Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

Référence : 2005CCI497

Date : 20050815

Dossier : 2004-2471(EI)

ENTRE :

PHYLLIS ZACCARDI,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

(Rendus oralement à l’audience à Windsor (Ontario), le 29 juin 2005.)

 

La juge Woods

 

[1]     Il s’agit d’un appel interjeté par Phyllis Zaccardi à l’égard d’une décision du ministre du Revenu national (le « ministre ») selon laquelle l’appelante n’exerçait pas un emploi assurable pour la période commençant le 8 avril 2002 et se terminant le 21 novembre 2002.

 

[2]     Mme Zaccardi travaillait pour une entreprise familiale, ZDS Farms Ltd. (« ZDS »). Elle en détenait 26 pour 100 des actions, et son mari et ses fils détenaient le reste. Dans le contexte d’une entreprise familiale comme celle-ci, Mme Zaccardi n’a pas droit à des prestations d’assurance-emploi, à moins qu’il ne soit prouvé que les modalités de son emploi étaient à peu près semblables à ce qu’elles auraient été si l’employeur et l’employée n’avaient pas eu de lien de dépendance. Selon le ministre, elles ne l’étaient pas.

 

[3]     La question en litige dans cet appel est de savoir si la décision du ministre était raisonnable. Pour trancher cette question, je dois examiner l’ensemble des faits et des circonstances de l’emploi de Mme Zaccardi plutôt que d’examiner simplement les faits pris en compte par le ministre.

 

[4]     ZDS exploite une serre de production maraîchère à Leamington (Ontario). Le fils de Mme Zaccardi en était le président dès la constitution de la personne morale en 1996, et Mme Zaccardi a commencé à travailler pour ZDS en 2000. Elle avait pour tâches de superviser les cueilleurs, appelés travailleurs étrangers, et de cueillir elle-même des légumes. Durant la période en cause, il n’y avait jamais plus que cinq travailleurs étrangers. En plus de travailler pour la personne morale, Mme Zaccardi et son mari avaient prêté plus de 90 000 $ à ZDS pour l’acquisition de l’entreprise.

 

[5]     Mme Zaccardi a témoigné que les modalités de son emploi n’ont pas changé pendant la période en cause. Elle devait être payée 600 $ par semaine pour travailler à plein temps durant la période de végétation, période qui commence vers le mois de mars et se termine vers le mois de novembre. L’appelante travaillait habituellement une soixantaine d’heures par semaine durant cette période, et était mise en disponibilité pour le reste de l’année.

 

 [6]    Mme Zaccardi a témoigné avoir demandé un salaire de 600 $ par semaine parce que c’était approximativement le salaire qu’elle touchait lorsqu’elle occupait le poste de superviseure pour son employeur précédent, le Roma Club, un service des banquets. Avant cela, elle avait acquis beaucoup d’expérience au fil des années en travaillant comme superviseure dans des usines d’empaquetage, qui la payaient selon un taux horaire.

 

[7]     Pendant les deux années qui ont précédé l’année d’imposition en question, Mme Zaccardi n’a pas réellement reçu exactement 600 $ par semaine. Son salaire hebdomadaire variait au cours de cette période, et une partie de ce salaire était réinvestie dans l’entreprise. Selon les explications fournies pour justifier ces variations, ces montants étaient tout ce que l’entreprise pouvait se permettre de payer.

 

[8]     Pendant l’année 2002, qui est la période en cause, Mme Zaccardi a reçu une rémunération régulière de 600 $ par semaine pour la période commençant en avril et se terminant en novembre, pour un total de 19 800 $. Elle a commencé à travailler en avril ou en mai parce qu’elle avait subi une intervention chirurgicale plus tôt au courant de l’année.

 

[9]     Avant de passer à l’analyse de l’emploi de Mme Zaccardi, je voudrais ajouter que son fils, Dan Zaccardi, a témoigné que l’Agence du revenu du Canada avait établi une évaluation à l’égard de la personne morale, dans une année précédente, pour omission de remettre des cotisations d’assurance-emploi à l’égard de l’emploi qu’il exerçait. Il semble que le ministre a peut-être adopté des positions contradictoires en ce qui concerne Mme Zaccardi et son fils. C’est sans aucun doute frustrant mais, même si je peux exprimer de la sympathie pour les personnes qui se trouvent dans cette situation, il n’y a rien que je puisse y faire. Les décisions concernant chaque employé doivent être indépendantes les unes des autres. En l’espèce, il s’agit d’un appel qui concerne Mme Zaccardi seulement.

 

[10]   J’aimerais aussi formuler une observation concernant la demande que l’avocat de Mme Zaccardi a déposée pour faire inclure les années 2003 et 2004 dans les années visées par l’appel. L’année 2003 était prescrite, et l’avocat m’a demandé de prolonger le délai d’appel et d’inclure les deux années dans les années visées par l’appel. J’ai refusé d’examiner cette demande. L’avocat n’avait pas donné de préavis à l’avocat de la Couronne ni à la Cour en ce qui concerne cette demande, et n’avait pas examiné les dispositions législatives qui seraient pertinentes. Dans ces circonstances, j’ai conclu qu’il était plus approprié d’examiner cette question dans le cadre d’une procédure distincte.

 

[11]   Je passe maintenant à la principale question à trancher, soit la question de savoir si les modalités de l’emploi de Mme Zaccardi étaient à peu près semblables à ce qu’elle auraient été si l’employeur et l’employée n’avaient pas eu de lien de dépendance. Pendant l’année 2002, Mme Zaccardi a été payée 600 $ par semaine. Est-ce que ce salaire aurait été essentiellement le même si Mme Zaccardi et ZDS n’avaient pas été des personnes liées?

 

[12]   La preuve pertinente est la suivante. Le témoignage de Dan Zaccardi a nui à cet appel. Il a témoigné qu’il aurait probablement eu à payer plus cher pour que quelqu’un d’autre occupe ce poste si sa mère n’avait pas été disponible. Cette affirmation était essentiellement un aveu selon lequel le salaire de sa mère n’était pas caractéristique d’une relation sans lien de dépendance. Le témoignage de Mme Zaccardi n’a pas été utile non plus. Elle a témoigné que son salaire avait été déterminé en fonction du salaire qu’elle recevait au Roma Club. Ce témoignage donne à penser que rien n’a été fait pour tenter de déterminer combien une personne sans lien de dépendance avec l’employeur aurait été payée pour faire le travail que Mme Zaccardi faisait pour ZDS. À l’audience, aucun élément de preuve n’a été présenté en ce qui concerne le salaire que ZDS paierait à quelqu’un d’autre pour faire le travail, et aucun élément de preuve n’indiquait le salaire que les autres serres dans cette région versaient aux employés sans lien de dépendance avec l’employeur qui faisaient le même travail que Mme Zaccardi.

 

[13]   Il n’est pas utile d’examiner les salaires que la personne morale payait aux travailleurs étrangers parce que ceux-ci étaient payés à l’heure, qu’ils n’avaient pas de tâches de supervision et que ZDS leur fournissait gratuitement logement et repas, et transport. Il n’est pas utile non plus d’examiner le salaire du fils de Mme Zaccardi parce que ce salaire n’avait pas été établi dans le cadre d’une relation sans lien de dépendance.

 

[14]   Il n’est pas utile non plus d’examiner les emplois précédents de Mme Zaccardi. Ces emplois étaient très différents de celui qu’elle occupe présentement. Les usines où elle a travaillé employaient plus d’une centaine d’employés, un nombre très différent des trois à cinq employés de ZDS. Elle était payée à l’heure, et il n’y avait aucun élément de preuve indiquant combien d’heures elle travaillait chaque semaine dans le cadre de ces emplois. Son employeur le plus récent, le Roma Club, était un service des banquets. Il est impossible de comparer les tâches qu’elle avait à accomplir pour cet employeur à celles accomplies pour la serre, et il n’y avait aucun élément de preuve indiquant si les heures de travail de Mme Zaccardi dans le cadre de cet emploi étaient semblables à ses heures de travail dans le cadre de son emploi pour ZDS.

 

[15]   J’arrive donc à la conclusion que Mme Zaccardi n’a pas démontré que les modalités de son emploi en 2002 étaient à peu près semblables à ce qu’elles auraient été dans le cas d’une relation sans lien de dépendance.

 

[16]   Je ne suis pas certaine que l’emploi de Mme Zaccardi pour les deux dernières années soit vraiment pertinent, mais il est clair que le salaire qu’elle a reçu durant cette période n’était pas caractéristique d’une relation sans lien de dépendance à cause des fluctuations de sa rémunération. Une personne sans lien de dépendance n’aurait pas travaillé dans de telles conditions. On a soutenu que les concessions salariales devraient être considérées comme ayant été faites par Mme Zaccardi en sa qualité d’actionnaire plutôt qu’en sa qualité d’employée. Cela est peut-être le cas, mais la raison pour laquelle Mme Zaccardi a fait les concessions salariales n’a pas d’importance. Le fait est qu’elle a accepté des modalités d’emploi qui n’étaient pas caractéristiques d’une relation sans lien de dépendance.

 

[17]   Pour ces motifs, je conclus que la décision du ministre était raisonnable. Il peut sembler sévère de la part du Parlement de ne pas accorder de prestations d’assurance-emploi à une personne qui travaille fort pour une entreprise familiale, mais le critère que le Parlement a imposé par voie législative est que l’emploi est assurable seulement si les modalités de cet emploi sont à peu près semblables à ce qu’elles auraient été dans le cas d’une relation sans lien de dépendance. Compte tenu de la preuve qui m’a été présentée, je conclus que la décision du ministre était raisonnable. L’appel est rejeté.

 

 

Signé à Toronto (Ontario), ce 15e jour d’août 2005.

 

 

 

« J. Woods »

Juge Woods

 

Traduction certifiée conforme

ce 8e jour de février 2006.

 

Sara Tasset


 

 

RÉFÉRENCE :

2005CCI497

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :

2004-2471(EI)

 

INTITULÉ :

Phyllis Zaccardi c. M.R.N.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Windsor (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 27 juin 2005

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Judith Woods

 

DATE DU JUGEMENT :

Le 13 juillet 2005

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelante :

 

Me David Deluzio

Avocat de l’intimé :

Me Gatien Fournier

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Pour l’appelante :

 

Nom :

David Deluzio

 

Cabinet :

David Deluzio Law Firm

Windsor (Ontario)

 

 

Pour l’intimé :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

 


 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.