Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Dossier: 2002-1940(IT)I

ENTRE :

TERRENCE COSTER,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Appel entendu le 4 février 2003, à Toronto (Ontario)

Devant : l'honorable juge M. A. Mogan

Comparutions :

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :

Me James Rhodes

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation d'impôt établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 2000 est rejeté. Toutefois, le juge, dans les motifs de son jugement, fait une recommandation relative à l'exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre en vertu du paragraphe 220(3.2) de la Loi.

Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour de mars 2003.

« Murray A. Mogan »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 22e jour de février 2005.

Sophie Debbané, réviseure


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Référence: 2003CCI112

Date: 20030307

Dossier: 2002-1940(IT)I

ENTRE :

TERRENCE COSTER,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Mogan

[1]      Il s'agit de l'appel d'une cotisation portant sur l'année d'imposition 2000. À toutes les époques pertinentes, l'appelant possédait 700 actions de 3Com Corp. ( « 3Com » ). Le 28 juillet 2000, 3Com a distribué à ses actionnaires certaines actions de Palm Inc. ( « Palm » ) au cours d'une opération connue sous le nom de « distribution d'actions » . Plus précisément, 3Com a distribué 1,483 action de Palm pour chaque action de 3Com détenue par ses actionnaires. Lors de la distribution d'actions, l'appelant a reçu 1 038 actions de Palm (700 x 1,483). 3Com et Palm sont des sociétés américaines et la distribution d'actions a eu lieu aux États-Unis. Il fut considéré aux fins de l'impôt sur le revenu du Canada que l'appelant avait reçu en 2000 un dividende en actions de 40 532 $US, soit 60 199 $CAN.

[2]      L'appelant ne savait pas trop comment déclarer aux fins de l'impôt sur le revenu du Canada l'opération de distribution d'actions. Après avoir consulté un certain nombre de personnes, il a déclaré le montant total de l'opération comme suit :

Gain en capital découlant de la disposition de 1 038 actions de Palm

36 512 $

(Perte) en capital découlant de la disposition de 700 actions de 3Com

(28 054 $)

Dividende étranger imposable

60 199 $

L'appelant a été persuadé de déclarer le dividende étranger imposable au montant de 60 199 $ lorsqu'il a reçu une formule rose T5 (état des revenus de placement), prescrite par l'Agence des douanes et du revenu du Canada ( « ADRC » ) et établie par TD Waterhouse (le courtier de l'appelant), sur laquelle il était indiqué à la case 15 un revenu étranger de 40 532 $US, que l'appelant a converti à 60 199 $CAN. La formule rose T5 a été déposée sous la cote R-2.

[3]      Après avoir produit au printemps 2001 sa déclaration de revenus pour l'année 2000, l'appelant a appris qu'il aurait pu choisir de reporter l'impôt sur le dividende de 60 199 $ en vertu de l'alinéa 86.1(2)f) de la Loi de l'impôt sur le revenu. L'article 86.1 n'a été ajouté à la Loi qu'en 2001; il s'applique aux dispositions reçues après 1997. La loi modificative ajoutant l'article 86.1 à la Loi n'a obtenu la sanction royale que le 14 juin 2001, après la date à laquelle l'appelant était tenu de produire sa déclaration de revenus pour l'année 2000. Les dispositions pertinentes du paragraphe 86.1(2) sont ainsi libellées :

86.1(2)              Pour l'application du présent article et de la partie XI, une distribution effectuée par une société donnée à un contribuable est une distribution admissible si les conditions suivantes sont réunies :

a)          [...]

b)          la distribution consiste uniquement en actions ordinaires du capital-actions d'une autre société qui appartenaient à la société donnée immédiatement avant leur distribution au contribuable (appelées « actions de distribution » au présent article);

c)          [...]

f)           sauf si la partie XI s'applique au contribuable, celui-ci fait, dans sa déclaration de revenu pour l'année d'imposition de la distribution (ou, dans le cas d'une distribution reçue avant le 18 octobre 2000, par avis écrit présenté au ministre avant juillet 2001), un choix afin que le présent article s'applique à la distribution, et fournit au ministre des renseignements, que celui-ci estime acceptables, établissant ce qui suit :

(i)          le nombre d'actions initiales qui lui appartenaient immédiatement avant la distribution, ainsi que leur coût indiqué (déterminé compte non tenu du présent article) et leur juste valeur marchande à ce moment,

(ii)         le nombre d'actions initiales qui lui appartenaient immédiatement après la distribution des actions de distribution, le nombre d'actions de distribution qu'il a reçues et la juste valeur marchande de ces actions initiales et actions de distribution à ce moment,

(iii)        [...]

[4]      Le comptable de l'appelant, Paul Webb, a écrit à l'ADRC le 20 septembre 2001 en vue d'effectuer un choix en vertu de l'alinéa 86.1(2)f). Il a demandé à ce que la déclaration de revenus de l'appelant pour l'année 2000 soit rajustée comme suit :

    Déclaré

       Rajusté

Gain en capital découlant de la disposition de 1 038 actions de Palm

          36 512 $

36 779 $

Gain (perte) en capital découlant de la disposition de 700 actions de 3Com

(28 054 $)

12 274 $

Dividende étranger imposable

60 199 $

               Néant

La lettre de Paul Webb, datée du 20 septembre 2001, a été déposée sous la cote R-1. Le tableau qui précède est tiré du paragraphe 8 de la réponse de l'intimée.

[5]      En réponse à la lettre de Paul Webb, l'ADRC a écrit directement à l'appelant le 15 février 2002 afin d'expliquer la raison pour laquelle le choix de l'appelant en vertu de l'alinéa 86.1(2)f) ne pouvait être admis. La lettre de l'ADRC n'a pas été produite en preuve, mais une copie de cette lettre est jointe à l'avis d'appel de l'appelant. La partie principale de la lettre est ainsi rédigée :

            [traduction]

Nous avons examiné votre demande de rajustement à votre déclaration pour l'année 2000 dans laquelle vous faisiez un choix concernant vos actions de distribution de l'étranger.

Comme votre choix n'a pas été produit avant la date d'échéance du 12 septembre 2001, il n'est pas jugé valide. Pour ce motif, aucun rajustement ne sera apporté à votre déclaration. L'enveloppe contenant votre choix portait la marque postale du 21 septembre 2001.

[6]      La date du 12 septembre 2001 mentionnée dans la lettre de l'ADRC qui précède doit être expliquée. Comme il a été décrit au paragraphe 3, la loi modificative ajoutant à la Loi l'article 86.1 a été sanctionnée le 14 juin 2001. Cette loi modificative comporte la disposition suivante :

64(2)     Le paragraphe (1) [c'est-à-dire l'article 86.1 en entier] s'applique aux distributions reçues après 1997. Toutefois :

            a)          [...]

b)          le choix mentionné à l'alinéa 86.1(2)f) de la même loi, édicté par le paragraphe (1), est réputé fait dans le délai imparti s'il est présenté au ministre du Revenu national avant le quatre-vingt-dixième jour suivant la date de sanction de la présente loi.

Le 12 septembre 2001 correspond au 90e jour suivant le 14 juin 2001, date de sanction de la loi modificative. L'énoncé contenu dans la lettre de l'ADRC à l'effet que le choix de l'appelant portant la marque postale du 21 septembre 2001 n'a pas été reçu dans le délai imparti, soit avant le 12 septembre 2001, est juste.

[7]      En l'espèce, l'intimée soutient que le choix de l'appelant en vertu de l'alinéa 86.1(2)f) a été effectué trop tard et que le ministre n'a pas le pouvoir de proroger le délai en vertu du paragraphe 220(3.2) de la Loi. Les arguments suivants sont exposés aux paragraphes 13 et 14 de la réponse de l'intimée:   

            [traduction]

Le Sous-procureur général du Canada déclare que :

13.        [...] le dividende étranger imposable au montant de 60 199,43 $ reçu par l'appelant au cours de l'année d'imposition 2000 n'est pas une distribution admissible aux fins de l'article 86.1 de la Loi car un choix n'a pas été fait auprès du ministre dans le délai imparti en application de l'alinéa 86.1(2)f) de la Loi et de l'alinéa 64(2)b) de la Loi modificative.

14.        [...] le délai pour produire un choix en vertu de l'alinéa 86.1(2)f) de la Loi doit être appliqué à la lettre puisqu'il est expressément mentionné que le ministre n'a pas le pouvoir de proroger le délai en vertu du paragraphe 220(3.2) de la Loi et de l'article 600 du Règlement.

[8]      À l'audition du présent appel, le 4 février 2003, l'appelant a déclaré qu'il avait cru comprendre que le Règlement de l'impôt sur le revenu avait récemment été modifié afin d'accorder au ministre le pouvoir discrétionnaire de proroger le délai pour faire un choix en vertu de l'alinéa 86.1(2)f) de la Loi. À la clôture de l'audience, l'avocat de l'intimée a étudié la Loi et le Règlement sur ce point. Dans une lettre datée du 13 février 2003 adressée au greffier de cette cour,       Me Rhodes indiquait que l'alinéa 600c) du Règlement de l'impôt sur le revenu avait récemment été modifié afin d'inclure l'alinéa 86.1(2)f) comme disposition visée par le paragraphe 220(3.2) de la Loi. Les dispositions pertinentes sont reproduites ci-dessous :

220(3.2)            Sur demande d'un contribuable ou d'une société de personnes, le ministre peut :

a)          lorsque le contribuable ou la société de personnes n'a pas fait, dans le délai imparti, un choix prévu par une disposition de la présente loi ou une disposition réglementaire, visée par règlement, proroger le délai pour faire le choix;

b)          lorsque le contribuable ou la société de personnes a fait un choix valide en vertu d'une disposition de la présente loi ou d'une disposition réglementaire, visée par règlement, permettre que le choix soit modifié ou annulé.

600       Les dispositions visées aux alinéas 220(3.2)a) et b) de la Loi sont les suivantes :

a)          article 21 de la Loi;

b)          paragraphes 13(4) et (7.4), 14(6) [...]

c)         alinéas 48(1)a) et c), 66.7(7)c), d) et e) et (8)c), d) et e), 80.01(4)c), 86.1(2)f) et 128.1(4)d) de la Loi;

c.1)       [...]

[9]      Selon les renseignements contenus dans la lettre de Me Rhodes, le Règlement modificatif ajoutant l'alinéa 86.1(2)f) comme une disposition visée par l'alinéa 600c) est entré en vigueur le jour de son enregistrement, le                  11 avril 2002. Par conséquent, lorsque l'ADRC a écrit à l'appelant le 15 février 2002 (voir le paragraphe 5), le ministre n'avait pas, à ce moment, le pouvoir de proroger le délai pour faire un choix en vertu de l'alinéa 86.1(2)f) de la Loi.

[10]     Le choix fait par l'appelant le 21 septembre 2001 a été, en droit, produit en retard, mais ce retard n'était que de neuf jours. En termes d'équité, tous les faits qui suivent militent en faveur de l'appelant :

(i)       lorsqu'une société ouverte distribue les actions d'une filiale (comme 3Com a distribué les actions de Palm), il est difficile de mesurer le bénéfice financier, le cas échéant, tiré par un actionnaire de la société ouverte, tout comme il est difficile de déterminer le prix de base des actions de distribution et le rajustement (s'il y a lieu) du prix de base des actions de la société ouverte pour l'actionnaire;

(ii)       l'imposition de ce bénéfice financier est également complexe, surtout si la distribution d'actions a eu lieu à l'étranger;

(iii)      l'imposition des opérations de distribution d'actions a été modifiée au Canada à la suite de l'édiction de l'article 86.1 au printemps 2001 (sanctionné le 14 juin 2001) applicable aux dispositions reçues après 1997;

(iv)      l'appelant a reçu en sa qualité d'actionnaire de 3Com 1 038 actions de distribution de Palm en juillet 2000;

(v)      l'appelant a effectivement déclaré l'opération de distribution d'actions au meilleur de sa connaissance et de sa capacité lorsqu'il a produit sa déclaration de revenus pour l'année 2000 au printemps 2001;

(vi)      on ne peut s'attendre à ce que l'appelant, un citoyen ordinaire, ait su au printemps 2001 que l'article 86.1 avait été édicté et qu'il serait sanctionné le 14 juin 2001, marquant ainsi le début d'un délai de 90 jours pour faire un choix; et

(vii)     l'appelant a fait son choix en vertu de l'alinéa 86.1(2)f) le 21 septembre 2001, seulement neuf jours après l'expiration de la période de 90 jours et dans un délai qui était raisonnable de quelque point de vue que ce soit.

[11]     Cette cour n'a pas le pouvoir de proroger le délai pour faire un choix en vertu de l'alinéa 86.1(2)f). Seul le ministre possède en vertu du paragraphe 220(3.2) le pouvoir discrétionnaire de proroger le délai pour effectuer un tel choix. Je comprends que le ministre n'exerce habituellement pas son pouvoir discrétionnaire en application du paragraphe 220(3.2) à moins que le contribuable ne lui en fasse la demande par écrit. Je considère que la lettre de Paul Webb, adressée à l'ADRC et datée du 20 septembre 2001 (pièce R-1), visait à faire un choix en vertu de l'alinéa 86.1(2)f) au nom de l'appelant. Il semble bien que le ministre ait considéré cette lettre de la même façon puisque le deuxième paragraphe de la réponse de l'ADRC commence ainsi [traduction] : « Comme votre choix [...] » . Voir le paragraphe 5 des présents motifs.

[12]     En droit, l'appel portant sur l'année d'imposition 2000 est rejeté. Je reconnais toutefois que seul le ministre a le pouvoir discrétionnaire de proroger le délai en application du paragraphe 220(3.2); je recommande donc que l'appelant (M. Coster) écrive une nouvelle lettre à l'ADRC demandant au ministre d'exercer son pouvoir discrétionnaire en vertu dudit paragraphe de la Loi en vue de proroger le délai imparti pour faire un choix aux termes de l'alinéa 86.1(2)f), et que la lettre de M. Webb en date du 20 septembre 2001 soit considérée comme un choix tardif. En outre, vu les faits résumés au paragraphe 10, je recommande fortement que le pouvoir discrétionnaire du ministre soit exercé en faveur de l'appelant.

[13]     En août 2002, l'appelant a été avisé par l'avocat de l'intimée que (i) l'ADRC avait conclu que la somme en litige dans le présent appel était d'environ 17 500 $; et que (ii) en choisissant le régime de la procédure informelle, il ne pourrait obtenir un redressement supérieur à 12 000 $. L'appelant a indiqué dans une lettre envoyée à la Cour que, afin d'accélérer le processus, il souhaitait poursuivre son appel sous le régime de la procédure informelle. Comme l'appel est rejeté en droit, le fait que l'appelant ait choisi la procédure informelle n'a pas eu d'incidence sur son redressement.

Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour de mars 2003.

« M. A. Mogan »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 22e jour de février 2005.

Sophie Debbané, réviseure

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.