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Dossier : 2003-2879(IT)G

ENTRE :

LUCIANO MENNILLO,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

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Appel entendu le 9 mars 2005 à Montréal (Québec)

Devant : L'honorable juge Louise Lamarre Proulx

Comparutions :

Pour l'appelant :

l'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :

Me Charles M. Camirand

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JUGEMENT

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1994, 1995 et 1996 sont accordés, sans frais, au motif qu'un montant de 8 000 $ pour l'année 1994 et de 20 000 $ pour chacune des années 1995 et 1996 doivent être retranchés du coût de la vie et ainsi retranchés du revenu non déclaré pour ces années, tel que cotisées. Un montant de 600 $ doit également être retranché pour chacune des années en litige.

          Le tout selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 11e jour d'août, 2005.

« Louise Lamarre Proulx »

Juge Lamarre Proulx


Référence : 2005CCI481

Date : 20050811

Dossier : 2003-2879(IT)G

ENTRE :

LUCIANO MENNILLO,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

[1]      Il s'agit d'appels pour les années d'imposition 1994, 1995 et 1996. Les cotisations ont été établies sur des revenus déterminés selon la méthode de l'avoir net.

[2]      L'appelant n'était pas formellement représenté. Il a informé la Cour au début de l'audience qu'il désirait que ce soit son comptable, monsieur Haïm Pinto, qui fasse les représentations. Pour les fins de ces motifs, j'appellerai donc monsieur Pinto, le représentant de l'appelant.

[3]      Les bilans de l'avoir net ont été préparés par les vérificateurs de Revenu Québec. Au niveau de la vérification, les montants de revenus additionnels non déclarés pour les années 1994 à 1996 étaient de 65 927 $, de 166 163 $ et de 89 878 $. Les ajustements apportés à la suite de l'étape de l'opposition ont eu comme résultat que les revenus additionnels pour les années 1994 à 1996 sont de 57 927 $, de 88 863 $ et de 30 207 $. C'est sur cette base que l'appelant a été cotisé par Revenu Québec.

[4]      Toutefois, par la suite, il y aurait eu une transaction entre les parties par laquelle les intérêts et les pénalités ont été annulés. Ce document se trouve à l'onglet 12 de la pièce R-1. On le trouve aussi parmi les documents de la pièce A-1.

[5]      Le vérificateur fédéral a pris comme base les montants de revenu additionnel tels que cotisés après l'opposition à Revenu Québec. Toutefois, il a considéré que le coût de la vie tel qu'établi par Revenu Québec au montant de 26 508 $ pour chacune des années avait été sous-évalué. Selon le vérificateur, il est matériellement impossible de vivre avec ce montant compte tenu que le contribuable a deux enfants et qu'il habite un quartier au dessus de la moyenne sur la rue Rosedale à Westmount. Il a comparé ce montant avec les données de Statistiques Canada. Selon Statistiques Canada, pour 1994, le coût de vie serait au montant de 51 744 $ pour une famille de deux enfants. Il a donc augmenté de 20 000 $ les années 1995 et 1996 et de 8 000 $ celle de 1994.

[6]      Toutefois, pour l'année 1995, l'agent du ministre du Revenu national (le « Ministre » ) a accordé un emprunt fait aux parents au montant de 30 000 $ et l'a déduit du revenu additionnel. Le Ministre a donc déterminé que les revenus additionnels pour les années 1994 à 1996 étaient de 65 927 $, de 78 863 $ et de 50 207 $. Ce sont les montants de revenu additionnel dont il y a appel.

[7]      L'avocat de l'intimée a présenté au moment de l'audience une demande pour modifier la Réponse à l'avis d'appel (la « Réponse » ). L'appelant s'y est opposé. Le projet de la Réponse à l'avis d'appel modifiée avait été envoyé au contribuable le 2 décembre 2004. L'avocat de l'intimée n'a reçu aucune réponse. Par ailleurs, l'avocat de l'intimée n'a pas fait de requête en temps opportun avant l'audience pour obtenir la permission de modifier la Réponse. En fait, ce qui est mentionné dans cette Réponse pouvait en partie se faire verbalement au cours de l'audience. C'est ce que la Cour a suggéré à l'avocat de l'intimée. La Cour a décidé que la demande de modification de la Réponse ne pouvait être accueillie, car vu l'absence de consentement de la partie adverse, la demande était faite tardivement.

[8]      En fait, la modification à la Réponse était dans l'ensemble favorable à l'appelant au sens que le Ministre consentait à réduire le coût de la vie et de le ramener au montant établi par Revenu Québec soit 26 508 $ pour chacune des années d'imposition en cause. L'avocat de l'intimée n'a fait aucune réserve pour aucune des années en cause.

[9]      Par ailleurs, il était également mentionné dans la modification proposée qu'une erreur s'était glissée dans l'établissement de l'avoir net. Un montant de 49 300 $ a été soustrait deux fois au titre d'ajustement des autres actifs pour l'année 1996.

[10]     L'erreur, dont fait état l'avocat de l'intimée, a été confirmée par le vérificateur de Revenu Québec, monsieur Emmanuel Bitondo-Nanga, à l'audience.

[11]     Pour l'année 1996, s'il n'y avait eu cette erreur, le revenu additionnel non déclaré aurait été de 99 507 $ alors que celui qui a été pris en compte par le Ministre pour la cotisation est de 50 207 $. Si on garde le montant de 50 207 $ et qu'on enlève l'ajout de 20 000 $ au coût de la vie, le revenu additionnel non déclaré serait au montant de 30 207 $. Si l'on accepte d'augmenter le revenu non-déclaré du montant de 49 300 $, il n'y alors aucun allègement pour l'année 1996. Toutefois, le revenu additionnel pour l'année 1996 demeurera 50 207 $ et non 79 507 $, comme il aurait dû être.

[12]     Ce qui amène la première question en litige : le Ministre, peut-il prendre en compte le revenu de 99 507 $ comme base pour calculer les réductions auxquelles il consent, ou le Ministre doit-il s'en tenir au montant de 50 207 $, même si ce montant a été établi à la suite d'une erreur?

[13]     La deuxième question en litige concerne l'affirmation de l'appelant qu'une certaine partie des montants inscrits au titre des placements appartiennent à ses deux enfants.

[14]     Le rapport de l'agent des appels pour Revenu Québec se trouve à l'onglet 16 de la pièce R-1. En ce qui concerne le « Poste de placements » , le document se lit comme suit :

après l'analyse détaillée des documents reçus des institutions financières avec lesquelles le contribuable fait affaires et les explications fournies par le représentant, nous avons déterminé les soldes de ce poste à la fin de chacune des années en litige. Le contribuable est d'accord avec les soldes déterminés.

[15]     Ces soldes étaient pour les années 1993 à 1996 aux montants respectifs de 83 300 $, de 99 200 $, de 110 025 $ et de 102 479 $. Il n'y a aucun litige quant à ces montants, toutefois, l'appelant soutient qu'une partie de ces placements étaient détenus au nom des enfants pour des argents reçus par ces derniers de parents ou provenant des prestations fiscales pour enfants. Cette représentation, qu'une partie des placements appartenait aux enfants, a été faite dans la proposition écrite par monsieur Pinto aux avocats agissant pour Revenu Québec. Elle n'a pas été retenue pour les fins de la transaction mentionnée au début de ces motifs.

[16]     Cette représentation s'est faite aussi auprès de Revenu Canada au niveau de l'opposition. Selon la pièce A-5, le montant des placements appartenant aux enfants sont pour l'année 1994 au montant de 23 200 $, pour l'année 1995, de 24 200 $ et pour l'année 1996 de 32 500 $. En 1993, ils auraient été de 19 300 $.

[17]     Voici ce que mentionne le rapport sur une opposition de Revenu Canada que l'on trouve à l'onglet 22 de la pièce R-1 :

3. Trois comptes de banques seraient ceux des enfants

D'abord au cours des discussions avec le représentant, celui-ci a mentionné que trois comptes de banque appartenaient aux enfants. Les parents y déposeraient les allocations familiales et la famille déposerait des cadeaux.

Or, au cours des discussions, le représentant a toujours laissé entendre que le contribuable avait deux enfants. Au départ, nous sommes dans une certaine incertitude et tout au plus pouvons nous envisager de considérer que deux de ces comptes.

De plus, le représentant n'a pas fourni aucune preuve documentaire comme quoi trois de ces comptes appartenaient aux enfants et qu'il y avait des dépôts effectués régulièrement.

Ce point n'a donc pas été accordé.

[18]     L'épouse de l'appelant, madame P. Rabinovitch a témoigné sur ce point au cours de l'audience pour relater les différents cadeaux que les enfants pouvaient recevoir et les comptes de banques qu'elle entretenait pour eux.

[19]     Au cours de sa plaidoirie, l'avocat de l'intimée a mentionné qu'il était plausible que les enfants aient reçu de l'argent de parents, d'amis et des prestations fiscales pour enfants. Bien qu'il n'y ait aucune preuve documentaire à cet effet, et qu'il n'y ait eu que le seul témoignage de l'épouse de l'appelant, l'avocat de l'intimée s'est dit prêt à accorder un montant de 600 $ par année, à inclure dans les ajustements à déduire pour chacune des années 1994 à 1996.

[20]     Le troisième point en litige concerne un montant de 70 000 $ inscrit comme don aux actifs de l'avoir net. L'appelant demande à ce que ce montant soit retranché.

[21]     Le vérificateur de Revenu Québec, monsieur Emmanuel Bitondo-Nanga, a expliqué que l'appelant avait affirmé avoir reçu un prêt de son frère Peter, au montant de 70 000 $ dans l'année 1994. Le montant inscrit au passif de 1994 est de 60 000 $ parce que 10 000 $ aurait déjà été payé à la fin de cette année. Comme il n'y a pas eu d'explication sur ce qui était advenu de ce montant de 70 000 $, il a été inscrit comme don comme il aurait pu être ajouté au coût de la vie. Ce prêt supposément fait par le frère de l'appelant, aurait été fait en argent comptant.

[22]     Au niveau de l'opposition à Revenu Canada, voici ce qui a été dit concernant le prêt de 60 000 $ à l'onglet 22 de la pièce R-1 :

Or si l'on reconnaît un prêt, il faut également déterminer l'utilisation de l'argent. Alors il apparaît de deux choses l'une :

-          ou bien il y a augmentation de l'actif

-          ou bien une augmentation de coût de vie l'année courante.

Le représentant soutient que le prêt était destiné à payer la quote-part du contribuable dans l'édifice de la rue Westmore, originalement acheté 50%-50% avec son beau-frère.

En étant entièrement propriétaire de l'édifice moyennant une remise, alors le contribuable avait une dette en 1993 au bilan d'ouverture. Il ne fait que substituer une dette à une autre.

En d'autre termes, au bilan d'ouverture, le contribuable était propriétaire à 100% de l'immeuble. S'il remet de l'argent, il s'agit soit d'un coût de vie si le coût du bien est de 1,00 $ soit de l'acquittement d'une dette. Empruntant de l'argent d'une part et la remettant de l'autre, ceci ne change en rien l'avoir net.

[23]     Madame Rabinovitch a également témoigné à l'égard de l'emprunt de 70 000 $. Elle a relaté que cette somme empruntée du frère de son mari, Peter, avait été remise à son frère à elle, Howard, qui était propriétaire avec son mari de la maison de rapport située au 492527 Westmore. Au début de son témoignage, elle semblait indiquer que le transfert de cette partie de la propriété avait été fait après 1994 ou 1995. Toutefois, sur présentation du document du transfert daté de 1993, qui indiquait que ce transfert avait été fait en 1993 pour la somme d'un dollar, madame Rabinovitch a fourni d'autres explications.

[24]     Une version des faits à peu près semblable avait été exprimée par monsieur Pinto à l'onglet 24, dans sa proposition faite à Revenu Québec en mars 2000. Au cours de l'audience, le représentant de l'appelant faisait état que Revenu Québec avait accepté ses représentations et que le montant de 70 000 $ avait été enlevé de la cotisation. En regardant le document, il est devenu apparent que Revenu Québec n'avait pas fait une telle réduction pour le règlement de l'impôt sur le revenu. Ce que Revenu Québec a fait pour les fins du règlement a été de radier les intérêts et les pénalités (onglet 12 de la pièce R-1)

[25]     Au niveau des oppositions, il y a également eu une demande de réduction de 30 000 $, au cours de l'année 1995, pour l'achat d'une propriété paraissant dans les immeubles. Voici ce qui a été dit à ce sujet dans le rapport sur une opposition à l'onglet 22 de la pièce R-1 :

La mère du contribuable a demandé à son fils d'acheter l'édifice de la rue Montclair afin d'aider une amie personnelle qui était en difficulté financière. Pour ce faire, la mère a utilisé un héritage provenant d'Italie et a prêté à son fils la somme de 30 000 $. Le représentant demande que l'on réduise l'avoir net de 30 000 $

La documentation fournie par le représentant est jugée suffisante pour que ce point soit accordé.

Analyse et conclusion

[26]     En ce qui concerne le premier point en litige, soit la prise en considération de l'erreur faite dans l'établissement de l'avoir net pour l'année 1996, je constate que cette erreur n'était pas mentionnée dans la Réponse et que la modification de la Réponse n'a pas été acceptée. C'est une erreur qui n'était pas non plus connue du vérificateur fédéral au moment de la cotisation.

[27]     Il s'agit là, à mon sens, d'éléments qui m'empêchent d'accepter de prendre l'erreur en compte, surtout le dernier élément relatif à la cotisation. Je m'appuie, à cet égard, sur la décision de la Cour d'appel fédérale dans Petro-Canada c. Canada, [2004] A.C.F. no 734 (Q.L), aux paragraphes 65, 68 et 69, où cette Cour a statué que le ministre ne pouvait faire indirectement ce qu'il ne pouvait faire directement, soit en appeler de sa propre cotisation.

[28]     Il me faut aussi constater que l'avocat de l'intimée n'a pas fait de réserve quant à la réduction de 20 000 $ du total des dépenses personnelles pour chacune des années 1995 et 1996.

[29]     En ce qui concerne les montants supposément détenus pour les enfants, montants provenant de sources autres que celles de l'appelant et de son épouse, la seule preuve testimoniale ne peut pas suffire. Les montants consentis par l'avocat de l'intimée paraissent raisonnables et sont acceptés.

[30]     En qui concerne la version de l'appelant concernant la déduction à faire pour le montant de 70 000 $ supposément emprunté, elle ne peut être acceptée. Il n'est pas possible de comprendre ce qui est advenu de cet argent. Il n'y a aucun document prouvant quoique ce soit, ni aucune explication comptable de la part du représentant de l'appelant.

[31]     Les appels sont accordés au motif qu'un montant de 8 000 $ pour l'année 1994 et de 20 000 $ pour chacune des années 1995 et 1996 doivent être retranchés du coût de la vie et ainsi retranchés du revenu non déclaré pour ces années, tel que cotisé. Un montant de 600 $ doit également être retranché pour chacune des années en litige.

[32]     Il n'y a pas vraiment eu de discussion en ce qui concerne l'imposition des pénalités sauf de demander la radiation des pénalités et intérêts, comme ce qui s'était fait pour les fins de règlement par Revenu Québec.

[33]     En ce qui concerne les pénalités, vu le montant substantiel de revenus non déclarés, je considère qu'elles ont été imposées à bon droit en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ). En ce qui concerne les intérêts, la Cour n'a aucune discrétion pour les radier. La seule disposition qui existe dans la Loi en ce qui concerne la radiation partielle ou totale des intérêts relève de la discrétion ministérielle en vertu de l'article 220(3.1) de la Loi. Cette même disposition accorde aussi au Ministre une discrétion à l'égard des pénalités.

Signé a Ottawa, Canada, ce 11e jour d'août, 2005.

« Louise Lamarre Proulx »

Juge Lamarre Proulx


RÉFÉRENCE :                                   2005CCI481

N º DU DOSSIER DE LA COUR :       2003-2879(IT)G

INTITULÉ DE LA CAUSE :               LUCIANO MENNILLO ET LA REINE

LIEU DE L'AUDIENCE :                    Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                  le 9 mars 2005

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :        l'hon. juge Louise Lamarre Proulx

DATE DU JUGEMENT :                    le 11 août 2005

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :

l'appelant lui-même

Avocat de l'intiméee :

Me Charles M. Camirand

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

       Pour l'appelant:

                   Nom :                             

                   Étude :

       Pour l'intimée :                             John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Ontario   

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