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Dossier : 2004‑2978(IT)I

ENTRE :

AURORA MARTHA ARRIOJA,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

Appel entendu à Ottawa (Ontario), le 24 janvier 2005.

 

Devant : L’honorable juge T. O’Connor

 

Comparutions :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle‑même

 

Avocate de l’intimée :

Me Rosemary Fincham

 

 

JUGEMENT

 

          L’appel de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2002 est rejeté selon les motifs de jugement ci‑joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour de février 2005.

 

 

 

« T. O’Connor »

Juge O’Connor

 

Traduction certifiée conforme

ce 2e jour de novembre 2005.

 

Sara Tasset


 

 

 

Référence : 2005CCI95

Date : 20050218

Dossier : 2004‑2978(IT)I

ENTRE :

AURORA MARTHA ARRIOJA,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge O’Connor

 

[1]     Cet appel a été entendu à Ottawa (Ontario) le 24 janvier 2005. L’appelante agissait pour son propre compte. Elle n’a pas cité de témoins, mais elle a témoigné. L’avocate de l’intimée a cité David Young, agent des litiges à l’Agence du revenu du Canada, et Maxwell Hollins, directeur du Bureau national des examinateurs.

 

[2]     Il s’agit de savoir si, au cours de l’année d’imposition 2002, l’appelante avait droit, en application de l’article 118.5 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »), à un crédit d’impôt non remboursable pour frais de scolarité à l’égard de frais s’élevant à 9 095 $ en tout qu’elle avait payés au Bureau national des examinateurs (le « BNE »), un comité de l’Association canadienne des médecins vétérinaires (l’« ACMV ») pour se présenter à certains examens qu’il fallait passer afin d’obtenir un permis d’un organisme de réglementation professionnelle d’une province du Canada l’autorisant à pratiquer la médecine vétérinaire dans la province en cause. Si elle a droit à ce crédit, l’appelante pourrait réduire son impôt fédéral pour l’année 2002 d’un montant, calculé selon une formule donnée, qui représente pour cette année‑là 16 p. 100 des frais payés (9 095 $), c’est‑à‑dire un montant de 1 455,20 $.

 

[3]     Les faits fondamentaux sont ci‑après énoncés. L’appelante travaille comme vétérinaire à Santé Canada.

 

[traduction]

[...]

 

5.         Elle a effectué ses études au Mexique de 1979 à 1983 et elle a obtenu un doctorat en médecine vétérinaire.

 

6.         En 1989, elle s’est installée en Angleterre afin de poursuivre ses études et elle a obtenu une maîtrise en sciences en 1990.

 

7.         Elle s’est par la suite installée au Canada pour y vivre et y trouver un emploi.

[...]

 

L’appelante est devenue citoyenne canadienne. Afin de pratiquer la médecine vétérinaire, elle devait passer les examens susmentionnés. Elle a payé un montant de 9 095 $ en tout pour se présenter à ces examens. Ce montant se rapportait à ce qui peut être appelé la partie pratique des examens, le test de compétence clinique. Même si la chose n’est pas essentielle au règlement de la question qui est ici en litige, l’avocate de l’intimée décrit comme suit la procédure d’examen, en vue de donner des détails complets, dans ses observations écrites :

 

[traduction]

[...]

 

7.         Pour obtenir un permis dans une province du Canada, le candidat doit passer un examen en vue de montrer qu’il a les connaissances et compétences requises pour pratiquer la médecine vétérinaire dans un contexte nord‑américain. Cet examen est administré par le Bureau national des examinateurs, qui est un comité dûment constitué de l’ACMV. L’ACMV est l’organisme national responsable de la profession de vétérinaire au Canada.

 

8.         L’examen du BNE est composé de deux parties et vise à évaluer la compétence théorique et pratique du candidat, au niveau d’entrée, dans le domaine de la médecine vétérinaire :

 

a.         La partie I est le NAVLE, un examen écrit effectué à l’ordinateur, composé de 360 questions permettant de vérifier les connaissances du candidat dans le domaine de la médecine vétérinaire;

 

b.         La partie II est l’examen de compétence clinique (l’« ECC »), qui est un examen pratique des compétences médicales et chirurgicales du candidat, composé de sept sections d’étude.

 

9.         L’examen vise à permettre de déterminer la compétence du candidat qui a l’intention d’obtenir un permis dans une province du Canada.

 

10.       L’ACMV, par l’entremise du BNE, et l’American Veterinary Medical Association examinent les collèges de médecine vétérinaire afin d’accréditer les établissements qui satisfont aux normes nord‑américaines. Quatre collèges ont été accrédités au Canada, 28 aux États‑Unis, et 6 ailleurs qu’en Amérique du Nord.

 

11.       Les étudiants qui fréquentent un collège accrédité doivent se présenter au NAVLE. L’étudiant fréquentant un collège accrédité qui échoue à deux reprises doit également passer l’ECC. Les candidats qui ont suivi des programmes vétérinaires non accrédités doivent passer le NAVLE et l’ECC afin d’établir qu’ils possèdent les connaissances et compétences exigées par l’ACMV.

 

12.       Chaque candidat paie directement les frais d’examen au BNE. Le BNE ne délivre pas de certificat pour le montant relatif aux études (T2202) ou de certificat pour les frais de scolarité et le montant relatif aux études (T2202A) parce qu’il n’offre pas de cours de niveau postsecondaire et qu’il ne se considère donc pas comme un établissement d’enseignement.

 

13.       [...] [L]e BNE offre des cours de niveau postsecondaire. [...]

 

14.       En 2002, les frais associés à l’ECC s’élevaient à 5 885 $, y compris la TPS. Les candidats qui échouaient à une section de l’examen pouvaient reprendre cette section en payant des frais additionnels de 1 070 $ par section, y compris la TPS.

 

[4]     L’appelante a été obligée de reprendre trois sections de l’examen, en payant un montant additionnel de 3 210 $, ce qui, avec le montant de 5 885 $, donne un montant de 9 095 $ en tout.

Arguments de l’appelante

 

[5]     L’appelante affirme ce qui suit dans son avis d’appel, tel qu’il a été modifié par sa réponse et par l’appendice I intitulé [traduction] « Modifications apportées à l’avis d’appel ».

 

[traduction]

[...]

 

E.         DISPOSITIONS LÉGISLATIVES [...]

 

13.       L’appelante se fonde entre autres sur l’article 118.5(1) de la LIR.

 

F.         MOTIFS SUR LESQUELS L’APPELANTE ENTEND SE FONDER

 

14.       Selon l’article 118.5 de la LIR, les particuliers ont le droit de déduire les frais d’adhésion, d’inscription ou d’examen versés à une association professionnelle dans les circonstances suivantes :

 

a)         si le particulier est inscrit au cours de l’année à l’un des établissements d’enseignement au Canada, ou

 

b)         si, au cours de l’année, le particulier fréquente comme étudiant à plein temps une université située à l’étranger, où il suit des cours conduisant à un diplôme, ou

 

[...]

 

15.       Les circonstances susmentionnées s’appliquent à la grande majorité des étudiants et diplômés canadiens, qu’ils soient citoyens ou résidents du Canada. Ces particuliers sont autorisés à calculer au titre des « frais de scolarité », les frais d’inscription ou d’adhésion versés à des associations professionnelles en tant que « frais accessoires » parce que ces frais sont réputés être payés pour l’inscription du particulier en cause à l’établissement d’enseignement en question ou que l’ARC les considère comme tels.

16.       [SUPPRIMÉ]

 

17.       (Tiré de l’appendice I) La publication IT‑158R2 de l’ARC prévoit ce qui suit :

 

« Les cotisations que versent des étudiants avant de devenir membres d’une association professionnelle […] peuvent être admises à titre de frais de scolarité […] ou dans le calcul d’un crédit d’impôt pour frais de scolarité en vertu de l’article 118.5 […] »

 

18.       À l’heure actuelle, la condition susmentionnée s’applique à tous les étudiants ou diplômés canadiens, qu’ils soient citoyens ou résidents, qui se sont inscrits à plein temps ou à temps partiel dans des programmes postsecondaires au Canada ou à l’étranger après avoir obtenu la citoyenneté ou la qualité de résident, de naissance ou par naturalisation.

 

19.       Par contre, le sous‑alinéa 8(1)i)(i) de la LIR empêche le particulier de déduire les frais nécessaires à l’acquisition d’un statut professionnel reconnu par la loi. C’est le cas des frais payés aux fins de l’obtention du certificat d’aptitude professionnelle exigé par le règlement provincial 1093, ou par la Loi sur les vétérinaires, aux fins de l’obtention d’un permis de pratique générale.

 

20.       La déduction des dépenses engagées au titre des frais d’examen payés à des comités professionnels est exclue par cette disposition du fait que les cotisations et autres dépenses admises sont limitées aux cotisations annuelles de membre d’association professionnelle dont le paiement est nécessaire pour la conservation d’un statut professionnel.

 

21.       Les remarques qui précèdent montrent clairement ce qui suit :

 

f)          Les étudiants canadiens peuvent déduire les frais d’adhésion à payer pour être admis dans la profession (p. ex. les frais exigés par le Bureau national des examinateurs dans le cas des vétérinaires) en vertu de la disposition relative au crédit d’impôt pour frais de scolarité de l’article 118.5, alors que les particuliers qui ont obtenu leur diplôme avant de devenir citoyens ou résidents n’ont pas le droit de déduire pareils frais d’adhésion, et ce, ni en vertu de l’article 118.5, ni en vertu du paragraphe 8(1)i), ni en vertu de quelque autre disposition de la LIR.

 

g)         De plus, les étudiants qui se sont inscrits à des études postsecondaires avant de devenir citoyens ou résidents sont surtout des immigrants ou des personnes qui exercent une profession et qui ont reçu leur formation à l’étranger.

 

h)         [SUPPRIMÉ]

 

22.       À mon avis, cette interprétation de la LIR crée un traitement inégal [...] la nationalité ou l’origine ethnique.

 

CONCLUSION

 

23.       À mon avis, l’interprétation de l’article 118.5 donnée par l’Agence du revenu du Canada et le sous‑alinéa 8(1)i)(i) visent délibérément à priver les personnes qui exercent une profession et qui ont reçu leur formation à l’étranger de se prévaloir d’un crédit d’impôt ou d’une déduction fiscale.

 

[6]     L’appelante mentionne les bulletins d’interprétation IT‑516R2 et IT‑158R2 et, dans le cadre de sa « Réponse », elle soumet des calculs financiers associés aux coûts de l’éducation pour le gouvernement et aux économies réalisées par les contribuables par suite du crédit d’impôt, elle traite de l’excellente contribution des vétérinaires et du besoin de vétérinaires et elle soulève d’autres points se rattachant à la question constitutionnelle.

 


Arguments de l’intimée

                   [traduction]

PARTIE III – ARGUMENTS

 

ESPRIT DE LA LOI

 

18.       Pour avoir droit au crédit pour frais de scolarité conformément à l’article 118.5, l’appelante doit satisfaire aux critères ci‑après énoncés :

 

a.         elle doit être une étudiante inscrite à un établissement d’enseignement;

 

b.         l’établissement d’enseignement doit être une université, un collège ou un autre établissement offrant des cours de niveau postsecondaire;

 

c.         les frais doivent être payés à l’établissement à titre de frais de scolarité.

 

19.       Le paragraphe 118.5(3) inclut dans les frais de scolarité du particulier tous les frais accessoires qui sont payés à l’établissement d’enseignement au titre de l’inscription du particulier à un programme de niveau postsecondaire.

 

A.        Les frais d’examen payés à un comité professionnel ne sont pas des frais de scolarité payés à un établissement d’enseignement

 

20.       Il n’y a rien dans l’article 118.5 qui donne droit au particulier à un crédit d’impôt pour frais de scolarité à l’égard des frais qu’il paie afin de se présenter à un examen d’accréditation à une entité autre qu’une université, un collège ou un autre établissement d’enseignement au sens de la Loi.

 

21.       L’expression « établissement d’enseignement » n’est pas définie dans la Loi. Toutefois, en définissant cette expression, la présente cour a déjà tenu compte des définitions suivantes :

 

[traduction] École, séminaire, collège, université ou autre institution d’enseignement, qui ne détient pas nécessairement de charte. Tel qu’il est utilisé dans les ordonnances de zonage, ce terme peut inclure les édifices ainsi que tous les terrains nécessaires pour mener à bien l’enseignement éducatif dans son ensemble, y compris les aspects essentiels du développement mental, moral et physique.

Black’s Law Dictionary

 

[traduction]

1. Institution d’apprentissage qui offre des cours de niveau postsecondaire. 2. École technique ou professionnelle, université, collège ou autre école d’enseignement supérieur.

Dictionary of Canadian Law.

 

22.       L’Oxford English Dictionary définit le mot « tuition » (scolarité) comme étant « l’activité qui consiste à enseigner à un élève ou à des élèves; la fonction d’un tuteur ou d’un instructeur; enseignement, instruction ». Par conséquent, les frais de scolarité sont ceux qui sont payés à cette fin.

 

23.       Les frais que l’appelante a payés n’étaient pas des frais de scolarité payés à un établissement d’enseignement aux fins de l’enseignement ou de l’instruction. Le BNE et l’ACMV ne sont pas des établissements d’enseignement qui offrent des cours de niveau postsecondaire. Le BNE est plutôt un comité qui offre un programme d’accréditation qu’une personne doit suivre pour obtenir un permis l’autorisant à pratiquer la médecine vétérinaire dans une province du Canada.

 

24.       En outre, les frais d’examen ne sont pas des frais accessoires étant donné qu’ils ne satisfont pas aux exigences suivantes figurant aux alinéas 118.5(3)a) et b) :

 

a.         les frais d’examen ne sont pas payés à un établissement d’enseignement visé au sous‑alinéa (1)a)(i);

 

b.         les frais d’examen ne sont pas payés au titre de l’inscription du particulier à l’établissement à un programme de niveau postsecondaire.

 

25.       Dans une affaire similaire, la présente cour a conclu que les frais payés à une entité dont le mandat était d’attester que les connaissances et la formation d’un candidat satisfaisaient aux normes canadiennes sur le plan juridique n’ouvraient pas droit au crédit d’impôt pour frais de scolarité. En tirant cette conclusion, la Cour a adopté l’interprétation que l’Agence des douanes et du revenu du Canada avait donnée à l’article 118.5 tel qu’il se rapporte aux frais payés pour l’accréditation (tel qu’il en est fait mention dans une interprétation technique) :

 

Revenu Canada est d’avis que les frais d’examen seraient admissibles au titre de frais de scolarité uniquement s’ils étaient versés dans le cadre d’études. [...]

 

26.       La demande que l’appelante a faite en vue de déduire les frais payés au BNE pour l’examen d’accréditation doit être rejetée, et ce, pour chacun des motifs suivants :

 

a.         pendant l’année d’imposition 2002, l’appelante n’était pas une étudiante inscrite dans une université, dans un collège ou dans un autre établissement d’enseignement offrant des cours de niveau postsecondaire;

 

b.         les frais n’ont pas été payés en tant que frais de scolarité; et

 

c.         les frais n’ont pas été payés à un établissement d’enseignement.

 

B.        Défaut de compétence en ce qui concerne l’annulation d’une cotisation d’impôt valide

 

27.       Au cas où la présente cour conclurait que les frais d’examen payés au BNE ne sont pas visés à l’article 118.5 de la Loi, l’appel doit être rejeté. La présente cour n’est pas autorisée à annuler une cotisation qui est par ailleurs jugée exacte en droit en se fondant simplement sur l’allégation selon laquelle d’autres personnes sont traitées différemment.

 

28.       Il s’agit d’un appel d’une cotisation d’impôt établie conformément au paragraphe 152(1) de la Loi. La question soulevée par l’appel se rapporte à la cotisation d’impôt établie par le ministre. En décidant si la cotisation est exacte en droit, la présente cour doit examiner la question à la lumière des dispositions pertinentes de la Loi.

 

29.       L’appelante cherche à faire annuler sa cotisation pour le motif que l’ADRC l’a calculée d’une façon irrégulière; elle ne soutient pas que la cotisation n’est pas conforme aux dispositions de la Loi, mais elle se fonde plutôt sur des motifs d’équité. À l’appui de sa prétention, l’appelante allègue que l’interprétation de la disposition donnée par l’ADRC accorde aux étudiants canadiens un crédit d’impôt pour frais de scolarité pour les fais d’examen payés au BNE.

 

30.       La Cour d’appel fédérale a conclu qu’il est clair et évident que la Cour canadienne de l’impôt n’a pas compétence pour annuler une cotisation d’impôt valide en se fondant sur la contestation de la procédure par laquelle la cotisation a été établie ou sur la façon dont d’autres contribuables sont traités.

 

31.       En l’espèce, l’appelante propose d’étendre la compétence de la présente cour en sollicitant une ordonnance modifiant sa cotisation d’impôt même si celle‑ci est exacte en fait et en droit. Or, le droit d’appel est un droit fondamental dont la portée ne doit pas être élargie au‑delà des fins auxquelles il a été accordé. Le législateur a conféré à la présente cour une compétence précise pour décider si une cotisation d’impôt est correcte et les pouvoirs de réparation de la Cour sont énoncés au paragraphe 171(1) de la Loi. La Cour ne peut pas tenir compte de la façon dont d’autres contribuables ont été traités.

 

C.        Il n’est pas satisfait à l’exigence préliminaire prévue à l’article 15

 

32.       Le fait que le législateur n’a pas créé un crédit non remboursable pour les frais d’examen payés à un comité d’accréditation aux fins de l’admission à une profession ne porte pas atteinte aux droits à l’égalité reconnus à l’appelante par la Charte.

 

33.       Le paragraphe 15(1) de la Charte est ainsi libellé :

 

            (1) La loi ne fait acception de personne et s’applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l’âge ou les déficiences mentales ou physiques.

 

34.       Le paragraphe 15(1) est limité aux avantages et aux obligations prévus par la loi. Le législateur n’est pas tenu de créer un avantage particulier, mais il peut « financer les programmes sociaux de son choix pour des raisons de politique générale, à condition que l’avantage offert ne soit pas lui‑même conféré d’une manière discriminatoire ».

 

35.       La Loi ne vise pas à accorder des crédits d’impôt non remboursables pour toutes les dépenses engagées par le contribuable. L’article 118.5 vise à permettre aux étudiants de réduire l’impôt à payer en fonction des frais de scolarité payés pour certains genres d’études. Le législateur n’est pas obligé de créer un crédit similaire pour les frais d’examen payés dans le cadre d’un programme d’accréditation aux fins de l’admission à une profession.

 

Les droits à l’égalité de l’appelante n’ont pas été violés

 

36.       Au cas où la Cour conclurait que l’appelante peut présenter une demande fondée sur l’article 15, une telle demande ne peut pas être accueillie étant donné que l’article 118.5 de la Loi ne crée pas de traitement différent entre l’appelante et d’autres personnes pour un motif énuméré ou un motif analogue.

 

37.       L’article 15 de la Charte ne vise pas à protéger les particuliers contre tous les types de traitements différents, mais uniquement à les protéger contre les traitements discriminatoires. Pour que la présente cour puisse conclure à la discrimination, l’appelante doit prouver que les trois conditions ci‑après énoncées sont remplies :

 

(i)         la loi crée un traitement différent entre l’appelante et d’autres personnes, quant au but ou à l’effet;

 

(ii)        le traitement différent est fondé sur au moins un motif énuméré ou un motif analogue;

 

(iii)       le traitement est réellement discriminatoire, et a pour effet de suggérer que l’intéressée est moins digne d’intérêt, de respect et de considération, et ce, d’une façon qui porte atteinte à sa dignité humaine.

 

38.       En examinant la contestation de la Loi fondée sur la Charte, les tribunaux judiciaires doivent être sensibles à l’objet général de la Loi, qui consiste à générer des revenus et à faire des distinctions, de façon à concilier les intérêts divergents de la société.

Analyse et conclusion

 

[7]     Les dispositions pertinentes de la Loi, dans la mesure où elles ont ici de l’importance, sont les suivantes :

 

Article 8 : Éléments déductibles :

(1) Sont déductibles dans le calcul du revenu d’un contribuable tiré, pour une année d’imposition, d’une charge ou d’un emploi ceux des éléments suivants qui se rapportent entièrement à cette source de revenus, ou la partie des éléments suivants qu’il est raisonnable de considérer comme s’y rapportant :

 

[...]

 

i) Cotisations et autres dépenses liées à l’exercice des fonctionsdans la mesure où il n’a pas été remboursé et n’a pas le droit d’être remboursé à cet égard, les sommes payées par le contribuable au cours de l’année au titre :

 

(i)         des cotisations annuelles de membre d’association professionnelle dont le paiement était nécessaire pour la conservation d’un statut professionnel reconnu par la loi,

[...]

 

Article 118.5 : Crédit d’impôt pour frais de scolarité :

 

(1) Les montants suivants sont déductibles dans le calcul de l’impôt payable par un particulier en vertu de la présente partie pour une année d’imposition :

 

            a) si le particulier est inscrit au cours de l’année à l’un des établissements d’enseignement suivants situés au Canada :

 

(i) établissement d’enseignement – université, collège ou autre – offrant des cours de niveau postsecondaire,

 

            [...]

 

le produit de la multiplication du taux de base pour l’année par les frais de scolarité payés à l’établissement pour l’année si le total de ces frais dépasse 100 $, à l’exception des frais [certaines exceptions sont ensuite énoncées]

 

[8]     Les observations écrites de l’avocate de l’intimée sont exactes, tant pour ce qui est de l’interprétation qu’il convient de donner à l’article 118.5 de la Loi et qu’à la Charte.

 

[9]     L’appelante a soutenu qu’elle devrait avoir le droit de déduire le montant de 9 095 $ à titre de frais de scolarité. Elle n’a pas soutenu que ces frais devraient être déductibles en vertu du sous‑alinéa 8(1)i)(i) étant donné qu’il ne s’agit pas de cotisations annuelles payées à une association professionnelle. Subsidiairement, elle fait valoir que si elle n’a pas le droit de déduire les frais en vertu de l’article 118.5, il est porté atteinte au droit qui lui est reconnu à l’article 15 de la Charte pour le motif que les étudiants qui sont inscrits à une université canadienne peuvent déduire lesdits frais.

 

[10]    La conclusion que l’appelante a tirée en se fondant sur les bulletins d’interprétation cités dans son avis d’appel, à savoir principalement que les étudiants peuvent déduire les frais qu’elle a payés en tant que frais de scolarité, n’est pas exacte. Les frais dont il est fait mention dans le bulletin d’interprétation sont les cotisations professionnelles annuelles, qui sont normalement déductibles en vertu du sous‑alinéa 8(1)i)(i), mais qui ne peuvent pas être déduites par les étudiants étant donné que ceux‑ci n’exercent pas encore leur profession. Les cotisations professionnelles qui ne sont pas payées chaque année ne sont jamais déductibles. En outre, ces cotisations ne font pas partie du crédit d’impôt pour frais de scolarité en vertu de l’article 118.5 en application de la Loi, mais l’Agence du revenu du Canada, lorsqu’elle établit une cotisation, les traite plutôt comme faisant partie des frais. C’est pourquoi l’appel doit être rejeté, à moins qu’il ne puisse être conclu que les frais sont admissibles en vertu de l’article 118.5.

 

[11]    En vertu de l’article 118.5, l’appelante peut uniquement déduire les frais qui ont été payés à un « établissement d’enseignement – université, collège ou autre – offrant des cours de niveau postsecondaire » au Canada. Or, l’intimée a soutenu que le BNE et l’ACMV n’appartiennent pas à cette catégorie.

 

[12]    Dans la décision Friedland v. R., [2000] 1 C.T.C. 2938, le juge suppléant Rowe était saisi d’une affaire similaire. L’appelant était un avocat de l’Afrique du Sud qui s’était installé en Colombie‑Britannique en 1993. Pour être admissible à la pratique du droit, l’appelant pouvait soit retourner étudier à la faculté de droit soit se présenter à une série d’examens par l’entremise du Comité national sur les équivalences des diplômes de droit. Après avoir passé les examens ou après avoir effectué une année d’études dans une faculté de droit, l’appelant pouvait faire un stage et s’inscrire au cours de formation professionnelle du barreau. L’appelant


s’est prévalu du premier choix et a déduit les frais de scolarité connexes. La déduction de ces frais a été refusée et l’appelant a interjeté appel devant la Cour de l’impôt. En appel, le juge Rowe a dit que le critère juridique était le suivant :

 

L’appelant doit prouver que trois conditions préalables ont été respectées pour pouvoir réclamer un crédit d’impôt pour frais de scolarité en vertu de l’alinéa 118.5(1)a)ii). Tout d’abord, le particulier doit être inscrit à un établissement d’enseignement situé au Canada. Ensuite, l’établissement d’enseignement doit être une université, un collège ou un autre établissement d’enseignement qui, finalement, offre des cours de niveau postsecondaire.

 

Nous devons avant tout décider si le Comité national sur les équivalences des diplômes de droit est ou non un établissement d’enseignement. Il semble n’y avoir aucune définition normalisée de ce qu’est un établissement d’enseignement dans les diverses lois fédérales et provinciales qui ont trait aux écoles, aux prêts aux étudiants et à l’enseignement.

 

[13]    Le juge a ensuite examiné les nombreuses définitions des mots « établissement » et « enseignement » ainsi que de l’expression « établissement d’enseignement » et il a finalement décidé que le comité national n’était pas admissible parce qu’il ne se considérait pas comme un établissement d’enseignement et qu’il n’était pas un « établissement d’enseignement agréé ». Le juge Rowe a poursuivi son analyse et a conclu qu’aucun cours postsecondaire n’était offert. Cela étant, il a rejeté l’appel en concluant que l’appelant avait uniquement payé pour le processus « relatif à l’analyse, à l’évaluation, à la recommandation quant aux cours nécessaires et au matériel didactique, à la préparation des examens et à l’évaluation des copies ».

 

[14]    Pour les motifs énoncés dans ces observations écrites et pour les autres motifs susmentionnés, l’appel est rejeté.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour de février 2005.

 

 

« T. O’Connor »

Juge O’Connor

 

Traduction certifiée conforme

ce 2e jour de novembre 2005.

 

Sara Tasset

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