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Dossier : 2003-3934(IT)I

ENTRE :

TANIA MONICA FUNK,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 15 décembre 2004 à Winnipeg (Manitoba)

 

Devant : L’honorable juge J.E. Hershfield

 

Comparutions :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle‑même

 

Avocat de l’intimée :

Perry Derksen

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L’appel interjeté à l’encontre de la cotisation établie en application de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 1999 est accueilli sans qu’aucuns dépens ne soient adjugés, conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de janvier 2005.

 

 

"J.E. Hershfield"

Le juge Hershfield


 

 

 

 

Référence : 2005TCC61

Date : 20050117

Dossier : 2003-3934(IT)I

ENTRE :

TANIA MONICA FUNK,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Le juge Hershfield

 

[1]     Cet appel vise une cotisation qui a été établie pour l’année d’imposition 1999 de l’appelante et qui a été confirmée parce que l’appelante était une employée de la société de construction de son ex‑mari (la société), dans laquelle elle détenait une participation de 49 % à titre d’actionnaire, et parce qu’en tant qu’employée de la société, elle avait gagné 30 000 $ de revenu d’emploi pour l’année. L’appelante nie avoir été une employée de la société et avoir touché 30 000 $ dans l’année.

 

[2]     Pendant un certain nombre d’années précédant l’année en cause, l’appelante était « inscrite » comme touchant un revenu de la société. Ce revenu était déterminé par le comptable de la société sans que l’appelante n’ait à intervenir. Le comptable calculait son revenu après avoir rapproché, sur une base familiale, le compte de prêts aux actionnaires de manière à en arriver à un solde nul à la fin de chaque année. Quant à la répartition faite entre l’appelante et son mari, un revenu était attribué à l’appelante selon une méthode efficace sur le plan fiscal.

 

[3]     Dans l’année en cause, les fonds de la société ont été utilisés au profit personnel de l’appelante et de son mari, mais dans le rapprochement du compte de prêts fait sur une base familiale, rien n’a été fait pour répartir les avantages obtenus à un actionnaire ou à l’autre en fonction des avantages concrètement reçus. Si le solde net du compte de prêts profitant à la famille s’établissait à 100 000 $, l’appelante se voyait attribuer un revenu de 30 000 $ pour pouvoir tirer parti des faibles taux d’impôt sur la première tranche de revenu. Le comptable a déclaré, à l’audience, que c’était la façon dont le revenu de l’appelante pour 1999 avait été déterminé en avril 2000. Il a déclaré qu’il ne se souvenait pas avoir parlé avec l’appelante au sujet de ce régime fiscal efficace. En fait, son témoignage tend à confirmer que non seulement il n’a jamais été question avec elle du revenu qui lui avait été attribué en 1999, mais qu’il ne lui en avait même jamais parlé dans une autre année. Les déclarations de revenus de l’appelante ont été produites par voie électronique par le cabinet du comptable, et elle n’a donc pas signé les déclarations soumises en son nom. Il n’a pas été prouvé à l’audience qu’elle avait signé des autorisations pour la production de ses déclarations. Une lettre de rapport distincte a été expédiée à l’appelante et à son mari pour leur indiquer le revenu déclaré en leur nom pour 1999, mais les deux lettres avaient été glissées dans la même enveloppe. C’est‑à‑dire que, selon la preuve, aucune lettre de rapport n’a jamais été envoyée à l’appelante sous pli distinct adressé à son nom propre.

 

[4]     L’appelante et son mari se sont séparés le 1er janvier 2000, et l’appelante a dû faire face à une obligation fiscale découlant du revenu déclaré dans sa déclaration. La société a fait faillite, aggravant de ce fait la situation critique de l’appelante. Je suis donc porté à croire qu’elle se trouve sans recours contre la société, son ex‑mari l’ayant laissé, elle et ses enfants, aux prises avec des difficultés financières.

 

[5]     Les événements qui revêtent de l’importance en regard de cet appel ne s’arrêtent pas là. En 2000, la Cour du Banc de la Reine du Manitoba (Division de la famille) a été saisie d’une affaire. L’avocat de l’intimée a mis l’appelante en présence de deux affidavits signés par elle au cours de cette affaire en avril 2000, après qu’elle a eu déclaré sous serment n’avoir reçu qu’environ 1 000 $ de la société en 1999 et n’avoir rendu aucun service ni occupé aucune charge. Cependant, les affidavits établis ensemble en avril 2000 reconnaissent qu’elle avait « théoriquement » reçu de la société (probablement pour 1998) un salaire de 24 000 $ pour des services qu’elle avait rendus à titre de secrétaire, et que la société avait fait les versements pour son automobile et payé son essence et ses primes d’assurance, ainsi que d’autres dépenses familiales comme la nourriture pour chiens et le tracteur de jardin. Lors du contre‑interrogatoire mené par l’avocat de l’intimée, l’appelante a admis qu’elle accomplissait des tâches mineures pour la société, par exemple signer occasionnellement un chèque et répondre au téléphone du bureau à domicile, mais elle soutient qu’elle ignorait être rémunérée comme une employée jusqu’à ce que toute l’affaire portée devant le tribunal de la famille ne débute. Elle a déclaré que son avocat dans l’affaire soumise au tribunal de la famille avait reçu des copies de ses déclarations de revenus et des données financières de la société en 2000, et que c’est à ce moment-là qu’elle avait pour la première fois pris connaissance du revenu qui lui avait été attribué dans une année antérieure. En d’autres termes, ce n’est qu’après sa séparation qu’elle a appris qu’un revenu au montant de 24 000 $ lui avait été attribué pour 1998. Cela n’équivalait pas à reconnaître qu’un revenu de 30 000 $ lui avait été attribué pour 1999. Ses propos sont étayés par les affidavits mêmes qui confirment le salaire de 24 000 $, et non de 30 000 $, et par le fait que l’attribution du revenu pour 1999 a été faite par le comptable à l’insu de l’appelante et de son avocat au moment où elle a signé les affidavits, ou encore approximativement à ce moment-là ou après.

 

[6]     Il importe également de souligner, toutefois, que lors du contre‑interrogatoire, lorsque ses relevés bancaires lui ont été présentés, l’appelante a reconnu que les sommes reçues de la société en 1999 s’établissaient à 9 350 $, et non à 1 000 $, comme elle l’avait d’abord déclaré sous serment. Elle a admis que cet argent avait été déposé dans son compte par la société pour les dépenses du ménage. Même si elle a été prise en défaut sur ce point, je n’ai pas eu l’impression que l’appelante était malhonnête et tentait de mentir à la Cour. Son témoignage et son attitude étaient ceux d’une personne qui a désespérément besoin d’obtenir justice dans une situation où l’on a abusé de sa naïveté. Elle a été assujettie par des personnes et par les circonstances à des régimes qui lui échappaient vraisemblablement. Je crois également qu’elle n’a peut‑être jamais tenté de comprendre la portée juridique et les subtilités de ces événements de nature fiscale et qu’elle ne les a donc probablement jamais compris.

 

[7]     Quoi qu’il en soit, on ne pourrait me reprocher de juger, du fait de son témoignage qu’on ne peut pas qualifier de franc, que l’appelante en savait plus qu’elle ne voulait l’admettre. Mais je n’ai pas besoin d’en arriver là. Ses affidavits témoignent du fait qu’elle rendait des services contre rémunération, c’est‑à‑dire qu’elle était employée par la société, peu importe qu’elle n’ait pas bien compris l’arrangement ou qu’elle n’en ait pas eu la maîtrise. Elle le comprenait suffisamment pour signer un affidavit à cet effet en 2000 lorsque la réalité lui a été révélée par le compte d’impôt auquel elle devait, en fait, faire face. Non seulement a‑t‑elle admis être une employée, elle a encore reconnu avoir profité des arrangements pris en son nom relativement aux services rendus, peu importe que ces services aient pu avoir été minimes. Son ignorance des conséquences de cet état de choses n’est pas pertinente. Elle savait qu’elle avait rendu un certain nombre de services à la société. Le fait de consentir de façon naïve et confiante à laisser son mari et le comptable de la société dicter sa relation commerciale avec l’entreprise l’empêche aujourd’hui de rejeter toute responsabilité relativement aux conséquences des actes qu’ils ont posés en son nom. Ce fait, allié à l’hypothèse énoncée dans la réponse et voulant qu’elle ait été employéé par la société en 1999, me suffit pour établir qu’elle n’a pas réussi à s’acquitter du fardeau qui lui incombe de démontrer la fausseté de cette hypothèse.

 

[8]     Malgré cette constatation, je ne l’estime pas tenue de déclarer la somme de 30 000 $ qui lui a été attribuée en avril 2000. Au mieux, la preuve confirme qu’elle a consenti à un salaire de 24 000 $ pour l’année. Peut‑on raisonnablement établir qu’elle a consenti, en avril 2000, à une augmentation pour l’année antérieure, alors qu’elle se trouvait à ce moment déjà en cour en train de livrer bataille à son ex‑mari, sans espoir de tirer quoi que ce soit de cette augmentation, si ce n’est un compte d’impôt? En outre, et cela revêt encore plus d’importance, les employés sont assujettis à l’impôt uniquement sur les sommes reçues dans l’année. Les droits salariaux déclarés ou reconnus ne sont pas pertinents et, à mon avis, la preuve en l’espèce ne confirme même pas des rentrées d’argent de 24 000 $ en 1999.

 

[9]      La somme de 30 000 $, bien qu’elle soit présumée, dans la réponse, être une rémunération reçue pour 1999, n’est rien d’autre qu’un montant que le comptable a inscrit dans les registres après la fin de l’année. L’affidavit de l’appelante, abondamment invoqué par l’intimée, ne reconnaissait que des salaires « théoriques »relativement à l’année 1998, ce qui fait ressortir que le régime de planification fiscale appliqué par la société était reconnu par l’appelante en 2000 comme ne donnant généralement que des résultats « théoriques ». Cela revenait à nier les « sommes reçues » avant même que l’actuelle question fiscale ne soit connue par l’appelante ou son avocat en droit de la famille. De plus, le comptable, qui a témoigné pour l’intimée, a reconnu qu’il s’agissait en fait d’inscriptions « théoriques » nullement fondées sur les revenus personnels. La somme de 30 000 $ constituait un chiffre artificiel établi en vue de rapprocher un compte de prêts aux actionnaires tenu sur une base familiale. Bien qu’en ces matières le fardeau de la preuve incombe à l’appelante, il est clair qu’elle s’en est acquittée dans la mesure nécessaire pour se libérer de la seule hypothèse afférente invoquée par le ministre, soit des rentrées salariales de 30 000 $. Cela m’amène à évaluer certains avantages reçus. Les hypothèses me poussent à considérer ces avantages comme ceux tirés d’un emploi par opposition à des avantages dévolus à un actionnaire.

 

[10]    Donc, quelle est la somme qui a été reçue dans l’année? Le fait que les avantages soient attribués sur une base familiale dans le compte de prêts aux actionnaires nous empêche de déterminer avec exactitude la somme payée à l’appelante ou à son profit durant l’année. Une société peut faire, pour de nombreuses dépenses d’un ménage, des paiements dont on ne peut facilement établir, en l’absence d’accord exprès, s’ils sont versés au profit de l’un ou de l’autre. Dans bien des cas, la personne touchant le revenu le plus élevé se charge de choses telles que les dépenses du ménage et les paiements hypothécaires versés pour la résidence familiale. Si cette personne est le mari ou le père, pourquoi ne pas lui attribuer les avantages quand les paiements faits par la société profitent à la famille? Quoi qu’il en soit, je n’attribuerai, en pareil cas, aucun revenu à l’appelante pour le logement, les divertissements, la nourriture et les dépenses du ménage, sauf dans la mesure où il est prouvé que l’appelante a exercé un contrôle sur des fonds qu’elle a touchés.

 

[11]    Dans ces conditions, il y a deux catégories de rentrées d’argent que l’appelante est tenue d’admettre comme des revenus en 1999 : les rentrées en espèces de 9 350 $ (même si la somme était destinée aux dépenses du ménage, l’appelante exerçait un contrôle sur l’utilisation de ces fonds), et les paiements d’automobile et les dépenses payées pour le véhicule personnel de l’appelante. Je ne dispose d’aucune information probante quant aux paiements réels faits par la société et à la valeur de l’avantage lié au véhicule d’usage personnel, qui était un VLT neuf ou relativement neuf ou un véhicule du même genre, mais il existe un avantage en nature dont la valeur est incluse à juste titre dans le revenu de l’année. Dans les circonstances de l’espèce, je suis enclin à donner à l’appelante le bénéfice du doute en ce qui touche la valeur de cet avantage. Dans ces conditions, en convenant que le processus que j’ai utilisé comporte certaines approximations, j’évaluerais à 6 000 $ l’avantage représenté par le véhicule d’usage personnel, ce qui porte à 15 350 $ les revenus d’emploi bruts pour l’année.

 

[12]    En conséquence, l’appel est accueilli, sans dépens, au motif que le revenu d’emploi de l’appelante au cours de l’année d’imposition 1999 s’est chiffré à 15 350 $.

 

 


Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de janvier 2005.

 

 

 

"J.E. Hershfield"

Le juge Hershfield


 

RÉFÉRENCE :

2005TCC61

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2003-3934(IT)I

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Tania Monica Funk et

Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Winnipeg (Manitoba)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

15 décembre 2004

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :

L’honorable juge J.E. Hershfield

 

DATE DU JUGEMENT :

17 janvier 2005

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle‑même

 

Avocat de l’intimé :

Perry Derksen

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

Pour l’appelante :

 

Nom :

 

 

Cabinet :

 

 

 

Pour l’intimée :

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

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