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Dossier : 2004-2415(EI)

ENTRE :

MARLÈNE BOURGET,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

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Appel entendu le 20 septembre 2004, à Percé (Québec).

Devant : L'honorable juge Paul Bédard

Comparutions :

Avocate de l'appelante :

Me Louise Levasseur

Avocate de l'intimé :

Me Antonia Paraherakis

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JUGEMENT

          L'appel est rejeté et la décision rendue par le ministre est confirmée selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 12e jour de novembre 2004.

« Paul Bédard »

Juge Bédard


Référence : 2004CCI654

Date : 20041112

Dossier : 2004-2415(EI)

ENTRE :

MARLÈNE BOURGET,

appelante,

Et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Bédard

[1]      Le 2 décembre 2003, l'appelante a demandé à l'intimé de statuer sur la question de savoir si, du 23 septembre au 12 novembre 2002, elle avait exercé un emploi assurable au service de la société Les fumoirs Gaspé cured inc. (le « payeur » ).

[2]      Par lettre datée du 23 avril 2004, l'intimé informait l'appelante de sa décision selon laquelle celle-ci n'occupait pas un emploi assurable. Il l'informait, de plus, que le montant de 2 412,14 $ reçu du payeur représentait une indemnité de départ versée, à la suite d'un règlement à l'amiable, pour compenser la perte de son emploi et que ce montant, comme il répond à la définition d'une allocation de retraite, n'est pas une rémunération assurable.

[3]      L'appelante en appelle de cette décision.

[4]      Pour rendre sa décision, l'intimé a déterminé que l'appelante n'exerçait pas un emploi aux termes d'un contrat de louage de services, détermination qu'il a fondée sur les hypothèses de fait suivantes, lesquelles ne sont pas contestées :

a)                   Le payeur exploite une usine de fumage de harengs;

b)                   L'entreprise est en activité de 8 à 10 mois par année;

c)                   En 2002, le payeur a employé près de 100 personnes;

d)                   Tous les travailleurs de l'usine travaillaient 40 heures par semaine;

e)                   Le payeur ne détenait pas de fonds de pension ni d'assurance collective pour les travailleurs;

f)                     Le 10 novembre 2001, le payeur avait embauché l'appelante;

g)                   Elle travaillait à l'usine du payeur;

h)                   Elle prélevait les filets des harengs;

i)                     Elle était rémunérée 7,68$ de l'heure plus 4% pour les vacances;

j)                     Le 25 novembre 2001, l'appelante se blessait au travail et commençait un congé pour accident de travail;

k)                   Le 4 février 2002, l'appelante reprenait le travail pour le payeur, en assignation temporaire, dans un poste de gardienne de nuit;

l)                     Le 4 juin 2002, le payeur cessait temporairement ses activités et l'appelante était mise en arrêt de travail;

m)                 Le 13 juin 2002, l'appelante redevenait apte à exercer ses tâches habituelles de journalière;

n)                   Le 23 septembre 2002, le payeur reprenait ses activités et rappelait au travail une partie de ses travailleurs;

o)                   L'appelante n'a pas été rappelée au travail;

p)                   L'appelante a alors logé une plainte auprès de la CSST à l'encontre de la décision du payeur de ne pas la rappeler au travail;

q)                   La plainte de la travailleuse a été rejetée et celle-ci en a appelé de cette décision à la Commission des lésions professionnelles;

r)                    Le 1er novembre 2003, l'appelante et le payeur concluait [sic] une entente qui réglait leur différend;

s)                    Le payeur reconnaissait que, si elle avait été rappelée au travail, l'appelante aurait effectué 302 heures de travail du 23 septembre au 12 novembre 2002 avant d'être mise à pied de nouveau;

t)                     Le payeur convenait de verser à l'appelante la somme de 2 412,14$ représentant la perte de salaire découlant de l'absence de rappel de celle-ci, soit 302 heures à 7,68$ de l'heure plus 4% pour les vacances;

u)                   Il reconnaissait à l'appelante une ancienneté supplémentaire de 302 heures pour toute question reliée à son emploi;

v)                   En contrepartie, l'appelante se désistait de sa contestation de la décision de la C.S.S.T.

w)                 Les deux parties convenaient que la somme de 2 412,14$ constituait pour l'appelante une juste compensation pour l'absence de rappel en 2002;

x)                   Les deux parties se déclaraient satisfaites du règlement et se donnaient mutuellement quittance finale et définitive pour toute réclamation, droit ou recours pouvant résulter de l'absence de rappel de l'appelante à son emploi chez le payeur.

Analyse

[5]      Les faits sont relativement simples : l'appelante n'a pas été rappelée au travail lorsqu'elle aurait dû l'être. Un an plus tard, à la suite d'un règlement (l'entente) intervenu entre l'appelante et le payeur, ce dernier a versé à l'appelante une compensation pécuniaire équivalant au montant du salaire qu'elle aurait gagné durant la période où elle aurait normalement travaillé, soit du 23 septembre au 12 novembre 2002. Dans cette entente, le payeur a reconnu à l'appelante une ancienneté supplémentaire de 302 heures pour toute question liée à l'emploi. Il convient de souligner que, dans l'entente, l'appelante n'a pas renoncé à son droit de rappel.

[6]      Les questions en litige sont les suivantes :

          (i)       Est-ce que du 23 septembre au 12 novembre 2002, l'appelante exerçait un emploi assurable auprès du payeur?

          (ii)       Est-ce que la somme de 2 412,14 $ répondait à la définition d'allocation de retraite?

[7]      La disposition pertinente de la Loi sur l'assurance-emploi (la « Loi » ) se lit comme suit :

            5.(1) Sous réserve du paragraphe (2), est un emploi assurable :

a)     l'emploi exercé au Canada pour un ou plusieurs employeurs, aux termes d'un contrat de louage de services ou d'apprentissage exprès ou tacite, écrit ou verbal, que l'employé reçoive sa rémunération de l'employeur ou d'une autre personne et que la rémunération soit calculée soit au temps ou aux pièces, soit en partie au temps et en partie aux pièces, soit de toute autre manière;

[...]

[8]      Les dispositions réglementaires pertinentes se lisent comme suit :

Règlement sur l'assurance-emploi

9.1        Lorsque la rémunération d'une personne est versée sur une base horaire, la personne est considérée comme ayant exercé un emploi assurable pendant le nombre d'heures qu'elle a effectivement travaillées et pour lesquelles elle a été rétribuée.

Règlement sur la rémunération assurable et la perception des cotisations

1.(1)      Les définitions qui suivent s'appliquent au présent règlement.

« allocation de retraite » Somme qu'une personne reçoit :

            a) soit en reconnaissance de longs états de service au moment où elle prend sa retraite d'une charge ou d'un emploi ou par la suite;

          b) soit à l'égard de la perte de sa charge ou de son emploi, que la somme soit reçue ou non à titre de dommages-intérêts ou conformément à une ordonnance ou un jugement d'un tribunal compétent. (retiring allowance)

[...]

PARTIE I

RÉMUNÉRATION ASSURABLE

Rémunération provenant d'un emploi assurable

2.(1) Pour l'application de la définition de « rémunération assurable » au paragraphe 2(1) de la Loi et pour l'application du présent règlement, le total de la rémunération d'un assuré provenant de tout emploi assurable correspond à l'ensemble des montants suivants :

            a) le montant total, entièrement ou partiellement en espèces, que l'assuré reçoit ou dont il bénéficie et qui lui est versé par l'employeur à l'égard de cet emploi;

            b) le montant de tout pourboire que l'assuré doit déclarer à l'employeur aux termes de la législation provinciale.

(2) Pour l'application de la présente partie, le total de la rémunération d'un assuré provenant d'un emploi assurable comprend la partie impayée de cette rémunération qui n'a pas été versée à cause de la faillite de l'employeur, de sa mise sous séquestre effective ou imminente ou d'un non-paiement de rétribution à l'égard duquel l'assuré a déposé une plainte auprès de l'organisme fédéral ou provincial de main-d'oeuvre. Est exclu du total de la rémunération tout montant impayé qui se rapporte au temps supplémentaire ou qui aurait été versé en raison de la cessation de l'emploi.

            (3) Pour l'application des paragraphes (1) et (2), sont exclus de la rémunération :

            [...]

            b) les allocations de retraite;

            [...]

[9]      Ainsi, selon l'article 9.1 du Règlement sur l'assurance-emploi, une personne rémunérée sur une base horaire est considérée comme ayant exercé un emploi assurable pendant le nombre d'heures qu'elle a effectivement travaillées et pour lesquelles elle a été rétribuée.

[10]     Si l'on se réfère à la définition de rémunération assurable, celle-ci comprend le total de la rémunération d'un assuré provenant d'un emploi assurable, c'est-à-dire la rémunération que l'assuré reçoit de l'employeur à l'égard de cet emploi, mais ne comprend pas une allocation de retraite. Une allocation de retraite est définie comme une somme reçue à l'égard de la perte d'un emploi, que cette somme soit reçue ou non à titre de dommages-intérêts.

[11]     L'avocate de l'appelante a fait valoir qu'il n'y avait pas eu de rupture du lien d'emploi pendant la période en cause et qu'en conséquence l'indemnité qui a été versée à l'appelante pendant cette période ne constituait pas une allocation de retraite. De plus, s'appuyant sur les conclusions tirées par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Canada (Procureur général) c. Sirois, [1999] A.C.F. no 523 (Q.L.), elle a prétendu que, même si l'appelante n'avait pas fourni de prestation de services pendant la période en cause, il ne s'ensuivait pas nécessairement qu'il n'existait pas de contrat de louage de services pendant cette période.

[12]     Je suis d'accord avec l'avocate de l'appelante que l'indemnité versée à l'appelante ne peut constituer une allocation de retraite que s'il y a eu rupture du lien d'emploi. Toutefois, je suis d'opinion qu'il n'est pas nécessaire en l'espèce de déterminer s'il y a eu ou non rupture du lien d'emploi quand elle a eu lieu, si rupture il y a eu, puisque, de toute façon, l'appelante n'a pas exercé, à mon avis, un emploi assurable pendant la période en cause. En effet, l'article 9.1 du Règlement sur l'assurance-emploi édicte qu'une personne rémunérée sur une base horaire est considérée comme ayant exercé un emploi assurable pendant le nombre d'heures qu'elle a effectivement travaillées et pour lesquelles elle a été rétribuée. Il est reconnu par l'appelante qu'elle était rémunérée sur une base horaire et qu'elle n'a pas effectivement travaillé les 302 heures pour lesquelles elle a été rétribuée.

[13]     Quant à l'affaire Sirois, précitée, invoquée par l'avocate de l'appelante, je tiens à souligner que cette décision ne fait que reconnaître qu'il existe un contrat de louage de services tant qu'il n'y a pas de rupture du lien d'emploi et que, tant qu'il n'y a pas de rupture, un contrat de louage de services pourrait exister même si l'employé ne fournissait plus de services. Dans l'affaire Sirois, la Cour d'appel fédérale indique bien qu'aucune disposition réglementaire n'était en cause. La Cour reconnaît toutefois que, lorsque de telles dispositions sont en cause, celles-ci doivent être analysées pour déterminer l'assurabilité de l'emploi. Par conséquent, que le lien d'emploi ait été rompu ou non, il fallait se demander en l'espèce si l'emploi était assurable à la lumière de l'article 9.1 du Règlement sur l'assurance-emploi. À cet égard, je souscris au raisonnement de ma collègue la juge Lamarre dans l'affaire Lefebvre c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), [2004] A.C.I. no 69 (Q.L.), 2004 CCI 131, aux paragraphes 7 à 13.

[14]     Pour ces motifs, je conclus au rejet de l'appel.

Signé à Ottawa, Canada, ce 12e jour de novembre 2004.

« Paul Bédard »

Juge Bédard


RÉFÉRENCE :

2004CCI654

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2004-2415(EI)

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Marlène Bourget et M.R.N.

LIEU DE L'AUDIENCE :

Percé (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 20 septembre 2004

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

L'honorable juge Paul Bédard

DATE DU JUGEMENT :

Le 12 novembre 2004

COMPARUTIONS :

Pour l'appelante :

Me Louise Levasseur

Pour l'intimé :

Me Antonia Paraherakis

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER:

Pour l'appelante :

Nom :

Me Louise Levasseur

Étude :

Levasseur & Gaudette

Bureau d'aide juridique

Chandler (Québec)

Pour l'intimé :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

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