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Dossier : 2004-1182(EI)

ENTRE :

CLAUDE MEUNIER,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

____________________________________________________________________

Appel entendu le 9 décembre 2004, à Québec (Québec)

Devant : L'honorable juge Paul Bédard

Comparutions :

Avocat de l'appelant :

Me Jérôme Carrier

Avocate de l'intimé :

Me Marie-Claude Landry

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel est rejeté et la décision rendue par le ministre est confirmée selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour d'avril 2005.

« Paul Bédard »

Juge Bédard


Référence : 2005CCI52

Date : 20050418

Dossier : 2004-1182(EI)

ENTRE :

CLAUDE MEUNIER,

appelant,

Et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Bédard

[1]      L'appelant a fait cession de ses biens le 9 novembre 2000. Parmi ces biens, il y avait une terre boisée que le syndic de faillite de l'appelant a vendue à 9082-3345 Québec inc. (le « payeur » ) le 20 décembre 2000. Les actionnaires du payeur étaient monsieur Jean-Claude Verret et madame Anne Lagacé. Cette dernière était la conjointe de monsieur Serge Lavoie, le comptable du payeur. Le payeur aurait embauché l'appelant à titre d'employé, du 27 novembre 2000 au 4 mai 2001, pour débiter du bois sur la terre boisée et pour trouver et évaluer d'autres terres boisées pour le payeur qui avait, semble-t-il, pour objectif d'en acheter plusieurs. L'appelant en appelle de la décision du ministre du Revenu national (le « ministre » ) selon laquelle l'appelant n'exerçait pas, durant cette période, un emploi assurable au service du payeur, et ce, aux termes d'un véritable contrat de louage de services au sens de l'alinéa 5(1)a) de la Loi sur l'assurance-emploi (la « Loi » ).

[2]      Les faits sur lesquels le ministre s'est appuyé sont décrits au paragraphe 5 de la Réponse à l'avis d'appel et sont les suivants :

a)          depuis plus de 20 ans, l'appelant exploitait une entreprise de transport et de déneigement, il était propriétaire d'un camion;

b)          Serge Lavoie était le comptable de l'appelant;

c)          le 9 novembre 2000, l'appelant déclarait faillite et la société Roy, Métivier, Roberge Inc. (le syndic) était nommé syndic à la faillite de l'appelant;

d)          Anne Lagacé est la conjointe de Serge Lavoie;

e)          Anne Lagacé et Jean-Claude Verret étaient actionnaires à part égale du payeur;

f)           le payeur avait été constitué en société le 28 septembre 1999;

g)          le payeur avait été constitué dans le but de fabriquer des meubles;

h)          le payeur avait une raison sociale enregistrée : « Industrie Veronica » ;

i)           le 20 décembre 2000, le payeur achetait du syndic, par acte de vente notarié, une terre à bois provenant de l'actif de la faillite de l'appelant;

j)           le prix de vente était de 4 000 $;

k)          la terre à bois était située dans la municipalité de Saint-Siméon;

l)           selon les termes de l'acte de vente, le payeur avait possession de la terre à compter du jour de vente;

m)         le payeur prétend que l'appelant a été embauché comme bûcheron pour couper et sortir du bois de sa terre à bois et pour trouver d'autres terres à bois à acheter pour le payeur alors que l'appelant prétend que le payeur l'a embauché pour débiter du bois, déjà bûché et couché, en bois de chauffage, le corder et le sortir, pour marquer les bornes de sa terre à bois et pour marcher d'autres terres à bois;

n)          l'appelant aurait prétendument commencé à travailler pour le payeur le 27 novembre 2000 alors que le payeur n'a pris possession du lot que le 20 décembre 2000;

o)          durant la période en litige, l'appelant était le seul employé du payeur;

p)          le payeur ne donnait pas de directives à l'appelant;

q)          le payeur ne contrôlait pas le travail de l'appelant;

r)           l'appelant n'avait pas d'horaire à respecter, il travaillait selon le temps (température) qu'il faisait;

s)          l'appelant ne comptabilisait pas ses heures travaillées;

t)           en réalité, l'appelant a très peu travaillé pour le payeur durant la période en litige;

u)          l'appelant fournissait sa motoneige pour effectuer ses tâches pour le payeur;

v)          l'appelant était inscrit au journal des salaires du payeur pour une rémunération brute de 350 $ par semaine;

w)         l'appelant recevait ses chèques de rémunération du payeur à partir du compte de banque de Serge Lavoie CGA;

x)          en 2001, les ventes du payeur pour l'exercice finissant le 30 septembre 2001 ont été nulles;

y)          le payeur n'a vendu aucun bois de chauffage en 2001;

z)          le 4 mai 2001, Industrie Veronica Inc. (sic) émettait un relevé d'emploi à l'appelant, pour la période débutant le 27 novembre 2000 et se terminant le 4 mai 2001, et qui indiquait 920 heures assurables (23 semaines de 40 heures) et une rémunération assurable totale de 8 050,00 $ (23 semaines de 350,00 $);

aa)        le relevé d'emploi ne reflète pas la réalité quant à la période travaillée, quant aux heures travaillées ni quant à la rémunération versée;

bb)        l'appelant avait besoin de 910 heures pour se qualifier à recevoir des prestations de chômage;

cc)        l'appelant et le payeur ont conclu un arrangement afin de permettre à l'appelant de se qualifier à recevoir des prestations de chômage.

AUTRES FAITS PERTINENTS :

6.          L'appelant n'a reçu un chèque de paie que pour 20 des 23 semaines de la période en litige.

7.          Comme cinq premiers chèques de paie, l'appelant a reçu quatre chèques de 191,37 $ et un de 449,16 $, pour un total de 1 214,14 $, alors que sa paie nette pour chacune des quinze autres semaines étaient de 304,92 $.

8.          La somme de 1 214,14 $ ne représente que quatre semaines de paie nette.

9.          En réalité, l'appelant n'a été rémunéré que pour l'équivalent de 19 semaines complètes de travail.

[3]      Tous les faits sur lesquels le ministre s'est appuyé ont été admis, à l'exception des faits décrits aux alinéas p), q), r), s), t), u)[1], aa) et cc) du paragraphe 5 de la Réponse à l'avis d'appel, qui ont été niés, et à l'exception des faits décrits aux alinéas o), x), y) et bb) du paragraphe 5 de la Réponse à l'avis d'appel, au sujet desquels l'appelant n'avait aucune connaissance. Par ailleurs, les faits énoncés aux paragraphes 6, 7, 8 et 9 furent niés.

Analyse

[4]      Pour que l'appelant puisse bénéficier de l'assurance-emploi, le travail exécuté doit l'être dans le cadre d'un véritable contrat de louage de services. Pour décider si un contrat de travail satisfait à cette condition, la jurisprudence a identifié les critères suivants : le lien de subordination donnant au payeur un pouvoir de contrôle sur le travail exécuté pour le salaire versé, les chances de profit et les risques de perte, la propriété des outils et l'intégration.

[5]      L'application de ces critères aux faits de l'espèce appuie évidemment la conclusion que le contrat de travail satisfait aux conditions. Par contre, il est tout aussi important qu'il s'agisse d'un véritable contrat de travail, faute de quoi l'exercice visant à appliquer les critères est tout à fait inutile. La première question qu'il faut se poser ici est donc de savoir si le contrat liant l'appelant constituait un véritable contrat de travail. L'emploi était-il en l'espèce un trompe-l'oeil?

[6]      Le fardeau de la preuve reposait sur l'appelant. Il devait me convaincre, selon la prépondérance des probabilités, que le contrat qui le liait au payeur constituait un véritable contrat de travail. Il devait donc démontrer notamment qu'il y avait eu une prestation réelle de services, un des éléments essentiels d'un contrat de travail.

[7]      L'appréciation de la crédibilité de l'appelant a joué un rôle important dans ma décision, puisque la preuve fournie par l'appelant reposait pour l'essentiel sur son témoignage, auquel j'ai accordé peu de valeur probante. En effet, l'appelant s'est contenté de faire des affirmations générales, non vérifiables et souvent invraisemblables. Les explications de l'appelant étaient souvent confuses, inintelligibles, laborieuses, contradictoires et contraires à d'autres éléments de preuve. L'inconfort du témoin n'a qu'ajouté à mes doutes quant à sa crédibilité. Il aurait pu à plusieurs reprises appuyer ses assertions sur des témoignages indépendants et crédibles ou sur une preuve documentaire adéquate. Il ne l'a pas fait. J'en infère que cette preuve lui aurait été défavorable.

[8]      Dans la présente affaire, j'ai noté une série d'éléments qui m'ont amené à conclure que l'appelant était très peu crédible, dont les éléments suivants.

i)         D'abord, dès le début de son témoignage, l'appelant a affirmé que, lors de sa première rencontre avec le payeur, ce dernier lui avait offert un emploi à la condition qu'il réside dans Charlevoix[2]. Il a aussi affirmé qu'il avait, à la suite de cette rencontre, loué un logement à Clermont pour se conformer aux directives du payeur[3]. Il convient de souligner que l'appelant a témoigné qu'à l'époque de sa première rencontre avec le payeur, il demeurait à Port-aux-Quilles, près de Saint-Siméon[4], et que la distance entre Saint-Siméon et Clermont est d'environ 20 milles[5]. Il convient aussi de rappeler que le principal lieu de travail de l'appelant était la terre boisée qui se situait à Saint-Siméon[6]. Donc, en louant un logement à Clermont, l'appelant se serait éloigné de sa résidence antérieure et de son principal lieu de travail qui, rappelons-le, était à Saint-Siméon. En effet, il s'avère que la distance entre Saint-Siméon et Clermont est de 36 milles. L'assertion de l'appelant qu'il avait loué un logement à Clermont à la demande du payeur est à mon avis inexplicable, invraisemblable et absurde. Pas étonnant que l'appelant n'ait pas appuyé ses assertions sur une preuve objective sérieuse (bail ou chèques de loyer) ou sur un témoignage indépendant et crédible. J'en infère qu'il n'a pas fourni une telle preuve parce qu'elle lui aurait été défavorable.

ii)        Mon examen de la preuve relativement aux dépenses engagées par l'appelant dans le cadre de son emploi n'a qu'ajouté à mes doutes quant à la crédibilité de celui-ci. En effet, l'appelant a donné à cet égard une version des faits ambiguë, vague, élusive, imprécise, contradictoire et contredite par les déclarations de messieurs Verret et Lavoie. Les parties pertinentes des déclarations de l'appelant et de messieurs Verret et Perrier méritent d'être citées :

Q.          Mais, là, vous parliez d'essence. Qui assumait l'essence du skidoo?

R.           C'est eux autres qu'ils étaient supposés. Mais, moi, quand ils ont vu ça, ils ont dit : Fais-toi avancer au garage Savard à Saint-Siméon, là, puis il dit, nous autres, on paiera la facture.

Q.          Oui. Puis dans les faits qu'est-ce qui s'est passé? Est-ce que la facture a été payée?

R.           Oui.

[...]

Q.          Et puis qui assumait l'essence [de la scie mécanique] à ce moment-là?

R.           C'est lui aussi, l'essence puis l'huile[7].

[...]

R.           Il me fournissait la scie mécanique, le gaz, tout ça, puis il me payait le gaz, puis il me payait l'huile pour les dépenses, mais pas plus.

Q.          Vous, vous dites que l'essence était remboursée?

R.           Oui.

Q.          Vous maintenez ça?

R.           Oui, oui. Parce que le compte est au garage Savard, Irving, à Saint-Siméon, au nom de Jean-Claude Verret, bien, Véronica. Une affaire comme ça.

Q.          Vous avez toujours été remboursé pour votre essence?

R.           C'est Jean-Claude Verret qui allait payer.

Q.          O.K.

R.           Comprenez-vous! Moi j'ai...

Q.          Je comprends, mais vous avez déclaré autre chose. Je vous le dis tout de suite. Vous avez déclaré autre chose aux agents puis aux enquêteurs.

R.           Je ne le sais pas ce que j'ai déclaré. Je sais, c'est lui qui allait payer le compte de gaz là-bas parce qu'il y avait... Il a été un coup, je pense, ça montait à trois cent quelque chose.

Q.          Vous avez dit tantôt, vous avez mentionné que vous aviez de la difficulté à recevoir votre salaire. Est-ce que ça ne serait pas plutôt la même chose pour les dépenses d'essence?

R.           Non, non, non, non[8].

[...]

Q.          Qui payait pour l'essence et autre du skidoo?

R.           C'est moi, il était supposé de me rembourser[9]...

[...]

R.           [...] Ils devaient m'envoyer 250 $ pour le fuel et la sortie du bois mais je ne l'ai jamais eu[10].

[...]

Q.          Qui payait pour les dépenses de sa machine?

R.           C'est lui qui payait mais nous en avons rembourser [erreur dans l'original] un peu[11].

[...]

Q.          Qui payait les factures d'achat de l'essence, l'huile et réparations reliées au bûchage et sortage du bois?

R.           Moi, j'en ai payée une qui m'a été remboursée et pour les autres, je ne sais pas[12].

Il convient enfin de souligner que monsieur Lévesque de l'ADRC a témoigné[13] qu'il avait tenté d'obtenir de monsieur Lavoie le montant des dépenses engagées par l'appelant de cette façon dans le cadre de son emploi et les pièces justificatives à cet égard.

iii)       Comment peut-on concilier les deux passages suivants? D'abord, la réponse de l'appelant au sujet de la vente du bois :

Q.         Le gars qui a acheté la terre, il a-tu acheté le bois qui était là?

R.          Bien oui, il me l'a demandé pour continuer à faire du bois. Je lui ai dit non.

Q.         Non, mais le bois, à votre connaissance, le cent cordes puis l'autre deux, trois cents...

R.          Oui, oui, le monsieur qui a acheté la terre, là...

Q.         Il a acheté ça avec le bois qui était là?

R.          Oui, il a tout acheté ça avec le bois qu'il y avait là. Puis, lui, il m'a demandé, il dit : Claude, il dit, si tu n'as rien à faire, il dit, tu viendrais-tu travailler? Ça fait que j'ai dit : Là, tu vas me faire engager pareil au taux... un salaire de crève-faim. Voyons[14]!

Ensuite, les réponses suivantes sur le même sujet :

Q.         Puis le cent cordes qui a été coupé, fendu qui a été monté près du chemin, là...

R.          Oui.

Q.         ... à votre connaissance, est-ce que ça a été vendu ça?

R.          Je ne le sais pas « pantoute » , mon cher monsieur.

Q.         Mais quand vous terminez en mai 2001, là, est-ce que ce paquet de bois-là est encore là?

R.          Non, j'ai passé un moment donné quand la terre a été vendue, ça a l'air.

Q.         Ça a été vendu quand, ça, au monsieur de SOS?

R.          Je ne sais pas. C'est dans l'été. Mais je sais, ça s'est fait dans l'hiver[15].

iv)       Le témoignage de l'appelant relativement aux conversations téléphoniques qu'il avait eues chaque soir avec monsieur Lavoie mérite aussi d'être cité, car il est en soi un chef-d'oeuvre de confusion, de contradictions et d'invraisemblances :

R.          [...] Lui, il m'appelait à tous les soirs, Serge Lavoie, pas de Jean-Claude, voir ce que j'avais fait puis comment c'était ci, puis c'était ça[16].

[...]

Q.         Mais, vous, là, vous avez fait référence tout à l'heure à un contact constant avec monsieur... vous parliez d'un téléphone, là, téléphone avec l'employeur. Mais qui vous parlais à ce moment-là?

R.          Le soir, c'était... Il fallait que j'appelle à tous les soirs Serge Lavoie, le comptable, 1-800, là[17].

[...]

Q.         Puis, à ce moment-là, quand vous lui téléphoniez le soir, vous lui disiez quoi? Quand vous n'aviez pas à marcher un lot, là, vous lui disiez quoi à ce moment-là?

R.          Bien, là, il disait : Claude, qu'est-ce que tu as fait aujourd'hui? Lui, quand il parle. Oui. Ça fait que j'ai dit : Ce que j'ai fait aujourd'hui, c'est facile à comprendre, il a fait beau, j'ai été dans le bois, t'sais, j'ai été faire du bois. Ah! oui. En as-tu sorti un peu? Le lac est-tu gelé? Tu penses-tu que? Là, je disais : Bien, là, j'ai un autre lot, là, il faudrait que tu irais voir, informe-toi, commence à t'informer voir si tu peux avoir quelqu'un pour aller voir ça avec toi, là. Ça fait que je disais oui. Le lendemain soir, c'était toujours la même chose[18].

[...]

R.          Oui. Je l'appelais puis il me disait : Qu'est-ce que tu as fait? Bien, je disais : il y a une tempête de neige. Ah oui! oui, oui, oui, c'est vrai. T'sais. Oui[19].

Qui donc de monsieur Lavoie ou de l'appelant faisait tous les soirs ces appels téléphoniques? Je trouve étonnant que les parties se soient entretenues non pas fréquemment, ou encore à l'occasion, mais bien tous les soirs. J'ai beaucoup de difficulté à imaginer le but de ces conversations téléphoniques, surtout les jours où, de toute évidence, l'appelant ne pouvait pas travailler à cause d'une température non clémente. Enfin, il convient de souligner que la déclaration statutaire de monsieur Lavoie ne faisait nullement mention de ces conversations téléphoniques journalières.

v)        Autre fait troublant : l'appelant a témoigné qu'il avait accepté une rémunération hebdomadaire d'environ 300 $ (net)[20], bien qu'il avait convenu, lors de son embauche, d'un salaire hebdomadaire (net) de 450 $. D'abord, lors d'une conversation téléphonique avec les autorités le 8 janvier 2004, monsieur Lavoie a nié avoir conclu une telle entente lors de l'embauche de l'appelant[21]. La déclaration de monsieur Verret du 7 janvier 2004 était semblable[22]. Deuxièmement, l'appelant n'a pas expliqué pourquoi chacun de ses chèques de paye était de 191,37 $ (au lieu de 304,92 $) pour les quatre premières semaines de travail, de 449,16 $ pour la cinquième semaine de travail, et de 304,92 $ pour les quinze dernières semaines de travail. De plus, l'appelant a déposé en preuve (pièce A-3) tous les chèques qu'il avait reçus du payeur, à l'exception, assez curieusement d'ailleurs, de ceux qui auraient été faits par le payeur pour la sixième, la septième et la huitième semaine de travail. Il convient de souligner que l'appelant n'a fourni aucune explication à l'égard de ces chèques manquants. La question demeure entière : est-ce que l'appelant a été payé pour ces trois semaines de travail?

vi)       L'appelant a-t-il commencé à travailler sur la terre boisée le 27 novembre 2000 tel qu'indiqué par le payeur dans le relevé d'emploi de l'appelant? Il est permis d'en douter, car la preuve a révélé que le payeur avait acquis la terre boisée et en avait pris possession le 20 décembre 2000. De plus, les quatre premiers chèques de paye, pour les semaines du 26 novembre 2000 au 23 décembre 2000, ont été encaissés par l'appelant le 20 décembre 2000, soit la date d'acquisition et de prise de possession par le payeur de cette terre boisée. Il s'agit d'une coïncidence qui ne fait qu'ajouter à mes doutes quant à la prestation réelle de services par l'appelant. À cet égard, j'aurais aimé entendre le témoignage, du syndic et de messieurs Verret et Lavoie.

[9]      L'appelant avait le fardeau de me démontrer, selon la balance des probabilités, qu'il y avait eu une prestation réelle de services pendant la période en cause. Compte tenu du peu de valeur probante que j'accorde au témoignage de l'appelant, ce n'est certes pas en faisant des affirmations générales, non vérifiables, ambiguës et contradictoires que ce dernier pouvait s'acquitter de l'obligation qui lui incombait. La preuve de l'appelant à cet égard reposait pour l'essentiel sur son témoignage. Son témoignage à l'égard de sa prestation de travail pourrait se résumer ainsi :

i)         il aurait installé une clôture sur la terre du payeur pendant 4 à 5 jours;

ii)        il aurait débité environ 100 cordes de bûches de 16 pouces qu'il aurait sorties du bois et placées le long du chemin;

iii)       il aurait fait de 200 à 300 cordes de bois de 4 pieds qu'il aurait laissées dans la forêt;

iv)       il aurait parcouru la terre boisée du payeur à quatre reprises avec un certain Stéphane qui aurait acheté la terre boisée en août 2001;

iv)       le payeur lui aurait demandé d'identifier et d'évaluer des terres boisées dans le but de les acheter. L'appelant aurait ainsi arpenté plusieurs terres boisées.

[10]     Une grande partie du témoignage de l'appelant a porté sur les terres qu'il a arpentées de cette façon. Encore une fois, l'appelant s'est contenté de faire des affirmations générales, non vérifiables, ambiguës et évasives. Il ressort donc de ce témoignage qu'il est impossible de déterminer le nombre exact de terres boisées qu'il a arpentées et le temps consacré à cette activité. L'appelant n'a même pas été capable de nommer les propriétaires de ces terres boisées. Il aurait pu appuyer ses assertions sur le témoignage des propriétaires de ces terres boisées. Rien de tout ça n'a été fait. J'en infère que cette preuve aurait été défavorable à l'appelant.

[11]     Le témoignage de l'appelant à l'égard des autres services rendus au payeur pendant la période visée était tout aussi évasif, non vérifiable et nullement appuyé par une preuve objective ou par un témoignage indépendant et crédible. À titre d'exemple, l'appelant a affirmé lors de son témoignage qu'il avait débité environ 100 cordes de bûches de 16 pouces, qu'il avait placé ce bois le long de la route 138 et qu'il avait fait de 200 à 300 cordes de bois de 4 pieds qu'il avait laissées dans la forêt. Pourtant, il avait affirmé lors d'une rencontre le 6 janvier 2004 qu'il avait fait 600 cordes de bois. Pour ajouter à la confusion, monsieur Verret avait affirmé lors d'une conversation téléphonique le 7 janvier 2000 que l'appelant avait fait 400 cordes de bois. Il en est ainsi de chacun des aspects de la prestation de services de l'appelant.

[12]     Je conclus que cet emploi n'était qu'un trompe-l'oeil et que l'appelant et le payeur avaient conclu un arrangement afin de permettre à l'appelant de recevoir des prestations d'assurance-emploi. Je suis d'avis que le contrat qui liait l'appelant et le payeur ne constituait pas un véritable contrat de travail. En effet, l'appelant devait démontrer que le contrat de travail qui le liait au payeur remplissait toutes les conditions indiquées au Code civil du Québec. Il devait donc démontrer notamment qu'il y avait eu une prestation réelle de services, un des éléments essentiels à l'existence de son contrat de travail. L'appelant ne s'est tout simplement pas acquitté de l'obligation qui lui incombait de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu'il y avait eu une prestation réelle de services. Compte tenu de ce qui précède, je ne vois pas l'utilité de me pencher sur les autres conditions énoncées au Code civil du Québec.

[13]     Pour ces motifs, l'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour d'avril 2005.

« Paul Bédard »

Juge Bédard


RÉFÉRENCE :

2005CCI52

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2004-1182(EI)

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Claude Meunier et M.R.N.

LIEU DE L'AUDIENCE :

Québec (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 9 décembre 2004

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

L'honorable juge Paul Bédard

DATE DU JUGEMENT :

Le 18 avril 2005

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :

Me Jérôme Carrier

Pour l'intimé :

Me Marie-Claude Landry

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER:

Pour l'appelant :

Nom :

Me Jérôme Carrier

Étude :

Rochon, Belzile, Carrier, Auger

Québec (Québec)

Pour l'intimé :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada



[1] Sous réserve de faits supplémentaires.

[2] Pages 8 et 9 des notes sténographiques.

[3] Page 9 des notes sténographiques.

[4] Page 12 des notes sténographiques.

[5] Page 13 des notes sténographiques.

[6] Voir la pièce I-3.

[7] Pages 10 et 11 des notes sténographiques.

[8] Ibid, aux pages 67 et 68.

[9] Voir la pièce I-1 à la page 3.

[10] Voir la pièce I-1 aux pages 4 et 5.

[11] Voir la question 7 de la déclaration statutaire de monsieur Lavoie.

[12] Voir la question 11 de la déclaration statutaire de monsieur Verret.

[13] Page 84 des notes sténographiques.

[14] Ibid, aux pages 45 et 46.

[15] Ibid, aux pages 29 et 30.

[16] Ibid, aux pages 9 et 10.

[17] Ibid, à la page 49.

[18] Ibid, à la page 50.

[19] Ibid, aux pages 56 et 57.

[20] Ibid, à la page 63.

[21] Voir la pièce I-2, paragraphe 69, à la page 6.

[22] Voir la pièce I-2, paragraphe 47, à la page 5.

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