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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2000-4129(GST)G

ENTRE :

THE CORPORATION OF THE CITY OF ST. CATHARINES,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 22 janvier 2003, à Kitchener (Ontario) par

l'honorable juge D. W. Beaubier

Comparutions :

Avocate de l'appelante :                       Me Sherry A. Currie

Avocats de l'intimée :                          Me Richard Gobeil et

                                                          Me Michael Ezri

JUGEMENT

          L'appel interjeté à l'encontre d'une cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d'accise, par avis daté du 27 août 1999, à l'égard de la période du 1er juin 1994 au 31 décembre 1998 est rejeté, avec dépens, conformément aux motifs du jugement ci-joints.

Signé à Calgary (Alberta), ce 27e jour de février 2003.

« D. W. Beaubier »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 27e jour de janvier 2005.

Sophie Debbané, réviseure


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Référence: 2003CCI35

Date: 20030227

Dossier: 2000-4129(GST)G

ENTRE :

THE CORPORATION OF THE CITY OF ST. CATHARINES,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Beaubier, C.C.I.

[1]      L'appel interjeté sous le régime de la procédure générale a été entendu à Kitchener (Ontario) le 22 janvier 2003. Les parties ont déposé des recueils de pièces ainsi qu'un exposé conjoint des faits partiel (pièce A-1).

[2]      L'appelante a demandé un remboursement de la taxe sur les produits et services ( « TPS » ) au montant de 24 072,25 $ au motif qu'elle avait payé la taxe de vente au détail de l'Ontario ( « TVP » ) sur les travaux et matériaux fournis par des entrepreneurs engagés pour réparer les routes municipales, les égouts et les canalisations d'alimentation de la ville de St. Catharines et en faire l'entretien. L'intimée a refusé d'accorder à l'appelante le remboursement au motif que la TVP, qui avait été présumément incluse dans la valeur de la contrepartie des contrats, n'est pas une taxe visée par règlement aux fins de l'article 154 de la Loi sur la taxe d'accise ( « LTA » ).

[3]      L'exposé conjoint des faits partiel se lit comme suit :

                   [traduction]

EXPOSÉ CONJOINT DES FAITS PARTIEL

Aux fins de la présente instance, l'appelante et l'intimée s'entendent sur les seuls faits suivants :

1.          L'appelante est une corporation municipale sise dans la province de l'Ontario.

2.          Au cours de la période du 1er juin 1994 au 31 décembre 1998, l'appelante a conclu un certain nombre de contrats pour des travaux et des matériaux. Ces contrats concernaient la réparation et l'entretien des routes municipales, des égouts et des canalisations d'alimentation.

3.          Les contrats joints au présent exposé conjoint des faits sous la cote A2 (ci-après « les Contrats » ) sont représentatifs de l'ensemble des contrats visés par l'avis d'appel de l'appelante.

4.          La TPS ne faisait pas partie du prix de soumission pour aucun contrat, mais a plutôt été facturée séparément à l'appelante par chacun des entrepreneurs.

5.          La taxe de vente provinciale (TVP) n'était indiquée dans aucun contrat, dans aucune facture établie par un entrepreneur, ni dans aucun document de paiements proportionnels, certificat ou chèque relatif à un Contrat.

6.          Chaque entrepreneur devait préciser un prix unitaire pour chacun des éléments du Contrat. Ce prix unitaire devait comprendre le coût des matériaux et de la main-d'oeuvre de l'entrepreneur ainsi que son profit (ou sa perte, selon le cas).

7.          Dans certains des Contrats, les entrepreneurs étaient prévenus qu'ils devaient tenir compte de l'incidence de la TVP dans la fixation de leurs prix unitaires.

8.          Afin d'exécuter les Contrats, les entrepreneurs achetaient ou fabriquaient les matériaux devant être fournis, ou ils donnaient en sous-traitance les travaux et la fourniture des matériaux.

9.          L'entrepreneur devait payer la TVP sur le prix des matériaux achetés ou fabriqués par lui et qui devaient être installés sur la propriété de l'appelante, mais l'appelante et l'intimée ignorent le montant de la TVP payable ou payée sur ces matériaux par l'entrepreneur.

10.        L'entrepreneur n'a payé aucune TVP sur les contrats en sous-traitance. Le sous-traitant a payé la TVP sur les matériaux achetés ou fabriqués par lui en vue d'être installés sur la propriété de l'appelante, mais l'appelante et l'intimée ignorent le montant de la TVP payable ou payée sur ces matériaux par le sous-traitant.

11.        L'appelante a déposé une demande générale de remboursement de la taxe sur les produits et services au motif que le prix de chaque Contrat comprenait la TVP.

12.        L'appelante a évalué le montant de la TVP à 3 % du prix de chaque Contrat, y compris la TPS.

13.        Le taux de 3 % utilisé par l'appelante est fondé sur le pourcentage de remboursement qui est accordé par le gouvernement de l'Ontario aux organismes religieux, de bienfaisance et bénévoles à l'égard des contrats de construction pour la main-d'oeuvre et les matériaux dans le cadre de projets d'investissement. La procédure pour calculer le remboursement est résumée dans un document intitulé, « Guide sur la taxe de vente de l'Ontario no 806 : organismes religieux, de bienfaisance et bénévoles » . Ce remboursement n'est pas offert aux municipalités.

14.        Les parties conviennent que le montant du remboursement demandé par l'appelante n'a fait l'objet d'aucun aveu, les parties ayant convenu de plus que, avant de se conformer à un jugement final pouvant éventuellement être rendu en faveur de l'appelante, le ministre du Revenu national aura l'occasion de réviser les autres contrats ainsi que les pièces justificatives dont il est question dans l'avis d'appel de l'appelante afin de confirmer, avec diligence et dans un délai raisonnable, l'exactitude des montants déclarés, y compris, mais sans limiter la généralité de ce qui précède, la manière dont ces montants ont été calculés.

15.        Les parties conviennent qu'elles auront le droit de présenter des preuves supplémentaires ou de demander à la Cour canadienne de l'impôt de tirer des conclusions à partir de la preuve présentée, à condition qu'une telle preuve supplémentaire ou de telles conclusions ne soient pas contraires au présent exposé conjoint des faits partiel.

16.        L'appelante et l'intimée conviennent de déposer des copies des documents suivants auprès de la Cour comme pièces dans le cadre de la présente instance :

A1.       Le présent exposé conjoint des faits

A2.       Des documents relatifs aux contrats suivants :

            97-71,

            98-002,

            98-080

            97-200/97-64,

            96-66,

            95-105,

            96-94;

R1.       Le recueil de documents de l'intimée qui comprend :

1.          la demande de remboursement de TPS/TVH de l'appelante;

2.          une télécopie de l'appelante contenant des pièces justificatives à l'appui de la demande de remboursement de TPS/TVH;

3.          une lettre de Revenu Canada accompagnée d'un état de rajustement de vérification;

4.          l'avis de cotisation;

5.          l'avis d'opposition;

6.          l'avis de décision.

[...]

[4]      La pièce A-2 contient plusieurs exemples de divers contrats. Un montant de TVP séparé facturé à l'appelante ne figurait sur aucun des contrats. Par conséquent, aucun des contrats n'était conforme au paragraphe 40.(1) de la Loi sur la taxe de vente au détail de l'Ontario (L.R.O. 1990, c. R. 31), qui se lit comme suit :

40. (1) Aucun vendeur ne doit annoncer, afficher ou indiquer autrement un prix qui inclut la taxe imposée par la présente loi sans indiquer séparément le montant de la taxe payable aux termes de la présente loi. Aucun vendeur ne doit ni laisser entendre ni déclarer au public en général ou à un acheteur en particulier, directement ou indirectement, qu'il assumera le paiement de la totalité ou d'une partie de la taxe imposée par la présente loi, que celle-ci ne sera pas considérée comme un élément du prix payable par l'acheteur ou que, si la taxe s'ajoute au prix que doit payer l'acheteur, elle sera remboursée en totalité ou en partie

[5]      De plus, les contrats (en utilisant, à titre d'exemple, le contrat 97-71 figurant dans la pièce A-2, onglet A, conclu entre Alfred Beam Excavating Ltd. et l'appelante) n'étaient pas pour la vente de matériaux ou de services séparément. Le paragraphe 9, [traduction] « Description du travail » , indique que :

[traduction]

« Le présent contrat vise la fourniture de l'ensemble de la main-d'oeuvre, de l'équipement et du matériel nécessaires à l'installation d'égouts pluvial mesurant 525 mm de diamètre, sur l'avenue Lincoln et la rue Almond... »

[6]      L'appelante a demandé un remboursement de la TPS sur la TVP que chacun des entrepreneurs avait payée sur les matériaux (les biens meubles corporels) qu'il avait achetés et intégrés dans le contrat qu'ils avaient conclu avec l'appelante pour la fourniture et l'installation des routes, des égouts et des canalisations d'alimentation. Devant la Cour, l'intimée a refusé de faire droit à cette demande au motif que :

1.        les entrepreneurs étaient les « consommateurs » des biens meubles corporels;

2.        l'appelante n'avait aucune obligation de payer la TVP aux entrepreneurs ou à quiconque à l'égard des biens meubles corporels.

[7]      L'appelante s'est beaucoup appuyée sur la décision du juge Bowman dans l'affaire J. A. Porter Holdings (Lucknow) Ltd. c. Canada, [1996] A.C.I. no 339 ([1996] G.S.T.C. 25), qui décrit, à toutes fins pratiques, ses prétentions. Toutefois, dans cette affaire, l'appelante avait reçu une facture séparée pour la TVP, conformément au paragraphe 40(1) de la Loi sur la taxe de vente au détail de l'Ontario, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce. La stipulation suivante figure au paragraphe G8 de l'onglet A de la pièce A-2 :

[traduction]

G8        Taxe de vente provinciale

Les soumissionnaires sont expressément tenus d'obtenir des éclaircissements auprès du Bureau de district de la taxe provinciale de vente au détail à l'égard de la taxe de vente provinciale. Les soumissionnaires doivent tenir compte de l'incidence de la taxe de vente provinciale en vigueur au moment de la soumission et fixer le prix unitaire en conséquence.

[8]      Au surplus, faisant référence à un contrat comme celui dont il est question en l'espèce, le juge Martland de la Cour suprême du Canada affirmait ce qui suit dans l'arrêt Cairns Construction Ltd. v. Saskatchewan, [1960] S.C.R. 619, à la page 629 :

[traduction]

       À mon avis, l'appelante était une « utilisatrice » des biens en question et devait payer la taxe en vertu du paragraphe 5(2) de la Loi. Je suis disposé à convenir que l'objet de la Loi est d'imposer la taxe au consommateur ou utilisateur final du bien meuble acheté. C'est pour ce motif que le Conseil Privé a maintenu la loi du Nouveau-Brunswick étudiée dans l'arrêt Conlon. Toutefois, je crois également qu'une personne qui achète un bien meuble et qui l'intègre à autre chose, processus au cours duquel il perd sa nature de bien meuble, est l'utilisateur final de ce bien meuble ainsi intégré. Les clous qui ont été plantés dans la structure, la peinture qui a été appliquée sur les murs, ou les bardeaux qui ont été posés sur le toit ont tous été utilisés, en dernier lieu, aux fins pour lesquelles ils ont été créés lorsqu'ils ont été intégrés à l'immeuble. De la même manière, les pièces préfabriquées ont été utilisées, en dernier lieu, lorsqu'elles ont été intégrées aux maisons que l'appelante a construites. L'acheteur de la maison ne s'en servirait pas séparément. Il ferait un usage de la maison achevée.

[9]      Cette approche a été adoptée par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Will-Kare Paving & Contracting Limited c. Canada, [2000] 1 R.C.S. 915, aux paragraphes 20 et 21, où le juge Major, s'exprimant au nom de la majorité, affirme :

20        L'un des deux points de vue est exprimé dans Crown Tire Service Ltd. c. La Reine, [1984] 2 C.F. 219 (1re inst.), qui invoque des distinctions issues de la common law et du droit provincial en matière de vente de marchandises pour définir l'admissibilité aux stimulants fiscaux accordés pour la fabrication et la transformation. Seuls sont admissibles les biens en immobilisation utilisés pour fabriquer ou transformer des marchandises fournies en exécution de contrats comportant uniquement la vente de ces marchandises. Un bien utilisé pour fabriquer ou transformer des marchandises fournies dans le cadre de la prestation de services, c'est-à-dire en exécution d'un contrat de fourniture d'ouvrage et de matériaux, n'est pas considéré comme utilisé directement ou indirectement au Canada surtout pour la fabrication ou la transformation d'articles destinés à la vente et n'ouvre donc pas droit à la déduction pour amortissement accéléré ou au crédit d'impôt à l'investissement.

21        La question en litige dans l'affaire Crown Tire était de savoir si la fixation de bandes de roulement fabriquées par la contribuable à des pneus que des clients venaient faire réparer équivalait à la fabrication ou à la transformation d'articles à vendre. Le juge Strayer (nommé depuis à la Cour d'appel) a rejeté la prétention de la contribuable selon laquelle elle avait droit au crédit d'impôt au titre des bénéfices de fabrication et de transformation prévu à l'art. 125.1, car les bandes de roulement fabriquées étaient fournies en exécution d'un contrat de fourniture d'ouvrage et de matériaux, cette qualification étant fondée sur le mode de transfert de la propriété à l'acheteur. Il écrit (à la p. 223):

       Dans Benjamin's Sale of Goods (Londres, 1974), on dit relativement à la distinction entre un contrat de vente de marchandises et un contrat de fourniture d'ouvrage et de matériaux :

[TRADUCTION] Lorsqu'un bien, meuble ou immeuble, de l'employeur doit faire l'objet de travaux comportant l'utilisation ou l'adjonction de matériaux appartenant à la personne engagée à cet effet, il s'agira normalement d'un contrat de fourniture d'ouvrage et de matériaux, la propriété de ceux-ci passant alors à l'employeur par accession et non pas en vertu d'un contrat de vente.

[...]

       J'estime que le principe général énoncé dans Benjamin s'applique à la situation en l'espèce. Quant aux pneus appartenant aux clients, il me semble que pendant tout le processus de rechapage ces derniers en conservent la propriété.

La décision dans l'arrêt Will-Kare a été rendue après que le juge Bowman a rendu sa décision dans l'affaire J. A. Porter.

[10]     Pour ces motifs, la Cour conclut que ce n'était pas l'appelante qui était le « consommateur » ou l' « utilisateur » du matériel en question, mais plutôt les entrepreneurs. De plus, l'appelante n'avait pas l'obligation de payer une taxe visée par un règlement sur des biens meubles corporels, selon les dispositions de l'article 154 de la Loi. Ce sont les entrepreneurs qui devaient payer cette taxe.

[11]     L'appel est rejeté. Les dépens de l'intimée suivent l'issue de la cause.

          Signé à Calgary (Alberta), ce 27e jour de février 2003.

« D. W. Beaubier »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 27e jour de janvier 2005.

Sophie Debbané, réviseure

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