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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Dossier : 2003-2313(IT)I

ENTRE :

SHARON MOODIE,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Appel entendu le 17 juin 2004, à Toronto (Ontario).

Par le juge M.A. Mogan

Comparutions

Pour l'appelante :

L'appelante elle-même

Mandataire de l'intimée :

Kandia Aird (étudiante en droit)

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel interjeté à l'encontre de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1999 est accueilli, avec dépens, et la cotisation est renvoyée au ministre du Revenu national pour qu'il procède à un nouvel examen et établisse une nouvelle cotisation compte tenu du fait que, dans le calcul de son revenu, l'appelante peut déduire des frais de déménagement de 3 466 $.


Signé à Ottawa, Canada, ce 25e jour de juin 2004.

« M.A. Mogan »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Référence : 2004CCI462

Date : 20040625

Dossier : 2003-2313(IT)I

ENTRE :

SHARON MOODIE,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Mogan, C.C.I.

[1]      L'objet du présent appel consiste à déterminer si l'appelante peut déduire de son revenu pour 1999 certains frais de déménagement qu'elle a engagés et payés en 1997. Le résultat dépendra de l'interprétation de l'article 62 de la Loi de l'impôt sur le revenu. L'appelante a choisi que son appel soit régi par la procédure informelle.

[2]      L'appelante a habité à Montréal pendant de nombreuses années alors qu'elle travaillait pour l'Office national du film; cet emploi a pris fin en mai 1997. Comme elle n'était pas bilingue, elle a décidé de se chercher du travail en Ontario. Constatant que le prix des maisons à Toronto était trop élevé, en septembre 1997, elle a signé une convention d'achat pour une maison à Guelph, en Ontario. La date de signature a été fixée pour octobre 1997 parce que la maison était vacante. L'appelante s'est rendue en Ohio pendant la fin de semaine de la Fête du travail pour prendre soin de sa mère qui était malade; elle est revenue à Guelph en octobre pour conclure son achat et faire transporter son mobilier qu'elle avait entreposé. Elle a trouvé un locataire pour l'appartement du sous-sol de sa nouvelle maison. Le 1er janvier 1998, elle a loué un atelier à Guelph pour y lancer sa propre entreprise de fabrication d'ornements de jardin.

[3]      Cette nouvelle entreprise n'a pas été fructueuse, et l'appelante a dû quitter l'atelier en avril 1998. Pour l'année civile 1998, son seul revenu provenait du loyer de l'appartement au sous-sol de sa maison et du solde de ses prestations d'assurance-emploi. Elle n'a tiré aucun revenu d'emploi ou d'entreprise. Lorsqu'elle a interrogé un employé de Revenu Canada à propos de la déduction de ses frais de déménagement de 1997, il lui a répondu que ces frais ne pouvaient être déduits que du revenu d'emploi ou d'entreprise gagné à son nouveau lieu de travail (Guelph).

[4]      Les frais de déménagement de l'appelante en 1997 ont totalisé près de 17 000 $. En 1999, elle a obtenu du travail occasionnel temporaire à l'Université de Guelph, ce qui lui a procuré un revenu de 3 466 $. Lorsqu'elle a produit sa déclaration de revenu pour 1999, elle a retranché de ses frais de déménagement un montant de 3 466 $ qu'elle a déduit du revenu d'emploi qu'elle a gagné à l'Université de Guelph. Revenu Canada a refusé la déduction de 3 466 $, et c'est ce refus qui est en litige dans le cadre du présent appel.

Analyse

[5]      La déduction de frais de déménagement est régie par le paragraphe 62(1) de la Loi qui, avant 1998, se lisait comme suit (l' « ancien paragraphe » ) :

62(1)     Lorsqu'un contribuable a, à un moment donné, commencé :

a)          à exploiter une entreprise ou à être employé dans un lieu au Canada (appelé son « nouveau lieu de travail » au présent paragraphe);

b)          [...]

et a, de ce fait, déménagé d'une résidence située au Canada où, avant le déménagement, il résidait habituellement (appelée son « ancienne résidence » au présent article) pour venir occuper une autre résidence située au Canada où, après le déménagement, il a résidé habituellement (appelée sa « nouvelle résidence » au présent article), de sorte que la distance entre son ancienne résidence et son nouveau lieu de travail est supérieure d'au moins 40 kilomètres à la distance entre sa nouvelle résidence et son nouveau lieu de travail, il peut déduire, dans le calcul de son revenu pour l'année d'imposition au cours de laquelle il a déménagé de son ancienne résidence pour venir occuper sa nouvelle résidence, ou pour l'année d'imposition suivante, les sommes qu'il a payées au titre des frais de déménagement engagés pour déménager de son ancienne résidence pour venir occuper sa nouvelle résidence, dans la mesure où, à la fois :

c)          les sommes n'ont pas été payées en son nom par son employeur;

d)          les sommes n'étaient pas déductibles, en vertu du présent article, dans le calcul du revenu du contribuable pour l'année d'imposition précédente;

e)          les sommes ne seraient pas, sans le présent article, déductibles dans le calcul du revenu du contribuable;

f)           le total de ces sommes ne dépasse :

(i)          dans aucun des cas visés à l'alinéa a), le revenu tiré pour l'année par le contribuable de son emploi à son nouveau lieu de travail ou de l'exploitation de sa nouvelle entreprise à son nouveau lieu de travail,

(ii)         dans aucun des cas visés à l'alinéa b), le total des sommes qui doivent être incluses dans le calcul de son revenu pour l'année, en vertu des alinéas 56(1)n) et o),

g)          tout remboursement ou toute allocation qu'il a reçus relativement à ces frais sont inclus dans le calcul de son revenu.

L'ancien paragraphe a été remplacé par une nouvelle disposition (la « nouvelle disposition » ) qui est entrée en vigueur après 1997 et qui énonçait ce qui suit :

62. (1) Un contribuable peut déduire dans le calcul de son revenu pour une année d'imposition les sommes qu'il a payées au titre des frais de déménagement engagés relativement à une réinstallation admissible dans la mesure où, à la fois :

a)                   elles n'ont pas été payées en son nom relativement à sa charge ou à son emploi ou dans le cadre ou en raison de sa charge ou de son emploi;

b)                   elles n'étaient pas déductibles par l'effet du présent article dans le calcul de son revenu pour l'année d'imposition précédente;

c)                   leur total ne dépasse pas le montant applicable suivant :

(i)                   dans le cas visé au sous-alinéa a)(i) de la définition de « réinstallation admissible » au paragraphe 248(1), le revenu du contribuable pour l'année tiré de son emploi au nouveau lieu de travail ou de l'exploitation de l'entreprise au nouveau lieu de travail, selon le cas,

(ii)                 [...]

d)          les remboursements et allocations qu'il a reçus relativement à ces frais sont inclus dans le calcul de son revenu.

Afin que la nouvelle disposition puisse être applicable, les termes « réinstallation admissible » ont été définis comme suit :

248(1) Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi

« réinstallation admissible » Réinstallation d'un contribuable relativement à laquelle les conditions suivantes sont réunies :

a)          elle est effectuée afin de permettre au contribuable :

(i)          soit d'exploiter une entreprise ou d'occuper un emploi à un endroit au Canada (appelé « nouveau lieu de travail » à l'article 62 et au présent paragraphe),

(ii)         [...]

b)             la résidence que le contribuable habitait ordinairement avant la réinstallation (appelée « ancienne résidence » à l'article 62 et au présent paragraphe) et celle qu'il habitait ordinairement après la réinstallation (appelée « nouvelle résidence » à l'article 62 et au présent paragraphe) sont toutes deux situées au Canada;

c)             la distance entre l'ancienne résidence et le nouveau lieu de travail est supérieure d'au moins 40 kilomètres à la distance entre la nouvelle résidence et le nouveau lieu de travail.

Toutefois pour l'application des paragraphes 6(19) à (23) et de l'article 62 à la réinstallation d'un contribuable qui est absent du Canada mais y réside, il n'est pas tenu compte des mots « au Canada » au sous-alinéa a)(i) de la présente définition ni de son alinéa b);

[6]      Il est clair d'après les mots qui suivent l'alinéa 62(1)b) de l'ancien paragraphe que les frais de déménagement ne pouvaient être déduits que « pour l'année d'imposition au cours de laquelle [le contribuable] a déménagé [...] ou pour l'année d'imposition suivante » . À la lumière des faits sous-tendant le présent appel, en vertu de l'ancien paragraphe, l'appelante ne pouvait déduire ses frais de déménagement que pour l'année d'imposition 1997 (l'année de son déménagement) et pour l'année 1998. Il est important de souligner, toutefois, que ce paragraphe a été remplacé par une nouvelle disposition qui s'applique aux années postérieures à 1997. Or, l'année d'imposition visée par le présent appel est 1999, de sorte que la nouvelle disposition s'applique aux faits en l'espèce.

[7]      Le libellé de l'ancien paragraphe qui obligeait le contribuable à déduire les frais de déménagement dans l'année d'imposition « au cours de laquelle il a déménagé » ou dans l'année d'imposition suivante ne figure plus dans la nouvelle disposition ni dans la nouvelle définition de la « réinstallation admissible » . Je conclus que cette restriction a été omise intentionnellement. Autrement dit, le Parlement visait, pour les années d'imposition suivant 1997, à permettre la déduction des frais de déménagement dans l'année où le contribuable a déménagé ou dans n'importe quelle année subséquente, dans la mesure où le contribuable avait gagné, à son nouveau lieu de travail, un revenu d'emploi ou d'entreprise auquel ces frais pouvaient être imputés. Dans une décision rendue récemment par la Cour dans l'affaire Dalisay c. La Reine (6 février 2004), le juge Rip s'est exprimé comme suit au paragraphe 17 :

[TRADUCTION]

            Les termes « nouveau lieu de travail » ne doivent pas être interprétés de façon stricte. Le sens des mots « exploiter une entreprise ou occuper un emploi à un endroit au Canada » est très large et permet une souplesse d'interprétation en fonction des faits. [...]

[8]      Dans la présente affaire, deux conditions importantes sont imposées par le législateur : premièrement, selon le sous-alinéa 62(1)c)(i), les frais de déménagement ne peuvent être déduits que d'un revenu d'emploi ou d'entreprise tiré par le contribuable à son nouveau lieu de travail; deuxièmement, selon l'alinéa 62(1)b), les frais de déménagement peuvent être déduits seulement dans la mesure où ils n'étaient pas déductibles par l'effet de l'article 62 dans le calcul du revenu pour l'année d'imposition précédente. L'appelante satisfait à ces deux conditions pour les raisons suivantes : (i) le montant de 3 466 $ est déduit de son revenu d'emploi gagné à Guelph pour 1999; (ii) l'appelante n'avait gagné pour 1998 aucun revenu d'emploi ou d'entreprise auquel elle pouvait soustraire ses frais de déménagement. L'appel est accueilli, avec dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 25e jour de juin 2004.

« M.A. Mogan »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL. L.


RÉFÉRENCE :

2004CCI462

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2003-2313(IT)I

INTITULÉ :

Sharon Moodie c. Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 17 juin 2004

MOTIFS DU JUGEMENT :

Le juge M.A. Mogan

DATE DU JUGEMENT :

Le 25 juin 2004

COMPARUTIONS :

Pour l'appelante :

L'appelante elle-même

Pour l'intimée :

Kandia Aird (étudiante en droit)

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l'appelante :

Noms :

S.O.

Cabinet :

S.O.

Pour l'intimée :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

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