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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Référence : 2003CCI106

Date : 20030313

Dossier : 2002-1115(IT)I

ENTRE :

HONORA ZAKRISON,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

et

ROBERT L. ZAKRISON,

mis en cause.

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Pour l'appelante : L'appelante elle-même

Avocate de l'intimée : Me Nimanthika Kaneira

Avocat du mis en cause : Me Mark Greenstein

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MOTIFS DU JUGEMENT

(Rendus oralement à l'audience

le 14 février 2003, à Toronto (Ontario).)

Le juge Sarchuk, C.C.I.

[1]      La présente affaire est un appel par Honora Zakrison d'une cotisation d'impôt pour son année d'imposition 1999. En calculant son revenu pour ladite année, l'appelante n'a inclus aucun montant à titre de pension alimentaire pour enfants. En établissant une nouvelle cotisation pour l'année d'imposition 1999 par voie d'avis de nouvelle cotisation daté du 6 juillet 2001, le ministre du Revenu national, au nom de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC), a inclus un montant pour pension alimentaire pour enfants totalisant 12 000 $ dans le revenu de l'appelante.

[2]      Par la suite, le 29 octobre 2001, le ministre a fait une demande en vertu de l'article 174 de la Loi de l'impôt sur le revenu afin qu'une ordonnance soit rendue pour joindre Robert L. Zakrison à l'appel de Honora Zakrison, et pour que la Cour se prononce sur des questions liées à l'avis de cotisation du 7 avril 2000 pour l'année d'imposition 1999 de Mme Zakrison et liées à une nouvelle cotisation projetée pour l'année d'imposition 1999 de M. Zakrison, au cas où les réponses aux questions posées seraient négatives.

[3]      Plus particulièrement, on demande que la Cour se prononce sur les questions suivantes :

a)        si les montants payés par M. Zakrison à Mme Zakrison pendant l'année d'imposition 1999 l'avaient été en vertu d'un accord écrit;

b)       si les montants payés par M. Zakrison à Mme Zakrison pendant l'année d'imposition 1999 sont déductibles du revenu de M. Zakrison en vertu de l'alinéa 60b) de la Loi;

c)        si les montants payés par M. Zakrison à Mme Zakrison pendant l'année d'imposition 1999 doivent être inclus dans le revenu de Mme Zakrison en vertu de l'alinéa 56(1)b) de la Loi.

[4]      À l'ouverture du procès, les parties ont convenu d'un exposé conjoint des faits, lequel se lit ainsi :

[traduction]

1.          L'appel porte sur l'année d'imposition 1999;

2.          L'appelante et le mis en cause étaient tous deux des résidents du Canada au sens de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » );

3.          L'appelante et le mis en cause se sont mariés le 6 août 1983 et sont séparés depuis le mois d'octobre 1993;

4.          En tout temps depuis octobre 1993, l'appelante a vécu séparée du mis en cause;

5.          Deux enfants sont issus du mariage : Michelle Zakrison, née le 30 septembre 1982, et Danielle Zakrison, née le 3 septembre 1985;

6.          L'appelante et le mis en cause ont signé un accord intitulé « Accord de séparation » . Ils ne s'entendent pas sur la portée de ce document non plus que sur la date de sa signature;

7.          En calculant son revenu pour l'année d'imposition 1999, le mis en cause a déduit le montant de 12 000 $ à titre de pension alimentaire payée;

8.          En calculant son revenu pour l'année d'imposition 1999, l'appelante n'a inclus aucun montant à titre de pension alimentaire reçue;

9.          Le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a établi une cotisation à l'égard de l'appelante pour l'année d'imposition 1999 par un avis de cotisation daté du 7 avril 2000;

10.        Le ministre a établi une nouvelle cotisation à l'égard de l'appelante par un avis de nouvelle cotisation daté du 6 juillet 2002;

11.        Le ministre a établi une cotisation à l'égard du mis en cause pour l'année d'imposition 1999 par un avis de cotisation daté du 3 avril 2000;

12.        Le ministre a établi une nouvelle cotisation à l'égard du mis en cause pour l'année d'imposition 1999 par un avis de nouvelle cotisation daté du 15 janvier 2001 afin de permettre une déduction pour contribution à un REÉR et de permettre un crédit pour frais de scolarité que lui avait transféré sa fille, Tanya Zakrison;

13.        Le ministre a établi une nouvelle cotisation à l'égard du mis en cause pour l'année d'imposition 1999 par un avis de nouvelle cotisation daté du 8 mars 2001 qui refusait la déduction du paiement de la pension alimentaire;

14.        Le ministre a établi une nouvelle cotisation à l'égard du mis en cause pour l'année d'imposition 1999 par un avis de nouvelle cotisation daté du 28 juin 2001 pour permettre la déduction du paiement d'une pension alimentaire;

15.        Le 22 mars 2002, l'appelante a déposé un appel devant la Cour canadienne de l'impôt;

16.        Le 28 septembre 2002, l'intimée a déposé une demande en vertu de l'article 174 de la Loi de l'impôt sur le revenu afin que Robert Zakrison soit joint comme partie à l'appel de Honora Zakrison;

17.        Le 28 novembre 2002, le juge en chef adjoint D. G. H. Bowman de la Cour canadienne de l'impôt a ordonné que Robert Zakrison soit joint comme partie au présent appel;

18.        L'appelante a reçu un paiement de 12 000 $ du mis en cause durant l'année d'imposition 1999.

En plus des faits admis, l'appelante et le mis en cause ont présenté une preuve.

[5]      Selon le témoignage de l'appelante, elle et Robert Zakrison se sont séparés en 1993 ou vers cette année à la suite de problèmes conjugaux. Selon elle, ils ont recherché les conseils d'un avocat et se sont vu remettre un exemple d'accord de séparation afin qu'ils en prennent connaissance. Ce document a été déposé sous la cote A-1. L'appelante dit que l'exemple est différent du document qu'elle a signé, le document en litige, déposé sous la cote R-1, onglet 4. En outre, elle soutient que l'accord signé, qui porte la date du « 3 septembre 1994 » , n'a pas été signé par elle à cette date, mais plutôt en 2001, sous l'effet de la contrainte et sans qu'elle ait pu bénéficier de conseils juridiques indépendants.

[6]      Pour sa part, M. Zakrison a témoigné qu'au moment de leur rupture, ils avaient discuté d'une séparation et avaient décidé ensemble d'une liste préliminaire des problèmes à régler. Il a dit que seule l'appelante avait parlé à un avocat, un certain Me McKee, spécialisé en droit matrimonial. Monsieur Zakrison a témoigné que lui-même et l'appelante en sont arrivés à une entente, qui a mené à l'accord de séparation qu'ils ont tous deux signé le 3 septembre 1994. Selon son témoignage, le formulaire lui a été remis par l'appelante, a été rempli par lui, puis signé par les deux parties. Il l'a ensuite amené chez lui pour en faire une photocopie pour ses dossiers et a retourné l'original à l'appelante.

[7]      L'argument principal avancé par l'appelante est que le document invoqué par l'ADRC contient des erreurs et, ce qui est encore plus important, qu'il n'a été signé qu'en 2001 et, même à ce moment, qu'il n'a été signé que sous la contrainte, comme il a été mentionné précédemment. Elle soutient donc que le document n'est pas valide. Cet argument est contredit par M. Zakrison. Par ailleurs, une preuve que M. Zakrison a fait parvenir une copie du document à l'ADRC à sa demande le 20 novembre 2000 a été présentée. Il n'y a aucun doute que le document, qui est l'accord en litige, existait bien avant le moment où l'appelante prétend l'avoir signé.

[8]      Pour utiliser des termes indulgents, j'ai des doutes sérieux concernant le témoignage de l'appelante à propos de la signature de l'accord de séparation. Selon moi, aucune preuve crédible qui puisse m'amener à conclure que l'accord n'a pas été signé le 3 septembre 1994 n'a été soumise à la Cour, ni aucune preuve convaincante de la prétention de l'appelante qu'elle a signé l'accord sous la contrainte.

[9]      L'appelante prétend également que l'accord est nul parce qu'il n'a pas été signé en présence d'un témoin comme l'exige une loi ontarienne concernant, je crois, des questions matrimoniales. Cet argument n'a aucun poids. Un accord n'est rien de plus que l'expression de la volonté de deux personnes ou plus qui désirent modifier leurs obligations et leurs droits l'une envers l'autre. Ainsi, un accord oral peut être, dans certains cas, suffisant. Si le législateur décide que, à des fins déterminées, un accord écrit est nécessaire, et si la loi reflète cela, alors l'accord doit être écrit, et c'est là tout ce qui est nécessaire. D'autre part, si le législateur croit nécessaire que l'accord soit conclu devant un témoin, cette exigence doit apparaître dans la loi.

[10]     L'appelante a également allégué que les paiements qui devaient être faits en vertu de l'accord, soit 500 $ par mois par enfant, ne lui ont pas été versés pendant l'année d'imposition en question. Les paiements ont plutôt été faits par des versements mensuels dans un compte de banque que les deux parties appellent « le compte hypothécaire » . Selon la preuve présentée devant moi, les parties, au moment de leur séparation, étaient passablement endettées. Certaines dettes étaient personnelles, d'autres étaient des dettes d'entreprise; ces dernières étaient principalement causées, apparemment, par les problèmes de l'entreprise de M. Zakrison. En effet, la preuve présentée par les deux parties démontre que leur situation financière à cette période était peu réjouissante et que M. Zakrison, afin de protéger la résidence familiale, avait transféré à l'appelante les droits qu'il avait sur cette résidence. De plus, l'appelante avait accepté que la pension alimentaire pour enfants ne soit pas versée tant que la situation d'endettement ne se serait pas stabilisée. Je note toutefois que, malgré cet accord, M. Zakrison a continué pendant cette période à faire certains paiements de factures et de dettes de la famille.

[11]     Il semble que la situation se soit améliorée en 1997 et que M. Zakrison ait commencé à faire cette année-là des paiements pour la pension alimentaire pour enfants tel qu'il était convenu. De plus, c'est par un accord mutuel qu'il déposait ces paiements dans « le compte hypothécaire » . L'appelante prétend maintenant que ces montants ne lui étaient pas payés et donc ne constituaient pas des montants discrétionnaires de pension alimentaire pour enfants. Par conséquent, dit-elle, M. Zakrison n'est d'aucune façon en droit de déduire ces montants et, de la même manière, ceux-ci ne doivent pas être inclus dans son revenu.

[12]     Le terme « pension alimentaire » est défini au paragraphe 56.1(4) de la Loi; il requiert notamment que le bénéficiaire puisse utiliser ce montant à sa discrétion. Ce pouvoir discrétionnaire peut être exercé de bien des manières. Dans le cas qui nous intéresse, il est clair que la décision de déposer des paiements semi-mensuels de 500 $ dans « le compte hypothécaire » a été prise d'un commun accord. Bien que le compte de banque soit resté aux deux noms à cause de l'hypothèque, la preuve démontre que M. Zakrison ne l'a, à aucun moment, utilisé à des fins personnelles. Selon moi, les dépôts qu'il faisait dans ce compte ne peuvent en aucune manière être considérés comme des paiements à un tiers. Sur la foi des faits présentés devant moi, je suis par ailleurs convaincu que, une fois les montants déposés par M. Zakrison, ceux-ci étaient à la totale disposition de l'appelante. Elle pouvait utiliser le montant pour les fins qu'elle choisissait lorsqu'elle le recevait; ce montant est donc une allocation au sens du paragraphe 56(12) de la Loi.

[13]     Au vu de ce qui précède, la Cour statue sur les questions en litige comme suit :

a)        les montants payés par M. Zakrison à Mme Zakrison pendant l'année d'imposition 1999 l'ont été en vertu d'un accord écrit;

b)       les montants payés par M. Zakrison à Mme Zakrison pendant l'année d'imposition 1999 sont déductibles du revenu de M. Zakrison en vertu de l'alinéa 60b) de la Loi;

c)        les montant payés par M. Zakrison à Mme Zakrison pendant l'année d'imposition 1999 doivent être inclus dans le revenu de Mme Zakrison en vertu de l'alinéa 56(1)b) de la Loi.

Signé à Ottawa, Canada, ce 13e jour de mars 2003.

« A. A. Sarchuk »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 28e jour de janvier 2005.

Yves Bellefeuille, réviseur

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