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Dossier : 2000-4123(IT)G

ENTRE :

DENIS LAMBERT,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

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Appel entendu le 18 février 2003 à Québec (Québec)

Devant : L'honorable juge François Angers

Comparutions :

Avocat de l'appelant :

Me Marc Gilbert

Avocat de l'intimée :

Me Martin Gentile

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JUGEMENT

L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu à l'égard de l'année d'imposition 1994 est rejeté, avec dépens, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 15e jour d'octobre 2003.

« François Angers »

Juge Angers


Référence : 2003CCI619

Date : 20031015

Dossier : 2000-4123(IT)G

ENTRE :

DENIS LAMBERT,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Angers

[1]      L'appelant porte en appel devant cette cour la cotisation établie par le ministre du Revenu national (le « Ministre » ) visant l'année d'imposition 1994. L'appelant s'oppose à l'ajout par le Ministre d'une somme de 42 095 $ à ses revenus pour l'année en litige et à l'imposition par ce dernier d'une pénalité en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ). Initialement, l'appelant avait soulevé la question de la validité constitutionnelle du paragraphe 163(2) de la Loi, mais a renoncé à faire valoir ce point au début du procès.

[2]      Le Ministre a cotisé l'appelant en vertu du paragraphe 56(2) de la Loi à la suite d'une opération commerciale qui est au coeur du présent litige.

[3]      L'appelant est actionnaire unique de la société Aviation Denis Lambert Inc. ( « Aviation » ) qui, depuis 1992, assurait le transport par avion de clients et de marchandises au bénéfice d'une autre société, soit le Domaine La Sorbière (1991) Inc. ( « La Sorbière » ). L'appelant était un des quatre actionnaires de cette dernière société qui a été constituée à la fin de 1990 ou au début de 1991. La Sorbière était une pourvoirie abandonnée et l'appelant, avec les autres actionnaires, s'était proposé de la remettre en opération. La territoire était assez vaste et aucune route ne menait à la pourvoirie.

[4]      Selon l'appelant, deux des actionnaires ont fait faillite et un dénommé James Boudreau est devenu actionnaire en 1993. Un certain remaniement du capital-action a été effectué à cette époque en vue de créer des actions de catégories A et B. Selon l'appelant, les détenteurs d'actions de catégorie A pouvaient occuper un chalet mais leurs actions ne leur conférait pas le privilège de participer aux bénéfices. Ils avaient cependant un droit d'accès aux livres comptables. L'appelant et James Boudreau détenaient chacun 1 000 actions de catégorie B avec droit de voie. Aucun document de la Société n'a été déposé, toutefois, pour confirmer les caractéristiques du capital-action.

[5]      Selon l'appelant, l'exploitation de La Sorbière s'est avérée un désastre durant toutes ces années. Ce n'est qu'en 1992 que la pourvoirie a pu accueillir ses premiers clients. Le transport des clients, des matériaux, de l'équipement, de la marchandise et du carburant était assuré par Aviation, sauf pendant les mois d'hiver où on utilisait des motoneiges. De 1991 à 1995, Aviation a mis son avion uniquement au service de La Sorbière. L'appelant soutient avoir consacré en moyenne 200 heures de vol par année durant cette période. Chaque heure de vol vaudrait environ 300 $, sans compter les dommages causés à l'avion. Il a produit le carnet de route d'aéronef pour 1995 où 66 heures de vol ont été enregistrées. L'appelant soutient qu'Aviation n'a pas démandé le remboursement de ses dépenses en raison du fait que La Sorbière n'avait pas les moyens de payer. Il a dû toutefois reconnaître en contre-interrogatoire que La Sorbière a réglé comptant le 17 octobre 1994 une série de factures établies par Aviation, pour la période de mai à octobre 1994, totalisant 8 351,42 $, et qu'Aviation a déposé la somme payée dans son compte. Les factures font toutes référence à du transport aérien à un taux de 150 $ l'heure.

[6]      L'appelant a décrit les sinistres qui ont frappé la pourvoirie, soit la perte par le feu de l'entrepôt de carburant durant l'hiver 1993, plusieurs feux de forêt qui ont fait rage sur le territoire de La Sorbière et un déluge. L'évènement le plus marquant fut la perte du chalet par le feu le 14 juillet 1994. Ce dernier fut complètement détruit.

[7]      La Sorbière a reçu de son assureur environ 375 000 $. Une partie de cette somme, soit 45 000 $, a été versée à un agent de perception. Pour que la pourvoirie puisse être exploitée la saison suivante, la reconstruction du chalet a été planifiée tôt et a été effectuée à un coût inférieur au solde du montant d'assurance reçu, laissant ainsi dans les coffres de La Sorbière une somme importante. L'appelant et son associé James Boudreau se sont donc servis de cet argent pour faire l'acquisition de deux moteurs d'avion et effectuer certaines réparations sur l'avion d'Aviation. Les deux moteurs ont été achetés de la Société Aviation B.L. Inc. ( « B.L. » ) au coût de 83 000 $ plus les taxes. Le moteur qui a été installé dans l'avion d'Aviation a coûté 31 500 $ et celui qui a été installé dans l'avion de James Boudreau a coûté 51 500 $. Quant aux réparations, il s'agissait de modifications apportées aux ailes de l'avion d'Aviation au coût de 6 200 $. Ces deux factures totalisent 42 095 $, soit le montant qui a été ajouté aux revenus de l'appelant et qui fait l'objet du présent litige.

[8]      Voulant s'éviter des problèmes avec les actionnaires de la catégorie A de La Sorbière, l'appelant a fait faire, par B.L. et André Guérin, de fausses factures. Ainsi, les factures de B.L., au lieu de décrire la vente d'un moteur d'avion, décrivaient une série d'articles, notamment des génératrices, des chaloupes et des moteurs, dont la valeur correspondait à celle de l'achat des deux moteurs d'avion, soit 83 000 $ plus les taxes de 11 582 $, pour un total de 94 582 $. En ce qui concerne la facture établie par André Guérin, elle décrivait une vente de métal plié au lieu des réparations qu'il a effectué sur les ailes de l'avion d'Aviation pour la somme de 6 200 $. Dans une lettre adressée à Maurice Hammond, en date du 15 juillet 1998, l'appelant a reconnu que la description de la facture est fausse et a expliqué qu'il a fait ça, non pas pour éluder le paiement d'impôts, mais pour éviter une saga juridique avec des actionnaires « non actifs » qui étaient jaloux parce qu'ils auraient aimé recevoir une partie du produit de l'assurance qui, selon l'appelant, n'appartenait qu'à lui et James Boudreau.

[9]      Cette affaire de fausses factures fut mise à jour lors de la vérification effectuée par l'enquêteur Maurice Hammond de Revenu Canada (ancien nom de l'Agence des douanes et du Revenu du Canada), en mars 1998. Cinq chefs d'accusations criminelles ont été déposés contre l'appelant en mars 1999 et, le 11 janvier 2000, il reconnaissait sa culpabilité à un des chefs d'accusation. Il s'est vu imposer une amende de 5 000 $.

[10]     L'appelant a également témoigné qu'Aviation a vendu certains biens à La Sorbière en décembre 1994 pour la somme de 26 209,65 $ payée par chèque le 19 janvier 1995. Il s'agit d'une vente d'outils, de génératrices, de moteurs hors-bord et autres. L'appelant reconnaît que certains articles lui appartenaient personnellement. Tous les chèques visant l'achat des moteurs d'avion, le paiement du transport aérien, les réparations des ailes et la vente des outils ont été signés par l'appelant.

[11]     L'appelant a témoigné qu'il a toujours été question qu'Aviation soit remboursée pour ses services. Son associé, James Boudreau, était d'accord avec ce principe. La transaction portant sur l'achat du moteur a été inscrite dans les comptes d'Aviation.

[12]     M. Jacques Amyot, le comptable d'Aviation, n'a pas été mis au courant de l'achat du moteur avant la vérification de Revenu Canada effectuée en 1998. Selon les états financiers, l'avion a été vendu en 1996 et un gain en capital a été déclaré. Une fois informé de la transaction portant sur l'achat du moteur et sur les réparations, il a corrigé les états financiers pour fins fiscales. Les états financiers de 1994, 1995 et 1996 déposés en preuve ne reflétaient pas la réalité. M. Amyot recevait les données servant à la préparation des états financiers de la conjointe de l'appelant.

[13]     M. Maurice Hammond a décrit à la cour son travail de vérification et a expliqué comment il est arrivé à découvrir les fausses factures. Il soupçonnait que B.L. n'était pas dans la vente de chaloupes et, de là, son enquête a mené au dépôt d'accusations contre l'appelant et, par la suite, à l'établissement d'une nouvelle cotisation ajoutant 42 095,82 $ aux revenus de l'appelant.

[14]     En contre-interrogatoire, on lui a demandé si, durant sa vérification, il a découvert qu'Aviation rendait certains services à La Sorbière. Le témoin a alors fait référence aux factures établies par Aviation en 1994 pour transport aérien à la pourvoirie de La Sorbière et que cette dernière société a réglées le 17 octobre 1994 en versant le montant de 8 351,42 $. Il a reconnu que des services ont été rendus par Aviation à La Sorbière, mais n'a vu lors de sa vérification aucun document confirmant ce fait ou faisant état de dettes de La Sorbière à Aviation. Les documents qu'il a vus sont ceux visant l'achat du moteur et les réparations effectués en 1994 et le carnet de route d'aéronef de 1995.

[15]     Le Ministre s'appuie sur le paragraphe 56(2) de la Loi. Cette disposition se lit comme suit :

56(2)     Paiements indirects - Tout paiement ou transfert de biens fait, suivant les instructions ou avec l'accord d'un contribuable, à toute autre personne au profit du contribuable ou à titre d'avantage que le contribuable désirait voir accorder à l'autre personne - sauf la cession d'une partie d'une pension de retraite conformément à l'article 65.1 du Régime de pensions du Canada ou à une disposition comparable d'un régime provincial de pensions au sens de l'article 3 de cette loi ou d'un régime provincial de pensions visé par règlement - doit être inclus dans le calcul du revenu du contribuable dans la mesure où il le serait si ce paiement ou transfert avait été fait au contribuable.

[16]     Ce paragraphe énonce donc quatre conditions préalables à son application :

(1)      le paiement doit être fait à une autre personne que le contribuable à l'égard duquel une nouvelle cotisation est établie;

(2)      la répartition doit être faite suivant les instructions ou avec l'accord du contribuable à l'égard duquel une nouvelle cotisation est établie;

(3)      le paiement doit être fait au profit du contribuable à l'égard duquel une nouvelle cotisation est établie ou à une autre personne à titre d'avantage que le contribuable désirait voir accorder à cette autre personne;

(4)      le paiement aurait été inclus dans le revenu du contribuable à l'égard duquel une nouvelle cotisation est établie si ce dernier l'avait reçu lui-même.

[17]     L'avocat de l'intimée invoque l'application du paragraphe 56(2) au motif que l'appelant a fait verser un montant d'argent (le montant en litige) provenant de La Sorbière à l'avantage d'une autre société (Aviation), et ce, même si l'appelant n'a pas nécessairement droit au versement ou au montant d'argent transféré. L'avocat de l'intimée soutient que le paragraphe 56(2) s'applique si l'avantage accordé n'est pas directement imposable entre les mains d'Aviation.

[18]     De son côté, l'avocat de l'appelant soumet que les conditions 3 et 4 ne sont pas remplies. La condition 3 exige qu'il y ait un avantage que l'appelant souhaite accorder à Aviation. Or, en l'espèce, l'avocat soumet que les services rendus par Aviation à La Sorbière durant l'année d'imposition en litige dépassent largement la valeur du moteur qu'elle a reçu et des travaux de réparation effectués sur les ailes de son avion et qu'il s'agit simplement d'un remboursement à l'égard de nombreux services rendus. La condition 4 exige que le paiement en question ait été inclus dans le revenu de l'appelant, donc qu'il lui était dû. En l'espèce, l'avocat de l'appelant soutient que cet argent ne lui était pas dû, ce qui écarte l'application du paragraphe 56(2). De plus, Aviation a été imposée sur le montant reçu de sorte que, si on applique le paragraphe 56(2), il y aurait double imposition, ce qui n'est pas le but du paragraphe 56(2). Finalement, l'avocat de l'appelant soutient que l'argent provient du produit de l'assurance et qu'à ce titre, il constitue un gain en capital dont la moitié n'est pas imposable. Cette moitié pouvait être distribuée aux actionnaires libre d'impôt. Sur ce dernier point, la preuve présentée au procès est nettement insuffisante pour me permettre de déterminer le traitement qu'aurait pu avoir cet argent, surtout lorsqu'on sait qu'il a servi à l'achat, selon les fausses factures, d'équipement pour La Sorbière. Je ne me prononcerai pas sur cette question.

[19]     Le paragraphe 56(2) a été discuté et analysé dans plusieurs décisions, dont McClurg c. Canada, [1990] 3 R.C.S. 1020, Winter c. Canada, 1990 CarswellNat 722 et Neuman c. M.R.N., [1998] 1 R.C.S. 770. Il s'agit d'une disposition en matière d'évitement fiscal. Le juge Marceau, dans l'arrêt Winter (précité), a résumé sa portée de la façon suivante :

Il est couramment admis que la disposition prévue au paragraphe 56(2) est fondée sur la doctrine de la « recette présumée » et qu'elle vise principalement les cas où le contribuable cherche à éviter de recevoir ce qui serait, entre ses mains, un revenu en s'arrangeant pour que le montant soit versé à quelqu'un d'autre, et ce pour son propre bénéfice (par exemple, pour éteindre une dette) ou pour le bénéfice de cette autre personne (voir les motifs du juge Thurlow dans l'arrêt Miller, précité, et ceux du juge Cattanach dans l'arrêt Murphy, précité). Il ne fait aucun doute cependant que le libellé de la disposition ne permet pas d'en limiter l'application à de tels cas patents d'évitement fiscal. L'arrêt Bronfman, qui a confirmé la cotisation, établie en vertu de la disposition de l'ancienne loi qu'a reprise le paragraphe 56(2), d'un actionnaire d'une société privée, à l'égard de dons que la société avait faits régulièrement pendant plusieurs années à des membres de sa famille, est généralement cité comme autorité pour dire que la disposition s'applique, que la personne imposée ait un droit ou non sur le versement effectué ou sur le bien transféré. Cette jurisprudence ne me semble pas tellement convaincante dans la mesure où les dons faits par une société proviennent des bénéfices sur lesquels les actionnaires ont un droit éventuel. Le fait néanmoins demeure que le libellé même de la disposition n'exige pas, comme condition d'application, que le contribuable ait initialement eu droit au montant versé ou au bien transféré au tiers; mais uniquement que le contribuable ait été lui-même imposable à cet égard si le versement ou le transfert avait été fait à lui. Il me semble cependant que, lorsque la doctrine de la « recette présumée » n'est pas clairement en cause, parce que le contribuable n'avait aucun droit au versement effectué ou au bien transféré, il n'est que juste d'inférer que le paragraphe 56(2) ne peut recevoir application que si l'avantage accordé n'est pas directement imposable entre les mains du cessionnaire. En effet, selon moi, une disposition en matière d'évitement fiscal [page594] revêt un caractère essentiellement subsidiaire; sa raison d'être est d'empêcher l'évitement de l'impôt payable sur une opération donnée, et non de doubler l'impôt normalement payable ni d'accorder aux autorités fiscales une discrétion administrative qui leur permettrait de choisir entre deux contribuables possibles.

[20]     Non seulement, il est admis que les deux premières conditions pour l'application du paragraphe 56(2) sont remplies mais les faits appuient également cette conclusion. Quant à la 3e condition, l'avocat de l'appelant a soutenu qu'il n'y a pas eu d'avantage conféré à Aviation par le transfert d'un moteur d'avion et par la modification des ailes de l'avion d'une valeur totale s'élevant à 42 095 $, au motif que, avant l'année en litige et durant celle-ci, Aviation a rendu des services indispensables à La Sorbière, soit le transport par avion de clients et d'équipement, et que sans cet appui, La Sorbière n'aurait pas pu exploiter son entreprise. Ces services rendus, selon l'avocat de l'appelant, dépassent de beaucoup la valeur du moteur et des modifications, de sorte qu'Aviation n'a pas reçu de réels avantages mais d'un remboursement au titre des services qu'elle a rendus à La Sorbière.

[21]     Le carnet de route de l'avion déposé en preuve indique que plusieurs heures de vol ont été effectuées en 1995 au service de La Sorbière. Sur la foi de cette preuve, on soumet qu'autant d'heures de vol ont été effectuées. L'appelant a témoigné avoir consacré en moyenne 200 heures de vol par année à un taux horaire de 300 $. Il a ajouté qu'Aviation ne soumettait pas de factures au motif que La Sorbière n'avait pas de revenus. Toutefois, la preuve a aussi révélé qu'une série de factures allant de mai à octobre 1994 a été faite par Aviation à La Sorbière, que le taux horaire était de 150 $ l'heure, que le total des factures atteignait 8 351,42 $ et qu'elles ont été réglées le 17 octobre 1994. Si on considère que le chalet principal de La Sorbière a été complètement détruit par le feu le 14 juillet 1994, cela ne laisse pas beaucoup de mois d'exploitation justifiant le nombre d'heures de vol et le taux horaire que l'appelant semble avoir suggéré. J'en conclus que, pour l'année 1994, Aviation a été payée pour ses services et que la transaction a été faite dans le but de conférer un avantage à Aviation tout en évitant à l'appelant d'avoir maille à partir avec les actionnaires de catégorie A.

[22]     La dernière condition prévue au paragraphe 56(2) semble, à première vue, ne pas avoir été remplie. En effet, la preuve présentée au procès n'établit pas que l'appelant avait droit au versement de cet argent ou encore qu'il avait droit aux bénéfices non distribués de La Sorbière. L'arrêt Winter, précité, nous dit toutefois que, dans un tel cas, il serait juste d'inférer que le paragraphe 56(2) ne s'applique que si l'avantage accordé n'est pas directement imposable entre les mains du cessionnaire, en l'occurrence Aviation.

[23]     Toutefois, avant de traiter de la question de savoir si l'avantage accordé à La Sorbière a été imposé, je ne peux ignorer le passage d'un commentaire de l'appelant dans une lettre qu'il écrivait à monsieur Maurice Hammond, le 15 juillet 1998 (pièce I-8), où il déclare au dernier paragraphe de la page 2 :

... Je comprends que la description de la facture est fausse, sauf qu'on vous a déjà dit pourquoi et que ce n'était pas pour éluder de l'impôt mais pour éviter une « saga juridique » avec des actionnaires « non actifs » qui étaient « jaloux » du retour de l'assurance et qui auraient aimé recevoir une part de ce qui nous revenait à nous seulement. D'ailleurs, celui qui nous a « accommodés » est lui-même un « actionnaire passif » et était d'accord pour dire qu'il ne lui revenait rien à lui.

[24]     À mon avis, ce passage de la lettre de l'appelant qui, avec l'autre actionnaire, détenait les actions avec droit de voie de catégorie B, confirme le fait qu'ils avaient le pouvoir de s'accorder un droit sur les bénéfices non distribués de La Sorbière, rendant ainsi applicable le paragraphe 56(2).

[25]     Quant à savoir si cet argent a été imposé entre les mains d'Aviation, les corrections comptables apportées par monsieur Jacques Amyot ne semblent pas démontrer qu'Aviation a effectivement déclaré comme revenu la valeur du moteur et des modifications. On a plutôt capitalisé les items pour corriger le gain en capital réalisé lors de la vente de l'avion en 1996 par Aviation. Pour ces motifs, je conclus que la quatrième condition est remplie, que le paragraphe 56(2) s'applique et que le Ministre est justifié d'ajouter une somme de 42 095 $ aux revenus de l'appelant pour l'année d'imposition 1994.

[26]     Le Ministre a, de plus, imposé une pénalité à l'appelant pour l'année d'imposition en litige, en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi :

163(2) Faux énoncés ou omissions. Toute personne qui, sciemment ou dans les circonstances équivalant à faute lourde dans l'exercice d'une obligation prévue à la présente loi ou à son règlement, fait un faux énoncé ou une omission dans une déclaration, un formulaire, un certificat, un état ou une réponse - appelé « déclaration » au présent article - rempli, produit, ou présenté, selon le cas, pour une année d'imposition conformément à la présente loi ou à son règlement, ou y participe, y consent ou y acquiesce est passible d'une pénalité égale, sans être inférieure à 100 $, à 50 % du total des montants suivants:

                   ...

[27]     Il incombe donc à l'intimée d'établir, selon la prépondérance des probabilités, que l'appelant a fait un faux énoncé dans ses déclarations de revenus pour l'année en question et que ce faux énoncé a été fait sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde.

[28]     Le juge Strayer, dans l'arrêt Venne c. Canada, 84 DTC 6247, a soutenu que la faute lourde doit être interprétée comme un cas de négligence plus grave qu'un simple défaut de prudence raisonnable. Il doit y avoir un degré important de négligence qui correspond à une action délibérée, à une indifférence au respect de la Loi.

[29]     Il est évident en l'espèce que l'appelant, dans le cadre des transactions frauduleuses, a fait preuve d'une indifférence totale au respect de la Loi. Ses actions ont mené au dépôt d'accusations criminelles et il a reconnu sa culpabilité. Il est évident que son but ultime était de s'approprier des fonds en falsifiant des documents afin de s'éviter des problèmes avec les autres actionnaires. En ce faisant, toutefois, il n'a pas réalisé qu'il y avait des conséquences fiscales pour La Sorbière, pour Aviation ainsi que pour lui-même. Le Ministre était donc justifié d'imposer une pénalité en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi.

[30]     L'appel est donc rejeté avec dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 15e jour d'octobre 2003.

« François Angers »

Juge Angers


RÉFÉRENCE :

2003CCI619

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2000-4123(IT)G

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Denis Lambert et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :

Québec (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :

le 18 février 2003

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

l'honorable juge François Angers

DATE DU JUGEMENT :

le 15 octobre 2003

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant(e) :

Me Marc Gilbert

Pour l'intimé(e) :

Me Martin Gentile

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER:

Pour l'appelant(e) :

Nom :

Me Marc Gilbert

Étude :

Me Marc Gilbert, Avocat

Ste-Foy (Québec)

Pour l'intimé(e) :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

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