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Dossier : 2003-2232(EI)

ENTRE :

AGNEAU DE L'EST INC.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

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Appel entendu le 13 juillet 2004 à Matane (Québec)

Devant : L'honorable juge François Angers

Comparutions :

Avocat de l'appelante :

Me Gaétan Gauthier

Avocat de l'intimé :

Me Claude Lamoureux

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel est rejeté et la décision rendue par le ministre du Revenu national est confirmée selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 13e jour d'octobre 2004.

« François Angers »

Juge Angers


Référence : 2004CCI656

Date : 20041013

Dossier : 2003-2232(EI)

ENTRE :

AGNEAU DE L'EST INC.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Angers

[1]      Il s'agit d'un appel d'une décision du ministre du Revenu national (le « Ministre » ) rendue le 16 avril 2003 selon laquelle l'emploi de M. Claude Barrette chez l'appelante, durant la période du 1er janvier au 18 octobre 2002, était un emploi assurable puisqu'il remplit les conditions d'un contrat de louage de services au sens de l'alinéa 5(1)a) de la Loi sur l'assurance-emploi (la « Loi » ). En rendant sa décision, le ministre s'est fondé sur les présomptions de fait suivantes lesquelles ont été admises ou niées tel qu'indiqué :

a)          L'appelante, une société constituée le 14 février 2001, agit principalement comme agence de commercialisation auprès des producteurs ovins pour la vente d'agneaux; [admis]

b)          L'appelante livre la viande transformée à l'abattoir, à ses différents clients localisés principalement à Québec et à Montréal; [admis]

c)          L'unique actionnaire et administratrice de l'appelante est Marielle C. Deschênes; [admis]

d)          L'appelante est en exploitation du lundi au vendredi, généralement de 9h00 à 17h00; [admis]

e)          Le ou vers le 26 mars 2001, l'appelante a embauché le travailleur, à titre de camionneur; [admis]

f)           Il n'existe aucun contrat de travail écrit entre les parties; [admis]

g)          Les fonctions du travailleur consistaient à se rendre à l'abattoir de Luceville afin de charger le camion et d'effectuer par la suite la livraison de la marchandise aux différents clients de l'appelante; [admis]

h)          Lors de son embauche, le travailleur possédait uniquement un permis de conduire temporaire. Pour effectuer ses fonctions, il devait alors être accompagné d'un autre chauffeur; [admis]

i)           Le travailleur utilisait l'unique camion réfrigéré, d'une capacité de 3 tonnes, appartenant à l'appelante; [admis]

j)           L'appelante défrayait pour l'essence, les assurances ainsi que pour tous les frais d'entretien reliés au camion lui appartenant; [admis]

k)          Lors d'un bris de camion, c'est l'appelante qui avait la responsabilité de fournir au travailleur un autre camion en location; [admis]

l)           L'appelante lui fournissait une carte de crédit Pétro Canada ainsi qu'une carte de débit afin que le travailleur puisse se procurer le diesel et qu'il effectue, lorsque nécessaire, des retraits lors de bris mineurs; [admis]

m)         L'appelante lui fournissait un téléphone cellulaire ainsi qu'un petit coffre d'outils; [admis]

n)          L'itinéraire des voyages était établi, par l'appelante, en fonction des commandes de ses clients; [nié tel quel]

o)          Après chaque voyage, le travailleur devait produire à l'appelante, un relevé de ses déplacements, « log-book » , ainsi que les bons de livraison signés par les clients; [nié tel quel]

p)          Le travailleur n'était pas tenu de travailler un nombre d'heures fixes à chaque semaine. Le nombre d'heures variait en fonction des destinations que lui avait attribuées l'appelante; [nié tel quel]

q)          Lorsque la marchandise était refusée par les cliernts, le travailleur contactait l'appelante afin d'obtenir des instructions; [nié]

r)           Le travailleur était rémunéré à forfait à toutes les semaines, la rémunération variait en fonction de la destination et était de 240$ pour un voyage aller-retour à Montréal et de 120$ pour un voyage aller-retour à Québec; [nié tel quel]

s)          L'appelante a occasionnellement versé au travailleur un bonus afin de le remercier lors d'un surplus de travail; [nié tel quel]

t)           Le travailleur assumait les frais de motel et de repas; [admis]

u)          À compter de juin ou juillet 2002, suite à une entente conclue par l'appelante avec le « Potager du Fleuve de Pointe-aux-Pères » , cette dernière a ajouté un contrat de livraison de légumes, à l'itinéraire du travailleur; [nié tel quel]

v)          Lors d'absence, le travailleur n'aurait pas eu la possibilité d'embaucher lui-même quelqu'un d'autre pour le remplacer; [nié]

w)         L'appelante défrayait pour les primes d'assurance salaire du travailleur [nié] ainsi que pour celles couvrant la cargaison du camion; [admis]

x)          Au cours de sa dernière semaine d'emploi, le travailleur a accepté d'entraîner, pour le bénéfice de l'appelante, un nouveau chauffeur;

y)          Le travailleur a déposé une plainte à la Commission des Normes du Travail, réclamant en autre, son préavis, ses journées fériées ainsi que ses vacances; [admis]

[2]      Agneau de l'Est Inc. agit comme agence de commercialisation auprès des producteurs ovins pour la vente d'agneaux et, à cette fin, elle doit faire la livraison des animaux de l'abattoir de Luceville, Québec, à ses clients de Québec et Montréal. Le 26 mars 2001, elle embauchait M. Claude Barrette à titre de camionneur. La période en question va du 1er janvier au 18 octobre 2002.

[3]      L'appelante n'a aucun employé salarié. Son actionnaire unique, Mme Marielle Deschênes, a rencontré M. Barrette à deux occasions avant de l'embaucher. Elle lui aurait expliqué qu'elle voulait l'embaucher en tant que travailleur autonome et qu'il devait prendre à sa charge ses dépenses de voyage, soit ses repas et ses frais d'hébergement. Elle lui a expliqué qu'il n'aurait pas de paye de vacance et qu'il ne serait pas couvert par la CSST.

[4]      Il était rémunéré à un taux pré-établi de 120 $ pour un voyage à Québec et 240 $ pour un voyage à Montréal.

[5]      De son côté, l'appelante fournissait le camion et prenait à sa charge toutes les dépenses liées au camion, soit l'essence, l'entretien, les réparations, les assurances du camion et de la cargaison. Elle fournissait aussi à M. Barrette l'équipement de déchargement du camion et un téléphone cellulaire. De plus, l'appelante fournissait une carte de crédit pour faire l'achat de l'essence et une carte de débit pour payer certaines réparations et faire des dépôts d'argent à l'occasion. Il était aussi permis à M. Barrette de faire des retraits pour fins personnelles si nécessaire. Le remboursement se faisait au moyen de retenues sur ses honoraires. Aucune entente ne fut convenue sur la nomination d'un remplaçant en cas d'absence de M. Barrette pour cause de maladie. Mme Deschênes a témoigné que, dans une telle éventualité, elle aurait trouvé quelqu'un.

[6]      Au début de son emploi, M. Barrette ne détenait pas le permis exigé pour conduire ce genre de camion et il devait alors être accompagné d'un autre chauffeur. Mme Deschênes a aussi instruit M. Barrette sur les règles d'hygiène à respecter pour le transport de cette marchandise. Elle l'a également informé qu'il serait appelé à ramener à l'occasion sur le chemin du retour, de l'équipement d'érablière. Il fut invité à aider l'appelante à trouver ce qu'ils appellent des retours. En échange, il serait rémunéré sous forme de prime.

[7]      Claude Barrette commençait sa journée de travail le mardi matin à 6h00. Il se rendait chercher le camion chez l'appelante pour ensuite se diriger à l'abattoir pour charger sa cargaison. Le chargement se faisait en fonction des livraisons. Il devait aussi respecter les directives de certains clients de l'appelante quant à leur disponibilité pour accepter les livraisons. Toute cette préparation était faite en fonction des bons de transport et des bons d'expéditions. En route, M. Barrette et l'appelante demeuraient en contact à l'aide du téléphone cellulaire. M. Barrette communiquait ainsi avec l'appelante notamment pour l'informer des réparations et des problèmes de livraison. Conformément aux directives qui lui ont été données, il a occasionnellement vendu lui-même des agneaux que des clients avaient refusés. M. Barrette communiquait aussi avec les clients de l'appelante pour vérifier notamment les heures de livraison et essayait de trouver des « retours » pour remplir le camion.

[8]      Au début, M. Barrette avait trouvé un client et ramenait des pneus. Il ramenait aussi de l'équipement d'érablière le printemps et, à une occasion, il a ramené le ménage du fils de Mme Deschênes. Selon lui, il n'avait pas reçu de prime pour ça. Les primes ont commencé à être versées lorsque l'appelante et les Potages du Fleuve ont conclu une entente de transport de marchandise pour les voyages de retour. M. Jean Yves Chamberland, de Potages du Fleuve, entrait en communication avec M. Barrette afin de lui donner des directives au sujet des endroits où cueillir la marchandise. M. Barrette recevait $10 pour chaque palette de marchandise qu'il ramenait. Vers la fin de la période en question, M. Barrette trouvait qu'il n'était pas assez payé pour ce travail supplémentaire. Il s'est plaint à l'appelante mais a continué quelque temps car, disait-il, Mme Deschênes avait besoin de ce revenu. M. Chamberland trouva éventuellement un autre transporteur. C'est l'appelante qui facturait Potages du Fleuve.

[9]      À son retour, M. Barrette remettait à l'appelante son carnet de route de même que la carte de débit et de crédit. Le carnet de route était assujetti au Code de sécurité routière et à la Commission des Transports. On doit indiquer les heures de conduite, les heures de services autres que les heures de conduite, les périodes de repos et le temps dans la couchette durant les voyages. On doit indiquer dans le carnet de route le nombre d'heures consacrées à chacune de ces rubriques. M. Barrette indiquait de plus où il se trouvait à chaque étape. Lorsque M. Barrette est arrivé tard, parce que, selon Mme Deschênes, il s'était amusé, elle lui a demandé de revenir plus tôt. On vérifiait aussi les frais que M. Barrette avait payés avec la carte de débit de l'appelante.

[10]     Vers la fin de la période en question, M. Barrette a éprouvé de la difficulté à préparer ses déclarations de revenu et a indiqué qu'il préférait être payé sur une base horaire pour simplifier ses affaires. De plus, ses revenus étaient tels qu'il était devenu obligé de percevoir la taxe sur les produits et services (TPS) sur ses services. Pour éviter cela, il a conclu une entente avec l'appelante pour qu'elle lui paie ses dépenses de voyage séparément de ses honoraires. Les autres conditions n'ont pas changé. M. Barrette aurait tenté de négocier, mais en vain. L'appelante a trouvé un remplaçant. M. Barrette a travaillé une semaine avec ce dernier et a été remercié de ses services. Par la suite, il déposa une plainte à la Commission des normes du travail, réclamant un préavis, ses journées fériées ainsi que ses vacances. Le résultat de cette demande n'est pas connue.

[11]     Il s'agit de déterminer, en l'espèce, si Agneau de l'Est et M. Claude Barrette sont liés par un contrat de louage de services au sens de l'alinéa 5(1)a) de la Loi.

[12]     La Cour d'appel fédérale, dans l'arrêt Wiebe Door Services Ltd. c. Ministre du Revenu national, [1986] 3 C.F. 553, a fourni des critères utiles pour distinguer un contrat de louage de services d'un contrat d'entreprise. La Cour suprême du Canada, dans l'arrêt 671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc., [2001] 2 R.C.S. 983, a donné son aval à ces critères en résumant l'état du droit comme suit aux paragraphes 47 et 48 :

Bien qu'aucun critère universel ne permette de déterminer si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant, je conviens avec le juge MacGuigan que la démarche suivie par le juge Cooke dans la décision Market Investigations, précitée, est convaincante. La question centrale est de savoir si la personne qui a été engagée pour fournir les services les fournit en tant que personne travaillant à son compte.    Pour répondre à cette question, il faut toujours prendre en considération le degré de contrôle que l'employeur exerce sur les activités du travailleur. Cependant, il faut aussi se demander, notamment, si le travailleur fournit son propre outillage, s'il engage lui-même ses assistants, quelle est l'étendue de ses risques financiers, jusqu'à quel point il est responsable des mises de fonds et de la gestion et jusqu'à quel point il peut tirer profit de l'exécution de ses tâches.

Ces facteurs, il est bon de le répéter, ne sont pas exhaustifs et il n'y a pas de manière préétablie de les appliquer. Leur importance relative respective dépend des circonstances et des faits particuliers de l'affaire.

[13]     Le juge Marceau de la Cour d'appel fédérale, dans l'arrêt Charbonneau c. Canada, [1996] A.C.F. no 1337 (Q.L.), nous rappelle que les facteurs en question sont des points de repère qu'il est généralement utile de considérer, mais pas au point de mettre en péril l'objectif ultime de l'exercice, qui est de rechercher la relation globale que les parties entretiennent entre elles.

[14]     Dans une décision récente, la Cour d'appel fédérale a exposé à nouveau les principes juridiques qui gouvernent la question de l'assurabilité d'un emploi. Dans Livreur Plus Inc. c. Canada, [2004] A.C.F. no 267, le juge Létourneau a résumé ces principes en ces termes aux paragraphes 18 et 19 de son jugement :

Dans ce contexte, les éléments du critère énoncé dans l'arrêt Wiebe Door Services Ltd. c. M.R.N., 87 D.T.C. 5025, à savoir le degré de contrôle, la propriété des instruments de travail, les chances de bénéfices et les risques de pertes et enfin l'intégration, ne sont que des points de repère : Charbonneau c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.) (1996), 207 N.R. 299, paragraphe 3. En présence d'un véritable contrat, il s'agit de déterminer si, entre les parties, existe un lien de subordination, caractéristique du contrat de travail, ou s'il n'y a pas, plutôt, un degré d'autonomie révélateur d'un contrat d'entreprise : ibidem.

Ceci dit, il ne faut pas, au plan du contrôle, confondre le contrôle du résultat ou de la qualité des travaux avec le contrôle de leur exécution par l'ouvrier chargé de les réaliser : Vulcain Alarme Inc. c. Le ministre du Revenu national, [1999] A.C.F. no 749, A-376-98, 11 mai 1999, paragraphe 10, (C.A.F.); D & J Driveway Inc. c. Le ministre du Revenu national, précité, au paragraphe 9. Comme le disait notre collègue le juge Décary dans l'affaire Charbonneau c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), précitée, suivie dans l'arrêt Jaillet c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), [2002] A.C.F. no 1454, 2002 FCA 394, « rares sont les donneurs d'ouvrage qui ne s'assurent pas que le travail est exécuté en conformité avec leurs exigences et aux lieux convenus. Le contrôle du résultat ne doit pas être confondu avec le contrôle du travailleur » .

[15]     Cela étant dit, les faits de l'espèce révèlent que le travail de M. Barrette est régulier dans le sens qu'il doit effectuer ses livraisons à chaque semaine et la même journée, aux mêmes heures et dans l'ordre des commandes reçues par Agneau de l'Est et préparées par l'abattoir. Les livraisons ont été faites dans un ordre purement logique mais qui répond aux exigences d'Agneau de l'Est. L'appelante possède également le pouvoir d'exiger que M. Barrette fasse des déplacements additionnels pour ramener de la marchandise et du matériel pour le chemin du retour. Ce dernier doit aussi s'assurer que certaines normes d'hygiène soient respectées. Il doit être en contact avec l'Agneau de l'Est pour faire autoriser certaines réparations ou encore demander des directives lorsque la marchandise livrée est refusée. Il lui est arrivé de vendre, au moins à une occasion, de la marchandise refusée après avoir reçu des directives à cet effet. L'appelante ne lui a pas versé de rémunération additionnelle à cette occasion. Ce genre de directives et celle enjoignant M. Barrette à revenir plus tôt de ses voyages sont, à mon avis, des exemples de pouvoir d'intervention que l'on trouve dans un contrat de louage de service où il y a un lien de subordination.

[16]     En l'espèce, M. Barrette devait se présenter chez Agneau de l'Est avant et après chaque voyage. Il était le seul livreur et ne pouvait pas se faire remplacer. En fait, s'il n'avait pu se présenter un matin, c'est Agneau de l'Est qui se serait chargée de trouver un remplaçant. M. Barrette devait soit trouver des retours lui-même ou faire ceux qu'avait trouvés Agneau de l'Est, tel que celui avec Potage du Fleuve. Il devait aussi ramener de la marchandise pour les enfants de Mme Deschênes. Toutes ces directives lui étaient communiquées lors de ces voyages. Elles l'obligeaient à faire des déplacements additionnels et lui prenaient plus de temps. Le fait qu'il a été rémunéré dans certains cas ne change en rien le fait qu'il devait respecter les directives qu'il recevait.

[17]     Il me paraît évident que, dans le cas en l'espèce, M. Barrette ne jouissait pas d'un degré d'autonomie que l'on retrouve habituellement chez un travailleur indépendent. Le fait qu'on lui a demandé de fournir de la formation à son remplaçant avant d'être mis à pied et de revenir plus tôt de ces voyages se rajoutent aux commentaires exprimés plus haut.

[18]     À mon avis, Agneau de l'Est, en l'espèce, n'a jamais abandonné son pouvoir d'intervenir et de réglementer le travail de M. Barrette. L'appelante a maintenu et exercé en tout temps un pouvoir de contrôle sur les allées et venues de M. Barrette et ce dernier devait suivre les directives reçues. C'est ainsi qu'était établi entre eux un lien de subordination. Il n'était pas maître de la façon dont il pouvait rendre ses services, il ne fixait pas son propre horaire de travail et ces allées et venues étaient régies par d'Agneau de l'Est et ses clients.

[19]     La propriété du camion était celle d'Agneau de l'Est et elle seule couvrait les dépenses liées à son usage. Les outils utilisés par le travailleur pour effectuer les tâches, soit l'équipement pour décharger le camion et le téléphone cellulaire étaient fournis par Agneau de l'Est. Sous la rubrique des chances de profits ou risques de pertes, M. Barrette n'en avait aucuns à l'exception des dépenses de voyages qu'il devait prendre à sa charge. Cela favorise donc la thèse de contrat de louage de service.

[20]     Au niveau de l'intégration, M. Barrette était le seul et unique chauffeur pour Agneau de l'Est. Il devait être là à chaque semaine aux heures établies pour faire les livraisons. Selon un itinéraire propre aux besoins d'Agneau de l'Est, ces livraisons étaient primordiales pour Agneau de l'Est et le travail de M. Barrette faisait partie intégrante de ses activités.

[21]     Je dois prendre en considération, dans mon analyse des faits en l'espèce, la volonté des deux parties de traiter M. Barrette à titre de travailleur autonome, toutefois, je ne suis pas lié par ce que les parties ont convenu si la preuve soumise permet une détermination contraire. Le juge Létourneau, dans Le Livreur Plus Inc. c. M.R.N., [2004] A.C.F. no 267 (Q.L.), disait ceci :

[17] La stipulation des parties quant à la nature de leurs relations contractuelles n'est pas nécessairement déterminante et la Cour peut en arriver à une détermination contraire sur la foi de la preuve qui lui est soumise : D & J Driveway Inc. c. Le ministre du Revenu national, 2003 CAF 453. Mais en l'absence d'une preuve non équivoque au contraire, la Cour doit dûment prendre en compte l'intention déclarée des parties : Mayne Nickless Transport Inc. c. Le ministre du Revenu national, [1999] A.C.I. no 132, 97-1416-UI, 26 février 1999 (C.C.I.). Car en définitive, il s'agit de déterminer la véritable nature des relations entre les parties. Aussi, leur intention sincèrement exprimée demeure-t-elle un élément important à considérer dans la recherche de cette relation globale réelle que les parties entretiennent entre elles dans un monde du travail en pleine évolution : voir Wolf c. Canada, [2002] 4 C.F. 396 (C.A.F.); Procureur général du Canada c. Les Productions Bibi et Zoé Inc., [2004] A.C.F. no 238, 2004 C.A.F. 54.

[22]     À mon avis et selon l'analyse des faits qui m'ont été présentés, la véritable nature des relations qui existent entre les parties en l'espèce favorise le contrat de louage de service. Conséquemment, l'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 13e jour d'octobre 2004.

« François Angers »

Juge Angers


RÉFÉRENCE :

2004CCI656

Nos DE DOSSIER DE LA COUR :

2003-2232(EI)

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Agneau de l'Est Inc. et M.N.R.

LIEU DE L'AUDIENCE :

Matane (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :

le 13 juillet 2004

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

l'hon. juge François Angers

DATE DU JUGEMENT :

le 13 octobre 2004

COMPARUTIONS :

Avocat de l'appelante :

Me Gaétan Gauthier

Pour l'intimée :

Me Claude Lamoureux

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER:

Pour l'appelant :

Nom :

Me Gaétan Gauthier

Étude :

Gaétan Gauthier, avocat

Rimouski (Québec)

Pour l'intimée :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

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