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Dossier : 2002-4023(EI)

ENTRE :

AXIOS INC.,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

JUDITH BÉLANGER,

intervenante.

____________________________________________________________________

Appel entendu le 1er avril 2003, à Montréal (Québec).

 

Devant : L'honorable juge suppléant J.F. Somers

 

Comparutions :

 

Représentant de l'appelante :

Philippe Sebag

 

Avocate de l’intimée :

Me Annick Provencher

 

 

Pour l'intervenante :

L'intervenante elle-même

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L'appel est rejeté et la décision du ministre est confirmée, conformément aux motifs du jugement ci-joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour de juin 2003.

 

 

«J.F. Somers»

J.S.C.C.I.


 

 

 

Référence : 2003CCI320

Date : 20030610

Dossier : 2002-4023(EI)

ENTRE :

AXIOS INC.,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

JUDITH BÉLANGER,

intervenante.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge suppléant Somers, C.C.I.

 

[1]     L'appel en l'instance a été entendu le 1er avril 2003 à Montréal (Québec).

 

[2]     L'appelante interjette appel d'une décision du ministre du Revenu national (le « ministre ») selon laquelle l'emploi de Judith Bélanger, la travailleuse, chez l'appelante pendant la période en question, du 14 mai au 26 octobre 2001, était assurable, puisqu'elle était employée aux termes d'un contrat de louage de services. En outre, les heures d'emploi assurable de la travailleuse ont été établies à 442 et sa rémunération assurable pour la période, à 11 690 $.

 

[3]     L'alinéa 5(1)a) de la Loi sur l'assurance-emploi (la « Loi ») est ainsi libellé :


a) l'emploi exercé au Canada pour un ou plusieurs employeurs, aux termes d'un contrat de louage de services ou d'apprentissage exprès ou tacite, écrit ou verbal, que l'employé reçoive sa rémunération de l'employeur ou d'une autre personne et que la rémunération soit calculée soit au temps ou aux pièces, soit en partie au temps et en partie aux pièces, soit de toute autre manière;

 

[4]     Le fardeau de la preuve incombe à l'appelante. Cette dernière doit établir, selon la prépondérance des probabilités, que la décision du ministre n’est pas fondée en fait et en droit. Chaque affaire est un cas d'espèce.

 

[5]     En rendant sa décision, le ministre s'est fondé sur les hypothèses suivantes, que l'appelante admet ou nie :

 

          [TRADUCTION]

 

7.a)      l’appelante a été constituée en société le 24 mai 2000; (admis)

 

b)         les actionnaires de l’appelante durant la période en question étaient les suivants: (admis)

 

            Marc Lacombe             20 % des actions avec droit de vote

            Guy Crasnier                            20 %

            Philippe Sebag              20 %

            Joseph Marra                           20 %

            Roland Schultz              20 %

 

c)         l’appelante exploitait une entreprise de production et de commercialisation de produits logiciels; (nié)

 

d)         la travailleuse a été embauchée par l’appelante le 14 mai 2001; (nié)

 

e)         la travailleuse a été embauchée pour concevoir, commercialiser et vendre des produits logiciels; (nié)

 

f)          la travailleuse était tenue de se présenter chaque jour au bureau de l’appelante; (nié)

 

g)         la travailleuse était rémunérée aux deux semaines et son taux horaire, établi par l’appelante, s’établissait à 25 $; (nié)

 

h)         l’appelante a refusé d’inscrire la travailleuse dans le registre de paye des employés; (nié)

 

i)          la travailleuse était tenue de présenter une facture à l’appelante pour être payée; (nié)

 

j)          la travailleuse travaillait dans le bureau de l’appelante; (nié)

 

k)         la travailleuse utilisait le matériel de bureau de l’appelante; (nié)

 

l)          la travailleuse avait droit au remboursement de ses dépenses par l’appelante; (nié)

 

m)        la travailleuse n’avait aucune chance de profit ni aucun risque de perte; (nié)

 

n)         les tâches de la travailleuse étaient intégrées à l’entreprise de l’appelante; (nié)

 

o)         durant la période en question, la travailleuse a travaillé 442 heures; (nié)

 

p)         durant la période en question, l’appelante a versé à la travailleuse 7 025 $ pour les heures travaillées et 640 $ en commissions; (nié)

 

q)         la travailleuse a déposé une plainte auprès de la « Commission des normes du travail » en vue de recouvrer un montant de 4 025 $ en salaire. (admis)

 

[6]     L’appelante a été constituée en société le 24 mai  2000 et, aux dires de Philippe Sebag, l’un des actionnaires, ainsi que le représentant de l’appelante à l’audience, c’était une société de portefeuille de Axios Software Inc. qui exploitait une entreprise de conception et de commercialisation de logiciels informatiques.

 

[7]     Philippe Sebag a témoigné que la travailleuse était propriétaire de 45 % des actions détenues par son père, pour son compte, dans Axios Software Inc. Philippe Sebag était actionnaire de Axios Software Inc.

 

[8]     Les actionnaires de l’appelante durant la période en question étaient Marc Lacombe, Guy Crasnier, Philippe Sebag, Joseph Marra et Roland Schultz, et chacun détenait 20 % des actions avec droit de vote.

 

[9]     Philippe Sebag a affirmé que la travailleuse était une employée de Axios Software Inc. et que ses tâches consistaient à concevoir et à précommercialiser des produits logiciels. Elles ne comprenaient pas la vente parce que les produits n’étaient pas encore totalement au point. M. Sebag a précisé que la travailleuse n’était pas obligée de se présenter au bureau tous les jours; elle avait le privilège d’aller et de venir à son gré. Il a ajouté que la travailleuse recevait des avances différentes à intervalles irréguliers au titre de sa rémunération future. L’appelante ne considérait pas la travailleuse comme une employée, ce qui veut dire qu’il n’y avait aucune retenue à la source. La travailleuse devait remettre des factures à l’appelante aux fins de la comptabilité de la société.

 

[10]    Concernant l’alinéa 7j) reproduit précédemment, Philippe Sebag a déclaré qu'un espace de travail avait été mis à la disposition de la travailleuse dans les locaux de l’appelante, mais qu’elle travaillait principalement chez elle. Aux dires du témoin, quand la travailleuse se trouvait chez l’appelante, elle y utilisait son ordinateur personnel et le seul matériel que la société lui fournissait, à part l’espace de travail qui lui était réservé, était un meuble, un bureau.

 

[11]    L'appelante remboursait à la travailleuse une partie de ses dépenses, comme ses frais de représentation. La travailleuse fournissait ses compétences spécialisées et ses ressources en matière de conception de produits logiciels à l’entreprise de l’appelante.

 

[12]    Philippe Sebag n’a pas été en mesure de fournir des précisions sur les heures de travail de la travailleuse car elles n’étaient pas comptabilisées. Il a admis que l’appelante avait versé la somme de 7 025 $ à la travailleuse, plus un montant de 640 $ fondé sur le salaire ou les commissions.

 

[13]    Les détails donnés aux paragraphes précédents constituent un résumé du témoignage de Philippe Sebag, la seule personne qui a témoigné pour le compte de l’appelante.

 

[14]    Judith Bélanger, la travailleuse et intervenante, a expliqué sa conception de la relation qui existait entre elle et l’appelante. Elle a témoigné qu’elle avait travaillé pour l’appelante et non pas pour Axios Software Inc., qui a été constituée en société en août 2001. Elle a été embauchée par l’appelante en avril 2001 pour concevoir des logiciels destinés à la vente. Toutefois, seulement trois ventes ont été réalisées avant la conception du logiciel.

 

[15]    La travailleuse a dit qu’elle se présentait au lieu d’affaires de l’appelante où elle avait un espace de travail et y travaillait de 9 h à 18 h, du lundi au vendredi. Son salaire se situait entre 550 $ et 600 $ par semaine et elle était rémunérée aux deux semaines au moyen d’un chèque tiré sur le compte bancaire de l’appelante. Elle a nié avoir refusé d’être inscrite sur la feuille de paye; c’est plutôt le contraire qui s’est produit, et on lui avait présenté un genre de facture (pièce I-1) qu’elle devait remplir et remettre à l’appelante.

 

[16]    La travailleuse a mentionné qu’elle avait une pièce réservée au lieu d’affaires de l’appelante, qui lui fournissait aussi un bureau, un téléphone et un ordinateur. Elle a produit en preuve des messages électroniques (Int-2) qu’elle avait envoyés à des clients. Il convient de préciser que les courriels ont été envoyés en octobre 2001 et que l’adresse de l’expéditeur est « axioscorporation.com ».

 

[17]    La travailleuse a déclaré que ses frais, notamment ceux de représentation et de voyage, étaient pris en charge par l’appelante. Elle a nié avoir fait l’acquisition de 45 % des actions que son père détenait dans la société de logiciels Axios.

 

[18]    La travailleuse a affirmé qu’elle avait travaillé uniquement pour l’appelante durant la période en question et avait accumulé 1 283 heures (pièce Int-4). Elle a aussi précisé que, durant sa période d’emploi, elle relevait de Philippe Sebag, Roland Schultz et Marc Lalonde.

 

[19]    Roland Schultz, qui n’est plus un actionnaire de l’appelante depuis janvier 2002, a été appelé à témoigner à la demande de la travailleuse. Il a déclaré que celle‑ci était généralement au bureau de l’appelante durant les heures ouvrables. L’appelante lui fournissait tout ce dont elle avait besoin pour s’acquitter convenablement de ses fonctions et elle n’avait pas le loisir de travailler ailleurs durant sa période d’emploi. Le nombre d’heures travaillées, d’après la pièce Int-4, semble raisonnable. La travailleuse a été licenciée pour cause de manque d’argent avant que les logiciels soient fin prêts.

 

[20]    Roland Schultz a ajouté que la travailleuse détenait des actions dans Axios Software Inc., mais qu’elles avaient été acquises par son père. Ni Philippe Sebag ni Roland Schultz n’a produit quelque document que ce soit en preuve (c.‑à‑d. des lettres patentes) sur la constitution des sociétés Axios Inc. et Axios Software Inc. La travailleuse a nié durant son témoignage qu’elle possédait des actions de Axios Software Inc.

 

[21]    Françoise Bienvenue, agente des appels à l’Agence des douanes et du revenu du Canada, a fait un résumé, dans son rapport relativement à un appel (pièce I-2), des conversations téléphoniques qu’elle a eues avec la travailleuse le 20 février 2002 et avec Philippe Sebag le 3 avril 2002.

 

[22]    Au cours de la conversation téléphonique avec Philippe Sebag, celui‑ci a mentionné que l’appelante était une société de portefeuille composée de diverses entités et comptant divers actionnaires. Dans le calcul des heures travaillées, Françoise Bienvenue a inclus la somme de 11 690 $ versée à la travailleuse, ainsi que les montants indiqués sur les factures soumises à l’appelante durant la période en question. M. Sebag a admis que c’est l’appelante et non pas Axios Software Inc. qui rédigeait les chèques remis à la travailleuse durant cette période et cela, afin de simplifier le processus.

 

[23]    Dans son rapport, Françoise Bienvenue précise que la travailleuse lui avait remis une copie de son agenda indiquant qu’elle avait commencé à travailler pour l’appelante le 21 mai 2001. Les autres renseignements fournis à l’agente des appels n’ajoutent rien à la preuve produite à l’audience.

 

[24]    Dans l’arrêt Wiebe Door Services Ltd. c. M.R.N. (C.A.F.), [1986] 3 C.F. 553 (87 DTC 5025), la Cour d’appel fédérale dresse la liste des critères à appliquer pour déterminer si la relation qui existe entre un employeur et un travailleur est un contrat de louage de services ou un contrat d’entreprise, c’est‑à‑dire : a) le degré ou l’absence de contrôle de la part du prétendu employeur; b) la propriété des instruments de travail; c) les chances de bénéfice et les risques de perte; et d) l’intégration du travail du prétendu employé dans la prétendue entreprise de l’employeur.

 

a)       Le degré ou l'absence de contrôle

 

[25]    La travailleuse a accompli son travail dans le bureau de l’appelante principalement. Elle était supervisée par deux des actionnaires. Selon Roland Schultz, elle travaillait plusieurs heures par jour dans le bureau, cinq jours par semaine. Elle remettait des factures à l’appelante sur lesquelles était indiqué le nombre d’heures passées au bureau.

 

b)      La propriété des instruments de travail

 

[26]    La preuve a démontré que tout le matériel de bureau, exception faite du porte‑documents de la travailleuse, appartenait à l’appelante.

 

c)       Les chances de bénéfice et les risques de perte

 

[27]    La travailleuse était payée à intervalles réguliers pour le travail accompli. Il n’y avait aucune chance de bénéfice ni aucun risque de perte pour la travailleuse, qui était payée pour les services rendus et avait droit au remboursement de ses dépenses.

 

d)      Intégration

 

[28]    La travailleuse était intégrée à l’entreprise de l’appelante. Elle travaillait exclusivement pour celle‑ci, dans le bureau doté du matériel nécessaire qu’on lui fournissait.

 

[29]    Compte tenu de l’ensemble des éléments de preuve et des quatre critères applicables, la travailleuse était employée par l’appelante aux termes d’un contrat de louage de services. L’appelante n’a pas démontré, en produisant des documents ou par d’autres moyens, que la travailleuse contrôlait plus de 40 % de ses actions avec droit de vote ou de celles de Axios Software Inc., à supposer que cette société existait.

 

[30]    Philippe Sebag n’a pas semblé contester les montants versés à la travailleuse dont il est fait état dans le rapport de l’agente des appels (pièce I-2), ni la méthode de calcul des heures de travail.

 

[31]    Par conséquent, la Cour juge que, durant la période en question, la travailleuse a exercé pour l'appelante un emploi assurable au sens de l'alinéa 5(1)a) de la Loi et que ses heures d'emploi assurable s'établissaient à 442 et que sa rémunération assurable pour la période s'élevait à 11 690 $.

 


[32]    L'appel est rejeté.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour de juin 2003.

 

 

 

 

« J.F. Somers »

J.S.C.C.I.


 

 

RÉFÉRENCE :

2003CCI320

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2002-4023(EI)

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Axios Inc. et M.R.N. et

Judith Bélanger

 

LIEU DE L'AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L'AUDIENCE :

Le ler avril 2003

 

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

l'honorable juge suppléant J.F. Somers

 

DATE DU JUGEMENT :

Le 10 juin 2003

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l'appelante :

Philippe Sebag

 

Pour l'intimé :

Me Annick Provencher

 

 

Pour l'intervenante :

L'intervenante elle-même

 

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER:

 

Pour l'appelante :

 

 

Nom :

 

 

Étude :

 

 

Pour l'intimé :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

Pour l'intervenante :

 

 

Nom :

 

 

Étude :

 

 

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