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Dossier : 2004-931(EI)

ENTRE :

PIERRE MÉLANÇON,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

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Appel entendu le 9 août 2004 à Percé (Québec)

Devant : L'honorable juge Paul Bédard

Comparutions :

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocate de l'intimé :

Me Agathe Cavanagh

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JUGEMENT

          L'appel est rejeté et la décision rendue par le ministre est confirmée selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour d'août 2004.

« Paul Bédard »

Juge Bédard


Référence : 2004CCI565

Date : 20040830

Dossier : 2004-931(EI)

ENTRE :

PIERRE MÉLANÇON,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Bédard

[1]      L'appelant en appelle de la décision du ministre du Revenu national (le « ministre » ) qui soutient que l'appelant n'exerçait pas un emploi assurable durant la période en cause, soit du 5 août au 11 octobre 2002, lorsque au service de Primex 2000 Inc. (le « payeur » ), et ce, aux termes d'un véritable contrat de louage de services au sens de l'alinéa 5(1)a) de la Loi sur l'assurance-emploi (la « Loi » ).

[2]      Les faits sur lesquels le ministre s'est appuyé pour rendre sa décision sont décrits au paragraphe 5 de la Réponse à l'avis d'appel et sont les suivants :

a)          le payeur a été constitué en société le 21 octobre 1996;

b)          Gaston Langlais était l'actionnaire majoritaire du payeur avec 97 % des actions avec droit de vote du payeur;

c)          le payeur exploitait une entreprise d'achat et de vente en gros de homards vivants au cours des dix semaines que dure cette pêche;

d)          l'appelant prétend qu'il a travaillé comme conseiller pour la relance de l'usine du payeur durant la période en litige alors qu'il ne l'a pas fait;

e)          durant la période en litige, il n'y avait pas de pêche au homard;

f)           durant la période en litige, l'appelant prétend avoir travaillé pour le payeur chaque semaine, du lundi au vendredi, de 8 h 30 à 17 h alors qu'en réalité l'appelant n'a rendu que quelques services de peu de durée et qu'à l'occasion au payeur et cela pendant et après la période en litige;

g)          durant la période en litige, l'appelant prétend avoir reçu une rémunération brute de 750 $ par semaine alors que ni l'appelant, ni le payeur ne pouvaient fournir de preuve que l'appelant ait véritablement été rémunéré;

h)          l'appelant prétend avoir été payé en argent comptant par le payeur;

i)           le 18 octobre 2002, le payeur émettait un relevé d'emploi à l'appelant, pour la période débutant le 5 août 2002 et se terminant le 11 octobre 2002, et qui indiquait 350 heures assurables et une rémunération assurable totale de 7 500,00 $;

j)           le relevé d'emploi ne reflète pas la réalité quant à la période travaillée, quant aux heures travaillées ni quant à la rémunération versée;

k)          l'appelant avait besoin de 420 heures pour se qualifier à recevoir des prestations d'assurance-emploi et il n'avait accumulé que 225 heures assurables lors d'un emploi qui s'était terminé le 2 août 2002;

l)           l'appelant et le payeur ont conclu un arrangement afin de permettre à l'appelant de se qualifier à recevoir des prestations d'assurance-emploi.

Analyse

[3]      Un emploi qui n'est pas un trompe-l'oeil et qui remplit toutes les conditions énoncées au Code civil du Québec constitue un contrat de travail véritable aux fins de la Loi et ce, même si le contrat de travail visait à rendre une personne admissible à des prestations d'assurance-emploi. Toutefois, cette cour a l'obligation de scruter avec soin l'entente qui existait entre les parties - ici l'appelant et le payeur - pour s'assurer qu'un véritable contrat de travail existe.

[4]      La première question qu'il faut résoudre ici est donc de savoir si le contrat liant l'appelant constituait un véritable contrat de travail. Les trois éléments essentiels à l'existence du contrat de travail sont : la prestation d'un service, le paiement d'une rémunération et l'existence d'un lien de subordination. Les modalités d'un véritable contrat de travail doivent s'articuler autour de la prestation de travail à accomplir, d'un mécanisme permettant de contrôler l'exécution du travail et, finalement, d'une rétribution correspondant essentiellement à la quantité et à la qualité du travail exécuté.

Prestation de services

[5]      Est-ce que l'appelant a véritablement rendu des services au payeur? Il convient d'abord de souligner que la preuve de l'appelant reposait essentiellement sur son témoignage et sur celui de monsieur Gaston Langlais, le principal actionnaire du payeur. Leur témoignage a révélé :

          i)         qu'en 1996, le payeur avait acquis une usine d'un tiers qui l'avait construite initialement pour produire des produits marins panés, mais que le tiers s'était toutefois départi avant 1996 de l'équipement nécessaire à ce genre de production;

          ii)        que le payeur avait essentiellement retenu les services de l'appelant pour l'aider à relancer la production de produits marins panés;

iii)       que pendant la période en cause, non seulement l'appelant avait fait des études et des recherches pour relancer l'usine, mais il avait aussi contacté plusieurs intervenants financiers et gouvernementaux dans le but de financer le projet de relance;

iv)       que l'appelant, bien qu'il était notaire de formation, avait les compétences requises pour faire ce travail car il avait rendu des services semblables à d'autres employeurs;

v)        que l'appelant avait consacré 350 heures à ce projet à raison de 35 heures par semaine. Le travail de l'appelant était principalement exécuté à l'usine. Il était le seul employé qui travaillait à l'usine pendant la période en cause, puisque la saison du homard était alors terminée. Il se rendait occasionnellement au siège social (qui était situé à la résidence de monsieur Langlais) pour utiliser l'ordinateur du payeur;

          vi)       que l'appelant n'avait produit aucun rapport écrit faisant état de ses recherches et analyses, mais seulement des rapports verbaux lors de ses rencontres sporadiques avec monsieur Langlais.

[6]      Je tiens d'abord à souligner que le témoignage de l'appelant a été pour le moins imprécis, pour ne pas dire muet, sur la nature exacte de ses études et analyses; s'agissait-il d'une étude de marché, d'une étude de faisabilité ou encore d'un plan de financement? Il n'a pas cru bon, non plus, de produire quelque correspondance que ce soit pour appuyer son témoignage qu'il avait contacté plusieurs organismes gouvernementaux et privés dans le but de trouver du financement et des subventions pour relancer le projet. Son témoignage à cet égard n'a pas été non plus appuyé par quelque autre témoignage indépendant et crédible. De plus, le fait que le payeur n'avait pas exigé de rapports écrits faisant état des résultats de ses recherches et analyses et qu'il s'était plutôt contenté de rapports verbaux dans les circonstances m'apparaît invraisemblable et improbable. N'oublions pas que l'appelant a consacré 350 heures à ces études et analyses et que le coût fut de 7 500 $.

[7]      Je tiens à rappeler que l'appelant avait le fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu'il avait réellement rendu de tels services au payeur. L'appelant ne s'est tout simplement pas acquitté de l'obligation qui lui incombait. En d'autres termes, le témoignage de l'appelant et de monsieur Langlais, non appuyé par quelque preuve documentaire que ce soit ou par quelque témoignage indépendant et crédible que ce soit, ne m'a tout simplement pas convaincu que l'appelant avait réellement rendu de tels services au payeur.

Rémunération

[8]      Est-ce que l'appelant a vraiment reçu du payeur, pour les services rendus, une rémunération hebdomadaire de 750 $ pendant toute la période en litige? La preuve de l'appelant à ce titre reposait uniquement sur son témoignage et sur celui de monsieur Gaston Langlais.

[9]      À ce titre, le témoignage de l'appelant nous a révélé :

          i)         qu'il avait été rémunéré par monsieur Langlais plutôt que par le payeur puisque le compte de banque du payeur était saisi pendant la période en cause;

          ii)        que monsieur Langlais l'avait rémunéré en argent comptant;

          iii)       qu'il n'avait pas été rémunéré régulièrement, c'est-à-dire à toutes les semaines, bien qu'il avait reçu toute la rémunération qui lui était due aux termes de son contrat d'emploi;

          iv)       qu'il déposait une partie de sa rémunération dans le compte de banque de son conjoint car il ne possédait pas de compte de banque, ne voyant pas l'utilité d'en posséder un personnellement.

[10]     Le témoignage de monsieur Langlais a révélé :

          i)         qu'il avait dû personnellement verser à l'appelant la rémunération qui lui était due aux termes du contrat d'emploi qui liait l'appelant et le payeur puisque le compte de banque de ce dernier était saisi pendant la période en cause. Il a ajouté qu'il avait traité les sommes ainsi versées à l'appelant comme des avances faites au payeur, sans toutefois fournir quelque preuve documentaire que ce soit à cet égard;

          ii)        qu'il avait rémunéré l'appelant en argent comptant. Lors du contre-interrogatoire par l'avocate de l'intimé sur le motif qui l'avait incité à rémunérer l'appelant en argent comptant plutôt que par chèque, monsieur Langlais s'est offusqué et a répondu sur un ton agressif que rien ne l'obligeait à le payer par chèque;

          iii)       qu'il n'avait pas rémunéré régulièrement l'appelant, c'est-à-dire à toutes les semaines, mais qu'il avait tout de même versé à l'appelant toute la rémunération qui lui était due par le payeur aux termes du contrat d'emploi qui liait l'appelant et le payeur. Toutefois, il n'a pu expliquer véritablement pourquoi la liste de paye du payeur (pièce A-2) indiquait que l'appelant avait été rémunéré à toutes les semaines.

[11]     Encore une fois, je tiens à rappeler que le fardeau de la preuve reposait sur l'appelant qui devait démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu'il avait réellement reçu une telle rémunération et qu'elle correspondait essentiellement à la qualité et à la quantité du travail exécuté. Je suis d'avis que l'appelant ne s'est pas acquitté de l'obligation qui lui incombait. La preuve qu'il a présentée en l'espèce reposait essentiellement sur son témoignage et sur celui de monsieur Langlais, qu'on ne peut qualifier de témoin indépendant. Cette preuve ne m'a tout simplement pas convaincu.

[12]     Je suis d'avis qu'il n'y a pas eu en l'espèce de véritable contrat de travail, puisqu'à mon avis les services n'ont pas été réellement rendus par l'appelant et qu'une rétribution correspondant à la qualité et à la quantité du travail exécuté n'a pas été réellement reçue par l'appelant. À mon avis, l'emploi était tout simplement un trompe-l'oeil qui visait tout simplement à rendre l'appelant admissible à des prestations d'assurance-emploi. Compte tenu de ce qui précède, je ne vois pas l'utilité d'analyser l'existence ou non d'un lien de subordination entre le payeur et l'appelant et de me prononcer à ce sujet. Il convient de rappeler que le régime d'assurance-emploi est une mesure sociale dont l'objectif est de soutenir ceux et celles qui perdent véritablement leur emploi.

[13]     En regard de ce qui précède, l'appel est rejeté et la décision du ministre est confirmée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour d'août 2004.

« Paul Bédard »

Juge Bédard


RÉFÉRENCE :

2004CCI565

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2004-931(EI)

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Pierre Mélançon et M.R.N.

LIEU DE L'AUDIENCE :

Percé (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :

le 9 août 2004

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

L'honorable juge Paul Bédard

DATE DU JUGEMENT :

Le 30 août 2004

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Pour l'intimé :

Me Agathe Cavanagh

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER:

Pour l'appelant :

Nom :

Étude :

Pour l'intimé :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

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