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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Dossier: 2000-2643(IT)G

ENTRE :

PAMELA ALLCHIN,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Appels entendus le 30 avril 2003 à Windsor (Ontario)

Devant l'honorable juge L. M. Little

Comparutions :

Avocat de l'appelante :

Me John Mill

Avocat de l'intimée :

Me Roger Leclaire

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JUGEMENT

          Les appels à l'encontre des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1993, 1994 et 1995 sont accueillis, et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation conformément aux motifs du jugement ci-joints.

          Je ne rends aucune ordonnance quant aux dépens.


Signé à Vancouver (Colombie-Britannique), ce 14e jour de juillet 2003.

« L. M. Little »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 6e jour d'avril 2005.

Mario Lagacé, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Référence: 2003CCI476

Date: 20030714

Dossier: 2000-2643(IT)G

ENTRE :

PAMELA ALLCHIN,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Little

A.       FAITS

[1]      L'appelante est citoyenne canadienne.

[2]      L'appelante était une infirmière autorisée employée par l'hôpital Metropolitan General situé à Windsor (Ontario). En raison de problèmes liés à son emploi à l'hôpital de Windsor, l'appelante a donné sa démission le 28 avril 1991 et a décidé de chercher un emploi aux États-Unis.

[3]      L'appelante s'est inscrite à une école dans l'État du Michigan afin de poursuivre sa formation.

[4]      En septembre 1992, l'appelante a obtenu un poste auprès de la société Repak Surgical Enterprises Inc., dans le cadre duquel elle vendait des fournitures pour hôpitaux dans divers endroits aux États-Unis. En janvier 1996, l'appelante a été engagée par Johnson & Johnson.

[5]      L'appelante soutient qu'elle ne réside plus au Canada depuis 1992. Elle soutient de plus qu'elle ne doit pas payer de l'impôt en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu du Canada pour les années d'imposition 1993, 1994 et 1995.

[6]      Le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a déterminé que l'appelante n'avait pas rompu tous ses liens avec le Canada et que, par conséquent, elle doit déclarer ses revenus de toutes provenances conformément à la Loi de l'impôt sur le revenu du Canada pour les années d'imposition 1993, 1994 et 1995.

B.       QUESTION :

[7]      L'appelante était-elle une résidente canadienne aux fins de l'impôt pour les années d'imposition 1993, 1994 et 1995?

C.       ANALYSE :

[8]      Au cours des plaidoiries, les avocats ont déclaré que la détermination de la résidence aux fins de l'impôt procède de l'interprétation des faits pertinents, et je suis d'accord avec eux.

[9]      Afin de déterminer si l'appelante était une résidente canadienne au cours des années d'imposition 1993, 1994 et 1995, j'examinerai les liens que l'appelante avait avec le Canada et les États-Unis.

Liens avec le Canada au cours des années d'imposition 1993, 1994 et 1995

a)        L'appelante est née au Canada et est citoyenne canadienne.

b)       L'appelante est mariée à Dennis Allchin, un citoyen canadien résidant à Windsor (Ontario) et faisant affaire dans cette région (l'appelante a témoigné que son époux a également des intérêts commerciaux dans l'État du Michigan).

c)        Au cours des années en question, l'appelante a continué d'apporter un soutien parental et financier à ses deux enfants qui demeuraient dans la résidence familiale située au 621 Tecumseh Road East, dans la ville de Windsor (remarque : au cours de la période de 1993 à 1995, le fils de l'appelante, Jason, demeurait dans la résidence familiale et sa fille, Jackie, a demeuré dans la résidence familiale pendant une partie de cette période).

d)       L'appelante bénéficiait encore de la couverture du régime d'assurance-maladie de l'Ontario (RAMO). L'appelante a annulé cette couverture en novembre 1996.

e)        L'appelante a conservé son permis de conduire de l'Ontario jusqu'en mai 1995.

f)        Au cours des années d'imposition 1993, 1994 et 1995, l'appelante a continué de consulter son médecin de famille et son dentiste, qui sont tous deux situés à Windsor.

g)        L'appelante et son époux, M. Allchin, étaient des membres actifs du Yacht Club de Windsor. Le Yatch Club de Windsor offre la possibilité d'être membre « étranger » , mais l'appelante était inscrite à titre de membre actif au tableau annuel des membres du Club au cours des années 1995, 1996 et 1997 (pièce R-1).

h)        Lorsque l'époux de l'appelante a acheté une maison à Windsor en mars 1995, il a signé un affidavit dans lequel il déclarait que son épouse était résidente canadienne. De plus, la maison achetée en 1995 était enregistrée au nom de M. et Mme Allchin (voir la pièce R-4).

i)         Pendant que l'appelante travaillait aux États-Unis, elle a envoyé d'importantes sommes d'argent à son mari au Canada. Les fonds ont été déposés dans le compte de banque de son époux au Canada.

j)         L'appelante a rendu visite à son époux et à ses enfants au Canada de façon régulière au cours des années en question.

Liens avec les États-Unis au cours des années d'imposition 1993, 1994 et 1995

a)        Au cours des années en question, l'appelante a travaillé aux États-Unis.

b)       Dans le cadre de son emploi, l'appelante devait se rendre périodiquement à différents endroits aux États-Unis.

c)        L'appelante a témoigné qu'elle avait une « résidence » aux États-Unis pendant toute la période pertinente. Toutefois, pendant un certain temps, la « résidence » aux États-Unis était une chambre située dans la maison d'une cousine, pour laquelle l'appelante n'avait pas de bail. De plus, il n'y a aucune preuve que l'appelante payait un loyer pour cette chambre. Pendant une certaine période, l'appelante a demeuré dans une pièce située dans l'unité condominiale d'une amie à St. Claire Shores, Michigan. L'appelante a affirmé qu'elle ne payait pas de loyer à ses amis (les Wilson) pour la chambre, mais elle soutient qu'elle a payé une partie de l'épicerie pendant qu'elle demeurait dans l'unité condominiale des Wilson.

d)       L'appelante a affirmé qu'elle a demeuré sur son bateau pendant une certaine période. En ce qui a trait À cette allégation, je souligne que l'onglet 3 de la pièce A-1 contient une copie d'un bail daté du 20 janvier 1996 que l'appelante et le Shore Club Marina avaient conclu. Dans ce bail, il est indiqué que la résidence de l'appelante était le 621, Tecumseh E., Windsor (Ontario) (remarque : il s'agit de l'adresse de la maison familiale située à Windsor) (voir la page 132 de la pièce A-1.).

e)        Dans divers documents déposés en pREUVE, l'appelante a indiqué des numéros de boîtes postales situées aux États-Unis. Par exemple, l'adresse suivante figure sur les déclarations de renouvellement d'assurance sur le bateau : « Pamela P. Allchin, P.O. Box 0408, Allen Park, Michigan » (remarque : le renouvellement d'assurance couvrait la période du 9 juin 1995 au 9 juin 1996) (Voir la page 121 de la pièce A-1.). Dans une autre déclaration de renouvellement d'assurance pour la période du 9 juin 1995 au 9 juin 1996, l'adresse de l'appelante est : P.O. Box 43738, Detroit, Michigan (voir la page 122 de la pièce A-1).

f)        L'appelante détenait une carte verte délivrée par les autorités américaines, qui lui permettait de travailler aux États-Unis.

g)        L'appelante a retenu les services d'un avocat en immigration canadien afin de l'aider, elle et les membres de sa famille, à déménager aux États-Unis. D'importants retards sont survenus dans le déménagement des membres de sa famille aux États-Unis. En 1997, l'appelante a abandonné ses plans de déménagement aux États-Unis avec sa famille, et elle est revenue au Canada sur une base permanente.

h)        L'appelante avait des cartes de crédit American Express et Master Card. Les factures de cartes de crédit étaient envoyées à l'appelante à une adresse aux États-Unis;

i)         L'appelante avait des comptes de banque aux États-Unis et elle payait diverses factures au moyen de chèques tirés sur ces comptes de banque. Toutefois, comme il a été mentionné précédemment, l'appelante faisait parvenir à son époux au Canada d'importantes sommes d'argent, qui étaient retirées de ces comptes de banque et que l'époux déposait dans son compte de banque au Canada (remarque : l'adresse de l'appelante qui figure sur plusieurs des chèques figurant à l'onglet 5 de la pièce A-1 est : P.O. Box 0408, Allen Park, Michigan.)

j)         L'onglet 3 de la pièce A-1 contient une copie d'une note de couverture d'assurance sur le bateau appartenant à l'appelante (voir la page 119 de la pièce A-1). La note de couverture était en vigueur pour la période du 9 juin 1994 au 9 juin 1995. L'adresse de l'appelante qui figurait sur la note de couverture était le 1406 Shore Club Drive, St. Claire Shores, Michigan (remarque : il s'agit de l'adresse de l'unité condominiale appartenant aux amis de l'appelante, M. et Mme Wilson). La note de couverture indique également que l'adresse postale de l'appelante est le 621, Tecumseh Road East, Windsor (Ontario).

[10]     L'arrêt de principe au Canada en matière de résidence est Thomson v. M.N.R. (1941-46), 2 DTC 812. Dans cette décision, Monsieur le juge Rand de la Cour suprême du Canada affirmait ce qui suit à la page 815 :

[traduction]

L'établissement de degrés concernant le temps, l'objet, l'intention, la continuité et d'autres circonstances pertinentes montre, je pense, qu'en langage ordinaire le mot « résider » ne correspond pas à des éléments invariables devant tous être présents dans chaque cas. Il est tout à fait impossible d'en donner une définition précise et exhaustive. C'est un mot très souple dont les nombreuses nuances de sens varient non seulement selon le contexte de diverses causes, mais aussi selon différents aspects de la même cause.

[11]     Le juge Rand, faisant référence à la résidence de M. Thomson située à East Riverside (Nouveau-Brunswick), affirmait ce qui suit à la page 817 :

[traduction]

Il est à East Riverside comme dans sa « maison » , et le seul fait que la période de temps soit limitée ne change rien à ce fait.

[12]     Dans sa plaidoirie, l'avocat de l'intimée, en faisant référence à la tentative de l'appelante de cesser d'être une résidente du Canada, affirmait ce qui suit :

[traduction]

L'intention a toujours existé, mais les mesures appropriées et suffisantes n'ont pas été prises afin de rompre totalement les liens avec le Canada.

[13]     J'ai examiné attentivement tous les faits pertinents et je conclus que les liens de l'appelante avec les États-Unis ne présentent pas une permanence suffisante pour m'amener à conclure qu'elle a rompu tous les liens de résidence avec le Canada au cours des années d'imposition 1993, 1994 et 1995. Si nous paraphrasions l'extrait précité du juge Rand dans l'arrêt Thomson, nous pourrions dire que « quand l'appelante était dans la maison familiale à Windsor, elle y était 'comme dans sa maison' » . Pour arriver à cette conclusion, j'ai tenu compte principalement des liens de l'appelante avec le Canada comme son permis de conduire de l'Ontario, sa couverture du RAMO, son statut de membre au Yacht Club de Windsor, l'emplacement de la maison familiale où son conjoint et ses deux enfants habitaient au cours des années en question, et le fait que son époux a attesté dans un affidavit, lorsqu'il a acheté la maison familiale en 1995, que son épouse était une résidente canadienne. Je conclus que les liens de l'appelante avec les États-Unis étaient de nature très temporaire. Les numéros de boîtes postales et le fait de partager un logement avec un membre de la famille ou un ami, sans bail ni aucune preuve du paiement d'un loyer, sont des éléments trop temporaires pour permettre de conclure qu'elle résidait aux États-Unis. Je suis d'accord avec les commentaires émis par l'avocat de l'intimée que, bien que l'appelante avait l'intention de rompre ses liens avec le Canada, elle n'a pas rompu ces liens suffisamment et de manière appropriée.

[14]     Avant de conclure, j'aimerais ajouter que, puisque j'ai conclu que l'appelante n'était pas une résidente des États-Unis au cours des années d'imposition 1993, 1994 et 1995, les dispositions de la convention fiscale Canada-États-Unis relatives à la rupture des liens ne s'appliquent pas en l'espèce.

[15]     Le ministre a imposé des pénalités en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu, car l'appelante n'a pas déclaré ses revenus de toutes provenances dans ses déclarations de revenu pour les années en question. Selon la preuve devant moi, j'ai conclu que l'appelante croyait qu'elle n'était pas une résidente du Canada et que, par conséquent, la méthode qu'elle a employée pour déposer ses déclarations de revenu ne constitue pas une faute lourde.

[16]     À mon avis, il n'y a pas de fondement pour l'imposition d'une pénalité en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi. Par conséquent, la pénalité devrait être annulée.

[17]     Pour les motifs qui précèdent, j'accueille les appels et défère la cotisation au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte du fait que l'appelante était une résidente du Canada au cours des années d'imposition 1993, 1994 et 1995, et que les pénalités doivent être annulées. Je n'adjuge aucuns dépens.

Signé à Vancouver (Colombie-Britannique), ce 14e jour de juillet 2003.

« L. M. Little »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 6e jour d'avril 2005.

Mario Lagacé, réviseur

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