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Dossier : 2005‑4279(EI)

ENTRE :

DENISE F. DRYDEN,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

intimé,

et

 

TERESA STREGGER,

intervenante.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 5 avril 2006 à Regina (Saskatchewan)

 

Devant : L’honorable juge D. W. Beaubier

 

Comparutions :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

 

Avocate de l’intimé :

 

Pour l’intervenante :

Me Sharlene Telles‑Langdon

 

Personne n’a comparu

 

____________________________________________________________________

 


JUGEMENT

 

L’appel est rejeté, et la décision du ministre du Revenu national est confirmée conformément aux motifs du jugement ci-joints.

 

       Signé à Ottawa, Canada, ce 12e jour d’avril 2006.

 

 

 

« D. W. Beaubier »

Juge Beaubier

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 21e jour de février 2007.

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste


 

 

 

Référence : 2006CCI233

Date : 20060412

Dossier : 2005-4279(EI)

ENTRE :

DENISE F. DRYDEN,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

intimé,

et

 

TERESA STREGGER,

intervenante.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Beaubier

 

[1]     Le présent appel a été entendu à Regina (Saskatchewan), le 5 avril 2006. L’appelante a été le seul témoin.

 

[2]     Les paragraphes 1 à 8 de la réponse à l’avis d’appel contiennent des précisions au sujet de l’appel. Ils sont ainsi rédigés :

 

[traduction]

 

1.         En réponse aux allégations de fait dans l’avis d’appel, le ministre du Revenu national (le « ministre ») :

 

a)         admet que le loyer payé à l’appelante concernait les coûts indirects,

 

b)         admet que les coiffeuses stylistes établissaient leur propre horaire de travail et leurs propres tarifs et recrutaient certains de leurs clients,

 

c)         nie les allégations de fait selon lesquelles les coiffeuses stylistes devaient prendre à leur charge leurs propres frais de publicité et leurs propres frais d'exploitation directs,

 

d)         déclare que le reste de l’avis d’appel consiste en des motifs ou en des arguments à l’appui de l’appel et qu’il ne contient pas d’allégations de fait à admettre ou à nier, mais que, s’il y en a, elles sont niées.

 

2.         Selon des avis d’évaluation datés du 25 février 2005, l’appelante devait payer, entre autres, un montant de 3 008,03 $ à titre de cotisations d'assurance‑emploi pour l’année 2004 relativement à Roberta Winter (ci-après «Mme Winter »), Sharon Dayman (ci-après «Mme Dayman »), Angel Erickson (ci‑après «Mme Erickson »), Kara Hirsch (ci-après «Mme Hirsch »), Cherylee Monteyne (ci-après «Mme Monteyne »), Teresa Stregger (ci-après «Mme Stregger ») et Faye Veroba (ci-après «Mme Veroba »).

 

3.         L’appelante a interjeté appel des évaluations pour l’année 2004 en demandant au ministre de procéder à un nouvel examen de ces dernières dans une lettre qu’il a reçue le 11 mars 2005.

 

4.         En réponse à l’appel de l’appelante, le ministre a décidé de confirmer les évaluations pour l’année 2004 au motif que Mmes Winter, Dayman, Erickson, Hirsch, Monteyne, Stregger et Veroba (collectivement ci-après « les travailleuses ») :

 

a)         exerçaient un emploi auprès d’un salon de coiffure, où elles fournissaient des services qu’offre normalement un tel établissement,

 

b)         n’étaient pas les propriétaires ni les exploitantes de l’établissement,

 

c)         exerçaient par conséquent un emploi assurable en vertu de l’alinéa 6d) du Règlement sur l’assurance‑emploi (le « Règlement »).

 

5.         Le ministre a appuyé sa décision relative aux travailleuses sur les hypothèses de fait suivantes :

 

a)         l’appelante avait un salon de coiffure et fournissait une gamme complète de services de coiffure;

 

b)         l’appelante exploitait un salon de beauté sous la raison sociale « Styles on 12th »;

 

c)         l’appelante exploitait une entreprise individuelle;

 

d)         les travailleuses accomplissaient des fonctions de coiffeuse styliste, dont des coupes, des permanentes, de la coloration et des mèches;

 

e)         les travailleuses accomplissaient leurs fonctions dans les locaux de l’appelante;

 

f)          les travailleuses faisaient payer leurs propres clients et étaient payées directement par ceux-ci;

 

g)         les travailleuses n’avaient pas d’horaire de travail fixe;

 

h)         les travailleuses choisissaient leurs heures et leurs jours de travail;

 

i)          les travailleuses consacraient les heures nécessaires à l’accomplissement du travail;

 

j)          l’appelante n’avait pas le droit de contrôler les activités des travailleuses;

 

k)         l’appelante ne supervisait pas les travailleuses;

 

l)          l’appelante avait un carnet de rendez-vous que partageaient toutes les travailleuses;

 

m)        toutes les travailleuses se partageaient les tâches de répondre au téléphone et de s’occuper des clients qui se présentaient sans rendez-vous;

 

n)         les travailleuses avaient leurs propres clés du salon et pouvaient entrer et sortir à leur guise;

 

o)         l’appelante fournissait les locaux de travail (le salon), qui comprenaient des fauteuils, un téléphone, une caisse enregistreuse, des lavabos et de grands séchoirs;

 

p)         chacune des travailleuses louait un fauteuil de l’appelante moyennant 30 $ par jour;

 

q)         les travailleuses fournissaient leurs propres outils à main, dont des ciseaux, des séchoirs, des fers à friser, des rouleaux, des bigoudis à permanente, des tondeuses, des brosses, des peignes et des capes;

 

r)          l’appelante fournissait des produits pour les lavabos, dont des shampooings, des revitalisants et des serviettes;

 

s)         l’appelante s’occupait de la publicité;

 

t)          les travailleuses avaient la possibilité de réaliser des profits et couraient le risque de subir des pertes;

 

u)         les travailleuses n’exerçaient pas un emploi aux termes d’un contrat de louage de services avec l’appelante;

 

v)         l’appelante était titulaire du permis d'exploitation du salon de coiffure;

 

w)        les travailleuses fournissaient des services qu’offre normalement un salon de coiffure;

 

x)         les travailleuses n’étaient pas les propriétaires de l’établissement;

 

y)         la rémunération assurable des travailleuses pour l’année 2004 est indiquée ci-dessous :

 

            Mme Dayman          8 100 $

            Mme Erickson         6 800 $

            Mme Hirsch           13 600 $

            Mme Monteyne       3 300 $

            Mme Stregger          3 300 $

            Mme Veroba         18 900 $

            Mme Winter            9 300 $

 

B.        POINT EN LITIGE

 

6.         Le point en litige est de savoir si les travailleuses exerçaient un emploi assurable en vertu de l’alinéa 6d) du Règlement pendant l’année 2004.

 

C.        DISPOSITIONS LÉGISLATIVES, MOYENS INVOQUÉS ET CONCLUSIONS RECHERCHÉES

 

7.         L’intimé se fonde sur le paragraphe 2(1) et l’alinéa 5(1)d) de la Loi sur l’assurance‑emploi (la « Loi »), et l’alinéa 6d) du Règlement.

 

8.         L’intimé soutient que les travailleuses exerçaient un emploi auprès d’un salon de coiffure où elles fournissaient des services qu’offre normalement un tel établissement, qu’elles n’étaient pas les propriétaires ni les exploitantes de l’établissement en question et, par conséquent, qu’elles exerçaient un emploi assurable aux termes de l’alinéa 6d) du Règlement.

 

[3]     Les hypothèses formulées au paragraphe 5 de la réponse à l’avis d’appel exigent des explications détaillées. Les conclusions auxquelles arrive la Cour concernant les hypothèses énoncées dans les différents alinéas sont les suivantes :

 

a)       Denise Dryden (« Mme Dryden ») avait son propre petit salon de coiffure. Elle a pris à bail de son mari les locaux où elle exploitait son salon. Elle était la propriétaire d’équipement et de fauteuils de coiffure (chaque unité appelée un fauteuil) qui se trouvaient dans le bâtiment. Elle a à son tour loué les fauteuils de coiffure à l’intervenante et à d’autres coiffeuses stylistes moyennant 30 $ par jour. Les locaux étaient situés à Estevan, une petite ville rurale dans le Sud-Est de la Saskatchewan.

 

b)      Mme Dryden a déposé le nom commercial « Styles on 12th », qu’elle a utilisé à titre de raison sociale.

 

c)       Mme Dryden louait les fauteuils en tant que propriétaire. Elle exploitait son propre salon de coiffure en tant que femme d'affaires. Chacune des coiffeuses stylistes, que l’intimé appelle des « travailleuses », exploitait sa propre entreprise.

 

d)      Les coiffeuses stylistes fixaient leurs rendez-vous de chez elles pour le jour où elles louaient un fauteuil dans les locaux de Mme Dryden. Elles accomplissaient des « fonctions de coiffeuse styliste ». Elles assumaient aussi d’autres emplois ou, entre autres, leurs propres tâches domestiques. Le coiffage fait dans les locaux de Mme Dryden ne constituait qu’une petite partie du travail qu’elles accomplissaient pendant la semaine. Aucune d’entre elles ne semble avoir consacré assez d’heures de travail au coiffage dans les locaux de Mme Dryden pour pouvoir gagner ainsi sa vie ou avoir droit aux prestations d’assurance‑emploi.

 

e)       Les coiffeuses stylistes coiffaient des clients à d’autres endroits, pas seulement dans les locaux de Mme Dryden. Chacune d’entre elles commandait ses propres produits de divers fournisseurs et vendait des produits de beauté au détail à ses propres clients. Chacune exploitait sa propre entreprise.

 

f), g), h), i), j) et k) Ces hypothèses sont vraies. Comme Mme Dryden l’a précisé, elle n’avait jamais eu une connaissance suffisante du revenu de chaque coiffeuse styliste pour être en mesure d’estimer la quote-part de cotisations d'assurance‑emploi incombant au prétendu employeur et elle ne connaissait pas non plus les tarifs des coiffeuses stylistes sur lesquels les cotisations d’assurance‑emploi auraient pu être retenues.

 

l)        Cette hypothèse est fausse. Les coiffeuses stylistes fixaient un grand nombre ou la plupart de leurs rendez-vous de chez elles pour les jours où elles louaient un fauteuil dans les locaux de Mme Dryden ou pour les autres jours où elles travaillaient dans d’autres locaux.

 

m)      Cette hypothèse n’a pas été infirmée et est donc vraie pour les travailleuses qui étaient dans les locaux de Mme Dryden un jour donné.

 

n)       Cette hypothèse n’est pas infirmée quant aux clés, mais les travailleuses louaient un fauteuil pour un jour normal, et elles n’avaient droit d’utiliser le fauteuil ou les locaux que ce jour-là. La locatrice ou la locataire du fauteuil pouvait résilier le contrat de location le jour même.

 

o)      La preuve révèle que le « fauteuil » de chaque coiffeuse styliste comprenait le fauteuil, le lavabo et le grand séchoir. Le téléphone pouvait être utilisé avec la permission de Mme Dryden. Les coiffeuses stylistes n’utilisaient pas la caisse enregistreuse dans le cadre de leur travail.

 

p)      Cette hypothèse est vraie.

 

q)      Cette hypothèse est vraie.

 

r)       Cette hypothèse est fausse. Chaque coiffeuse styliste fournissait ses propres produits.

 

s)       Cette hypothèse est fausse. Il est possible que l’appelante ait fait ou n’ait pas fait de la publicité pour sa propre entreprise. Chaque coiffeuse styliste s’occupait de sa propre publicité – au moins une d’entre elles le faisait en tant qu’associée d’une autre femme qui n’avait rien à voir avec Mme Dryden ou ses locaux.

 

t)       Cette hypothèse est vraie.

 

u)       Le seul contrat établi entre Mme Dryden et chaque coiffeuse styliste était un contrat journalier prévoyant la location d’un fauteuil moyennant 30 $ par jour.

 

v)       Cette hypothèse est vraie. Il n'existe aucun élément de preuve qui permette de savoir si chaque coiffeuse styliste avait aussi un permis d'exploitation d'un commerce. Cependant, certaines d’entre elles faisaient affaire sous différentes raisons sociales.

 

w)      Cette hypothèse est vraie, mais chaque coiffeuse styliste fournissaient aussi, ou était libre de fournir, ces mêmes services ailleurs.

 

x)       Il sera question de cette hypothèse plus loin lorsque j’examinerai le sens de l’expression « établissement ».

 

y)       Mme Dryden croit l’allégation de l’intimé selon laquelle ces montants correspondent aux revenus que les travailleuses ont gagnés en se servant des fauteuils qu’elle leur louait, mais elle n’avait aucun moyen de vérifier si c’est le cas ni le droit de le faire.

 

[4]     La question en litige entre les parties est fondée sur l’article 5 de la Loi sur l’assurance‑emploi (la « Loi ») et l’article 6 du Règlement sur l’assurance‑emploi (le « Règlement »). Les dispositions pertinentes de l’article 5 de Loi sont ainsi rédigées :

 

5 (1) Sous réserve du paragraphe (2), est un emploi assurable :

 

[…]

 

d) un emploi prévu par règlement pris en vertu des paragraphes (4) et (5);

 

[…]

 

(4) La Commission peut, avec l’agrément du gouverneur en conseil, prendre des règlements en vue d’inclure dans les emplois assurables :

 

[…]

 

c)     l’emploi qui n’est pas un emploi aux termes d’un contrat de louage de services, s’il paraît évident à la Commission que les modalités des services rendus et la nature du travail exécuté par les personnes exerçant cet emploi sont analogues aux modalités des services rendus et à la nature du travail exécuté par les personnes exerçant un emploi aux termes d’un contrat de louage de services;

 

[…]

 

Le texte des dispositions pertinentes de l’article 6 du Règlement suit :

 

6. Sont inclus dans les emplois assurables, s’ils ne sont pas des emplois exclus conformément aux dispositions du présent règlement, les emplois suivants :

 

[…]

 

d) l’emploi exercé par une personne auprès d’un salon de barbier ou de coiffure, si :

 

(i) d’une part, elle fournit des services qu’offre normalement un tel établissement,

 

(ii) d’autre part, elle n’est pas le propriétaire ni l’exploitant de cet établissement;

 

[…]

 

[5]     Le Oxford English Dictionary définit l’expression establishment ( établissement ) ainsi :

 

establishment

 

[traduction]

 

      I.    L’action ou le moyen d’établir.

      1.   L’action d’établir; le fait d’être établi : selon différents sens du verbe.

 

      […]

 

      3.   a.         Condition établie ou stable; fixation, permanence; aussi, état d’esprit stable, calme, confiance. […]

 

            b.  Manière dont une chose est établie; organisation, fondement. […]

 

      4.   Un moyen d’établir; quelque chose qui renforce, appuie ou corrobore. […]

 

[6]     Les équivalents français et anglais des citations de la Loi, du Règlement et du dictionnaire sont semblables.

 

[7]     L’avocate de l’intimé a invoqué l’arrêt Nelson v. Canada, 2001 C.A.F. 131 en tant que précédent justifiant le rejet du présent appel. La Cour a examiné attentivement divers précédents et l’arrêt susmentionné. Elle conclut qu’elle ne partage pas l’avis de la Cour d’appel fédérale qu’il suffit de se fonder sur le Règlement sans faire appel à la loi d’habilitation pour trancher une question. Cependant, la Cour juge que l’alinéa 6d) du Règlement respecte les limites des pouvoirs conférés à la Commission par l’alinéa 5(4)c) de la Loi.

 

[8]     Les coiffeuses stylistes sont visées par les dispositions de la Loi et du Règlement. Par conséquent, même si elles ont accumulé si peu d’heures de travail qu’elles n’ont pas droit à des prestations d’assurance‑emploi, l’appelante et les coiffeuses stylistes sont tenues de payer les cotisations prévues par la Loi.

 

[9]     Donc, compte tenu de la preuve déposée devant la Cour, les travailleuses ne sont pas des « assurés », mais elles sont tenues de financer les prestations d’« assurance » de quelqu’un d’autre.

 

[10]    Pour ces motifs, l’appel est rejeté.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 12e jour d’avril 2006.

 

 

« D. W. Beaubier »

Juge Beaubier

Traduction certifiée conforme

ce 21e jour de février 2007.

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste


RÉFÉRENCE :                                  2006CCI233

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :      2005‑4279(EI)

 

INTITULÉ :                                       Denise F. Dryden et

                                                          le ministre du Revenu national

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Regina (Saskatchewan)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 5 avril 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge D. W. Beaubier

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 12 avril 2006

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

Avocate de l’intimé :

Pour l’intervenante :

Me Sharlene Telles‑Langdon

Personne n’a comparu

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                   Nom :                            

 

                   Cabinet :

 

       Pour l’intimé :                             John H. Sims, c.r.

                                                          Sous‑procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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