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Dossier : 2003‑1647(EI)

ENTRE :

SHAHEENA AKHTER,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

____________________________________________________________________

 

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel

de Shaheena Akhter (2003‑1648(CPP)) le 15 avril 2004 à Toronto (Ontario)

 

Devant : L’honorable juge Georgette Sheridan

 

Comparutions :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle‑même

 

Avocats de l’intimé :

Me Andrea Jackett

M. Bari Crackower, étudiant en droit

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L’appel est rejeté et la décision du ministre est confirmée.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour de mai 2004.

 

 

 

« G. Sheridan »

Juge Sheridan

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 9e jour de septembre 2004.

 

 

 

Catherine Barry, traductrice


 

 

 

Dossier : 2003‑1648(CPP)

ENTRE :

SHAHEENA AKHTER,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

_________________________________________________________________

 

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel

de Shaheena Akhter (2003‑1647(EI)) le 15 avril 2004 à Toronto (Ontario)

 

Devant : L’honorable juge Georgette Sheridan

 

Comparutions :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle‑même

 

Avocats de l’intimé :

Me Andrea Jackett

M. Bari Crackower, étudiant en droit

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L’appel est rejeté et la décision rendue par le ministre est confirmée.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour de mai 2004.

 

 

 

 

« G. Sheridan »

Juge Sheridan

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 9e jour de septembre 2004.

 

 

 

Catherine Barry, traductrice


 

 

Référence : 2004CCI345

Date : 20040518

Dossiers : 2003‑1647(EI)

2003‑1648(CPP)

ENTRE :

SHAHEENA AKHTER,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

La juge Sheridan

 

[1]     Il s’agit d’un appel interjeté à l'encontre d’une décision rendue par le ministre du Revenu national selon laquelle l’appelante, Shaheena Akhter, n'occupait un emploi assurable [1] ou donnant droit à pension[2] pour la période du 2 mai 2001 au 5 avril 2002. Mme Akhter soutient qu’elle était une employée embauchée en vertu d’un contrat de louage de services et que, par conséquent, son emploi devait être assurable et ouvrir droit à pension conformément à la loi pertinente. Pour avoir gain de cause dans le cadre de son appel, Mme Akhter a le fardeau de prouver que les hypothèses sur lesquelles le ministre s’est fondé sont inexactes.

 

[2]     Au cours de la période en question, Mme Akhter travaillait comme fournisseuse de services de garde d’enfants à son propre domicile, à Toronto. En vue de sa carrière, Mme Akhter a suivi le « Home Childcare Provider Program » [programme de garde en milieu familial] offert par le COSTI en mai 1998. L’une des matières qu’elle a étudiées s’intitulait : « Starting a Home Based Business » [comment démarrer une entreprise à domicile]. Dans le cadre de ce cours, elle a appris, globalement, comment établir une entreprise de garde d’enfants. Le 16 mars 2001, elle a signé avec un organisme autorisé par le gouvernement, le Muppets Private Home Daycare Agency, un contrat renouvelable d’un an qui l’obligeait à offrir à son domicile un service de garde à l’intention des enfants que l’organisme lui envoyait. Le contrat la qualifiait à de [TRADUCTION] « personne indépendante offrant un service de garde à domicile » et l’obligeait à observer la Loi sur les garderies de l’Ontario.

 

[3]     La présente affaire a débuté après la naissance de son quatrième enfant, en avril 2002, lorsque Mme Akhter a demandé des prestations de congé parental. À ce moment‑là, elle collaborait avec l’organisme depuis un peu moins d’un an. Après avoir d’abord approuvé sa demande, le ministre a décidé plus tard qu’elle n’était pas admissible aux prestations. Mme Akhter a interjeté appel. La seule question à trancher consiste à savoir si elle était une employée de l’organisme en application d’un contrat de louage de services, ou une entrepreneuse indépendante travaillant dans le cadre d’un contrat d'entreprise. Il s'agit d'une question de fait.

 

[4]     Avant d’entreprendre son travail, Mme Akhter a été obligée de suivre, sans rémunération, le programme d’orientation d’une semaine offert par l’organisme et d’obtenir, à ses frais, un certificat de police et un certificat médical. Après avoir inspecté son domicile afin de s’assurer qu’il satisfaisait aux normes de la loi provinciale, l’organisme a commencé à placer des enfants sous la garde de Mme Akhter. Celle‑ci travaillait à son domicile et ne recevait aucun remboursement de l’organisme pour l’utilisation des lieux ou pour le chauffage, le service téléphonique, les détecteurs de fumée ou les autres dispositifs de sécurité imposés par le contrat. Elle fournissait aussi, à ses frais, les repas, les boissons, les mouchoirs de papier, les crayons et les autres objets de première nécessité offerts aux enfants. Par le truchement du service de prêt de l’organisme, Mme Akhter pouvait emprunter sans frais certains articles plus considérables, tels que des parcs pour enfants et des poussettes.

 

[5]     En vertu du contrat, Mme Akhter avait le droit de choisir les jours auxquels elle serait disponible pour recevoir des enfants. Si elle était incapable de recevoir des enfants un jour donné, ou elle ne le souhaitait pas, elle n’était pas rémunérée. Si Mme Akhter prenait des vacances, elle n’était pas rémunérée au cours de cette période. Lorsqu’elle était disponible, elle devait être prête à recevoir des enfants du lundi au vendredi de 7 h à 18 h. Si un enfant ne venait pas comme prévu, les parents étaient quand‑même obligés de payer les honoraires quotidiens, à moins d’avoir informé l’organisme à l’avance, en bonne et due forme, de l’absence de l’enfant. Si un enfant était soustrait à sa garde, par exemple pendant les vacances familiales, même si elle était toujours disponible Mme Akhter n’était pas rémunérée. La seule exception était lorsque des parents choisissaient de continuer à payer les frais de garde d’enfant afin de conserver la place de leur enfant à la garderie de Mme Akhter. C’est ce paiement que Mme Akhter qualifiait de « paye de vacances » dans son témoignage. Cependant, de tels paiements ne constituent pas une paye de vacances au sens juridique du terme.

 

[6]     Tant que les enfants étaient sous sa garde, Mme Akhter travaillait sans être supervisée par l’organisme même si, de temps en temps, un représentant de l’organisme faisait une visite impromptue, une sorte de « vérification ponctuelle » à son domicile. Cependant, tant que l’organisme était convaincu que Mme Akhter répondait aux exigences de la Loi sur les garderies, pour l’essentiel elle pouvait agir à sa guise. Pour chaque enfant, elle tenait un registre mensuel des présences indiquant les jours où il avait été sous sa garde. Après avoir obtenu l’approbation du registre des présences par les parents, Mme Akhter le soumettait à l’organisme à la fin de chaque mois. Sur les honoraires qu’elle recevait, l’organisme ne faisait aucune retenue à la source pour l’impôt sur le revenu, l’assurance‑emploi (a.‑e.) ou le Régime de pensions du Canada (RPC). Chaque année, en février, l’organisme émettait un « état du revenu brut » à l’intention de Mme Akhter. Dans le contrat, on recommandait à Mme Akhter de consulter une publication de Revenu Canada (maintenant l’Agence du revenu du Canada) intitulée « Vous avez une garderie à la maison? ». Mme Akhter a appelé comme témoin son époux, M. Alam, qui a préparé la déclaration de revenus de son épouse pour l’année 2001. Celui‑ci a témoigné qu’il avait soumis en même temps que la déclaration de revenus de Mme Akhter un feuillet T4A relatif à sa collaboration avec l’organisme. Il a aussi témoigné que Mme Akhter avait déclaré comme frais professionnels les frais d’entretien de sa garderie à domicile. Cette dernière a témoigné que ce montant englobait les frais engagés à la fois pour l’organisme et pour les enfants placés à titre privé.

 

[7]     Le ministre s’est appuyé sur le critère énoncé dans l’arrêt Sagaz Industries Canada Inc. c. 671122 Ontario Limited [3], et appliqué dans l’affaire Precision Gutters Ltd. c. Canada[4]. Dans cette dernière affaire, la Cour d’appel fédérale a considéré qu’en pareils cas : « la question centrale à trancher dans les causes semblables consistait à savoir si la personne qui avait été embauché pour accomplir ces tâches les accomplissait en tant que personne dans les affaires à son compte ou en tant qu’employé. Afin de statuer, les quatre critères énumérés dans l’arrêt Wiebe Door Services Ltd. c. M.R.N.[5] représentent des facteurs à considérer. » Ces quatre facteurs sont les suivants : (1) le contrôle; (2) la propriété des instruments de travail; (3) la possibilité de profit; (4) le risque de perte.

 

[8]     Lorsqu'il a présenté son argumentation au nom de son épouse, M. Alam a fait référence à ces critères. Il a soutenu que la preuve attestait que l’organisme contrôlait le travail de Mme Akhter : il fixait les heures de travail, effectuait des vérifications ponctuelles à la maison, spécifiait les genres d’activités à offrir aux enfants, limitait le nombre d’enfants et déterminait le taux de salaire. Il a demandé avec insistance à la Cour de reconnaître que Mme Akhter était une employée. Respectueusement, je ne pense pas que la preuve mène à cette conclusion. Le contrôle que l’organisme exerçait sur Mme Akhter visait à assurer que celle‑ci, en qualité de fournisseuse contractuelle de services de garde d’enfants recommandée par l’organisme, respectait les obligations imposées par la Loi sur les garderies et par les règlements municipaux en matière de garde d’enfants. En dehors de ces obligations, cependant, Mme Akhter n'était pas sous le contrôle de l’organisme au même titre qu'un employé. Elle était libre de travailler ou non, et elle s’acquittait de ses tâches quotidiennes auprès des enfants comme elle le jugeait à propos. L’organisme n’a garanti aucun salaire ni aucun nombre d’enfants pour un jour précis. Mme Akhter ne recevait non plus aucune prestation de maladie ou de vacances.

 

[9]     Quant aux autres critères, le principal « instrument de travail »[6] – qui est passablement important – était son domicile, qu’elle fournissait à ses propres frais. En outre, elle pourvoyait à tout le nécessaire pour les soins adéquats des enfants, à l’exception des articles plus considérables qu’elle empruntait à ses propres risques à l’organisme. En ce qui concerne la « possibilité de profit » et le « risque de perte », en vertu du contrat conclu avec l’organisme Mme Akhter était libre de chercher sa propre clientèle de garderie privée tout en acceptant aussi les enfants qui lui étaient confiés par l’organisme. Une telle liberté est typique d’un entrepreneur indépendant qui travaille dans le cadre d’un contrat d'entreprise.

 

[10]    Le dernier élément à considérer, c’est l’intention des parties[7]. Dans le contrat, Mme Akhter est qualifiée d'« indépendante ». Bien que ce facteur seul soit insuffisant pour justifier un statut d’entrepreneuse indépendante, il devient important lorsqu’il est pris en compte avec tous les autres éléments de preuve. M. Amarshi, le représentant de l’organisme, a témoigné que lors de la signature du contrat, il a discuté avec Mme Akhter des dispositions relatives à l’entreprise de garderie à domicile. Mme Akhter a admis qu’elle avait appris dans le cours offert par le COSTI que des règles différentes s’appliquaient aux fournisseurs indépendants de services de garde. Mme Akhter a témoigné qu’elle savait que l’organisme ne faisait aucune retenue pour l’impôt sur le revenu, l’a.‑e. ou le RPC. En dépit de cela, elle n’a pas demandé pourquoi l’organisme ne le faisait pas, et elle ne s’y est pas opposée non plus. Selon ses directives, et en pleine connaissance des détails de son travail à leur domicile, son mari a produit un feuillet T4A pour le compte de Mme Akhter et demandé une déduction des dépenses qu’elle avait engagées dans le cadre de son travail de garderie. Manifestement, Mme Akhter ne peut l'emporter sur les deux plans : il n’est pas possible de déduire des frais professionnels du revenu provenant d’un travail indépendant, tout en demandant les prestations de congé parental d’une employée.

 

[11]    Mme Akhter n’a pas réussi à réfuter les hypothèses sur lesquelles le ministre a fondé sa décision. La preuve indique clairement que Mme Akhter avait conclu un contrat d'entreprise avec l’organisme. Par conséquent, son emploi n’est pas assurable et n’ouvre pas droit à la pension. En conséquence, l’appel doit être rejeté.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 18 e jour de mai 2004.

 

 

 

 

« G. Sheridan »

Juge Sheridan

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 9e jour de septembre 2004.

 

 

 

Catherine Barry, traductrice



[1] L’alinéa 5(1)a) de la Loi sur l’assurance‑emploi précise ce qui suit : « […] l’emploi exercé au Canada pour un ou plusieurs employeurs, aux termes d’un contrat de louage de services ou d’apprentissage exprès ou tacite, écrit ou verbal, que l’employé reçoive sa rémunération de l’employeur ou d’une autre personne et que la rémunération soit calculée soit au temps ou aux pièces, soit en partie au temps et en partie aux pièces, soit de toute autre manière; ».

[2] Loi sur le Régime de pensions du Canada, alinéa 6(1)a).

[3] [2001] 2 R.C.S. 983.

[4] [2002] A.C.F. no 771 (C.A.F.).

[5] [1986] 3 C.F. 553 ([1986] 2 C.T.C. 200) (C.A.F.).

[6] Voir les causes suivantes pour lesquelles des faits similaires ont été analysés : Arseneau c. M.R.N., [1996] A.C.I. no 1381; Randa c. M.R.N., [1998] A.C.I. no 940; Goulet c. Canada (M.R.N.), [1998] A.C.I. no 520.

[7] Wolf c. Canada, [2002] A.C.F. no 375 (C.A.F.).

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