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Dossier : 2003-351(IT)G

ENTRE :

BRENT GLYNN McCLELLAND,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Requête entendue le 19 juin 2003 à Calgary (Alberta)

Par l'honorable juge A. A. Sarchuk

Comparutions

Avocat de l'appelant :

Me Kerry W. McClelland

Avocate de l'intimée :

Me Margaret McCabe

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          Vu la requête de l'intimée en vue d'obtenir une ordonnance rejetant l'appel numéro 2003-351(IT)G, et adjugeant les dépens à l'intimée;

          Et après avoir lu les affidavits de Cheryl Ritchie et de l'appelant déposés en l'espèce;

          Et après avoir entendu les avocats des parties;

          Il est ordonné que la requête de l'intimée soit accueillie, que les présumés appels interjetés à l'encontre des cotisations d'impôt établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1998, 1999, 2000 et 2001 soient annulés et que les dépens soient adjugés à l'intimée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour d'octobre 2003.

« A. A. Sarchuk »

Traduction certifiée conforme

ce 1er jour de mars 2004.

Liette Girard, traductrice


Référence : 2003CCI736

Date : 20031014

Dossier : 2003-351(IT)G

ENTRE :

BRENT GLYNN McCLELLAND,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Sarchuk

[1]      Il s'agit d'une requête présentée par l'intimée en vue d'obtenir une ordonnance annulant les appels de Brent Glynn McClelland[1] ou, subsidiairement, une ordonnance accordant à l'intimée un délai de 90 jours à compter de la réception de l'ordonnance pour produire son Réponse à l'avis d'appel. La requête susmentionnée s'appuie sur les motifs selon lesquels deux conditions préalables requises n'ont pas été remplies, notamment :

          [traduction]

a)          L'appelant n'a pas signifié les Avis d'opposition au ministre dans le délai prescrit par la paragraphe 165(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. 1985 (5e suppl.), ch. 1 (la « Loi » ) et n'a donc pas rempli une condition préalable requise pour interjeter un appel valide comme l'exige l'alinéa 58(3)b) des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale), DORS/90-688 ( « Règles de la procédure générale » ).

b)          De plus, ou subsidiairement, l'appelant a interjeté l'appel en dehors des délais prescrits par le paragraphe 169(1) de la Loi et n'a donc pas rempli une condition préalable requise pour interjeter un appel valide comme l'exige l'alinéa 58(3)b) des Règles de la procédure générale.

[2]      À l'appui de sa requête, l'intimée a déposé l'affidavit de Cheryl Ritchie, qui précise ce qui suit :

          [traduction]

1.      Je suis employée en tant que fonctionnaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (l' « ADRC » ) du bureau du contentieux des affaires fiscales, Division des appels, à Edmonton, en Alberta, et, à ce titre, j'ai une connaissance personnelle des questions couvertes dans le présent affidavit, sauf lorsque je déclare qu'elles sont fondées sur des renseignements tenus pour véridiques, auquel cas je crois qu'elles sont vraies.

2.      Je suis responsable du dossier de l'ADRC relatif à l'appel de l'appelant en ce qui concerne les années d'imposition 1998, 1999, 2000 et 2001 et des registres appropriés de l'ADRC relatifs à l'appelant et à l'appel (les « registres » ).

3.      Je connais la pratique de l'ADRC.

4.      Selon la pratique de l'ADRC, les agents de l'ADRC exerçant les pouvoirs du ministre au centre fiscal de Winnipeg saisissent les renseignements de la déclaration de revenus d'un contribuable dans le système informatique de l'ADRC, et les renseignements saisis prennent la forme d'une cotisation produite par voie électronique par l'ADRC.

5.      Selon la pratique de l'ADRC, les cotisations produites par voie électronique par le système informatique de l'ADRC du centre fiscal de Winnipeg, dans le cas où un remboursement est dû à un contribuable, sont envoyées au centre de Travaux publics Canada à Winnipeg pour que les chèques de remboursement puissent être préparés. Selon la pratique, la cotisation et le remboursement sont ensuite imprimés et placés dans des enveloppes qui sont par la suite expédiées par la poste au contribuable depuis le centre de Travaux publics Canada de Winnipeg à l'adresse indiquée dans la déclaration de revenus.

6.      Selon la pratique de l'ADRC, les cotisations produites par voie électronique par le système informatique de l'ADRC du centre fiscal de Winnipeg, dans tous les autres cas, y compris le dépôt direct d'un remboursement, comme je l'indique au paragraphe 5 de mon affidavit, sont imprimées et placées dans des enveloppes qui sont par la suite expédiées par la poste au contribuable depuis le centre fiscal de Winnipeg à l'adresse indiquée dans la déclaration de revenus.

7.      Selon la pratique de l'ADRC, en établissant une cotisation à l'égard d'un contribuable au moyen du système informatique de l'ADRC, le centre fiscal de Winnipeg ne crée pas de copie papier de la cotisation émise pour les registres de l'ADRC.

8.      Selon la pratique de l'ADRC, la vaste majorité des cotisations établies à l'égard des déclarations de revenus sont produites par voie électronique de la façon susmentionnée et seule un très faible nombre de cotisations sont produites d'une autre manière. Les cotisations en litige dans le cadre de la présente demande ont été produites de la manière susmentionnée.

9.      Selon la pratique de l'ADRC, les cotisations sont stockées dans le système informatique de l'ADRC, et personne ne peut y avoir accès pour les altérer ou les modifier une fois qu'elles sont émises.

10.    Selon la pratique de l'ADRC, les renseignements figurant dans la cotisation stockée dans le système informatique de l'ADRC sont disponibles sous forme imprimée sur un relevé informatique du journal électronique ou au moyen du nouvel établissement de la cotisation par un fonctionnaire du ministre.

11.    Selon la pratique de l'ADRC, le nouvel établissement d'une cotisation n'est effectué que par un fonctionnaire du ministre désigné pour le faire et seulement sur demande d'un autre fonctionnaire du ministre.

12.    Selon la pratique de l'ADRC, le fonctionnaire du ministre désigné pour émettre la cotisation établie de nouveau extrait les renseignements de la cotisation originale dans le système informatique et produit la cotisation établie de nouveau.

13.    Selon la pratique de l'ADRC, la cotisation établie de nouveau est émise uniquement par le bureau des services fiscaux d'Ottawa.

14.    J'ai examiné attentivement les registres de l'ADRC et j'y ai pratiqué des recherches et ils indiquent qu'un Avis de cotisation pour l'année 1998 de l'appelant a été posté le 20 juin 2002, qu'un Avis de cotisation pour l'année 1999 de l'appelant a été posté le 20 juin 2002 et qu'un Avis de cotisation pour l'année 2000 de l'appelant a été posté le 25 juillet 2002 à l'appelant au 10300 Tuscany Hills Way N.W., Calgary (Alberta) T3L 2G5.

15.    J'ai examiné attentivement les registres de l'ADRC et j'y ai pratiqué des recherches et je n'ai pu conclure que le ministre avait établi une cotisation pour l'année 2001 de l'appelant ou que l'appelant avait produit une déclaration de revenus pour l'année d'imposition 2001.

16.    J'ai demandé les avis de cotisation établis de nouveau pour les années 1998, 1999 et 2000 de l'appelant auprès de Sylvain Allaire, Division des appels, bureau des services fiscaux d'Ottawa, et j'ai reçu les documents joints à mon affidavit comme pièces A, B et C, respectivement. Selon ma demande, j'ai été informée et je crois que les pièces A, B et C sont des imprimés de documents électroniques qui sont reproduits de la saisie électronique dans le système informatique de l'ADRC des cotisations mentionnées au paragraphe 14 de mon affidavit.

17.    Un Avis d'opposition relatif aux années 1998, 1999, 2000 et 2001 de l'appelant a été reçu par l'ADRC le 5 novembre 2002.

18.    Un Avis d'appel relatif aux années 1998, 1999, 2000 et 2001 de l'appelant a été transmis à l'ADRC le 3 février 2003.

19.    J'ai examiné attentivement les registres de l'ADRC et j'y ai pratiqué des recherches et je n'ai trouvé aucune indication selon laquelle les Avis de cotisation pour les années 1998, 1999 et 2000 de l'appelant ont été retournés au ministre par le bureau de poste.

20.    J'ai comparé les Avis de cotisation établis de nouveau, joints à mon affidavit comme pièces A, B et C, avec les renseignements disponibles dans le système informatique de l'ADRC et j'atteste que le contenu des Avis de cotisation établis de nouveau est identique aux renseignements figurant dans le système informatique de l'ADRC et qu'il atteste de la nature et du contenu des avis de cotisation originaux.

21.    Je fais le présent affidavit au soutien de la demande de l'intimée en vue d'obtenir une ordonnance rejetant l'appel numéro 2003-351(IT)G de l'appelant à l'égard des années d'imposition 1998, 1999, 2000 et 2001 et pour aucune fin autre ou illégitime.

Il convient à ce moment-ci de faire observer que l'appelant n'a pas contre-interrogé l'auteure de l'affidavit, Cheryl Ritchie, non plus a-t-il présenté de preuve contradictoire ou réfuté son affidavit.

[3]      L'appelant, M. McClelland, a également déposé un affidavit qui est ainsi rédigé :

          [traduction]

1.      Le 16 septembre 2002, j'ai expédié par la poste un Avis d'opposition daté du 16 septembre 2002 (joint au présent affidavit comme pièce A) pour m'opposer aux cotisations de l'Agence des douanes et du revenu du Canada ( « ADRC » ). Cet Avis d'opposition a été expédié à M. Janikowski, centre fiscal de Calgary, ADRC, au 330 - 220 4th Ave. S.E., Calgary (Alberta) T2G 0L1.

2.      Le 8 janvier 2003, j'ai expédié par la poste une lettre datée du 7 janvier 2003 (jointe au présent affidavit comme pièce B) à M. Janikowski, centre fiscal de Calgary, ADRC, au 330 - 220 4th Ave. S.E., Calgary (Alberta)    T2G 0L1, indiquant que j'avais envoyé un Avis d'opposition à ce même M. Janikowski le 16 septembre 2002 et j'ai joint une copie dudit Avis d'opposition à la lettre.

3.      Le 8 janvier 2003, j'ai expédié par la poste une lettre datée du 7 janvier 2003 (jointe au présent affidavit comme pièce C) au chef des Appels, ADRC, centre fiscal de Winnipeg, 66, chemin Stapon, Winnipeg (Manitoba), indiquant que j'avais envoyé un Avis d'opposition à M. Janikowski le 16 septembre 2002 et j'ai joint une copie dudit Avis d'opposition à la lettre.

[4]      Les parties reconnaissent que l'appelant n'a pas produit de déclarations de revenus pour les trois années 1998, 1999 et 2000 et que le ministre a donc établi des cotisations arbitraires en vertu du paragraphe 152(7)[2]. En outre, même si l'appelant a fait référence à l'année d'imposition 2001 dans ses lettres, il ne conteste pas qu'aucune déclaration de revenus n'a été produite pour cette année d'imposition ni qu'aucune cotisation n'a été établie par le ministre pour cette année-là.

Le ministre s'est-il déchargé du fardeau de prouver l'existence des Avis de cotisation et la date de leur expédition par la poste?

[5]      La position de l'intimée s'appuie sur l'admissibilité et l'acceptabilité des avis de cotisation établis de nouveau comme preuve de leur date de la mise à la poste. Le paragraphe 244(9) prévoit ce qui suit :

244(9) L'affidavit d'un fonctionnaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada - souscrit en présence d'un commissaire ou d'une autre personne autorisée à le recevoir - indiquant qu'il a la charge des registres pertinents et qu'un document qui y est annexé est un document, la copie conforme d'un document ou l'imprimé d'un document électronique, fait par ou pour le ministre ou une autre personne exerçant les pouvoirs de celui-ci, ou par ou pour un contribuable, fait preuve de la nature et du contenu du document.

Mme Ritchie a décrit dans son affidavit la façon dont les cotisations sont enregistrées dans le système informatique, sont rendues intouchables dans le système et seulement extraites sous la forme d'avis établi de nouveau par une de deux personnes qui sont autorisées à le faire dans le Cabinet du ministre. Son témoignage détaillé me convainc que les cotisations établies de nouveau déposées devant la Cour en tant que pièces contiennent tous les renseignements visés par les avis de cotisation originaux envoyés au contribuable et que cela comprend la date de la mise à la poste parce que, comme l'indique l'affidavit, la date de mise à la poste, ainsi qu'elle est enregistrée sur ces avis de cotisation établis de nouveau, est la date à laquelle les cotisations originales ont été mises à la poste[3]. Aucun fondement ne permettrait de rejeter les Avis de cotisation établis de nouveau. L'intimée peut se fonder sur les dispositions du paragraphe 244(9) et, en conséquence, j'accepte que l'affidavit de Cheryl Ritchie fait preuve de la nature et du contenu des documents.

L'appelant a-t-il signifié un Avis d'opposition au ministre dans le délai prescrit par le paragraphe 165(1) de la Loi?

[6]      Les Avis de cotisation pour les années d'imposition 1998 et 1999 de l'appelant ont été postés le 20 juin 2002 et un Avis de cotisation pour l'année d'imposition 2000 a été posté le 25 juillet 2002. Selon l'appelant, il a posté un avis d'opposition visant les trois cotisations en litige le 16 septembre 2002. Son avocat prétend que la lettre de l'appelant portant cette date constitue un Avis d'opposition approprié et qu'en conséquence, la requête de l'intimée en vue d'obtenir une ordonnance annulant les appels devraient être rejetée.

[7]      Le paragraphe 165(2) de la Loi prévoit ce qui suit :

165(2) L'avis d'opposition prévu au présent article est signifié au chef des Appels d'un bureau de district ou d'un centre fiscal de l'Agence des douanes et du revenu du Canada soit par personne, soit par courrier.

Il n'est pas contesté que l'appelant a envoyé la lettre du 16 septembre 2002 à un certain M. Janikowski, un agent des recouvrements et d'exécution, Services fiscaux, 330-220 4th Ave. S.E., Calgary (Alberta) T2G 0L1. La lettre comporte l'objet suivant :

          [traduction]

Objet :            Lettre datée du 9 septembre 2002 de Revenu Canada au sujet des arriérés d'impôt

(Je souligne.)

Dans sa lettre, l'appelant mentionne le fait qu'un certain nombre de ses appels touchant certaines années d'imposition commençant en 1988 sont [TRADUCTION] « actuellement devant la Cour d'appel fédérale » et qu'à son avis les questions en litige devant cette Cour auraient une incidence sur le montant d'impôt payable pour ces années et les années ultérieures. La lettre ne fait pas référence, directement ou indirectement, aux cotisations de ses années d'imposition 1998, 1999 et 2000.

[8]      L'argument de l'appelant selon lequel la lettre du 16 septembre 2002 constitue une opposition valide aux cotisations en litige n'est pas bien fondé. Pour accepter cet argument, il serait nécessaire de ne pas tenir compte du tout du libellé de la disposition pertinente, soit le paragraphe 165(2)[4] qui, comme l'a fait observer la Cour à différentes occasions, établit un libellé clair et non équivoque sur la façon dont la signification d'une opposition doit être effectuée. L'avocat de l'appelant prétend que le paragraphe 165(2) doit être interprété de façon à ce que l'Avis d'opposition puisse être envoyé au chef des Appels d'un bureau de district ou d'un centre fiscal de l'Agence des douanes et du revenu du Canada. Il soutient que le libellé est disjonctif et que la lettre de l'appelant du 16 septembre 2002 envoyée à M. Janikowski est donc suffisante. Je ne suis pas d'accord. L'exigence claire établie au paragraphe 165(2) indique qu'un Avis d'opposition, peu importe sa forme, doit être envoyé au chef des Appels d'un bureau de district ou d'un centre fiscal de l'Agence des douanes et du revenu du Canada. Cette exigence est très logique puisque la Division des appels est l'organisme autorisé par la loi pour examiner les faits et formuler la recommandation en fonction de laquelle le ministre peut remplir ses fonctions en vertu des dispositions du paragraphe 165(3) de la Loi.

[9]      Comme l'appelant l'a déclaré dans son affidavit, ce n'est que le 8 janvier 2003 qu'il a envoyé la lettre datée du 7 janvier 2003 au chef des Appels, comme l'exigeaient les dispositions de la Loi. Dans cette lettre, il a déclaré [TRADUCTION] « j'avais envoyé un Avis d'opposition à M. Janikowski le 16 septembre 2002 » et il en a joint une copie. J'ai déjà conclu que la lettre du 16 septembre 2002 n'était pas un avis d'opposition. En outre, même en acceptant que sa lettre du 7 janvier 2003 devait représenter un Avis d'opposition, l'appelant n'a pas établi qu'il l'a signifié conformément à la Loi. Plus particulièrement, la date du 17 septembre 2002 se situe 90 jours après la mise à la poste des avis de cotisation de 1998 et de 1999 et celle du 22 octobre 2002 se situe 90 jours après la mise à la poste de l'avis de cotisation de 2000, ainsi il ne s'est pas conformé aux dispositions du paragraphe 165(1) de la Loi.

L'appelant a-t-il reçu les cotisations en litige?

[10]     Selon l'appelant, il n'a jamais reçu les documents en litige. Je dois noter qu'il n'y a pas eu de contestation claire et non ambiguë dans l'affidavit de l'intimée selon laquelle il avait reçu les avis de cotisation, non plus de preuve orale à cet égard. Le paragraphe 152(2) est ainsi rédigé :

152(2) Après examen d'une déclaration, le ministre envoie un avis de cotisation à la personne qui a produit la déclaration.

L'article 165 prévoit en partie ce qui suit :

165(1) Le contribuable qui s'oppose à une cotisation prévue par la présente partie peut signifier au ministre, par écrit, un avis d'opposition exposant les motifs de son opposition et tous les faits pertinents, dans les délais suivants :

a)          lorsqu'il s'agit d'une cotisation relative à un contribuable qui est un particulier (sauf une fiducie) ou une fiducie testamentaire, pour une année d'imposition, au plus tard le dernier en date des jours suivants :

(i)          le jour qui tombe un an après la date d'échéance de production qui est applicable au contribuable pour l'année,

(ii)         le 90e jour suivant la date de mise à la poste de l'avis de cotisation;

b)          dans les autres cas, au plus tard le 90e jour suivant la date de mise à la poste de l'avis de cotisation.

                                                                             (Je souligne.)

Dans la décision La Reine c. Adele Schafer[5], la Cour d'appel fédérale a examiné les dispositions des articles 300 et 301 de la Loi sur la taxe d'accise. Ces deux articles étaient ainsi rédigés :

300(1) Une fois une cotisation établie à l'égard d'une personne, le ministre lui envoie un avis de cotisation.

301(1.1) La personne qui fait opposition à la cotisation établie à son égard peut, dans les 90 jours suivant le jour où l'avis de cotisation lui est envoyé, présenter au ministre un avis d'opposition, en la forme et selon les modalités déterminées par celui-ci, exposant les motifs de son opposition et tous les faits pertinents.

Pour ce qui est de ces articles, le juge d'appel Isaac a formulé des commentaires suivants :

[8]         Le paragraphe 301(1.1) de la LTA prévoit que la personne qui fait opposition à la cotisation établie par le ministre doit agir dans les 90 jours suivant le jour où l'avis de cotisation lui a été « envoyé » . La Cour de l'impôt est parvenue à la conclusion (que la défenderesse n'a pas contestée) que le ministre avait mis l'avis de cotisation dans le sac postal de Postes Canada le 2 septembre 1993. Cette interprétation du paragraphe 301(1.1) de la part de la Cour de l'impôt sous-entend que le mot « envoyé » signifie « reçu » par le contribuable.

[9]         Je sais que la Cour de l'impôt a donné une interprétation d'articles presque identiques de la Loi de l'impôt sur le revenu portant que le délai applicable ne commence pas à courir à moins que le contribuable ait reçu l'avis de cotisation dans le délai prévu par la loi. Cependant, notre Cour a critiqué cette approche dans le passé. Dans l'arrêt Canada c. Bowen, le juge Stone de la Cour d'appel a cité un passage de la décision Antoniou de la Cour de l'impôt exigeant que l'avis ait été reçu pour que le délai commence à courir, puis il a dit :

En toute déférence, nous ne pouvons souscrire à cette conclusion. À notre avis, cette dernière ne tient pas compte du sens évident du paragraphe 165(3) et de l'article 169 de la Loi [de l'impôt sur le revenu] [...]

À notre avis, l'obligation qui incombait au Ministre aux termes du paragraphe 165(3) correspondait précisément à ce qu'il a fait, c'est-à-dire aviser l'intimé de la ratification de la cotisation par courrier recommandé. Rien, dans ce paragraphe ni dans l'article 169, n'exigeait que la notification soit « signifiée » à personne ou soit reçue par le contribuable.

[10]       La Cour suprême a conclu, dans l'arrêt Alberta (Treasury Branches) c. M.R.N., que si le libellé de la LTA n'était pas ambigu, celle-ci devait être appliquée de façon stricte et indépendamment de son objet. Voici ce que le juge Cory a écrit au nom des juges majoritaires :

[...] lorsqu'il n'y a aucun doute quant au sens d'une mesure législative ni aucune ambiguïté quant à son application aux faits, elle doit être appliquée indépendamment de son objet.

[11]       Dans un certain nombre d'arrêts faisant intervenir la Loi de l'impôt sur le revenu, la Cour suprême du Canada a adopté une démarche similaire. Par exemple, dans l'arrêt Shell Canada Ltée c. Canada, le juge McLachlin (tel était alors son titre) a exprimé son point de vue sur la question, aux paragraphes 40 et 41 :

Deuxièmement, la jurisprudence fiscale de notre Cour est bien établie : l'examen de la « réalité économique » d'une opération donnée ou de l'objet général et de l'esprit de la disposition en cause ne peut jamais soustraire le tribunal à l'obligation d'appliquer une disposition non équivoque de la Loi à une opération du contribuable. Lorsque la disposition en cause est claire et non équivoque, elle doit simplement être appliquée : Continental Bank, précité, au par. 51, le juge Bastarache; Tennant, précité, au par. 16, le juge Iacobucci; Canada c. Antosko, [1994] 2 R.C.S. 312, aux pp. 326, 327 et 330, le juge Iacobucci; Friesen c. Canada, [1995] 3 R.C.S. 103, au par. 11, le juge Major; Alberta (Treasury Branches) c. M.R.N., [1996] 1 R.C.S. 963, au par. 15, le juge Cory.

Parce qu'ils n'ont pas suffisamment tenu compte de ces principes très importants, j'estime avec égards que le ministre et la Cour d'appel fédérale ont commis une erreur.

[12]       Avec égards, je suis d'avis que les principes énoncés dans ces passages s'appliquent tout aussi bien à la présente affaire et que nous devrions éviter de susciter l'intervention de l'instance supérieure en adoptant la démarche de la Cour de l'impôt. L'alinéa 304(5)a) n'oblige pas le ministre à signifier l'avis de cotisation en personne au contribuable, voire même que celui-ci reçoive l'avis. Cet alinéa prévoit simplement que la Cour de l'impôt ne peut entendre une demande de prorogation de délai si elle a été présentée plus d'une année suivant l'expiration du délai prévu au paragraphe 301(1.1). Le paragraphe 301(1.1) prévoit que le délai commence à courir quatre-vingt-dix jours après que l'avis a été « envoyé » . En conséquence, la seule exigence applicable est que le ministre doit établir que l'avis a été envoyé. Il n'existe pas d'exigence selon laquelle l'avis doit avoir été reçu afin que le délai commence à courir. Le libellé du paragraphe 301(1.1) est clair et non ambigu et on doit l'appliquer indépendamment de son objet.

[11]     Il ressort clairement de ce qui précède que l'appelant ne peut avoir gain de cause.

[12]     Pour les motifs qui précèdent, la requête de l'intimée est accueillie et les appels présumés de l'appelant interjetés à l'encontre des cotisations établies pour les années d'imposition 1998, 1999, 2000 et 2001 sont annulés, les dépens étant adjugés à l'intimée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour d'octobre 2003.

« A. A. Sarchuk »

Traduction certifiée conforme

ce 1er jour de mars 2004.

Liette Girard, traductrice



[1]           Appel no 2003-351(IT)G.

[2]           Voir également les paragraphes 152(2) et 152(8).

[3]           Voir les paragraphes 244(14) et 244(15).

[4]           165(2) L'avis d'opposition prévu au présent article est signifié au chef des Appels d'un bureau de district ou d'un centre fiscal de l'Agence des douanes et du revenu du Canada soit par personne, soit par courrier.

[5]           C.A.F., no A-414-98, 20 septembre 2000 (2000 DTC 6542).

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