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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Dossier : 2002-569(IT)G

ENTRE : 

THOMAS MULJA,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

___________________________________________________________________

 

Appel entendu le 14 septembre et le 22 novembre 2004, à Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

Devant : L'honorable juge L. M. Little

 

Comparutions :

 

Avocat de l'appelant :

Me Ian Worland

 

Avocate de l'intimée :

Me Karen A. Truscott

____________________________________________________________________

 


JUGEMENT

 

          L'appel de la cotisation établie en application de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1998 est admis, sans dépens, et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation conformément aux motifs du jugement ci-joints.

 

 

Signé à Vancouver (Colombie-Britannique), ce 31e jour de janvier 2005.

 

 

« L. M. Little »

Le juge Little

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 16e jour de mars 2006.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur


 

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Référence : 2005CCI60

Date : 20050131

Dossier : 2002-569(IT)G

ENTRE : 

THOMAS MULJA,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Little

 

A.      LES FAITS :

 

[1]     L'appelant est né en Indonésie.

 

[2]     L'appelant est déménagé au Canada en 1977 pour étudier la géologie à la Dalhousie University. Il a obtenu son diplôme de bachelier ès sciences de la Dalhousie University en 1981.

 

[3]     L'appelant a obtenu une maîtrise ès sciences en géologie de la Lakehead University en 1989, ainsi qu'un doctorat de l'Université McGill en 1995.

 

[4]     L'appelant est devenu citoyen canadien en 1986 et a renoncé à sa citoyenneté indonésienne à ce moment-là.

 

[5]     L'appelant et son épouse se sont mariés à Montréal en 1992 (à la suite d'un mariage traditionnel de l'Asie du Sud‑Est qui avait eu lieu en Indonésie).

 

[6]     L'épouse de l'appelant a immigré au Canada de l'Indonésie en 1992.

 

[7]     L'appelant, son épouse et leur enfant ont quitté le Canada pour se rendre en Indonésie le 1er février 1995. Au départ, l'appelant travaillait pour Atan Minerals en Indonésie. Il a ensuite travaillé pour Barrick Indonesia.

 

[8]     Du 1er mars 1996 au 30 septembre 1998, l'appelant travaillait pour PT Minorca Pratama Indonesia (« Pratama »). L'appelant était le président et l'administrateur de Pratama. Dans son témoignage, l'appelant a affirmé que 99 % des actions de Pratama étaient détenues par Minorca Resources Inc., une société canadienne (« Minorca »).

 

[9]     Minorca Resources Inc. et PT Minorca Pratama Indonesia (la société qui exécutait le travail d'exploration) ont signé une entente de changement de contrôle le 24 février 1997 (voir la pièce A‑1). L'entente prévoyait que si certaines circonstances survenaient, l'appelant aurait droit à une indemnité de départ correspondant à trois fois son salaire annuel chez Pratama.

 

[10]    L'épouse de l'appelant et leur enfant sont retournés au Canada le 27 juillet 1997. Ils habitaient dans une maison qu'avait achetée l'épouse de l'appelant en juillet 1997. La maison était située au 3709, Rutherford Crescent, à North Vancouver.

 

[11]    En juillet 1997, l'appelant a acheté une voiture Toyota Camry à Vancouver. La voiture était immatriculée en Colombie-Britannique et était enregistrée au nom de l'appelant.

 

[12]    Après que l'épouse de l'appelant et leurs deux enfants ont été bien installés dans la maison familiale à North Vancouver, l'appelant est retourné à son travail en Indonésie.

 

[13]    Lorsque l'appelant travaillait en Indonésie, le gouvernement de l'Indonésie lui accordait des permis de travail temporaires.

 

[14]    L'appelant a reçu un revenu d'emploi (le « revenu d'emploi ») de Pratama d'un montant de 138 425 $ pour la période du 1er janvier 1998 au 30 septembre 1998.

 

[15]    Le 29 mai 1998, les actionnaires de Pratama ont décidé de dissoudre la société (voir la pièce A‑2).

 

[16]    Le 30 septembre 1998, l'appelant a reçu un paiement forfaitaire en guise d'allocation de retraite (l'« allocation de retraite ») d'un montant de 480 000 $ en fonction d'un accord de cessation d'emploi conclu par Minorca Resources Inc., Pratama et l'appelant (pièce A‑3). L'allocation de retraite a été versée à l'appelant relativement à la cessation de son emploi chez Pratama. L'appelant a affirmé que Minorca avait retenu 144 000 $ de l'allocation de retraite et les avait versés à Revenu Canada.

 

[17]    Dans son témoignage, l'appelant a affirmé que lorsque son emploi chez Pratama a cessé, il a dû quitter l'Indonésie peu de temps après. L'appelant est retourné au Canada le 24 octobre 1998.

 

[18]    L'appelant soutient qu'il a payé 118 193 $ en impôt au gouvernement de l'Indonésie pour l'année d'imposition 1998 relativement à son revenu d'emploi et à son allocation de retraite.

 

[19]    L'avocate de l'intimée n'admet pas que les paiements d'impôt faits à l'Indonésie portaient sur l'allocation de retraite.

 

[20]    Le 4 octobre 1999, le ministre du Revenu national (le « ministre ») a produit un avis de cotisation (la « cotisation ») concernant l'année d'imposition 1998 de l'appelant. La cotisation a été établie en fonction de ce qui suit :

 

a)       l'appelant a résidé habituellement au Canada pendant l'année d'imposition 1998 et était donc résident du Canada aux fins de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi »), en vertu du paragraphe 250(3) de la Loi, tout au long de l'année d'imposition 1998;

 

b)      en tant que personne résidant au Canada tout au long de l'année d'imposition 1998, l'appelant était assujetti à l'impôt sur son revenu imposable, comme le prévoit le paragraphe 2(2) de la Loi;

 

c)       l'appelant n'était pas admissible au crédit d'impôt pour emploi à l'étranger, en application de l'article 122.3 de la Loi, à l'égard de son revenu d'emploi ou du paiement forfaitaire qu'il a reçu;

 

d)      l'appelant n'était pas admissible au crédit pour impôt étranger, en application de l'article 126 de la Loi, à l'égard de l'impôt de 118 193 $ payé au gouvernement de l'Indonésie relativement à son revenu d'emploi et à l'allocation de retraite.

 

[21]    Le 20 octobre 1999 ou vers cette date, l'appelant a présenté un avis d'opposition en réponse à la cotisation.

 

[22]    Le 9 novembre 2001, le ministre a produit un avis de ratification pour confirmer la cotisation.

 

B.      LES QUESTIONS EN LITIGE :

 

[23]    a)       L'appelant était-il résident du Canada aux fins de la Loi pendant la période du 1er janvier 1998 au 24 octobre 1998?

 

          b)      L'appelant était‑il assujetti à l'impôt, en application de la Loi, à l'égard de son revenu d'emploi ou de son allocation de retraite, ou bien des deux?

 

          c)       Si l'appelant était résident du Canada pendant la période du 1er janvier au 28 octobre 1998, est-il admissible à ce qui suit :

 

(i)      un crédit d'impôt pour emploi à l'étranger, en application de l'article 122.3 de la Loi; (Remarque : lors de l'audition de l'appel, l'avocat de l'appelant a convenu que le crédit d'impôt pour emploi à l'étranger ne s'appliquait pas ici.)

 

(ii)      un crédit pour impôt étranger, en application de l'article 126 de la Loi. (Remarque : le ministre a permis à l'appelant de demander un crédit pour impôt étranger d'un montant de 41 525,55 $. Les éléments de preuve indiquaient que ce crédit avait été admis à l'égard du salaire reçu par l'appelant et d'autres éléments divers. Cependant, le ministre n'a pas admis de crédit pour impôt étranger pour ce qui est de l'impôt payé à l'égard de l'allocation de retraite.)

 

C.      ANALYSE :

 

[24]    L'appelant était-il résident du Canada aux fins de la Loi pendant la période du 1er janvier 1998 au 24 octobre 1998?

 

[25]    Afin de trancher la question de la résidence, il faut tenir compte des facteurs suivants :

 

a)       l'appelant a produit une déclaration de revenus à Revenu Canada pour l'année d'imposition 1998. Dans cette déclaration, il a mentionné qu'il était résident du Canada et a déclaré un salaire de 138 425 $. Bien que la production d'une déclaration de revenus pour une année d'imposition en particulier ne permette pas de déterminer de façon incontestable la résidence, il s'agit tout de même d'une indication que l'appelant se considérait comme un résident du Canada pour cette année‑là;

 

b)      l'appelant a aussi produit une déclaration de revenus pour l'année d'imposition 1997. Dans cette déclaration, l'appelant a mentionné qu'il était retourné au Canada en juillet 1997 et qu'il avait été résident du Canada pour le reste de l'année d'imposition 1997;

 

c)       en juillet 1997, l'appelant et son épouse ont acheté une maison au 3709, Rutherford Crescent, à North Vancouver. Même si la maison était enregistrée au nom de l'épouse de l'appelant, c'est ce dernier qui s'acquittait de l'hypothèque. L'épouse de l'appelant, ainsi que leurs deux enfants, ont habité de façon continue la maison à North Vancouver à partir de juillet 1997 et tout au long de l'année d'imposition 1998. L'appelant et sa famille habitent actuellement cette maison;

 

d)      en juillet 1997, l'appelant a acheté une voiture Toyota Camry à Vancouver. La voiture était immatriculée en Colombie-Britannique et était enregistrée au nom de l'appelant. (Remarque : l'appelant a témoigné que son épouse n'était pas en mesure de conduire une voiture à ce moment-là.)

 

e)       l'appelant a obtenu un permis de conduire de la Colombie-Britannique en juillet 1997;

 

f)       l'appelant a voyagé de l'Indonésie au Canada dix fois au cours de l'année 1997 et sept fois au cours de l'année 1998. Lors de certains de ces voyages, l'appelant s'est rendu à Toronto pour y rencontrer des dirigeants d'affaires. Il a également rendu visite à son épouse et à sa famille à North Vancouver pendant certains de ces voyages;

 

g)       l'appelant, son épouse et leurs deux enfants étaient couverts par le régime d'assurance médicale de la Colombie-Britannique, et ce, depuis juillet 1997;

 

h)       dans son témoignage, l'appelant a affirmé que le 1er juillet 1998, son épouse et lui avaient commencé à exploiter une entreprise d'experts‑conseils appelée Nexus Management Consultants, en Colombie-Britannique;

 

i)        l'appelant a conservé une carte de crédit Visa de la Banque Canadienne Impériale de Commerce au Canada pendant qu'il travaillait en Indonésie;

 

j)        l'appelant a conservé un compte bancaire au Canada pendant qu'il travaillait en Indonésie;

 

k)       l'appelant et son épouse ont conservé leur régime enregistré d'épargne-retraite au Canada pendant que l'appelant travaillait en Indonésie;

 

l)        l'appelant travaillait en Indonésie avec un permis de travail temporaire et quand son emploi a pris fin en septembre 1998, il a dû quitter l'Indonésie peu de temps après;

 

m)      comme on l'a mentionné ci-dessus, l'appelant est devenu un citoyen canadien en 1986 et a renoncé à sa citoyenneté indonésienne à ce moment-là.

 

[26]    En fonction des nombreux liens avec le Canada présentés ci-dessus et étant donné les liens temporaires avec l'Indonésie, je conclus que l'appelant était résident du Canada tout au long de l'année d'imposition 1998. L'appelant était donc assujetti à l'impôt sur son revenu imposable, comme le prévoit le paragraphe 2(2) de la Loi. L'appelant doit donc inclure son revenu d'emploi et son allocation de retraite dans ses revenus pour l'année d'imposition 1998.

 

[27]    L'appelant est-il admissible au crédit pour impôt étranger en application de l'article 126 de la Loi?

 

[28]    L'appelant a témoigné avoir fait les paiements d'impôt suivants au gouvernement de l'Indonésie :

 

          Concernant le salaire — 380 590 914 rupiahs

          (Remarque : ce montant a été retenu par son employeur et versé au gouvernement de l'Indonésie.)

 

          Concernant l'allocation de retraite — 335 376 000 rupiahs

          (Voir les pièces A-6 et A-7)

 

[29]    Dans son témoignage, l'appelant a aussi affirmé qu'il avait versé 335 376 000 rupiahs relativement à l'allocation de retraite à la suite de conseils reçus de deux experts-conseils indonésiens appelés Jayanegara et Sutanto, ainsi que d'un comptable fiscaliste indonésien appelé Hakeem.

 

[30]    Je suis du même avis que l'avocat de l'appelant, c'est‑à‑dire qu'on doit considérer que l'allocation de retraite provenait d'une source en Indonésie. Dans ce cas‑là, l'appelant est assujetti à l'impôt en Indonésie pour ce qui est de l'allocation de retraite en fonction de la convention fiscale entre le Canada et l'Indonésie.

 

[31]    Il était indiqué dans l'avis d'appel que l'appelant avait payé un montant de 118 193 $ en impôt au gouvernement de l'Indonésie pour l'année 1998. Comme on l'a mentionné ci-dessus, le ministre a permis à l'appelant de demander un crédit pour impôt étranger d'un montant de 41 523,55 $ pour l'année 1998, ce qui laisse un écart de 76 669,45 $.

 

[32]    Les éléments de preuve concernant la valeur de la rupiah, qui portent parfois à confusion, ne m'ont pas convaincu que l'appelant a le droit de demander un crédit pour impôt étranger d'un montant de 76 669,45 $.

 

[33]    En fonction du témoignage de l'appelant et des documents présentés (voir les pièces A‑6 et A‑7), je conclus que l'appelant a payé 335 376 000 rupiahs d'impôt en Indonésie à l'égard de l'allocation de retraite. J'ai déterminé que le facteur à utiliser pour la conversion de la rupiah en dollar canadien donnait 47 910 $ (voir la lettre de Vicki Duke, comptable de l'appelant, datée du 1er février 2000 — pièce R‑1, onglet 10).

 

[34]    Je conclus que l'appelant a le droit de demander un crédit pour impôt étranger d'un montant de 47 910 $, en application de l'article 126 de la Loi, à l'égard de l'impôt payé en Indonésie pour l'allocation de retraite.

 

[35]    Étant donné que la victoire est partagée, je ne suis pas disposé à adjuger de dépens.

 

[36]    L'appel est admis, sans dépens, et l'appelant a le droit de demander un crédit additionnel pour impôt étranger d'un montant de 47 910 $.

 

 

Signé à Vancouver (Colombie-Britannique), ce 31e jour de janvier 2005.

 

 

« L. M. Little »

Le juge Little

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 16e jour de mars 2006.

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur


 

 

 

RÉFÉRENCE :

2005CCI60

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2002-569(IT)G

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Thomas Mulja et

Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L'AUDIENCE :

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L'AUDIENCE :

Les 14 septembre et 22 novembre 2004

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :

L'honorable juge L.M. Little

 

DATE DU JUGEMENT :

Le 31 janvier 2005

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l'appelant :

Me Ian Worland

 

Avocate de l'intimée :

Me Karen A. Truscott

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Pour l'appelant :

 

Nom :

Me Ian Worland

 

Cabinet :

Legacy Tax & Trust Lawyers

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

Pour l'intimée :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

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