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Dossier : 2002-2469(GST)I

ENTRE :

MELVILLE MOTORS LTD.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu le 19 juin 2003 à Regina (Saskatchewan)

Devant : L'honorable juge D. W. Beaubier

Comparutions

Représentant de l'appelante :

Gregory Edward Kohnen

Avocat de l'intimée :

Me Lyle Bouvier

____________________________________________________________________

JUGEMENT

L'appel interjeté à l'encontre de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d'accise, dont l'avis est daté du 26 avril 2001 et porte le numéro 09ES0000117, est accueilli et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation conformément aux motifs du jugement ci-joints.

Signé à Vancouver (Colombie-Britannique), ce 22e jour de juillet 2003.

« D. W. Beaubier »

Juge Beaubier

Traduction certifiée conforme

ce 12e jour de février 2004.

Crystal Lefebvre, traductrice


Référence : 2003CCI444

Date : 20030722

Dossier : 2002-2469(GST)I

ENTRE :

MELVILLE MOTORS LTD.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Beaubier

[1]      Le présent appel interjeté conformément à la procédure informelle a été entendu à Regina, en Saskatchewan, le 19 juin 2003. Gregory Kohnen, le marchand principal et propriétaire partiaire de l'appelante qui est une concessionnaire de Ford du Canada Limitée, était le seul témoin appelé. M. Kohnen était également le comptable interne de l'appelante.

[2]      Les questions portées en appel sont soulignées aux paragraphes 7 à 12 inclusivement de la Réponse à l'avis d'appel ainsi rédigés :

[Traduction]

7.          En établissant la cotisation à l'égard de l'appelante, le ministre s'est fondé sur les hypothèses de fait suivantes portant sur la période pertinente :

a)          l'appelante était inscrite aux fins de la Loi sur la taxe d'accise (la « Loi » );

b)          l'appelante devait trimestriellement produire des déclarations pour les périodes de déclaration se terminant le 1er janvier 1997 et le 31 décembre 1999;

c)          l'appelante devait produire des déclarations chaque mois pour la période de déclaration se terminant en 2000;

d)          l'appelante a produit des déclarations faisant état de la taxe à percevoir, des crédits de taxe sur les intrants et de la taxe nette, tel que cela est établi à l'annexe A ci-jointe;

e)          l'appelante exploitait une concession d'automobile;

f)           en 1999 ou en 2000, l'appelante a payé une allocation aux personnes (les « salariés » ) suivantes pour l'usage d'un véhicule au sein de son entreprise (l' « indemnité de millage » ) :

                        (i)          Rick Gray,

                        (ii)         Wayne Stelmackowich,

                        (iii)        Ron Wilson,

                        (iv)        William Finishen;

g)          tous les salariés étaient embauchés par l'appelante dans le domaine des ventes de véhicules;

h)          chacun des salariés louait un véhicule pour usage au sein de l'entreprise de l'appelante;

i)           les véhicules mentionnés ci-dessus étaient loués de l'appelante;

j)           les salariés changeaient souvent de véhicule loué;

k)          les salariés utilisaient les plaques d'immatriculation du concessionnaire pour les véhicules qu'ils utilisaient au sein de l'entreprise de l'appelante et qui étaient loués de cette dernière;

l)           l'indemnité de millage payé à chacun des salariés pour une année était égale au montant des paiements de location, notamment la TPS, que les salariés versaient à l'appelante au cours de l'année;

m)         l'appelante percevait au moins 719,62 $ à titre de TPS des salariés relativement aux paiements de location qu'ils avaient versés à l'appelante en 1999;

n)          l'appelante a déduit au moins 719,62 $ à titre de crédits de taxe sur les intrants relativement à l'indemnité de millage qu'elle avait versée à ses salariés en 1999;

o)          l'appelante a perçu au moins 1 025,12 $ à titre de TPS des salariés relativement aux paiements de location qu'ils avaient versés à l'appelante en 2000;

p)          l'appelante a déduit au moins 1 025,12 $ à titre de crédits de taxe sur les intrants relativement à l'indemnité de millage qu'elle avait versée à ses salariés en 2000;

q)          la seule documentation que l'appelante avait à l'égard des indemnités de millage versées aux salariés en 1999 et en 2000 consistait en des chèques payés émis à l'ordre des salariés;

r)           tous les autres crédits de taxe sur les intrants, que l'appelante soutient avoir droit de déduire relativement aux indemnités de millage qu'elle a versées aux salariés, n'étaient pas raisonnables puisque l'usage du véhicule par les salariés n'est pas, pour la fixation de location, uniquement évalué en fonction du nombre de kilomètres parcourus par les salariés dans l'accomplissement des fonctions de leur charge ou de leur emploi.

B.         QUESTION EN LITIGE

8.          La question à trancher dans le cadre du présent appel est celle de savoir si l'appelante a droit aux crédits de taxe sur les intrants relativement aux indemnités de millage qu'elle a versées aux salariés pour l'usage de leurs véhicules à moteur.

C.         DISPOSITIONS LÉGISLATIVES INVOQUÉES, MOTIFS INVOQUÉS ET MESURE DE REDRESSEMENT DEMANDÉE

9.          Il invoque les paragraphes 123(1), 221(1) et 225(1) et les articles 169, 174, 228, 280, 281.1 et 296 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. 1985, ch. E-15, modifiée et le paragraphe 6(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.), dans sa version modifiée pour les années d'imposition 1999 et 2000.

10.        Il est soutien que le ministre a correctement établi la taxe nette de l'appelante pour la période pertinente conformément aux articles 169, 174, 228 et 296 et aux paragraphes 221(1) et 225(1) de la Loi.

11.        Qui plus est, il est soutien qu'en vertu des articles 169 et 174 de la Loi, l'appelante a seulement le droit de déduire un crédit de taxe sur les intrants pour les indemnités de millage versées aux salariés pour l'usage au Canada de leur véhicule à moteur lié aux activités commerciales de l'appelante lorsque :

a)          l'appelante avait droit, en vertu des dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu de déduire un montant ayant trait aux indemnités de millage versées aux salariés dans le calcul de son revenu pour les années d'imposition 1999 ou 2000;

b)          l'indemnité de millage versée aux salariés était une allocation raisonnable aux fins des sous-alinéas 6(1)b)(v), (vi), (vii) ou (vii.1) de la Loi de l'impôt sur le revenu;

c)          l'appelante considère, au moment du versement de l'indemnité, que celle-ci est une allocation raisonnable aux fins de ces sous-alinéas et qu'il est raisonnable que l'appelante l'ait considérée ainsi à ce moment.

12.        Les indemnités de millage versées par l'appelante ne sont, toutefois, pas raisonnables puisqu'elles sont évaluées en fonction des paiements de location, notamment la TPS, au lieu d'être uniquement évaluées en fonction du nombre de kilomètres parcourus par les salariés dans l'accomplissement des fonctions de leur charge ou de leur emploi comme l'exige le sous-alinéa 6(1)b)(x) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Par conséquent, l'appelante n'a pas droit au crédit de taxe sur les intrants relativement à cette indemnité.

[...]

[3]      Aucune des hypothèses, sauf les hypothèses 7q) et r), n'a été réfutée. En ce qui concerne les hypothèses q) et r) :

q)       l'appelante disposait également des factures écrites réclamées par les vendeurs pour leur millage et qui décrivaient le nombre de kilomètres parcourus, lesquelles elle a données au vérificateur. À l'audience, elles ont été produites à titre d'éléments de preuve;

r)        l'appelante a établi un plafond relativement au millage que les vendeurs pouvaient réclamer, ce qui équivalait aux frais de location pour chaque mois. Les vendeurs facturaient, par factures trimestrielles, l'appelante pour presque le montant total de la location. M. Kohnen a déclaré que le plafond qui équivalait au montant de la location a été établi puisque antérieurement, les vendeurs réclamaient un millage qui équivalait à une somme supérieure au montant de la location et leur déplacement n'était pas rentable pour l'appelante.

[4]      Les vendeurs de l'appelante sollicitaient, pour des fins de ventes, des clients demeurant à l'extérieur de la petite ville de Melville où l'appelante se trouve. Quelques ventes sont réalisées auprès des clients demeurant jusqu'à 1 000 kilomètres de l'appelante. M. Kohnen a témoigné qu'en conséquence, un millage illimité occasionnerait à l'appelante une perte d'argent pour l'année. Il a admis que les vendeurs utilisaient leur véhicule loué à des fins personnelles. Il a offert l'exemple d'un vendeur utilisant la voiture de fonction pour conduire son enfant à une partie de baseball dans le cadre d'une compétition où il pourrait vendre un véhicule à un autre parent, ce qui constituerait un usage mixte pour cette occasion.

[5]      Le taux de millage que l'appelante facturait aux vendeurs était équivalent à ce que M. Kohnen croyait être le taux imposé, de temps à autre, par le gouvernement fédéral et que cela était raisonnable.

[6]      Selon la prémisse fondamentale de la cotisation, l'indemnité de millage n'était pas évaluée en fonction du nombre de kilomètres parcourus. Cela découlait du plafond établi par l'appelante. Selon les arguments de l'appelante, le régime de plafond constituait le seul moyen par lequel elle pouvait exercer un contrôle sur le millage. L'avocat de l'intimée a répondu que, d'après le résultat, les factures des vendeurs équivalaient toujours au plafond et qu'elles n'étaient pas raisonnables, qu'elles n'étaient pas en fonction du millage et, par conséquent, les crédits de taxe sur les intrants déduits n'étaient pas conformes aux dispositions de la Loi sur la taxe d'accise. M. Kohnen, un concessionnaire d'automobiles chevronné, a déclaré que tous les vendeurs facturent toujours au plafond, ce qui a déterminé que l'appelante devait établir un plafond. Je le crois.

[7]      L'article 174 de la Loi sur la taxe d'accise est ainsi rédigé :

174. Pour l'application de la présente partie, une personne est réputée avoir reçu la fourniture d'un bien ou d'un service dans le cas où, à la fois :

a)         la personne verse une indemnité à l'un de ses salariés, [...]

                   [...]

(ii)        soit pour utilisation au Canada d'un véhicule à moteur relativement à des activités qu'elle exerce;

b)          un montant au titre de l'indemnité est déductible dans le calcul du revenu de la personne pour une année d'imposition en application de la Loi de l'impôt sur le revenu, ou le serait si elle était un contribuable aux termes de cette loi et l'activité, une entreprise;

c)         lorsque l'indemnité constitue une allocation à laquelle les sous-alinéas 6(1)b)(v), (vi), (vii) ou (vii.1) de la Loi de l'impôt sur le revenu s'appliqueraient si l'indemnité était une allocation raisonnable aux fins de ces sous-alinéas, les conditions suivantes sont remplies :

(i)         dans le cas où la personne est une société de personnes et où l'indemnité est versée à l'un de ses associés, ces sous-alinéas s'appliqueraient si l'associé était un salarié de la société,

(ii)        si la personne est un organisme de bienfaisance ou une institution publique et que l'indemnité est versée à l'un de ses bénévoles, ces sous-alinéas s'appliqueraient si le bénévole était un salarié de la personne,

(iii)       la personne considère, au moment du versement de l'indemnité, que celle-ci est une allocation raisonnable aux fins de ces sous-alinéas,

(iv)       il est raisonnable que la personne l'ait considérée ainsi à ce moment.

De plus :

d)         toute consommation ou utilisation du bien ou du service par le salarié, l'associé ou le bénévole est réputée effectuée par la personne et non par l'un de ceux-ci;

e)         la personne est réputée avoir payé, au moment du versement de l'indemnité et relativement à la fourniture, une taxe égale au résultat du calcul suivant :

A x B

Où :

A représente le montant de l'indemnité,

B :

(i)         15/115 si, selon le cas :

(A)       la totalité, ou presque, des fournitures relativement auxquelles l'indemnité est versée ont été effectuées dans les provinces participantes,

(B)       l'indemnité est versée en vue de l'utilisation du véhicule à moteur dans les provinces participantes,

(ii)        dans les autres cas, 7/107.

[8]      La partie pertinente du paragraphe 6(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu est ainsi rédigée :

6(1)Éléments à inclure à titre de revenu tiré d'une charge ou d'un emploi

(1) Sont à inclure dans le calcul du revenu d'un contribuable tiré, pour une année d'imposition, d'une charge ou d'un emploi, ceux des éléments suivants qui sont applicables :

[...]

b) Frais personnels ou de subsistance - les sommes qu'il a reçues au cours de l'année à titre d'allocations pour frais personnels ou de subsistance ou à titre d'allocations à toute autre fin, sauf :

[...]

(v) les allocations raisonnables pour frais de déplacement reçues de son employeur par un employé et afférentes à une période pendant laquelle son emploi était lié à la vente de biens ou à la négociation de contrats pour son employeur,

[...]

(vii.1) les allocations raisonnables pour l'usage d'un véhicule à moteur qu'un employé -- dont l'emploi n'est pas lié à la vente de biens ou à la négociation de contrats pour son employeur -- a reçues de son employeur pour voyager dans l'accomplissement des fonctions de sa charge ou de son emploi,

[...]

pour l'application des sous-alinéas (v), (vi) et (vii.1), une allocation reçue au cours de l'année par le contribuable pour l'usage d'un véhicule à moteur dans l'accomplissement des fonctions de sa charge ou de son emploi est réputée ne pas être raisonnable dans les cas suivants :

(x) l'usage du véhicule n'est pas, pour la fixation de l'allocation, uniquement évalué en fonction du nombre de kilomètres parcourus par celui-ci dans l'accomplissement des fonctions de la charge ou de l'emploi, [...]

[9]      La juge Lamarre Proulx, de notre Cour, a fait face à la même question qu'en l'espèce dans l'affaire Tri-Bec Inc. c. Canada, [2002] A.C.I. no 116 ((2002) G.S.T.C. 27) (ci-après Tri-Bec). Le paragraphe 19 de cette décision est ainsi rédigé :

Je suis d'avis que le susdit sous-alinéa (x) de la Loi de l'impôt sur le revenu est clair. Comme l'article 174 de la Loi se rapporte à cette disposition législative, une allocation raisonnable pour l'usage d'un véhicule est celle qui est fixée en fonction du nombre de kilomètres parcourus par le contribuable dans l'accomplissement de la charge ou de l'emploi.

[10]     Dans la décision Tri-Bec, précitée, la juge Lamarre Proulx a conclu qu'il existait une preuve suffisante dans un des quatre cas en litige pour justifier une conclusion selon laquelle une allocation d'automobile était en fonction du millage. Cette conclusion est survenue malgré le fait que l'employeur avait imposé un montant maximal pour l'allocation. Cependant, il existait un moyen de rajuster l'allocation à la baisse si les rapports du salarié le justifiaient.

[11]     Les faits analysés par la juge Lamarre Proulx dans la décision Tri-Bec sont semblables à ceux dans la présente affaire. En l'espèce, l'appelante a versé une indemnité en fonction du millage. Le taux, généralement en fonction des taux du gouvernement, était raisonnable. L'intimée stipule que le plafond établi par l'appelante écarte le fondement sur le millage. Toutefois, ce n'est pas le cas. L'appelante a le droit d'exercer un contrôle sur ses salariés. L'appelante n'était pas en mesure de réaliser un volume de ventes suffisant si ses vendeurs restaient dans la salle de démonstration. Ils devaient prendre la route et solliciter des ventes. Dans ces circonstances, ces plafonds sont tant raisonnables que sensés. Si l'appelante réalisait moins de ventes en raison du plafond, cela était son choix quant à sa méthode d'exploitation.

[12]     Selon un deuxième argument, les factures des vendeurs étaient toujours équivalentes au plafond. La Cour accepte la réponse de M. Kohnen selon laquelle cela représentait, compte tenu des circonstances de l'appelante, le meilleur contrôle que l'appelante pouvait concevoir. À moins qu'elle accompagne chacun des vendeurs, elle n'était pas en mesure de déterminer quel millage correspondait à des fins personnelles et quel millage était lié à l'entreprise. Certes, le millage d'un vendeur pouvait être inférieur, mais le territoire de vente et la clientèle de l'appelante couvrent un vaste territoire d'environ 100 kilomètres sur 100 kilomètres. Ni l'appelante ni ses vendeurs n'éprouvaient un plaisir personnel à trouver des clients à ces distances et dans ces circonstances. Le fondement du millage accordé et du crédit de taxe sur les intrants était le millage des vendeurs, sous réserve du plafond. L'appelante a le droit d'exploiter son entreprise de la façon qu'elle veut.

[13]     L'appel est accueilli et l'affaire est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en conséquence.

[14]     L'appelante a le droit pour ses débours, à un montant de 200 $ lequel est fixé en fonction de ses menues dépenses pour les frais d'affranchissement, de reproduction et de millage de Regina à Melville afin de poursuivre le présent appel.

Signé à Vancouver (Colombie-Britannique), ce 22e jour de juillet 2003.

« D. W. Beaubier »

Juge Beaubier

Traduction certifiée conforme

ce 12e jour de février 2004.

Crystal Lefebvre, traductrice

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