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Dossier : 2003-924(IT)I

ENTRE :

ABDELLATIF LAMAADAR,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

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Appel entendu le 1er octobre 2003 à Toronto (Ontario)

Devant : L'honorable juge Georgette Sheridan

Comparutions

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :

Me Bonnie Boucher

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JUGEMENT

L'appel interjeté à l'encontre de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 2000 est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour de novembre 2003.

« G. Sheridan »

Juge Sheridan

Traduction certifiée conforme

ce 23e jour de mars 2004.

Sylvie Sabourin, traductrice


Référence : 2003CCI793

Date : 20031121

Dossier : 2003-924(IT)I

ENTRE :

ABDELLATIF LAMAADAR,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

La juge Sheridan

[1]      Le présent appel a été interjeté à l'encontre d'une cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ) pour l'année d'imposition 2000, cotisation par laquelle le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a rejeté la demande de l'appelant visant à déduire les paiements de pension alimentaire pour enfants qu'il avait versés au cours de l'année en litige.

QUESTION EN LITIGE

[2]      La question devant être tranchée est celle de savoir si l'appelant peut déduire la pension alimentaire pour enfants de 3 600 $ payée au cours de l'année d'imposition 2000.

FAITS

[3]      L'appelant a témoigné en son nom propre. Aucun autre témoin n'a comparu. L'appelant et son ancienne conjointe se sont mariés en 1976. Le mariage a été rompu au cours de l'année d'imposition 1992, et l'appelant et son ancienne conjointe vivent séparés depuis. Deux enfants sont nés du mariage.

[4]      Conformément à une ordonnance de la Cour de l'Ontario (Division générale) datée du 12 juillet 1993 (l' « ordonnance originale de 1993 » ), l'appelant devait faire des paiements provisoires au titre de la pension alimentaire pour enfants s'élevant à 800 $ par mois à partir de la date de l'ordonnance.

[5]      Conformément à une ordonnance subséquente de la Cour de l'Ontario (Division générale) datée du 9 janvier 1995 (l' « ordonnance de 1995 » ), l'appelant devait, entre autres, payer à son ancienne conjointe des paiements supplémentaires au titre de la pension alimentaire pour enfants s'élevant à 700 $ par mois à partir du 1er janvier 1995.

[6]      Le 23 décembre 1997 et le 19 janvier 1998 respectivement, l'ancienne conjointe de l'appelant et ce dernier ont signé des procès-verbaux de transaction qui ont été, en fin de compte, incorporés dans le jugement de divorce daté du 23 avril 1998 ( « jugement de divorce » ). En vertu du jugement de divorce, la pension alimentaire pour enfants a été fixée à 300 $ par mois à partir du 1er janvier 1999, payable sans égard à la situation financière de l'appelant. Le jugement de divorce prévoyait également que si l'appelant commençait à gagner un revenu avant le 1er janvier 1999, il devrait payer une pension alimentaire pour enfants conformément aux Lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants à partir du 60e jour après avoir commencé à gagner un revenu. Pour l'année d'imposition 2000, l'appelant a fait des paiements au titre de la pension alimentaire pour enfants de 300 $ par mois totalisant 3 600 $.

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

[7]      Les paragraphes pertinents de la Loi de l'impôt sur le revenu sont reproduits ci-dessous :

Paragraphe 56.1(4) :

(4) Définitions. Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article et à l'article 56.

« date d'exécution » Quant à un accord ou une ordonnance :

a) si l'accord ou l'ordonnance est établi après avril 1997, la date de son établissement;

b) si l'accord ou l'ordonnance est établi avant mai 1997, le premier en date des jours suivants, postérieur à avril 1997 :

(i)     le jour précisé par le payeur et le bénéficiaire aux termes de l'accord ou de l'ordonnance dans un choix conjoint présenté au ministre sur le formulaire et selon les modalités prescrits,

(ii)    si l'accord ou l'ordonnance fait l'objet d'une modification après avril 1997 touchant le montant de la pension alimentaire pour enfants qui est payable au bénéficiaire, le jour où le montant modifié est à verser pour la première fois,

(iii) si un accord ou une ordonnance subséquent est établi après avril 1997 et a pour effet de changer le total des montants de pension alimentaire pour enfants qui sont payables au bénéficiaire par le payeur, la date d'exécution du premier semblable accord ou de la première semblable ordonnance,

(iv) le jour précisé dans l'accord ou l'ordonnance, ou dans toute modification s'y rapportant, pour l'application de la présente loi.

ANALYSE

[8]      En 1997, les dispositions de la Loi régissant la déductibilité des paiements de pension alimentaire pour enfants ont été modifiées. Le juge en chef adjoint Bowman a expliqué ces modifications dans la décision Kovarik c. Canada, [2001] A.C.I. no 181 :

[8]          En vertu de ce que je pourrais décrire comme l'ancien régime (antérieur à mai 1997), les conjoints effectuant des paiements à leurs conjoints dont ils étaient séparés ou à leurs anciens conjoints à titre d'aliments pour les enfants pouvaient déduire ces paiements et les bénéficiaires devaient les inclure dans leur revenu. À la suite de la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Thibaudeau c. Canada, [1995] 2 R.C.S. 627, la loi a changé. Tant qu'un accord antérieur à mai 1997 demeurait inchangé, le système de déduction et d'inclusion en vertu de l'ancien régime prévalait.

[9]         Si un nouvel accord était conclu ou si un ancien accord était modifié d'une manière particulière, le régime de déduction et d'inclusion cessait, et seuls les paiements effectués à la « date d'exécution » , ainsi qu'elle est définie, étaient déductibles par le payeur et devaient être inclus par le bénéficiaire dans son revenu.

[9]      La question est celle de savoir si, en l'espèce, le jugement de divorce constitue un « nouvel accord » ou un « ancien accord [...] modifié d'une manière particulière » qui empêcherait l'appelant de profiter de l' « ancien régime » . Les dates des ordonnances et les montants payables en vertu de chacune d'elles sont les suivants :

Ordonnance originale de 1993

800 $ par mois

Ordonnance de 1995

700 $ par mois

Jugement de divorce de 1998

300 $ par mois

[10]     L'ordonnance originale de 1993 et l'ordonnance de 1995 ont été rendues avant les modifications législatives du 1er mai 1997 et tombaient donc sous le coup de l'ancien régime. En vertu de l'ordonnance de 1995 qui était en vigueur au moment des modifications législatives de 1997, l'appelant devait faire des paiements totaux de pension alimentaire pour enfants s'élevant à 700 $ par mois. En 1998, le jugement de divorce a été rendu. Il annulait l'ordonnance originale de 1993 et fixait la pension alimentaire pour enfants à 300 $ par mois à partir du 1er janvier 1999.

[11]     L'avocate de l'intimée a soutenu que ces modifications déclenchaient l'application d'une « date d'exécution » en vertu de l'alinéa 56.1(4)b) et que, par conséquent, toute pension alimentaire pour enfants payée après le 1er janvier 1999 était non déductible.

[12]     Argument auquel s'est opposé l'appelant. Il a attiré l'attention de la Cour sur le calendrier de ses paiements établi par le Bureau des obligations familiales [pièce A-8] qui indique qu'entre la date d'entrée en vigueur de l'ordonnance de 1995 et celle du jugement de divorce de 1998 et après, il avait toujours payé la somme de 300 $ par mois. Alors même que l'ordonnance du tribunal lui enjoignait de payer une pension alimentaire pour enfants de 700 $ par mois, l'appelant avait constamment violé ses obligations en ne versant pas 400 $ par mois. Au 23 avril 1998, des arriérés de quelque 14 000 $ s'étaient accumulés mais l'appelant a été libéré de son obligation de payer ce montant en vertu du jugement de divorce rendu ce jour-là.

[13]     Selon le raisonnement de l'appelant, cela signifiait que sans égard au montant qu'il aurait dû payer en vertu de l'ordonnance de 1995, les effets combinés de son défaut prescient et de l'annulation des arriérés par le jugement de divorce se traduisaient par le fait que les montants payés au titre de la pension alimentaire pour enfants avant et après 1997 étaient les mêmes sans interruption : 300 $ par mois. Aucune variation; aucune modification; aucun déclenchement des dispositions des sous-alinéas 56.1(4)b)(ii) ou (iii). Par conséquent, l'alinéa 60b) ne s'appliquait pas pour rendre les paiements de la pension alimentaire pour enfants non déductibles.

[14]     Dans le cadre de l'examen de l'argument de l'appelant, les termes du juge en chef adjoint Bowman dans l'affaire Kovarik (précitée) sont instructifs. Au paragraphe 15 de cette décision, le savant juge décrit l'approche à adopter pour interpréter le paragraphe 56.1(4) :

[15]       La règle essentielle, dans l'interprétation des lois, est celle du sens ordinaire. Des outils nécessaires à l'interprétation ont été élaborés : voir l'affaire Glaxo Wellcome Inc. c. La Reine, C.C.I., no 93-1327(IT)G, 4 janvier 1996 (96 D.T.C. 1159 conf. par C.A.F., no A-114-96, 8 octobre 1998 (98 D.T.C. 6638)), (C.A.F.), (autorisation de pourvoi devant la Cour suprême du Canada refusée). Toutefois, ces outils d'interprétation ne sont pas nécessaires lorsque les termes sont clairs. La définition de « date d'exécution » du paragraphe 56.1(4) n'est pas difficile à comprendre. Que l'accord du 12 février 1998 soit un nouvel accord ou simplement une modification de l'accord de 1990, il modifie clairement les paiements de la pension alimentaire pour enfants en les faisant passer de 900 $ à 450 $ par mois. Je ne vois pas comment les termes clairs de la définition peuvent être mis de côté, aussi sophistiquées que puissent être les règles d'interprétation législatives que l'on peut choisir.

[15]     On peut dire la même chose en l'espèce. L'appelant a admis que le taux des paiements au titre de la pension alimentaire pour enfants fixé dans l'ordonnance de 1995 (300 $ par mois) était différent de celui prévu par le jugement de divorce (700 $ par mois). Sans égard au montant qu'il payait en réalité, les faits sont que l'appelant n'a pas été juridiquement libéré de son obligation de payer un montant inférieur à 700 $ par mois avant le jugement de divorce de 1998.

[16]     L'appelanta tenté un argument subsidiaire ayant un lien ténu avec l'annulation des arriérés de pension alimentaire pour enfants en vertu du jugement de divorce et utilisant « zéro » comme point de départ avant que la pension alimentaire pour enfants ne soit finalement fixée à 300 $ par mois. Cet argument, même interprété très généreusement, est tout aussi inutile pour la position de l'appelant car il résulte lui aussi en une modification ou une variation par rapport au montant fixé en 1995.

[17]     Quoi qu'il en soit, la situation de l'appelant tombe manifestement dans les limites du raisonnement effectué dans la décision Kovarik (précitée). Appliquant l'analyse du savant juge en chef adjoint, que le jugement de divorce de 1998 soit une nouvelle ordonnance ou simplement une variation de l'ordonnance de 1995, il modifie clairement les paiements de pension alimentaire pour enfants en les faisant passer de 700 $ par mois à 300 $ par mois. Comme dans la décision Kovarik (précitée), les termes simples de la définition ne peuvent être évités. Par conséquent, une « date d'exécution » a été déclenchée en vertu des sous-alinéas 56.1(4)b)(ii) ou (iii) pour rendre non déductibles les paiements de pension alimentaire pour enfants versés par l'appelant en vertu de l'alinéa 60b).

[18]     L'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour de novembre 2003.

« G. Sheridan »

Juge Sheridan

Traduction certifiée conforme

ce 23e jour de mars 2004.

Sylvie Sabourin, traductrice

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