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Dossier : 2000-4207(IT)G

ENTRE :

ROBERT BILODEAU,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Appels entendus sur preuve commune avec les appels de

Rond Point Lincoln Mercury (1989) Inc. (2000-4225(IT)G))

les 17 et 18 juin 2004 à Montréal (Québec)

Devant : L'honorable juge Louise Lamarre Proulx

Comparutions :

Avocat de l'appelant :

Me Christopher R. Mostovac

Avocat de l'intimée :

Me Daniel Marecki

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1996 et 1997 sont admis et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations selon les motifs du jugement ci-joints.

          Ces appels ayant été entendus sur preuve commune et les parties ayant gagné ou perdu sur une base à peu près égale, il n'y a pas de frais accordés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 13e jour d'octobre 2004.

« Louise Lamarre Proulx »

Juge Lamarre Proulx


Dossier : 2000-4225(IT)G

ENTRE :

ROND POINT LINCOLN MERCURY (1989) INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Appels entendus sur preuve commune avec les appels de Robert Bilodeau (2000-4207(IT)G)) les 17 et 18 juin 2004 à Montréal (Québec)

Devant : L'honorable juge Louise Lamarre Proulx

Comparutions :

Avocat de l'appelante :

Me Christopher R. Mostovac

Avocat de l'intimée :

Me Daniel Marecki

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1995 et 1996 sont admis et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations en tenant pour acquis que les frais juridiques peuvent être déduits. Autrement les cotisations demeurent inchangées.

Le tout selon les motifs du jugement ci-joints.

          Ces appels ayant été entendus sur preuve commune et les parties ayant gagné ou perdu sur une base à peu près égale, il n'y a pas de frais accordés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 13e jour d'octobre 2004.

« Louise Lamarre Proulx »

Juge Lamarre Proulx


Référence : 2004CCI685

Date : 20041013

Dossiers : 2000-4207(IT)G

2000-4225(IT)G

ENTRE :

ROBERT BILODEAU,

ROND POINT LINCOLN MERCURY (1989) INC.,

appelants,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

La juge Lamarre Proulx

[1]      Ces appels ont été entendus sur preuve commune. Pour l'appelante, les années d'imposition en cause sont les années 1995 et 1996, et pour l'appelant les années 1996 et 1997.

[2]      La première question en litige est de savoir si l'appelante était en droit de déduire les honoraires d'avocat payés pour défendre l'appelant à l'encontre d'accusations portées en vertu du Code criminel pour agissements illicites de nature sexuelle et si ces paiements doivent être inclus dans les revenus de l'appelant, en vertu de l'article 6 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ).

[3]      La deuxième question en litige concerne des retraits en argent crédités à la petite caisse. Il s'agit de déterminer s'il y a eu des paiements de ristournes à une société de location de voitures pour l'acquisition de voitures auprès de l'appelante. Ces paiements auraient été faits en argent comptant à un des actionnaires de la société acquéreuse.

[4]      La troisième question en litige est de savoir si la perte subie lors de la disposition d'un bien acquis pour les fins personnelles d'un actionnaire de l'appelante peut être considérée, à la fin d'une série d'échanges, comme une perte d'entreprise.

[5]      En ce qui concerne le premier point en litige, les accusations portées contre l'appelant concernaient une agression sexuelle et une action indécente commise en la présence d'une personne avec l'intention de l'insulter ou de l'offenser. L'agression sexuelle se serait produite au mois de novembre 1993 lors d'un voyage pour amener des véhicules à une vente à l'encan. L'action indécente aurait été commise lors d'un essai routier en juillet 1996.

[6]      Deux jugements en date du 2 février 2001, numéros 963 et 960, ont été déposés comme pièce A-1. Dans les deux cas, l'appelant avait témoigné et offert sa version. Dans le premier cas, son témoignage et les documents produits ont clairement indiqué au juge présidant l'audience que la version de la plaignante n'était pas crédible. En ce qui concerne la deuxième plainte, il s'agissait pour le juge de déterminer entre deux versions sans appui de preuve documentaire. Il a considéré qu'il n'était pas convaincu hors de tout doute de la commission de l'offense.

[7]      L'appelant agit dans la vente d'automobiles depuis 1986. En 1996, l'appelant était le directeur général et président de l'appelante ainsi qu'un de ses employés. La preuve a révélé qu'il était un excellent vendeur. Il était aussi le seul actionnaire de l'appelante.

[8]      C'est au cours de l'année 1996 que l'appelant a fait l'objet des accusations ci-dessus mentionnées. L'appelant dit qu'il a requis les services d'un avocat tant pour défendre sa réputation que celle de l'entreprise dont il était le président et seul actionnaire.

[9]      L'appelant a affirmé que ces accusations avaient comme source les intentions malveillantes de son ancien associé dans la société appelante. L'appelant affirme qu'il a dû se défaire de cet associé en 1994 à cause de ses agissements abusifs dans l'application des garanties offertes par le manufacturier des automobiles vendues par l'appelante. À cet égard, le manufacturier a fait des réclamations de 50 000 $ et 20 000 $ à l'encontre de l'appelante.

[10]     Quand les accusations ont été portées au mois de novembre 1996, l'appelant est tombé en grande dépression et est venu se réfugier dans la région de Montréal. Il a été hospitalisé environ six semaines et il est resté à Montréal pendant environ six mois. Il est rentré pour l'enquête préliminaire tenue vers le 20 mars.

[11]     Pour montrer les tourments de l'appelant ainsi que le lien fait entre lui et l'appelante, ont été déposés comme pièce A-3, les transcriptions des émissions radiophoniques des 26 et 27 novembre et du 2 décembre 1996 rapportant les accusations portées contre l'appelant.

[12]     La pièce A-2 est une description schématique des véhicules vendus de 1993 à 1997 pour chacun des mois de l'année. Cette pièce a pour but de montrer que les ventes ont quelque peu baissé avec le départ de l'appelant.

[13]     Personne de la société Ford, dont l'appelante était concessionnaire, n'aurait communiqué avec l'appelant à la suite des accusations. L'appelant a tout de même jugé bon de s'expliquer auprès de celle-ci.

[14]     Le deuxième point en litige concerne les ristournes censément payées en argent à la société Nolicam. Celle-ci était une société de location de voitures à Chicoutimi. Selon l'appelant, un des actionnaires de Nolicam lui aurait demandé d'indiquer 1 000 $ de plus sur la facture à l'égard de chaque voiture et de lui remettre le 1 000 $ en argent comptant. Ces sommes auraient été remises par l'appelant ou par monsieur Michel Pelletier, le directeur des ventes. Le contrôleur ou son assistante incluait les argents dans les enveloppes à partir des fonds attribués à la petite caisse.

[15]     L'appelant n'a pas pu indiquer dans la pièce A-2, qui est la compilation des ventes de voitures pour chaque mois, des années 1993 à 1997, dans quels mois se retrouvent les véhicules pour lesquels des ristournes auraient été payées. Il ne s'en souvient pas.

[16]     Il décrit toutefois la façon de procéder. Une voiture qui était en fait véritablement vendue 20 000 $, avait comme prix de vente sur le contrat 21 000 $. Nolicam payait le montant total indiqué au contrat de vente par chèque. Le montant de 1 000 $ était remis en espèces à monsieur L. P. à sa demande.

[17]     Monsieur L. P. qui était à l'époque le président de Nolicam a témoigné. Il relate que Nolicam a été formée en 1990 pour la location de voitures et de camions. Lui et une autre personne en étaient actionnaires à 51 et 49 pour cent. Il en a été président jusqu'en 1998. Il a confirmé que Nolicam achetait en effet des véhicules auprès de l'appelante.

[18]     L'avocat des appelants lui a demandé si c'était possible que durant ce temps là, lui ou son associé, aurait dit à monsieur Bilodeau ou à monsieur Pelletier qu'il voulait que la facture soit augmentée d'un certain montant d'argent et que ce montant d'argent ait été remis dans une enveloppe, en espèces sonnantes, personnellement à monsieur L.P. Le témoin a nié catégoriquement. Il a dit que son associé ne voulait que payer le prix le plus bas et qu'il n'aurait pas permis une telle manigance.

[19]     De plus, le témoin a été étonné du nombre de 35 véhicules vendus par l'appelante à Nolicam en 1995. Il lui semble qu'il est arrivé à Nolicam d'en acheter 20, mais que le nombre de 35 lui paraît énorme.

[20]     Le troisième point en litige concerne un bateau acquis par l'associé de l'appelant alors qu'il était en vacances en Floride en février et mars 1994. Quand il est revenu en avril 1994, il a rapporté un bateau qu'il avait acheté en Floride au nom de l'appelante. Il s'était fait transférer de l'argent des comptes de cette dernière, selon monsieur Bilodeau, à son insu. La facture d'achat du bateau a été déposée comme pièce A-5. Elle est en date du 8 février 1994. Le prix est de 29 000 $US.

[21]     À cette époque, le conflit s'accentuait entre les actionnaires. Monsieur Bilodeau a mentionné à son associé qu'il vendrait le bateau.

[22]     La vente ne s'est pas faite. À un moment donné, il entend parler de quelqu'un qui pouvait être intéressé à acheter un bateau. Selon l'appelant, cette personne l'informe qu'il est prêt à accepter le bateau en échange d'un campeur. Le campeur ne se vend pas plus. Il est changé pour un campeur plus gros. On immatricule celui-là. Il a été utilisé pour aller à des foires du camion en juin 1996. En juillet, il y a eu le déluge. L'appelant a permis à un de ses employés qui avait perdu sa maison d'utiliser temporairement le campeur. Le campeur a été vendu à l'automne 1996.

[23]     Monsieur Bilodeau confirme que l'appelante n'a fait aucune réclamation à l'encontre de l'associé pour son achat de bateau à des fins personnelles à l'insu de l'autre actionnaire.

[24]     Monsieur Michel Pelletier a commencé à travailler pour l'appelante en 1978. En 1986, il était devenu directeur des ventes. En 1992, quand monsieur Bilodeau a acquis les actions de l'appelante, le témoin ne travaillait plus pour l'appelante. Il est alors revenu travailler pour cette dernière dans le même poste. Il a confirmé le témoignage de l'appelant en ce qui a trait à la mésentente entre les deux associés, les tentatives de vente du bateau et les remises de sommes d'argent en espèces liquides à monsieur L.P.

[25]     L'avocat de l'appelant auprès du tribunal pénal, le contrôleur de l'appelante et la commis de bureau ont également témoigné. Ils ont en général corroboré ce qui avait été dit par monsieur Bilodeau : l'avocat, à l'égard du premier point en litige et les deux autres témoins, à l'égard des deux autres points. De plus, l'avocat a mentionné que des poursuites civiles avaient été prises à l'encontre des procureurs de la couronne et d'autres personnes impliquées dans la poursuite au criminel mais que, finalement, elles avaient été abandonnées.

[26]     Monsieur Danny Drolet, vérificateur pour l'Agence des douanes et du revenu du Canada, a commencé sa vérification en avril 1998. Il a également témoigné à la demande de l'avocat des appelants.

[27]     Il relate que bien que le bateau ait été acquis pour des fins personnelles, il a été inscrit à l'inventaire dès le retour de Floride, ce qui n'est pas conforme à la Loi. En ce qui concerne les ristournes faites à Nolicam, il a vu les fiches de stock où un montant de 1 000 $ était indiqué avec un reçu fait à l'interne dans la petite caisse. Il n'y avait aucun document indiquant que cela avait été versé à Nolicam. Dans de tels cas, les sommes devraient être ajoutées au revenu de l'actionnaire principal. C'est ce qu'il aurait voulu faire. Mais vu les explications de l'appelant, il lui a donné le bénéfice du doute. Pour permettre la déduction de ces montants par l'appelante, il a mentionné au comptable ou à l'appelant de demander à Nolicam ou à monsieur L.P. de signer une déclaration comme quoi elle ou il avait reçu ces sommes là. Cela n'a pas été fait. Cela aurait pu être déduit, mais il lui fallait la production de pièces justificatives. Cette pièce justificative est un reçu de quelqu'un qui reconnaît avoir reçu les sommes.

[28]     En ce qui concerne le premier point soit les frais juridiques, le vérificateur admet que les événements en cause sont des événements qui ont eu lieu dans le cadre du travail de l'appelant. Toutefois, il ajoute que les gestes qui lui sont reprochés n'étaient pas dans sa description de tâches.

[29]     L'avocat des appelants se réfère aux décisions, au bulletin d'interprétation et à l'interprétation technique suivants : 166 v. M.N.R., [1954] 10 Tax A.B.C. 285; Transocean Shipping & Coal Co. Inc. v. M.N.R., 24 Tax A.B.C. 262; Car Strip Ltd. v. M.N.R., [1967] Tax A.B.C. 361; St-Germain v. M.N.R., 83 DTC 36 (Tax Review Board); et Border Fertilizer (1972) Ltd. v. M.N.R., [1987] 2 C.T.C. 183, IT-99R5 - Frais juridiques et comptables (Consolidé) et 2003-0035475 - Technical Interpretation (External);

[30]     Du bulletin d'interprétation, il cite le paragraphe 30 intitulé « Frais juridiques d'employés payés par l'employeur » :

30. Un employeur peut déduire les frais juridiques qu'il a engagés pour assurer la défense d'un employé, d'un agent ou d'un administrateur qui est accusé d'avoir commis des actes illicites ou illégaux dans le cours normal de l'exploitation de l'entreprise de l'employeur. Ces frais peuvent comprendre les frais engagés pour défendre l'employé contre des allégations d'infraction aux pratiques de commerce ou à la loi sur la concurrence. Veuillez consulter, par exemple, les critères établis dans l'affaire The Car Strip Ltd. c. Le Ministre du Revenu national, [1967] Tax A.B.C. 361, 67 DTC 259, et le jugement rendu par la Cour fédérale, Section de première instance, dans l'affaire Border Chemical Company Ltd. c. La Reine, [1987] 2 CTC 183, 87 DTC 5391.

[31]     L'avocat de l'intimée se réfère aux décisions suivantes : Car Strip Ltd. v. M.N.R., [1967] Tax A.B.C. 361; Border Fertilizer (1972) Ltd. v. M.N.R., [1987] 2 C.T.C. 183; Clemiss (A.) v. M.N.R., [1992] 2 C.T.C. 232; 412237 Ontario Ltd. v. R., [1994] 1 C.T.C. 2177; et Strachan v. R., [2000] 3 C.T.C. 2863.

[32]     L'avocat de l'intimée fait valoir que les accusations sont à l'encontre de monsieur Robert Bilodeau personnellement, qu'elles n'ont rien à voir avec l'exploitation normale du commerce de l'appelante, ne constituent pas un risque inhérent à l'exploitation de ce commerce et ne découle pas de l'exercice normal des fonctions de monsieur Robert Bilodeau. L'appelante n'a pas déboursé les montants de 47 955 $ en 1996 et 40 768 $ en 1997 dans le but de gagner du revenu. Par ailleurs, ces montants payés par l'appelante pour le bénéfice de monsieur Robert Bilodeau constituent un avantage imposable pour ce dernier.

[33]     En ce qui concerne l'avantage imposé en vertu de l'article 6 de la Loi, l'avocat de l'appelant se réfère aux décisions suivantes : Huffman v. The Queen, [1990] 2 C.T.C. 132 (F.C.A.); Clemiss (A.) v. M.N.R., [1992] 2 C.T.C. 232; et Strachan v. The Queen, [2000] 3 C.T.C. 2863.

[34]     Il se réfère notamment au paragraphe 10 de l'affaire Huffman ci-dessus :

En se fondant sur ce passage, le juge de première instance a exposé le critère qu'il a appliqué aux faits en litige (Dossier d'appel, p. 99) :

Il importe donc d'examiner les faits pour savoir si, en l'espèce, il y a eu acquisition importante ayant conféré au contribuable un avantage économique.

Il a alors entrepris d'examiner la preuve et de tirer les conclusions de fait susmentionnées. En appliquant aux faits de l'espèce le critère énoncé dans l'arrêt Savage, il a dit (Dossier d'appel, p. 102) :

Compte tenu de la définition jurisprudentielle du terme « avantage » contenu à l'alinéa 6(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu, je ne puis conclure que dans les circonstances le demandeur a reçu un avantage. Le remboursement des dépenses que ce dernier était tenu d'engager aux fins d'accomplir les fonctions de sa tâche et de recevoir son salaire ne doit pas être considéré comme conférant un avantage au sens de cet alinéa. il avait simplement été rétabli dans la situation financière où il se trouvait avant que son employeur n'exige qu'il engage ces dépenses.

[35]     En ce qui concerne les ristournes en argent, l'avocat de l'intimée fait valoir que l'appelante n'a soumis aucune preuve justificative. Quant au troisième point, la position de l'intimée est que les biens sont des biens à usage personnel et n'ont jamais véritablement été des biens en inventaire. L'avocat de l'intimée s'appuie sur la décision Installations GMR Inc. c. R., 2003 DTC 387.

Analyse et conclusion

[36]     Je vais commencer par les deuxième et troisième points en litige.

[37]     En ce qui concerne les ristournes prétendument payées en argent comptant à Nolicam en 1995, la preuve a révélé qu'elles n'ont pas été payées à Nolicam. Selon le stratagème décrit, elles auraient été payées à un des associés dans l'entreprise Nolicam sans la connaissance de l'autre associé. Quand le vérificateur s'est présenté auprès de l'appelante en avril 1998, il aurait été le temps de bâtir une preuve convaincante si possibilité il y avait. Ceci n'a pas été fait. Les voitures avaient été vendues en 1995. Même le nombre de véhicules vendus à Nolicam est incertain. Il n'y avait pas alors d'empêchement à obtenir une preuve certaine à l'égard de ce nombre.

[38]     Il n'y a eu à l'égard de ces ristournes qu'une preuve testimoniale, tant à l'égard du paiement que du nombre de véhicules concernés. Cela ne peut suffire à me convaincre que des paiements au montant de 35 000 $ ont été faits en 1995, en argent comptant, à monsieur L.P. pour promouvoir la vente des véhicules.

[39]     En ce qui concerne la perte encourue sur la vente du bateau, je suis d'avis que la position de l'intimée est celle qui doit être acceptée. Il n'y a pas eu de preuve de changement d'usage du bien personnel acquis par l'appelante en 1994 fait en conformité avec la Loi. Il n'y a, dans les livres de l'appelante, aucune inscription montrant la disposition présumée du bien personnel et son acquisition subséquente pour les fins d'inscription dans l'inventaire. La seule inscription qui a été faite est celle faite dans l'inventaire dès l'arrivée du bateau, un bateau acquis pour des fins personnelles par un des gestionnaires de l'appelante.

[40]     Abordons maintenant la question des frais juridiques. La preuve a révélé d'une part que les actes d'agression sexuelle et d'indécence dont l'appelant s'est fait accuser, s'ils ont eu lieu, auraient eu lieu lors de l'exercice d'activités de travail et d'autre part, que l'appelant a été acquitté des deux accusations.

[41]     Au début de ma réflexion, j'étais d'avis que dans des circonstances d'actes à connotation sexuelle, l'acquittement était un facteur important pour les fins de la déduction par l'employeur des frais juridiques engagés pour défendre un employé.

[42]     La jurisprudence actuelle permet la déduction des frais juridiques engagés pour défendre un employé qui a ou aurait commis des actes illégaux dans l'accomplissement de ses tâches. Jusqu'à maintenant, les actes illégaux considérés étaient des actes qui allaient à l'encontre d'une quelconque réglementation relative à l'activité de travail. Le fait reproché demeurait relié à la sphère d'activité de l'employé.

[43]     La jurisprudence fiscale ne semble pas avoir encore eu à se pencher sur la déductibilité de frais juridiques engagés pour défendre un employé accusé d'actes sexuels illégaux commis lors de ses activités de travail.

[44]     Dans le cas d'un acte reproché qui n'est pas lié intimement aux activités du travail, si la personne est trouvée coupable, elle a commis un acte qui est en dehors de la sphère du travail. Un acte sexuel est nécessairement en dehors de la sphère d'activité d'un employé.

[45]     Au moment de prendre la décision d'engager des frais juridiques pour défendre son président et employé, l'appelante savait que les gestes reprochés étaient des gestes posés lors d'activités de travail. Elle le croit innocent et accusé à tort. De plus, il y a dans notre droit, le principe de la présomption d'innocence de tout accusé.

[46]     Il est vrai que si ces gestes ont été posés, ils ne sont pas intimement liés aux activités de travail. Par ailleurs, si c'est à tort qu'un employé ou un président est accusé d'impropriétés sexuelles commises dans l'exercice de ses fonctions, tout ce qui est en jeu est l'accomplissement des activités du travail par ces derniers.

[47]     Il me semble donc que l'employeur est en droit de défendre un employé ou une personne exerçant la charge de président relativement à l'accomplissement des activités de travail. Une telle dépense doit faire partie des coûts du travail.

[48]     Le fait que l'employé soit par la suite trouvé coupable n'empêche pas la déduction des frais juridiques engagés pour le défendre à l'encontre des accusations. C'est au moment où une dépense est engagée qu'il faut déterminer si elle est déductible ou non. Elle l'est si elle est reliée aux activités de travail.

[49]     L'appelant doit-il inclure ces montants comme étant des bénéfices au sens de l'article 6 de la Loi?

[50]     La dépense d'un salaire est déduite par l'employeur mais le salaire doit être inclus dans le calcul du revenu de l'employé. Il n'est donc pas étonnant que la dépense des frais juridiques puisse être admise dans le calcul du revenu de l'employeur mais doive être incluse dans le calcul du revenu de l'employé comme un bénéfice.

[51]     Il y a eu un procès. Les témoins ont été entendus et le juge en est venu à la conclusion que les accusations n'étaient pas prouvées. Ces accusations ont comme origine un voyage pour vendre des voitures à l'encan et un essai routier. Dans les deux cas, il s'agit d'un contexte spécifique aux activités de travail. Il ne s'agit pas d'une action qui aurait été commise à l'occasion d'une activité de travail, comme le conducteur de camion qui conduirait ivre, mais il s'agit d'une action qui aurait été commise lors de l'exercice d'une activité normale de travail.

[52]     En ce qui concerne l'inclusion du montant des frais juridiques, je suis d'avis que l'acquittement ou la culpabilité de l'employé sont déterminants. Si l'employé est trouvé coupable des actes reprochés, il s'agit d'actes qui ne sont pas dans sa description de tâches, les frais juridiques sont alors des frais qui auraient dû être à sa charge personnelle. Puisqu'ils ont été payés par l'employeur, il s'agit d'un bénéfice qui doit être inclus dans le calcul du revenu de l'employé en vertu de l'article 6 de la Loi.

[53]     Si la personne n'est pas trouvée coupable, les principes de l'affaire Huffman s'appliquent. Il n'y a pas de bénéfice économique conféré à un employé injustement accusé d'impropriétés sexuelles dans l'exercice de ses fonctions. Dans la présente affaire, les accusations ont été portées personnellement contre l'appelant mais elles ont été rejetées. Il ne s'agit donc pas de frais juridiques personnels et n'ont pas à être inclus dans le calcul du revenu de l'appelant.

[54]     L'appel de l'appelant est admis. En ce qui concerne celui de l'appelante, elle a droit de déduire les frais juridiques. Pour les deux autres points, les cotisations sont maintenues.

Signé à Ottawa, Canada, ce 13e jour d'octobre, 2004.

« Louise Lamarre Proulx »

Juge Lamarre Proulx


RÉFÉRENCE :

2004CCI685

Nos DES DOSSIERS DE LA COUR :

2000-4207(IT)G

2000-4225(IT)G

INTITULÉS DES CAUSES :

Robert Bilodeau et La Reine

Rond Point Lincoln Mercury (1989) Inc. et La Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :

les 17 et 18 juin 2004

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

l'hon. juge Louise Lamarre Proulx

DATE DU JUGEMENT :

le 13 octobre 2004

COMPARUTIONS :

Pour les appelants:

Me Christopher R. Mostovac

Pour l'intimée :

Me Daniel Marecki

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER:

Pour les appelants :

Nom :

Me Christopher R. Mostovac

Étude :

Starnino Mostovac

Montréal (Québec)

Pour l'intimé(e) :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

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