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Référence : 2003CCI468

Date : 20030825

Dossiers : 2000-3475(GST)I

2001-2901(IT)G

ENTRE :

JOHN MOLENAAR,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

(prononcés oralement à l'audience le 6 juin 2003 à Sherbrooke (Québec)

et modifiés pour plus de clarté)

Le juge Archambault

[1]      Il s'agit d'appels interjetés par monsieur John Molenaar à l'encontre de cotisations établies en vertu de deux lois, d'abord la Loi de l'impôt sur le revenu (Loi) et la Loi sur la taxe d'accise (LTA). Celles établies en vertu de la Loi concernent les années d'imposition 1993 à 1997 (période pertinente). Pour les années 1993 à 1996, le ministre du Revenu national (ministre) a établi des cotisations au-delà de la période normale de cotisation et, en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi, a imposé des pénalités pour omission de déclarer des revenus. Sauf pour l'année 1993, des pénalités ont aussi été imposées pour ne pas avoir produit les déclarations de revenus dans les délais prescrits. En ce qui a trait à l'année 1997, elle n'est pas prescrite puisque aucune déclaration de revenus n'a été produite pour cette année-là. Une pénalité a été imposée pour ne pas en avoir produit dans les délais prescrits.

[2]      En ce qui a trait à la cotisation établie en vertu de la LTA, elle vise la période du 1er janvier 1994 au 31 décembre 1997. L'année civile 1993 n'est pas visée parce que les revenus bruts gagnés durant cette année étaient inférieurs à 30 000 $. Par conséquent, monsieur Molenaar a été considéré comme un petit fournisseur. Il n'est pas question de prescription dans le cas de cette cotisation puisque M. Molenaar n'a pas produit de déclaration de TPS. La seule pénalité qui a été imposée par le ministre l'a été en vertu de l'article 280 LTA.

[3]      Les montants des cotisations établies en vertu de la Loi et de la LTA (soit les montants des revenus d'entreprise non déclarés et des fournitures taxables non déclarées) ont été déterminés par la méthode de l'avoir net. Selon le ministre, ces montants représentent des revenus tirés de la culture et de la vente de marijuana et de l'élevage et de la vente de chiens.

[4]      Il a été convenu au début de l'audience qu'il n'y aurait contestation ni des pénalités pour ne pas avoir produit les déclarations dans les délais prescrits ni de la pénalité imposée en vertu de l'article 280 LTA.

Contexte factuel

[5]      Monsieur Molenaar est né en 1953. Au milieu des années 70, il a travaillé pendant une période de cinq ans dans le nord de l'Alberta comme machiniste de tours de forage pour environ six mois par année. Pour les autres six mois de l'année, il recevait des prestations d'assurance-chômage. Il a indiqué que ses revenus nets hebdomadaires s'élevaient à environ 2 000 $, ce qui représenterait un revenu d'emploi net annuel de 52 000 $. Il a aussi indiqué qu'il était nourri et logé par son employeur albertain.

[6]      En avril 1981, alors âgé de 27 ans, monsieur Molenaar a subi une blessure grave au dos dans un accident de voiture au Vermont. Son invalidité permanente a été déterminée à 18 pour cent par la Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ). Il a indiqué qu'il n'avait jamais pu travailler par la suite, sauf pendant quelques semaines chez son employeur albertain. Compte tenu de l'insatisfaction de celui-ci, monsieur Molenaar a renoncé à tout emploi. Il a affirmé posséder, au moment de cet accident, des économies accumulées de plus de 100 000 $. Ces sommes n'ont jamais été déposées dans des comptes bancaires parce que monsieur Molenaar n'aurait pas eu confiance dans le système bancaire. Selon monsieur Molenaar, ses seules sources de revenus de 1981 à 1997 étaient ses rentes d'invalidité de la SAAQ, à part, bien évidemment, son revenu d'emploi gagné en 1981 (peut-être) avant son accident d'avril et durant les quelques semaines qui l'ont suivi.

[7]      Après avoir quitté son emploi, monsieur Molenaar est d'abord allé vivre chez son père et il a dit avoir obtenu de l'aide sociale sous forme de prêts en attendant le règlement de la demande d'indemnité qu'il avait faite à la SAAQ. Ce règlement serait intervenu vers la fin de 1985 ou en 1986 et il prétend avoir reçu alors une somme de 120 000 $ ou 130 000 $. À partir de 1987, monsieur Molenaar a reçu une rente annuelle d'invalidité de 9 900 $ et cette somme a augmenté chaque année - probablement en raison de l'indexation - jusqu'à 13 468 $ en 1997, pour un total de 233 504 $ pour la période de 1981 à 1997. Cette somme totale comprend une somme forfaitaire de 3 082 $ versée en 1981 par la SAAQ pour les séquelles de l'accident.

[8]      Monsieur Molenaar dit avoir vécu en 1984 ou 1985 avec une femme dans un appartement situé dans la ville de Waterloo.

[9]      En 1986, plusieurs événements se produisent dans la vie de monsieur Molenaar. En plus du règlement de sa demande d'indemnité par la SAAQ, que j'estime être intervenu à cette époque, une fille est née de sa relation avec sa petite amie. Monsieur Molenaar a acheté un bungalow de 28 000 $, à laquelle somme doivent s'ajouter 40 000 $ pour des rénovations qui se seraient étalées sur une période de trois ans. Ces rénovations comprenaient un agrandissement majeur de sa maison : il a construit de nouvelles fondations de façon à permettre l'ajout d'un salon et d'une chambre à coucher. Pour financer l'achat de cette maison et, vraisemblablement, les travaux d'agrandissement, monsieur Molenaar a emprunté une somme de 50 000 $. Même s'il prétend avoir possédé, à cette époque, 230 000 $ dans son bas de laine (selon toute vraisemblance les 100 000 $ existant en avril 1981 et les 130 000 $ reçus de la SAAQ), monsieur Molenaar a préféré emprunter les 50 000 $ pour, selon ses dires, établir sa crédibilité auprès de la Caisse populaire en prévision de besoins financiers futurs. Toujours en 1986, monsieur Molenaar a subi une opération au coeur pour remplacer une valve, ce qui, selon lui, aurait augmenté son incapacité à 50 p. 100. Finalement, il a perdu son père et a hérité par la suite d'une somme de 8 000 $.

[10]     Le 11 septembre 1997, monsieur Molenaar a été arrêté par la Sûreté du Québec pour culture de marijuana. Les plants de marijuana étaient cultivés sur une terre contiguë au terrain où était sa résidence. On a aussi trouvé des plants suspendus qui séchaient au deuxième étage de son hangar situé près de sa maison. Selon l'enquêteur de la Sûreté du Québec, les installations de culture de marijuana de monsieur Molenaar étaient excellentes. On y trouvait notamment un déshumidificateur, un ventilateur et un système d'irrigation partiellement souterrain rattaché à sa résidence ou à son hangar qui servait à irriguer les plants cultivés sur la terre contiguë à sa résidence. Toujours selon l'enquêteur de la Sûreté, la marijuana produite était d'excellente qualité puisque les plants étaient bien irrigués et bénéficiaient de bons engrais. Il a décrit les installations comme étant une « perle de culture de mari » .

[11]     Lors de l'arrestation de monsieur Molenaar, la Sûreté du Québec a saisi 78 plants de marijuana, dont trois jeunes plants dans le sous-sol de sa résidence. Il y avait en tout 105 kg de marijuana d'une valeur estimée par la Sûreté du Québec à 1 586 000 $. On a aussi saisi quatre armes dont un fusil de calibre 12 se trouvant près de la porte arrière de la résidence de monsieur Molenaar.

[12]     Quelques minutes avant son arrestation, monsieur Molenaar avait affirmé ignorer l'existence de plants de marijuana sur sa terre. Lorsque confronté à la présence de la marijuana en train de sécher au deuxième étage de son hangar, il a reconnu qu'il était pris, que tout ça lui appartenait et il a alors tenté de négocier une entente avec l'enquêteur de la Sûreté du Québec pour détruire la marijuana et pour « qu'on oublie tout ça » , selon les paroles de monsieur Molenaar rapportées par l'enquêteur de la Sûreté du Québec.

[13]     Au poste de la Sûreté du Québec, monsieur Molenaar a nié connaître un certain Sylvain Choinière. Il a refusé de répondre aux questions concernant ses activités reliées à la marijuana sans la présence de son avocat. Les poursuites criminelles qui ont été entreprises contre lui ont abouti à une déclaration de non-culpabilité parce que la Couronne n'avait aucune preuve à présenter.

[14]     Dans son témoignage à l'audience en cette Cour, l'enquêteur de la Sûreté du Québec a indiqué que monsieur Molenaar avait la réputation dans sa région d'être un cultivateur de marijuana.

[15]     Le procureur de monsieur Molenaar a produit au cours de l'audience un article, tiré du journal Le Soleil en date du 13 août 2002, faisant état d'un grave problème de culture de « pot » au Québec. Dans cet article, on indique que le nombre de dossiers reliés à la culture de cannabis a « littéralement explosé » de 1993 à 2001, passant de 373 à 1 837.

[16]     En octobre 1998, le ministère du Revenu du Québec (Revenu Québec) a commencé une vérification de monsieur Molenaar à la suite d'une information reçue relativement à sa culture de marijuana. Comme le vérificateur de Revenu Québec a constaté l'absence de registres comptables et un train de vie supérieur à ce que pouvaient permettre les revenus déclarés par monsieur Molenaar, il a procédé à l'établissement des revenus de celui-ci selon la méthode de l'avoir net. Ce vérificateur a noté que monsieur Molenaar n'avait déclaré aucun revenu dans ses déclarations pour les années 1993 à 1996, quoique les feuillets de la SAAQ y aient été joints. Selon l'agent des appels qui a témoigné à l'audience, ces sommes n'étaient pas assujetties à l'impôt fédéral.

[17]     Le vérificateur de Revenu Québec a indiqué que, pour ses calculs des écarts de l'avoir net, il avait obtenu une bonne collaboration de monsieur Molenaar. Lors de sa première entrevue avec le vérificateur, monsieur Molenaar a affirmé ne pas avoir d'autre argent que celui qu'il possédait à la banque ou son argent de poche qu'il estimait à entre 100 $ et 200 $. La question qu'avait posée le vérificateur à ce moment-là était : « Gardez-vous de l'argent quelque part? » Il avait répondu : « Non. » De plus, il a signé une déclaration produite sous la cote I-2 dans laquelle il affirme :

Que l'argent de poche que j'ai conservé au cours de la période vérifiée a été d'environ 200 $ et est demeuré constant. Que je n'ai pas reçu de cadeaux en argent au cours de la période vérifiée. Que je n'ai jamais gardé des sommes d'argent dans mon coffre-fort au cours de la période vérifiée. Que je n'ai pas reçu les sources de revenus non imposables suivants: CSST, héritage, assurance-vie et gain de loterie au cours de la période vérifiée. Que la seule source de revenus non imposable que j'ai reçu [sic] est les montant de la SAAQ au cours de la période vérifiée. Que je n'ai pas prêté ou emprunté des montants d'argent à des particuliers au cours de la période vérifiée.

[18]     Monsieur Molenaar a aussi signé une procuration pour permettre au vérificateur de Revenu Québec d'obtenir des renseignements de tierces personnes, notamment de la banque, de la Caisse populaire, de la ville, de la commission scolaire, du chiropraticien, du dentiste et du pensionnat où allait sa fille. Dans le calcul des dépenses représentant le coût de vie de monsieur Molenaar, le vérificateur a utilisé les chiffres que lui ont fournis ces tiers, ceux provenant de monsieur Molenaar lui-même, ainsi que des chiffres provenant de Statistique Canada, ceux-ci ayant été ajustés pour tenir compte des renseignements fournis par monsieur Molenaar. Par exemple, au lieu de retenir une somme de 793 $ par année comme frais de restaurant, le vérificateur a accepté le chiffre avancé par monsieur Molenaar de 350 $ par année. Il en est de même en ce qui a trait à l'habillement de sa fille, dont le coût a été considéré comme ne s'élevant qu'à 150 $ par année. Monsieur Molenaar a signé la feuille de travail du vérificateur pour indiquer son accord quant aux chiffres établis selon les données ajustées de Statistique Canada.

[19]     Le vérificateur de Revenu Québec a aussi indiqué que son ministère avait obtenu une information relativement à l'existence d'un permis pour un chenil délivré par la ville où habitait monsieur Molenaar. Lors de sa visite chez ce dernier (qui s'est limitée à l'extérieur de la résidence), le vérificateur a constaté la présence de trois ou quatre cages à chiens.

[20]     J'ai préparé un tableau qui résume succinctement les calculs de l'avoir net du vérificateur de Revenu Québec (et qui comprend des ajustements additionnels reconnus comme valides par lui dans son témoignage) :

1993

1994

1995

1996

1997

TOTAL

Dépens. personnelles

10 487

15 263

19 008

15 919

9 746

Dépens. person. signées

15 952

19 546

18 552

22 913

29 520

Total partiel

26 439

34 809

37 560

38 832

39 266

Ajustements

(82)

(63)

(70)

(524)

(1 462)

Dépens. personnelles

26 357

33 284

37 560

38 762

38 742

174 705

Écarts nets des actifs

(2 300)

32 973

(16 861)

29 762

(5 347)

Ajustements

(12 636)

(2 532)

43 075

(13 822)

(1 993)

(5 000)

Écarts inexpliqués

11 421

58 725

63 774

54 702

31 402

220 024

[21]     Je note que le vérificateur de Revenu Québec a fait une erreur relativement à du matériel roulant et que des ajustements ont été apportés aux calculs pour en tenir compte. Ce vérificateur a indiqué que monsieur Molenaar et son avocat avaient eu l'occasion de présenter des nouveaux éléments de preuve avant qu'il ne termine sa vérification, mais qu'ils ne s'étaient pas prévalus de cette possibilité.

[22]     À l'audience, monsieur Molenaar n'a présenté aucune preuve révélant des erreurs dans les calculs des écarts de l'avoir net, en particulier relativement aux dépenses personnelles et aux chiffres apparaissant aux bilans. Il s'est contenté d'affirmer qu'il avait signé la feuille de travail concernant ses dépenses personnelles sans en connaître précisément les conséquences. Selon lui, il s'agissait d'une estimation banale mais il a reconnu en même temps qu'il avait essayé d'être honnête et poli lors de sa rencontre avec le vérificateur.

[23]     Contre-interrogé par le procureur de monsieur Molenaar relativement aux dépenses personnelles, le vérificateur a reconnu qu'il n'y avait pas de preuve de la date du versement d'une caution de 4 000 $ ordonnée par la Cour du Québec vers la fin de 1997. Dans son témoignage, monsieur Molenaar n'a pas nié l'existence de cette caution et n'a pas indiqué qu'il ne l'avait versée qu'en 1998, ce qui aurait été en dehors de la période de vérification. Par contre, dans la pièce A-1, à l'onglet 8, on trouve la mention suivante en date du 12 septembre 1997: « Cautionnement : accordé engagement (avec condition(s)) » . En dessous, on indique : « $ 4,000.00 pers. Ordonnances : libération » . Plus loin, on trouve, au 31 octobre 1997, une mention que l'accusé est présent et en liberté lors d'une enquête préliminaire.

[24]     Dans son témoignage, monsieur Molenaar a dit avoir utilisé les économies accumulées dans son bas de laine pour payer les dépenses suivantes :

-       159 000 $ de voitures, de motoneiges, de motocyclettes, de bateaux au cours de la période de 1992 à 1997;

-       18 000 $ pour la maison et la rénovation;

-       24 000 $[1] pour le remboursement de prêts et le paiement d'intérêts sur des prêts de 50 000 $ (maison) et de 10 000 $ (matériel roulant).

[25]     Monsieur Molenaar a aussi indiqué qu'il avait utilisé les économies de son bas de laine pour l'achat de deux caméras de surveillance et une vidéo acquise en 1986, dont le coût total s'est élevé à environ 1 800 $ ou 1 900 $, pour l'achat d'armes à feu en 1988 et 1989 au coût de 3 500 $, pour l'acquisition en 1986 d'une antenne parabolique au coût de 1 500 $ à 2 000 $ et pour l'achat d'une clôture en 1986.

[26]     Monsieur Molenaar a indiqué que l'élevage de chiens n'était qu'un passe-temps pour lui (bien qu'il soit décrit comme éleveur de chiens dans un rapport de solvabilité) et que ses dépenses relatives à l'élevage de chiens aient dépassé le produit de ses ventes (même s'il était incapable d'indiquer quel était le montant de ses pertes). Il a informé la Cour que le permis de chenil qu'il avait obtenu de la ville était nécessaire pour toute personne qui possédait plus de deux chiens.

[27]     Monsieur Molenaar a reconnu également qu'il avait accepté une offre faite par monsieur Sylvain Choinière de cultiver de la marijuana sur sa terre en contrepartie d'un partage un tiers / deux tiers,[2] mais qu'il n'avait rien reçu en 1997 en raison de la saisie effectuée par la Sûreté du Québec. Les motifs pour accepter cette offre étaient que son bas de laine diminuait, étant en fait presque vide, et qu'il devait faire face à des dépenses importantes, notamment pour envoyer sa fille au pensionnat : « ça coûtait cher » , a-t-il dit. Toujours selon monsieur Molenaar, c'est monsieur Choinière qui faisait tout le travail parce que, lui-même, il en était incapable en raison de son invalidité. Il n'était pas capable de couper les plants, de transporter l'engrais, de faire sécher les plants ou d'enfouir le système d'irrigation. C'était aussi monsieur Choinière qui avait fourni tout l'équipement nécessaire à la culture de la marijuana. À la fin de son témoignage, monsieur Molenaar a affirmé n'avoir touché aucun revenu provenant de la culture de marijuana de 1993 à 1996 et qu'il n'avait aucune autre source de revenu durant la période pertinente.

[28]     Par contre, monsieur Molenaar n'a pas contredit le témoignage de l'enquêteur de la Sûreté du Québec relativement à l'aveu qu'il faisait la culture de marijuana et à la tentative de négociation qui ont précédé son arrestation.

Analyse

[29]     Tout d'abord, le fardeau de la preuve revient à l'intimée en ce qui a trait aux années prescrites, soit les années 1992 à 1996. Le ministre doit établir selon la prépondérance des probabilités qu'il y a eu une présentation erronée des faits faite par inattention, négligence ou omission volontaire. Le fardeau de la preuve revient aussi à l'intimée en ce qui a trait à l'imposition de la pénalité en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi, c'est-à-dire que l'intimée doit établir que monsieur Molenaar a fait sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde un faux énoncé dans ses déclarations de revenus. Pour ce qui est du reste, monsieur Molenaar a le fardeau de démontrer que les cotisations étaient erronées pour toutes les années concernées (à supposer, évidemment, que le ministre ait établi son droit de faire une cotisation au-delà de la période normale de cotisation). Ce fardeau existe tant en ce qui a trait aux cotisations établies en vertu de la Loi qu'à celle établie en vertu de la LTA.

[30]     La méthode de l'avoir net a toujours été reconnue en ce qui a trait aux cotisations d'impôt faites en vertu de la Loi. En ce qui a trait à la LTA (loi plus récente), plusieurs décisions de cette Cour ont reconnu que le ministre pouvait établir selon cette même méthode le montant de la TPS dû par un contribuable ou par un inscrit. Cela a été reconnu notamment dans une décision rendue sous le régime de la procédure générale dans l'affaire Luso Construction Ltd. c. Canada, [1999] A.C.I. no 323 (QL) (angl.) 99 GTC 3170 et dans des décisions rendues sous le régime de la procédure informelle, en particulier Mathur v. The Queen, 2001 GTC 563, Siddiqi c. Canada, [2001] A.C.I. no 284 (QL) (angl.) 2001 GTC 426, Aubé c. Canada, [2002] A.C.I. no 279 (Q.L.), 2002 GTC 330, Pal v. The Queen, 2002 GTC 257.

[31]     Dans l'affaire Mathur, mon collègue le juge Hamlyn fait une bonne analyse de la jurisprudence et de la législation, que je reproduis ici :

Jurisprudence and Legislation

[17]       In Ramey v. The Queen, 93 DTC 791 (T.C.C.) at page 793 Judge Bowman (as he then was) described the net worth method as follows:

A net worth assessment involves a comparison of a taxpayer's net worth, i.e., the cost of his assets less his liabilities, at the beginning of a year, with his net worth at the end of the year. To the difference so determined there are added his expenditures in the year. The resulting figure is assumed to be his income unless the taxpayer establishes the contrary.

[18]       According to subsection 152(4) of the Income Tax Act, the Minister may reassess a taxpayer at any time within the normal reassessment period, which is extended if some conditions occur. This provision must be read with subsections 152(7) and (8). The former provides that the Minister is not bound by the information supplied by the taxpayer; the latter purports a presumption of validity of the assessment or reassessment. Thus, the burden is on the Appellant to prove that the reassessment is incorrect. Judge Lamarre stated this rule as follows in Dowling v. The Queen, 96 DTC 1250 (T.C.C.) at p. 1251:

The Appellant has the burden of showing that the basis of the Minister's assessment is wrong or that there are errors in certain items of the assessments [...] Therefore, when a taxpayer is faced with a reassessment based on a net worth calculation, he can either try to present evidence enabling the Court to determine his real net income or he can seek to prove that the net worth assessment is wrong.

[19]       A net worth assessment for GST purposes is authorized by subsection 299(1) of the Excise Tax Act and reads:

299. (1) The Minister is not bound by any return, application or information provided by or on behalf of any person any [sic] may make an assessment, notwithstanding any return, application of [sic] information so provided or that no return, application or information has been provided.

[20]       The net worth assessment under subsection 299(1) of the Excise Tax Act is almost identical to the powers of the Minister to issue a net worth assessment under subsection 152(7) of the Income Tax Act. With respect to GST cases, it has been established that the onus is on the Appellant to show that on the balance of probabilities the assessment that imposes the liability of tax is in error. With respect to the Appellant's onus, Christie, A.C.J.T.C.C. (as he then was) stated in SDC Sterling Development Corp. v. Canada, [1997] G.S.T.C. 103 (T.C.C.) at page 103-5:

The onus is on the Appellant to show that the reassessment is in error. This can be established on a balance of probabilities. Where the onus lies has been settled by numerous authorities binding on this Court. It is sufficient to refer to two judgments of the Supreme Court of Canada in this regard: Anderson Logging Co. v. The King, [1925] S.C.R. 45 and Johnston v. M.N.R., [1948] S.C.R. 486.

[21]       However, in auditing an appellant, the auditors of the CCRA have "a duty to perform audits which meet a minimum standard of reliability". If the audit meets a minimum standard of reliability, the onus is on the Appellant to show that the assessment is in error.

The Burden of Proof Analysis

[22]       The Appellant in order to be successful must refute the net worth/reasonableness test calculations and conclusions of the Respondent's audit. This means the Appellant must address on a line-by-line, conclusion-by-conclusion basis with precise evidence, not broad based global or vague assertions without specifics.

                                                                                      [Je souligne.]

[32]     Le sort des appels dépend ici en grande partie de la crédibilité du témoignage de monsieur Molenaar pour contredire la preuve présentée par l'intimée sur les éléments essentiels que sont en l'espèce la participation de monsieur Molenaar à la culture de la marijuana, l'existence d'une entreprise d'élevage de chiens et les écarts non expliqués révélés par la méthode de l'avoir net. Il dépend aussi de la crédibilité du témoignage de monsieur Molenaar selon lequel ces écarts ont été financés par des économies accumulées avant 1993 et cachées dans son bas de laine.

[33]     De prime abord, la crédibilité de monsieur Molenaar est entachée parce qu'il a notamment menti deux fois à l'enquêteur de la Sûreté du Québec. Il l'a fait lorsqu'il a nié connaître l'existence des plants de marijuana dans son champ et lorsqu'il a nié connaître monsieur Choinière. Tel que la preuve le révèle, monsieur Molenaar a avoué par la suite à l'enquêteur de la Sûreté du Québec être au courant de l'existence de ces plants de marijuana. Évidemment, la présence des plants suspendus dans son hangar et les plants trouvés dans son sous-sol sont révélateurs. De plus, il a reconnu dans son témoignage devant cette Cour qu'il avait accepté une offre de monsieur Choinière de faire la culture de la marijuana chez lui.

[34]     En outre, il existe plusieurs contradictions, non seulement entre les déclarations faites par monsieur Molenaar au vérificateur de Revenu Québec et celles faites devant cette cour, mais aussi entre différentes déclarations faites à l'audience. Par exemple, il a déclaré au vérificateur qu'il ne gardait pas d'argent ailleurs que dans des institutions financières, sauf un peu d'argent de poche (entre 100 $ et 200 $), mais à l'audience, monsieur Molenaar a dit qu'il gardait dans son bas de laine des économies totales de 230 000 $ constituée de ses économies de 100 000 $ existant au moment de son accident en avril 1981 et provenant de son travail chez l'employeur albertain, et des 130 000 $ reçus en 1986 de la SAAQ. Il a dit que ces économies avaient été suffisantes pour financer son train de vie pour la période pertinente. De plus, il a dit ne pas se souvenir s'il avait informé le vérificateur de l'existence de son bas de laine. Plus tard, il a changé cette version et a dit qu'il avait à plusieurs reprises mentionné au vérificateur l'existence d'un « vieil argent » .

[35]     Un autre élément de contradiction, à mon avis, est son affirmation qu'il était incapable d'enfouir des tuyaux de drainage, de transporter de l'engrais, de couper des plants de marijuana et de les suspendre. À une question posée par son procureur sur les conséquences pour lui de son invalidité, il a dit qu'il ne pouvait s'occuper que de l'élevage de ses chiens : « En raison de mon manque de souffle et de mon état, c'est à peu près tout ce que je pouvais faire, faire l'élevage de mes chiens » . Or, plus tard dans son témoignage, il a dit également avoir effectué lui-même la rénovation importante de sa maison ainsi que la construction de son hangar de deux étages, et ce, même après avoir subi son opération du coeur en 1986. Il a bien dit qu'il avait obtenu de l'aide, qu'il échangeait ses bons services contre ceux de certains de ses amis, ce qu'il a décrit comme du « troc » , et qu'il avait donné en sous-traitance la construction des fondations pour l'agrandissement de sa maison. Toutefois, le travail nécessaire pour s'occuper lui-même de ses rénovations était exigeant. Même s'il a obtenu de l'aide, il a du faire lui-même une bonne partie du travail. Il est difficile à croire que ses amis ont fait tout le travail pour lui. Il m'apparaît peu vraisemblable qu'il ait été incapable d'enfouir des tuyaux de drainage, de transporter de l'engrais et de suspendre des plants de marijuana.

[36]     Je vais maintenant commenter la preuve de l'intimée en ce qui a trait aux écarts inexpliqués de l'avoir net, indicatifs de revenus non déclarés très importants. Les calculs effectués par le vérificateur de Revenu Québec indiquent des écarts totalisant 220 024 $ durant la période pertinente, soit pour une période de cinq ans. Il s'agit d'écarts annuels moyens de 44 000 $ alors que monsieur Molenaar n'a déclaré aucun revenu et n'a eu comme sources de fonds qu'une rente annuelle moyenne de 13 101 $, des prestations fiscales pour enfant et des remboursements de TPS. Selon mes calculs, ces sources de fonds lui ont donné durant la période pertinente 74 160 $, soit 65 507 $ provenant de la SAAQ, 4 432 $ de prestations fiscales pour enfant et 4 221 $ de remboursements de TPS. Pendant cette même période, il avait un coût de vie de 174 705 $. J'ai relevé des versements en argent de 111 017 $ pour l'achat d'automobiles, de bateaux, de motocyclettes, de motoneiges. Il s'agit de versements qu'à faits monsieur Molenaar à même ses propres fonds; j'exclus donc à ces fins l'argent emprunté et la valeur des reprises. Il y a eu également des achats de meubles de 7 022 $. En ne tenant compte que de ces éléments-là, j'arrive à un déficit de 218 584 $ (74 160 $ - 174 705 $ -111 017 $ - 7 022 $), ce qui est approximativement le montant des écarts révélés par la méthode de l'avoir net.

[37]     Le calcul des écarts établis par le vérificateur de Revenu Québec est fondé en partie sur des données objectives. Il y a des documents comme les cartes de crédit, les factures, les confirmations de fournisseurs comme le chiropraticien et le pensionnat. Une autre partie des données provient de Statistique Canada, mais ces données ont été ajustées en fonction des observations faites par monsieur Molenaar. Il a lui-même approuvé ces chiffres en signant la feuille de travail préparée par le vérificateur. Même s'il ne comprenait pas toutes les implications et les conséquences des données qu'il a fournies au vérificateur, monsieur Molenaar avait l'obligation de lui fournir honnêtement des réponses exactes. D'ailleurs, il admet lui-même qu'il a été honnête dans ses discussions avec le vérificateur.

[38]     Les chiffres que l'on trouve dans les calculs du vérificateur m'apparaissent très raisonnables. Par exemple, les frais d'habillement de 150 $ par année pour sa fille et de 133 $ pour monsieur Molenaar lui-même me semblent très bas, tout comme les frais de restaurant de 350 $ par année. Le montant d'environ 147 $ par année retenu pour les soins de santé m'apparaît indûment faible pour une personne qui souffre d'invalidité physique. Il y a aussi certaines des dépenses de monsieur Molenaar qui n'ont pas été ajoutées à son coût de vie, en particulier des frais de 1 000 $ par année pour l'entretien de ses chiens. Les calculs du vérificateur ne comprennent pas non plus des ajustements, comme on en fait souvent lorsque le ministre utilise la méthode de l'avoir net pour des dépôts bancaires importants non identifiés.

[39]     Il y a eu certaines erreurs de double inscription et des ajustements ont été effectués pour corriger ces erreurs, corrections que, je le rappelle, on a apportées à l'initiative de l'intimée, soit au début de l'audience ou durant le témoignage du vérificateur, qui avait constaté les erreurs lui-même. Les seuls points faibles que j'ai pu relever dans les calculs du vérificateur consistaient d'une part, dans l'ajout d'une rubrique « Autres transactions de Visa » , ce qui pouvait peut-être donner lieu à des doubles inscriptions, et, d'autre part, dans la caution de 4 000 $ dont le paiement aurait pu survenir après la période pertinente. Le montant de ces « Autres transactions de Visa » s'élève à 6 996 $. Si on y ajoute les 4 000 $ de la caution, le montant qui pourrait être suspect s'élève à 10 996 $. Par rapport à des écarts inexpliqués de 220 024 $, il s'agit là d'un faible montant, représentant 5 pour cent. Je note que monsieur Molenaar n'a présenté aucune preuve pour établir le caractère erroné de ces données. De plus, il est probable que la caution a bien été versée en 1997, puisqu'elle avait pour objet de permettre la libération de monsieur Molenaar et qu'il a été libéré avant la fin de 1997.

[40]     Maintenant, traitons de l'explication fournie par monsieur Molenaar relativement à l'écart total de 220 024 $ qui, selon lui, a été financé par ses prétendues économies de 230 000 $ cachées dans son bas de laine. J'aimerais traiter tout d'abord de la question des 130 000 $ provenant de la SAAQ et, plus particulièrement, de la nature de cette somme. Selon monsieur Molenaar, celle-ci représente le paiement d'un arriéré parce que cela aurait pris quatre ou cinq années à négocier le règlement de la rente. Or, la note émanant de la SAAQ confirme que la seule somme forfaitaire qui a été versée à monsieur Molenaar est celle de 3 082 $. Donc, les 130 000 $ ne peuvent pas représenter une somme forfaitaire additionnelle comme l'a laissé croire une question posée par le procureur de monsieur Molenaar dans son contre-interrogatoire du vérificateur.

[41]     Quant au montant de 130 000 $ lui-même, je crois qu'il y a méprise de la part de monsieur Molenaar. Les données les plus fiables concernant les rentes d'invalidité sont celles provenant de la SAAQ. Elles fournissent les montants annuels auxquels aurait eu droit monsieur Molenaar. Les sommes versées pour les années 1981 à 1986 s'élèvent à 101 343 $. Or, dans son témoignage, monsieur Molenaar parlait d'une somme de 130 000 $. Cette différence entre les deux montants pourrait s'expliquer, au moins en partie, par des intérêts, mais il n'y a aucune preuve là-dessus. De plus, les montants annuels indiqués pour la période à laquelle se rapporte l'arriéré (soit de 1981 à 1986) sont plus élevés que les montants versés par la suite. Les versements ont débuté à 9 900 $ (en 1987) et ont grimpé chaque année par la suite pour atteindre 13 468 $ (1997). Donc, il est fort probable que le montant de 101 343 $ versé en 1986 comprenait déjà les intérêts sur l'arriéré. À mon avis, la preuve provenant de la SAAQ a une valeur probante beaucoup plus élevée que le témoignage de monsieur Molenaar, qui ne constitue qu'une estimation bien approximative. Ce témoignage n'est fondé que sur un souvenir de faits survenus 17 ans plus tôt et n'est corroboré par aucun autre élément de preuve.

[42]     Je vais maintenant commenter l'affirmation de monsieur Molenaar qu'il avait toujours à sa disposition, au début de la période pertinente, soit au début de 1993, des économies de 100 000 $ pour financer les écarts inexpliqués déterminés par la méthode de l'avoir net. Tout d'abord, je note qu'il n'y a pas de preuve de l'existence de ces 100 000 $, si ce n'est l'affirmation de monsieur Molenaar faite plus de 22 ans après le fait. Cet argent, selon l'aveu même de monsieur Molenaar, n'a jamais été déposé dans aucun compte bancaire. Il est quand même surprenant que l'on possède dans un bas de laine des sommes aussi importantes que l'on a gagnées comme revenu d'emploi (vraisemblablement déclaré aux autorités fiscales). De plus, monsieur Molenaar n'a jamais informé le vérificateur de l'existence de ces économies de 100 000 $. Au contraire, il a nié l'existence d'argent possédé ailleurs que dans son compte bancaire, sauf son argent de poche. Dans ces circonstances, on ne peut ajouter foi au témoignage de monsieur Molenaar sur cette question.

[43]     De plus, même si je tenais pour avéré le fait que monsieur Molenaar possédait cette somme de 100 000 $ au mois d'avril 1981 (soit au moment de son accident), il est invraisemblable qu'il lui ait resté encore de ces économies ainsi que des prétendues économies faites à même les rentes d'invalidité de la SAAQ versées avant 1993. Compte tenu des faibles revenus de monsieur Molenaar, il est plus vraisemblable que les économies en question ont été entièrement utilisées avant le début de la période pertinente; l'affirmation de monsieur Molenaar qu'il n'avait pas d'autre argent serait, à ce moment-là, la bonne.

[44]     Voici l'analyse sur laquelle je m'appuie pour adopter cette conclusion. Le tableau qui suit confirme que les économies de 100 000 $ auraient été insuffisantes pour couvrir le coût de vie pour la période de 1981 à 1992. Il révèle plutôt un déficit de 5 834 $ :

8 000    

Héritage 86

       167 997    

Rente d'invalidité de la SAAQ 81-92

       100 000    

Économies accumulées détenues en 81

       275 997    

Total (sources de fonds)

     (139 764)   

Coût de vie

     (142 067)   

Avoir net de 92 corrigé

          (5 834)   

(Déficit) surplus

[45]     Ce tableau tient compte de trois sources de fonds disponibles à M. Molenaar : l'héritage de 8 000 $ reçu à la suite du décès de son père en 1986, les sommes versées par la SAAQ de 1981 à 1992 et les économies accumulées de 1981. Quant au coût de vie de monsieur Molenaar de 139 764 $, je l'ai estimé de la façon suivante. Durant la période pertinente, le coût de vie moyen s'élevait à 34 941 $. En adoptant comme hypothèse que le coût de vie moyen pour la période de 1981 à 1992 ne représentait que le tiers de cette somme, on arrive à un coût de vie moyen de 11 647 $. Donc, le coût de vie total pour cette période de 12 ans s'élève à 139 764 $. Monsieur Molenaar a aussi acquis des biens durant cette période antérieure à 1993. J'ai utilisé le montant de l'avoir net à la fin de décembre 1992, qui tient compte des seuls actifs existant à cette date, tels que relevés par le vérificateur. Ce chiffre exclut tout autre actif que monsieur Molenaar a pu acquérir avant 1993, mais qui n'existait plus au 31 décembre 1992. De plus, il ne comprend aucun mobilier puisque le vérificateur n'a rien indiqué à cet égard dans son bilan pour l'année 1992. Il ne comprend pas non plus le coût des caméras de surveillance et de la vidéo (1 800 $ ou 1 900 $ en 1986), celui de l'antenne parabolique (de 1 500 $ à 2 000 $ en 1986), de la clôture (1986) et du coût des armes (3 500 $ en 1988 et 1989).

[46]     Je n'ai tenu compte d'aucune aide sociale parce que monsieur Molenaar a indiqué que cette aide avait pris la forme de prêts et je présume que ces sommes ont été remboursées au moyen du paiement de 101 343 $ qu'il a reçu de la SAAQ pour la période de 1981 à 1986.

[47]     Maintenant, si j'adopte l'hypothèse - moins avantageuse pour monsieur Molenaar et probablement plus réaliste - d'un coût de vie de 50 pour cent de 34 941 $, soit 17 471 $, j'arrive à un déficit de 75 716 $, comme le révèle ce tableau :

8 000    

Héritage 86

       167 997    

Rente d'invalidité SAAQ 81-92

       100 000    

Économies accumulées détenues en 81

       275 997    

Total (sources de fonds)

     (209 646)   

Coût de vie

     (142 067)   

Avoir net de 92 corrigé

        (75 716)   

(Déficit) surplus

[48]     Un autre indice à l'appui de cette conclusion que les économies de 100 000 $ avaient été entièrement utilisées avant 1993 est le fait que monsieur Molenaar a acheté, de 1984 à 1992, des voitures, motocyclettes, motoneiges et bateaux pour un total minimum de 92 696 $[3] payé en espèces (donc avec son propre argent). Et

j'insiste pour indiquer que les sommes dont il est question ici excluent la valeur des reprises. Si on ajoute au chiffre de 92 696 $ les 18 000 $ versés en espèces pour l'achat de la maison, on arrive à une somme minimale de 110 696 $ utilisée par monsieur Molenaar de 1984 à 1992.

[49]     Par conséquent, non seulement il ne restait au début de la période pertinente, plus rien des prétendues économies de 100 000 $ (qui auraient été accumulées jusqu'en 1981), mais le déficit que j'ai déterminé pourrait même être indicatif d'autres revenus non déclarés durant la période de 1981 à 1992. En tout cas, il ne permet pas d'expliquer comment monsieur Molenaar aurait pu accumuler un avoir net de 142 067 $ au 31 décembre 1992.

[50]     En conclusion, monsieur Molenaar n'avait pas ou n'avait plus d'économies dans son bas de laine au 31 décembre 1992. Par conséquent, il est raisonnable de conclure que les écarts inexpliqués proviennent de revenus imposables gagnés pendant la période pertinente.

[51]     J'aimerais maintenant commenter la preuve de l'existence d'une entreprise de culture de marijuana et d'élevage de chiens. La preuve présentée à l'audience par l'enquêteur de la Sûreté du Québec révèle qu'il y a eu culture de marijuana sur la terre et dans les bâtiments appartenant à monsieur Molenaar. La déclaration de non-culpabilité pour défaut de preuve n'est pas concluante aux fins de ces appels. D'ailleurs, monsieur Molenaar a reconnu lui-même dans son témoignage qu'il avait été impliqué dans la culture de marijuana avec monsieur Choinière au cours de l'année 1997. Toutefois, il affirme n'avoir rien touché, « empoché » selon son expression, en 1997 et rien non plus de 1993 à 1996.

[52]     A mon avis, cette affirmation de monsieur Molenaar n'est pas crédible pour les motifs déjà mentionnés. Je vais évoquer à nouveau certains de ces motifs. Il y a les mensonges faits à l'enquêteur de la Sûreté du Québec, les contradictions que j'ai déjà relevées dans le témoignage de monsieur Molenaar, la preuve d'écarts importants révélés par la méthode de l'avoir net, et les autres indices révélés, par exemple, par l'achat en espèces d'un matériel roulant important. De moindre importance, mais s'ajoutant aux faits déjà mentionnés, il y a la réputation qu'avait monsieur Molenaar dans la région de faire de la culture de marijuana, l'augmentation considérable de la culture de « pot » de 1993 à 2001, comme le révèle l'article du Soleil. Enfin, il y a l'élément de la valeur économique de la marijuana saisie en 1997, qui s'élevait à environ 1,5 M$.

[53]     Selon moi, l'ensemble de la preuve que j'ai entendue à l'audience montre, selon la prépondérance des probabilités, que monsieur Molenaar a touché durant la période pertinente des sommes importantes provenant de ses activités de culture de marijuana et que ces activités représentent la source de tous les revenus imposables non déclarés par monsieur Molenaar[4]. Par conséquent, il n'est pas nécessaire de déterminer si l'élevage des chiens constituait un passe-temps ou une entreprise.

[54]     Ayant conclu que monsieur Molenaar était impliqué dans la culture de la marijuana, qu'il a gagné des revenus d'entreprise au moins égaux aux écarts déterminés par la méthode de l'avoir net et que ces revenus n'ont pas été inclus dans ses déclarations de revenus pour la période de 1993 à 1996, je conclus également que c'est par omission volontaire, ou à tout le moins dans des circonstances équivalant à faute lourde, que ces revenus ont été omis. Monsieur Molenaar savait ou aurait dû savoir qu'il devait déclarer les revenus tirés de son entreprise de culture de marijuana - même s'il s'agissait d'une activité criminelle - et, par conséquent, la pénalité établie par le ministre en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi pour la période de 1993 à 1996 était justifiée.

[55]     Pour les mêmes motifs, il va de soi que monsieur Molenaar a fait une présentation erronée des faits par inattention, négligence ou omission volontaire et que le ministre était fondé à établir une cotisation à l'égard de monsieur Molenaar au-delà de la période normale de nouvelle cotisation.

[56]     En ce qui a trait à l'appel interjeté en vertu de la LTA, il avait été convenu de l'entendre sur preuve commune avec les appels introduits en vertu de la Loi et, si je concluais que les écarts inexpliqués représentaient de l'argent provenant de la culture de la marijuana, les fournitures de marijuana seraient considérées comme des « fournitures taxables » dont les montants seraient égaux aux montants de revenus non déclarés établis aux fins de la Loi. Compte tenu de mes conclusions énoncées plus haut, il n'y a pas lieu de modifier la cotisation de TPS, sauf pour permettre la diminution des montants de fournitures taxables pour tenir compte des ajustements apportés au cours de l'audience aux montants des écarts inexpliqués.

[57]     En définitive, les appels sont accueillis et les cotisations sont déférées au ministre pour nouvel examen et nouvelles cotisations en tenant pour acquis que les montants des revenus non déclarés aux fins de la Loi et des fournitures taxables aux fins de la LTA sont: pour l'année 1993, 11 421,35 $; pour 1994, 58 727,76 $; pour 1995, 63 775,28 $; pour 1996, 54 703,30 $; pour 1997, 31 403,37 $. Le chiffre pour 1993 n'est valide qu'aux fins de la Loi. En effet, la période du 1er janvier au 31 décembre 1993 ne fait pas l'objet d'une cotisation aux fins de la LTA. L'intimée a droit aux dépens, mais uniquement quant aux appels interjetés en vertu de la Loi puisque l'appel en vertu de la LTA est régi par la procédure informelle.

Signé à Ottawa, Canada, ce 25e jour d'août 2003.

« Pierre Archambault »

Juge Archambault


RÉFÉRENCE :

2003CCI468

No DES DOSSIERS DE LA COUR :

2000-3475(GST)I et 2001-2901(IT)G

INTITULÉ DE LA CAUSE :

John Molenaar et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :

Sherbrooke (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :

les 2, 3 et 6 juin 2003

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

l'hon. juge Pierre Archambault

DATE DU JUGEMENT :

le 25 août 2003

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :

Me Robert Jodoin

Pour l'intimée :

Me Stéphanie Côté

Me Alain François Meunier

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER:

Pour l'appelant :

Nom :

Me Robert Jodoin

Étude :

Jodoin Huppé Avocats, s.e.n.c.

Granby (Québec)

Pour l'intimée :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada



[1] Ce montant de 24 000 $ représente un chiffre avancé par le procureur de l'intimée. Utilisant mes propres calculs, j'arrive plutôt à un total de 36 544 $.

[2] Monsieur Molenaar n'a pas précisé si le partage portait sur les bénéfices et qui avait droit à quelle part.

[3] Ce chiffre, évidemment, ne représente que le total des biens qui ont pu être identifiés lors de la présentation de la preuve. Le but n'était pas, bien sûr, de produire une preuve exhaustive de tous les véhicules qui ont pu être acquis de 1984 à 1992. Le total de ces achats pour la période de 1984 à 1997 s'élève à 203 713 $. Il s'agit de beaucoup de matériel roulant pour quelqu'un qui n'a comme source de revenu qu'une rente d'invalidité annuelle d'une douzaine de milliers de dollars!

[4] Même si une quantité importante de marijuana a été saisie en 1997, je tiens pour acquis que monsieur Molenaar a fait la culture de marijuana de 1993 à 1996 et qu'il avait des stocks suffisants de marijuana pour en tirer les revenus déterminés par la méthode de l'avoir net.

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