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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Dossier: 2000-4106(IT)G

ENTRE :

MARIE-CLAUDE BOUCHER,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

_____________________________________________________________

Appel entendu le 23 septembre 2002 à Victoria (Colombie-Britannique)

Devant : l'honorable juge Gordon Teskey

Comparutions :

Pour l'appelante :

L'appelante elle-même

Avocat de l'intimée :

Me David Chodikoff

____________________________________________________________________

JUGEMENT

L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1990 est rejeté, avec dépens, selon les motifs du jugement ci-joints.


Signé à Ottawa, Canada, ce 27e jour de février 2003.

« Gordon Teskey »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 17e jour de janvier 2005.

Mario Lagacé, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Référence: 2003CCI86

Date: 20030227

Dossier: 2000-4106(IT)G

ENTRE :

MARIE-CLAUDE BOUCHER,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Teskey

[1]      L'appelante interjette appel de la cotisation d'impôt sur le revenu établie à son égard pour l'année d'imposition 1990.

Point en litige

[2]      Le seul point en litige est de savoir si W.C.I. Wood Conversion Inc. ( « Wood » ) a effectué les retenues à la source habituelles sur les sommes versées à l'appelante totalisant 213 022 $.

Faits

[3]      Pour la période allant du 1er janvier 1990 au 18 décembre 1990, l'appelante était dirigeante de Wood et elle était en charge d'effectuer les retenues salariales.

[4]      À l'époque, Wood comptait onze employés recevant un salaire horaire et trois cadres supérieurs, notamment l'appelante, payés par le biais de primes établies en fonction de la rentabilité.

[5]      L'appelante a allégué qu'elle avait [traduction] « effectué toutes les retenues à la source pour tous les employés et qu'elle avait remis ces retenues pour les employés payés à l'heure, mais qu'elle n'avait pas remis ces retenues pour les trois employés payés par le biais de primes, car il s'agissait du premier exercice et que les primes devaient être rajustées à la fin de celui-ci » lorsque les bénéfices réalisés seraient calculés.

[6]      L'appelante a produit sa déclaration de revenus T1 pour 1990 en avril 1991 et sa déclaration était accompagnée d'une lettre adressée à Revenu Canada.

[7]      La déclaration de revenus T1 indique, à la ligne 120, que l'appelante a reçu en 1990 des dividendes de 266 340 $ d'une société canadienne et, à la ligne 121, qu'elle a reçu des intérêts de 3 586,84 $. L'appelante demandait un remboursement de 40 010,45 $.

[8]      La lettre prétend que l'appelante était employée, qu'elle détenait 50 pour 100 des actions de Wood et que, comme son ancien associé n'avait pas conclu une convention d'achat-vente, elle avait quitté la société.

[9]      Elle ajoutait qu'elle avait reçu un feuillet T4 indiquant une somme de 7 721,28 $ relative à l'utilisation personnelle d'une automobile de la société, et que cette somme ne devait pas être imposable entre ses mains.

[10]     Elle indiquait également que la société avait délivré un feuillet T4A pour 213 072 $. Elle soutenait que cette somme représentait [traduction] « sa part des bénéfices réalisés durant l'année » . Elle soulignait ensuite que cette somme aurait dû être indiquée comme revenu de dividendes dans un feuillet T5 et qu'elle l'avait incluse à ce titre à l'annexe 5.

[11]     L'appelante a déposé en preuve les motifs d'un jugement rendu par le juge Ferrier de la Cour supérieure de l'Ontario lors d'une action intentée par l'appelante (la demanderesse) à l'encontre de John Kennedy et de Wood (les défendeurs), lesquels ont déposé une demande reconventionnelle contre l'appelante et une société qu'elle avait constituée.

[12]     Le procès a duré environ 12 jours.

[13]     Sous la mention « Contexte » , le juge Ferrier a indiqué que Kennedy était marié à la soeur de l'appelante, Lisette, et que l'appelante était donc sa belle-soeur.

[14]     Le juge Ferrier a conclu que l'appelante, avocate, était courtier en valeurs mobilières, qu'elle avait travaillé pour Burns Fry à Toronto depuis 1984 et qu'elle avait quitté dans des circonstances houleuses. Il a conclu que, durant la période allant d'octobre 1987 à avril 1988, l'appelante avait effectué nombre d'opérations non autorisées, qu'elle avait contrefait la signature de clients sur des documents et qu'elle avait falsifié des relevés de compte. Elle avait également tenté d'usurper l'identité de Richard Pyne et avait participé à une fraude fiscale en portant une perte fictive au compte d'un client qui n'avait pas subi de perte.

[15]     Le juge Ferrier a ainsi résumé le contexte à la page 7 des motifs :

                        [traduction]

Après avoir été admise au Barreau du Manitoba en 1973, Boucher a exercé le droit pendant un an dans une pratique commerciale et a passé environ quatre ans au service du gouvernement fédéral à travailler sur des affaires commerciales. Par la suite, elle a travaillé durant quelques années comme consultante pour Magna Corporation, elle a assisté Richard Pyne de temps à autre et a continué d'agir à titre de consultante pour Magna alors qu'elle était courtier pour Burns Fry.   

[16]     Ce que le juge Ferrier a omis de mentionner, ou ce qu'il ne savait pas, est que, durant les deux premières années suivant l'obtention de son diplôme, l'appelante avait travaillé pour le ministère du Revenu national et qu'elle s'occupait alors de la rédaction de la législation sur l'impôt sur le revenu.

[17]     Sous la mention [traduction] « QUESTION DE SAVOIR DANS QUELLE MESURE BOUCHER ÉTAIT UNE ACTIONNAIRE DE WOOD » , le juge Ferrier a conclu qu'il n'existait pas de convention des actionnaires, mais qu'il y avait eu une entente verbale selon laquelle l'appelante détiendrait 49 pour 100 des actions et Kennedy, 51 pour 100. L'appelante devait contribuer une partie d'un remboursement d'impôt de 40 000 $ à sa part du prix d'achat.

[18]     Le juge Ferrier a conclu que cette somme de 40 000 $ était exigée afin que l'appelante devienne une actionnaire, que son versement avait été convenu en mai 1989, qu'elle n'avait jamais été payée et que l'appelante n'était jamais devenue actionnaire. Le juge Ferrier n'a pas accepté le témoignage ou les allégations de l'appelante à l'effet qu'elle avait droit à un remboursement d'impôt de 40 000 $.

[19]     Le juge Ferrier a également conclu que, en octobre 1990, la relation entre Kennedy et l'appelante s'était détériorée au point où Kennedy voulait que l'appelante cesse d'être associée de Wood.

[20]     Le juge Ferrier énonce aux pages 15 et 16 des motifs :

                        [traduction]

En outre, Boucher a abusé de son pouvoir de signature en sa qualité de chef d'établissement en effectuant une mise de fonds pour l'achat d'une automobile personnelle avec les fonds de la société et en achetant un voilier avec les fonds de la société sans avoir au préalable reçu l'approbation de Kennedy ni l'avoir consulté. De plus, afin de contourner la limite de son pouvoir de signer des chèques, qui s'établissait à 5 000$, elle a établi deux chèques pour l'achat du voilier, d'une somme totale de 7 500 $. Ces agissements ne constituent qu'un exemple parmi tant d'autres de la manière dont Boucher ignore les règlements et ses obligations afin de faire ce qui lui chante. Malgré la responsabilité qu'elle avait de diriger la société, elle a délibérément omis de remettre au ministère du Revenu national l'impôt retenu à la source. Elle a enfreint la réglementation du travail en omettant de payer à ses employés un salaire pour les heures supplémentaires, et lorsque, très longtemps après, elle leur a finalement versé ce salaire, elle a tenté de prendre, et dans au moins un cas elle a effectivement pris, un remboursement pour 50 % du salaire des employés pour les heures supplémentaires.

            En outre, elle a ouvert un compte de petite caisse excessivement élevé et l'utilisait fréquemment pour effectuer des achats personnels.

[21]     Sous la mention [traduction] « OUTRAGE AU TRIBUNAL » , le juge Ferrier a conclu que l'appelante avait omis à maintes reprises et en toute connaissance de cause de se conformer à une injonction d'un tribunal durant une période de deux ans et il l'a condamnée à payer une amende de 30 000 $ pour outrage au tribunal.

[22]     Sous la mention « QUANTUM MERUIT » , le juge Ferrier indique que l'appelante a effectué une demande fondée sur le quantum meruit et poursuit de la sorte :

                        [traduction]

            Pour ce qui est du montant auquel Boucher aurait droit, l'avocat de Boucher soutient qu'elle devrait recevoir 50 pour 100 des bénéfices excédentaires à la somme que Boucher et Kennedy ont prélevée, moins la somme de 20 000 $ afin de tenir compte du mois de décembre 1990, alors que Boucher ne faisait plus partie de la société. Le montant présenté par l'avocat de Boucher est de 150 000 $.

            La démarche utilisée pour calculer la somme concernée n'est pas déraisonnable, mais elle ne tient pas compte de trois éléments. Le premier est que Kennedy avait consacré une somme de temps appréciable à l'élaboration du projet au cours des étapes de conception ainsi qu'à organiser le travail préliminaire en établissant des contacts avec divers organismes, dont la municipalité de Peel. En quelques mots, Boucher ne devrait pas avoir droit à une part égale, ni même quasi égale, afin de tenir compte de sa participation durant la période allant de juin 1988 à novembre 1990. En deuxième lieu, les agissements de Boucher, lesquels ont entraîné l'annulation de la subvention du CNRC, privant ainsi la société d'une somme de 92 000 $, doivent être examinés dans le cadre de toute demande fondée sur le quantum meruit. Troisièmement, elle avait déjà reçu en rémunération de ses efforts la somme d'environ 220 000 $.

            Je suis convaincu que Boucher a déjà été largement rémunérée pour sa contribution. Par conséquent, la demande fondée sur le quantum meruit est rejetée.

[23]     Ainsi, le juge Ferrier a conclu que la somme de 220 000 $ représentait la rémunération totale pour l'année 1990 à laquelle l'appelante avait droit. L'appelante a déclaré que les retenues à la source étaient effectuées mais qu'elles n'étaient pas remises, et elle a fourni à cet égard l'explication suivante :

                        [traduction]

         

Parce que durant le premier exercice nous n'étions pas certains si - comme il s'agissait du premier exercice de la société, nous ne savions pas quelle serait l'ampleur des bénéfices, et ces primes, ces prélèvements, étaient établis en fonction de la rentabilité de la société.

[24]     Au réinterrogatoire, l'appelante a consulté un grand livre et a déclaré :

[traduction]

[...] Mon associé et moi, M. Kennedy, effectuions des prélèvements sur une base régulière pour la période commençant le - je vais juste m'assurer que j'ai la bonne date. Pour une période commençant le 24 juillet 1989 et allant jusqu'au 3 octobre 1990. Ces retraits étaient les suivants : 5 000, 5 000, 5 000, 18 000, 6 200, 5 000, 5 000, 34 000. Donc, jusqu'à cette date, j'avais prélevé lorsque j'ai quitté - le grand livre montre que j'avais prélevé 250 659 $. Et son grand livre montre qu'il avait prélevé 261 723 $. Et le [...]

Analyse

[25]     Je constate que l'appelante est prête à déclarer sous serment n'importe quoi qui, selon elle, pourrait l'aider à remporter son appel. Elle a juré qu'elle avait produit sa déclaration de revenus T1 conformément au feuillet T4A dont elle disposait. De toute évidence, cela est faux. Cette somme ne figure pas dans sa déclaration de revenus T1 pour 1990 et la lettre qu'elle a écrite à Revenu Canada et qui accompagnait la déclaration indique d'ailleurs spécifiquement que cette somme devrait figurer sur un feuillet T5 au titre de revenu de dividendes. Elle a pris le total de ses prélèvements de 213 072 $ et elle l'a gonflé de 25 pour 100, savoir de 53 268 $, pour en arriver à une somme de 266 340 $, qui est celle qui figure dans sa déclaration de revenus T1 pour 1990.

[26]     Le juge Ferrier a dit :

                        [traduction]

Malgré la responsabilité qu'elle avait de diriger la société, elle a délibérément omis de remettre au ministère du Revenu national l'impôt retenu à la source.

[27]     L'appelante utilise cet énoncé pour soutenir sa déclaration selon laquelle elle a effectué des retenues à la source. Je ne peux accepter cet argument. Je suis d'avis que le juge Ferrier faisait référence aux employés qui étaient payés à l'heure. De plus, lorsque l'appelante a fait référence au grand livre, lequel n'a pas été déposé en preuve, elle a été en mesure de mentionner avec précision tous les prélèvements. Le journal des salaires aurait montré les retenues à la source si l'impôt sur le revenu avait été déduit. Qui plus est, le juge Ferrier a déclaré, relativement à la demande fondée sur le quantum meruit de l'appelante, qu'elle avait reçu environ 220 000 $ et qu'il s'agissait là d'une rémunération largement suffisante pour sa contribution. Si les registres de la société avaient montré que des retenues à la source avaient été effectuées, il aurait eu à se pencher sur des chiffres nettement plus élevés. Le juge Ferrier a donc déterminé que la rémunération totale de l'appelante pour l'année 1990 correspondait aux prélèvements qu'elle avait reçus, sans plus. Par conséquent, le revenu total de l'appelante provenant de Woods pour 1990 était de 213 072 $, sans plus.

[28]     Je suis convaincu que Kennedy et l'appelante ont tous deux effectué ces prélèvements et que, à la clôture de l'exercice, ils allaient s'asseoir ensemble et décider de la manière dont ces paiements seraient qualifiés par la société. Cette façon de faire est normale dans le cas d'une petite société à capital fermé. Malheureusement, l'appelante s'est séparée de Wood et de Kennedy avant la clôture de l'exercice.

[29]     Je conclus qu'aucun montant d'argent n'a été mis de côté au titre de retenues à la source relativement aux prélèvements effectués par l'appelante puisque, à cette époque, l'appelante soutenait qu'il s'agissait de dividendes; je rejette l'argument de l'appelante à cet égard. Dans sa déclaration de revenus T1 pour 1990, elle a présenté les prélèvements comme étant des dividendes et, dans une présentation écrite à Revenu Canada, elle a souligné qu'elle aurait dû recevoir un feuillet T5 pour la somme de 213 072 $.

[30]     Habituellement, j'aurais conclu mes motifs de la sorte et l'appel aurait été rejeté, avec dépens. Toutefois, l'appelante a demandé à la Cour de faire passer le montant de la cotisation à 414 617 $, ce qui fait augmenter la cotisation faisant l'objet de l'appel de 201 545 $, et d'ordonner au ministre du Revenu national de lui accorder un crédit de 201 545 $.

[31]     Lorsque j'ai demandé à l'appelante ce qu'elle demanderait si je décidais que la Cour n'avait pas la compétence d'ordonner au ministre de lui accorder le crédit qu'elle demandait, l'appelante a déclaré qu'elle voulait que la cotisation soit augmentée de toute façon.

[32]     J'ai ensuite demandé à ce qu'une argumentation écrite soit présentée pour trancher si la Cour pouvait faire augmenter une cotisation sur demande et, dans l'affirmative, si elle avait la compétence d'ordonner au ministre d'émettre un crédit pour des retenues à la source qui auraient effectivement été effectuées ou qui auraient dû l'être. J'ai maintenant reçu les argumentations écrites des deux parties.

   

[34]     Cependant, au vu de mes conclusions précédentes, les questions soulevées dans les argumentations écrites sont sans objet et, partant, je ne ferai pas de commentaires à cet égard.

[35]     L'appel est rejeté avec dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 28e jour de février 2003.

« Gordon Teskey »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 17e jour de janvier 2005.

Mario Lagacé, réviseur

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