté à l'encontre des pénalités imposées en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ) a été entendu à Calgary (Alberta), le 15 mai 2006. L'appelante a témoigné, ainsi que la vérificatrice de l'ARC chargée du dossier, Jill Ann Armstrong.

[2]      Les questions en litige sont exposées aux paragraphes 5 à 13 de la réponse à l'avis d'appel, qui sont rédigés ainsi :

                   [traduction]

5.          De nouvelles cotisations ont été établies à l'égard de l'appelante pour les années d'imposition 1995, 1996, 1997, 1998, 1999 et 2000. Les avis de nouvelle cotisation étaient datés du 10 février 2003.

6.          Lorsqu'il a établi les nouvelles cotisations le 10 février 2003 pour les années d'imposition 1995, 1996, 1997, 1998, 1999 et 2000, le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a refusé la déduction de pertes d'entreprise de 6 584 $, de 7 474 $, de 9 570 $, de 9 668 $, de 12 610 $ et de 22 879 $, respectivement, et a refusé la déduction de frais de location de 4 744 $ pour l'année d'imposition 1995. La déduction des pertes d'entreprise de l'appelante a été refusée en vertu des articles 9 et 18 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ) au motif qu'il n'existait aucune entreprise et que tous les frais déduits étaient des frais personnels de l'appelante. La déduction des frais de location a été refusée pour 1995 en vertu de l'alinéa 18(1)a) de la Loi au motif qu'il s'agissait de frais personnels de l'appelante. Le ministre a imposé une pénalité à l'appelante en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi pour les années d'imposition 1995, 1996, 1997, 1998, 1999 et 2000 en ce qui concerne tous les rajustements.

7.          L'appelante s'est opposée aux nouvelles cotisations au moyen d'un avis reçu le 1er mai 2003. Dans son avis d'opposition, l'appelante s'est opposée à l'imposition de la pénalité pour faute lourde par le ministre.

8.          Le ministre a ratifié la cotisation concernant la pénalité pour faute lourde dans un avis daté du 4 janvier 2005.

9.          Pour imposer la pénalité pour faute lourde pour les années d'imposition 1995, 1996, 1997, 1998, 1999 et 2000 et la ratifier, le ministre s'est fondé sur les faits suivants :

a)          dans ses déclarations de revenu pour les années d'imposition 1995, 1996, 1997, 1998, 1999 et 2000, l'appelante a déduit une perte d'entreprise à l'égard de « Memories by Marcie » (l' « activité » );

b)          la prétendue entreprise exploitée dans le cadre de l'activité était la conception d'arrangements floraux;

c)          l'activité n'avait aucune source de revenu, et il n'existait aucune entreprise;

d)          tous les frais déduits à l'égard de l'activité étaient des frais personnels de l'appelante;

e)          l'appelante savait qu'elle demandait la déduction de frais personnels et qu'il n'existait aucune entreprise;

f)           l'appelante a déduit des frais à l'égard de l'activité que son époux a déduits dans ses déclarations de revenu;

g)          l'appelante a déduit des frais afférents à un véhicule pour ses enfants à l'égard de l'activité;

h)          l'appelante a déduit des frais pour animaux familiers à l'égard de l'activité;

i)           l'appelante a déduit des frais d'entretien et de réparation, même si l'activité n'avait pas d'actif;

j)           l'époux de l'appelante a établi les déclarations de revenu de celle-ci pour les années d'imposition 1995, 1996, 1997, 1998, 1999 et 2000;

k)          l'appelante a signé ses déclarations de revenu pour les années d'imposition 1995, 1996, 1997, 1998, 1999 et 2000;

l)           l'appelante a, sciemment ou, subsidiairement, dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait un faux énoncé ou une omission dans ses déclarations de revenu pour 1995, 1996, 1997, 1998, 1999 et 2000, ou y a participé, y a consenti ou y a acquiescé lorsqu'elle a déduit des pertes d'entreprise et des frais personnels dans sa déclaration de revenu pour 1995;

m)         en raison de ses faux énoncés ou de ses omissions, l'appelante a sous-évalué son impôt à payer pour les années d'imposition 1995, 1996, 1997, 1998, 1999 et 2000 de 2 382,20 $, de 2 033,50 $, de 2 561,36 $, de 2 551,56 $, de 3 307,10 $ et de 5 725 $, respectivement.

B.         POINT EN LITIGE

10.        Il s'agit de savoir si le ministre a imposé à juste titre une pénalité en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi.

C.         DISPOSITIONS LÉGISLATIVES INVOQUÉES, MOYENS INVOQUÉS ET CONCLUSIONS RECHERCHÉES

11.        Il se fonde sur le paragraphe 163(2) de la Loi dans sa version modifiée pour les années d'imposition 1995, 1996, 1997, 1998, 1999 et 2000.

12.        Le ministre a imposé à juste titre une pénalité de 1 191,10 $, de 1 016,75 $, de 1 280,68 $, de 1 275,78 $, de 1 653,55 $ et de 2 862,50 $ en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi, étant donné que l'appelante a, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait un faux énoncé ou une omission dans les déclarations de revenu qu'elle a produites pour 1995, 1996, 1997, 1998, 1999 et 2000, ou y a participé, y a consenti ou y a acquiescé, de sorte que l'impôt à payer pour les années d'imposition 1995, 1996, 1997, 1998, 1999 et 2000 était supérieur de 2 382,20 $, de 2 033,50 $, de 2 561,36 $, de 2 551,56 $, de 3 307,10 $ et de 5 725,01 $, respectivement, à l'impôt qui aurait été à payer si l'appelante avait fait l'objet d'une cotisation établie d'après les renseignements indiqués dans ses déclarations de revenupour les années.

13.        Il demande que l'appel soit rejeté.

[3]      L'avocat de l'appelante a affirmé notamment que les hypothèses 9e) et i) étaient contestées. Comme la charge de la preuve incombe à l'intimée, les alinéas cités seront examinés de façon approfondie.

[4]      Les paragraphes 5 et 6 de la réponse ont été établis en preuve. Les paragraphes 7 et 8 n'ont pas été contestés. Ils sont reconnus comme étant exacts.

[5]      Les hypothèses 9a), b), f), g), j) et k) ont été établies en preuve. Les commentaires suivants ont été formulés concernant les autres hypothèses :

9c) -    La vérificatrice a déclaré dans son témoignage qu'il n'y avait ni reçu de caisse ni facture. Il y avait seulement des notes prises par l'appelante concernant certaines ventes à des clients, dont seulement le prénom était mentionné dans bien des cas. Dans d'autres cas, des colonnes de chiffres étaient additionnées par l'appelante et le résultat correspondait au chiffre d'affaires total approprié pour l'année. Mme Schatz a indiqué dans son témoignage que si elle donnait un arrangement floral à quelqu'un personnellement, elle inscrivait dans ses documents qu'un prix approprié avait été payé pour l'arrangement. Mme Schatz a dit que le prix qu'elle demandait correspondait au double du coût du matériel utilisé dans un arrangement. Ses propres chiffres montrent qu'elle ne procédait pas de cette façon. Elle demandait bien moins que cela, sauf en 2001, après le début de la vérification.

9d) - L'hypothèse est vraie en ce qui concerne les frais. Parmi les frais déduits, il y avait des dépenses engagées pour le ménage, des frais engagés pour les jours fériés et des frais afférents à un véhicule pour les enfants de l'appelante. Les frais qui auraient été engagés pour les arrangements floraux constituaient eux aussi des frais personnels parce que Mme Schatz avait établi un prétendu chiffre d'affaires pour les arrangements qu'elle donnait en cadeau personnellement et qu'elle n'avait pas précisé quelle partie de ses prétendues ventes était attribuable aux cadeaux qu'elle faisait. Mme Schatz n'a pas non plus mentionné de ventes à des tiers pouvant être vérifiées de quelque façon que ce soit.

9e) -    Mme Schatz a déclaré dans son témoignage que lorsqu'elle avait vu les remboursements importants qu'elle avait reçus, elle avait tout d'abord trouvé cela suspect, mais elle n'avait rien fait. Une année, elle a demandé à son époux, Richard, qui se chargeait de l'établissement de ses déclarations de revenu, pourquoi les remboursements étaient si élevés, et celui-ci a lui répondu que c'était parce que [traduction] l' « espace utilisé pour l'entreprise » avait augmenté. Elle a accepté cette réponse. Mme Schatz a témoigné que, à la date de l'audience, elle était une enseignante avec 37 ans d'expérience titulaire d'un B.Ed. qui faisait des arrangements floraux à des fins thérapeutiques ainsi que pour voir si elle voulait se lancer en affaires dans ce domaine au moment de sa retraite. Elle a donc dit dans ses propres mots qu'elle n'exploitait pas d'entreprise pendant les années en litige. Elle savait toutefois qu'elle déduisait des dépenses d'entreprise parce qu'elle avait rempli divers états des résultats afin que Richard puisse les utiliser pour établir ses déclarations de revenu. Enfin, comme l'avocate de l'intimée le lui a fait remarquer, le montant des remboursements demandés était situé juste au-dessus de sa signature sur les déclarations de revenu. En 1996, le remboursement était 20 fois plus élevé que son prétendu revenu d'entreprise brut. Pour chacune des années en cause, le remboursement était au moins quatre fois plus élevé que son prétendu revenu d'entreprise brut. Ses dénégations selon lesquelles elle ne savait pas qu'elle déduisait des frais personnels et qu'il n'existait aucune entreprise ne sont tout simplement pas crédibles, et la Cour ne la croit pas.

9h) -    L'hypothèse n'a pas été établie en preuve.

9i) -     L'hypothèse est vraie. Les frais d'entretien et de réparation déduits avaient été engagés relativement à des biens personnels de la famille.

9m) - Aucune partie n'a traité de cette hypothèse. L'appelante a toutefois payé la cotisation d'impôt établie. Elle conteste seulement les pénalités et les intérêts calculés à l'égard des pénalités.

[6]      L'hypothèse 9l) et le paragraphe 10 sont au coeur de l'affaire. Pour la Cour, la dénégation de la crédibilité de l'appelante en l'espèce implique que l'appelante a sciemment participé à des faux énoncés dans ses déclarations de revenu. Toutefois, même si elle tient pour acquis la version des faits de l'appelante, la Cour conclut que l'appelante a, dans des circonstances équivalant à faute lourde, acquiescé à des faux énoncés dans toutes les déclarations de revenu en litige lorsqu'elle a déduit des pertes d'entreprise et des frais personnels. Pour reprendre les termes utilisés dans l'édition de 2002 du Shorter Oxford Dictionary, « acquiescer » ( « to acquiesce » en anglais) signifie ce qui suit :

                   [traduction]

acquiescer [...] 1 Rester au repos ou dans un état de soumission complète; être satisfait. [...] 2 Adhérer, notamment tacitement; être d'accord (avec); ne pas élever d'objection. [...]

C'est ce que l'appelante a fait. Elle a mis en doute les demandes de remboursement ou elle a trouvé qu'elles étaient suspectes, mais elle n'a rien fait. Elle a posé des questions à Richard concernant une des déclarations, et elle a été satisfaite de ses réponses. Elle a signé les déclarations, sur lesquelles le montant des remboursements demandés était situé juste au-dessus de sa signature, et elle a pris l'argent des remboursements. Tout cela s'est produit même si sa prétendue activité commerciale était [traduction] « thérapeutique » . De plus, elle n'a pas établi de factures et elle a fourni des chiffres à Richard, qui, selon elle, représentaient sa version du revenu qu'elle aurait gagné et des dépenses [traduction] d' « entreprise » qu'elle aurait assumées. Elle savait qu'une partie de son prétendu revenu, c'est-à-dire la partie qui provenait des arrangements qu'elle avait donnés, était fictive. Selon l'expression éculée, pour ce qui est des remboursements d'impôt importants, elle a « pris l'argent » . Elle a acquiescé à tout ce qui a été fait.

[7]      Pour ces motifs, l'appel est rejeté et l'imposition des pénalités et des intérêts est confirmée.

       Signé à Calgary (Alberta), ce 1er jour de septembre 2006.

« D.W. Beaubier »

Juge Beaubier

Traduction certifiée conforme

ce 26e jour d'octobre 2006.

Marie-Christine Gervais, traductrice


RÉFÉRENCE :                                   2006CCI474

NO DU DOSSIER DE LA COUR :      2005-987(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :               Marcella Schatz c. La Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                    Calgary (Alberta)

DATE DE L'AUDIENCE :                  Le 15 mai 2006

MOTIFS DU JUGEMENT

RENDUS ORALEMENT PAR :          L'honorable juge D.W. Beaubier

DATE DES MOTIFS DU

JUGEMENT RENDUS

ORALEMENT :                                  Le 1er septembre 2006

COMPARUTIONS :

Avocat de l'appelante :

Me Jason M. Stephan

Avocate de l'intimée :

Me Marla Teeling

AVOCAT(S) INSCRIT(S) AU DOSSIER :

       Pour l'appelante :

                   Nom :                              Me Jason M. Stephan       

                   Cabinet :                          Felesky Flynn s.r.l.

       Pour l'intimée :                             John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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