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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

98-957(IT)I

ENTRE :

HUBERT H. YAU,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu sur preuve commune avec l'appel d'Irene M. Yau (98-961(IT)I)

le 19 octobre 1999 à Toronto (Ontario) par

l'honorable juge suppléant D. E. Taylor

Comparutions

Avocate de l'appelant :                                  Me Joy Casey

Avocate de l'intimée :                                    Me Suzanne M. Bruce

JUGEMENT

          L'appel des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1994 et 1995 est rejeté selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour de novembre 1999.

« D. E. Taylor »

J.S.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 19e jour de novembre 2003.

Philippe Ducharme, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

98-961(IT)I

ENTRE :

IRENE M. YAU,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu sur preuve commune avec l'appel de Hubert H. Yau (98-957(IT)I)

le 19 octobre 1999 à Toronto (Ontario) par

l'honorable juge suppléant D. E. Taylor

Comparutions

Avocate de l'appelante :                                 Me Joy Casey

Avocate de l'intimée :                                    Me Suzanne M. Bruce

JUGEMENT

          L'appel des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1994 et 1995 est rejeté selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour de novembre 1999.

« D. E. Taylor »

J.S.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 19e jour de novembre 2003.

Philippe Ducharme, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Date: 19991105

Dossier: 98-957(IT)I

ENTRE :

HUBERT H. YAU,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

ET

98-961(IT)I

IRENE M. YAU

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge suppléant Taylor, C.C.I.

[1]      Ces appels, entendus sur preuve commune à Toronto, en Ontario, le 19 octobre 1999, portent sur des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ), par lesquelles l'intimée a refusé certains montants réclamés par les appelants à titre de « pertes locatives » .

[2]      Je reproduis ci-après l'avis d'appel de Hubert H. Yau, qui est identique à tous égards pertinents à celui d'Irene M. Yau. Les deux appelants ont témoigné, et, en général, leurs témoignages correspondent aux renseignements fournis dans cet avis d'appel.

[TRADUCTION]

MOTIFS DE L'APPEL

La question est de savoir si l'appelant a engagé les dépenses liées à la propriété et réclamées comme pertes locatives afin de tirer ou de produire un revenu.

L'appelant soutient que, pendant toute la période en cause, il a engagé les dépenses liées à la propriété afin de tirer ou de produire un revenu.

L'appelant avait une attente raisonnable de profit lorsqu'il a fait l'acquisition de la propriété, et il a continué à agir raisonnablement afin de tirer un revenu.

FAITS À L'APPUI DE L'APPEL

Le 22 juillet 1987 ou vers cette date, l'appelant et sa conjointe, Irene M. Yau, ont acheté de Port Charlotte Homebuilders Inc. une propriété désignée par la municipalité comme le 18165, boulevard Lakeworth, à Port Charlotte, en Floride ( « la propriété » ). L'appelant a acheté la propriété dans le but d'en tirer un revenu de location.

La propriété est une maison indépendante dotée d'une piscine. De construction solide, la maison est située dans un beau quartier.

Avant d'acheter la propriété, l'appelant a assisté à des conférences de planification financière et a discuté avec d'autres propriétaires des avantages d'être propriétaire d'une propriété de location en Floride. On a informé l'appelant que l'acquisition d'une propriété aux fins de location représentait un investissement sûr et dont il tirerait des profits.

Avant que l'appelant achète la propriété, un agent de Port Charlotte Homebuilders l'a informé qu'il pouvait s'attendre à un taux d'occupation d'au moins 60 p. 100. On l'a également informé que Port Charlotte Homebuilders serait responsable de la publicité relative à la location de la propriété et s'occuperait de la gestion quotidienne de la propriété.

Le prix d'achat de la propriété était de 98 725,98 $ US. L'appelant a également acheté directement de Port Charlotte Homebuilders, pour une somme d'environ 10 000 $ US, des meubles en vue de garnir la propriété.

L'appelant a donné un acompte de 6 400 $ US et a financé le solde du prix d'achat grâce à une marge de crédit. Le taux d'intérêt de la marge de crédit a augmenté de 1987 à 1990.

La propriété a initialement été louée en mars 1988; elle continue d'être mise en location. Voici le taux d'occupation jusqu'en 1995 :

ANNÉE

TAUX D'OCCUPATION (%)

1988

70

1989

52

1990

39

1991

44

1992

39

1993

21

1994

27

1995

17

Afin d'augmenter la rentabilité de la propriété, l'appelant a pris diverses mesures, notamment les suivantes :

a)          en 1990, l'appelant a hypothéqué sa propriété de Mississauga et il a réduit la dette sur la marge de crédit, réduisant ainsi les frais de financement de la propriété;

b)          en 1992, l'appelant a emprunté 10 000 $ à son père et 6 500 $ à ses enfants à des taux d'intérêt réduits, réduisant ainsi encore les frais de financement de la propriété;

c)          en 1995, l'appelant a retenu les services de Florida Home Finders, qui agissait à titre d'agent de location en son nom et qui exigeait un tarif moins élevé que celui exigé par Port Charlotte Homebuilders. En 1996, l'appelant a retenu les services de Southern Sands Inc., qui agissait à titre d'agent de location et qui exigeait un tarif inférieur à celui exigé par Florida Home Finders et Port Charlotte Homebuilders.

L'appelant soutient qu'il a agi raisonnablement et qu'il avait une attente raisonnable de tirer un profit de la propriété.

[3]      En réponse à cet avis, l'intimée a produit une réponse à l'avis d'appel, qui se lit en partie comme suit :

[traduction]

b)          les pertes locatives refusées étaient réclamées pour le bungalow de Lakeworth, en Floride, que l'appelant et Irene M. Yau (la « conjointe de l'appelant » ) avaient acheté en 1987;

c)          depuis 1987, pour chaque année d'imposition, l'appelant a réclamé une perte locative;

d)          pour les années d'imposition 1992, 1993, 1994 et 1995, l'appelant a déclaré le revenu brut, les dépenses et les pertes nettes qui suivent relativement à la propriété de Lakeworth :

ANNÉE                       REVENU                                                    PERTE

D'IMPOSITION         BRUT                      DÉPENSES                 NETTE

1992                        12 714,49 $                  25 410,20 $             *12 695,71 $

1993                          9 823,93 $                  23 150,31 $             *13 326,38 $

1994                          9 661,01 $                  23 105,80 $             *13 444,79 $

1995                          6 998,64 $                  23 658,85 $             *16 660,21 $

*La perte nette totale déclarée en ce qui concerne Lakeworth a été divisée entre l'appelant et sa conjointe, 40 p. 100 de la perte nette totale déclarée ayant été réclamé par la conjointe de l'appelant, et le reste, soit 60 p. 100, ayant été réclamé par l'appelant;

e)          les dépenses réclamées pour Lakeworth correspondaient à des frais personnels ou à des frais de subsistance de l'appelant;

f)           l'appelant n'avait pas une attente raisonnable de tirer un profit de la propriété de Lakeworth au cours des années d'imposition 1994 ou 1995.

[4]      En plus des renseignements fournis dans l'avis d'appel, les appelants ont souligné certains autres aspects de la situation qu'ils considèrent importants. En 1986, ils ont fini de payer l'hypothèque grevant leur domicile et ont examiné chaque mois certaines occasions en vue d'investir les fonds dont ils disposaient alors. Après avoir effectué d'importantes recherches, procédé à des consultations et obtenu des conseils, y compris des conseils de personnes qui, selon eux, s'y connaissaient en matière d'impôt sur le revenu et d'affaires immobilières, ils ont pris l'avion pour la Floride et ont inspecté la propriété en question. Selon eux, la maison était de construction solide, le versement initial était raisonnable et les frais liés à la location - laquelle était censément probable - étaient acceptables. Selon leurs calculs, la propriété générerait un profit d'ici quelques années. Parmi les facteurs qui, selon les appelants, ont démenti ces prévisions, il y avait l'augmentation précoce des taux d'intérêt, la situation de plus en plus difficile du marché du logement ainsi que la construction de maisons additionnelles (environ 250 en tout) dans le quartier, dont plusieurs étaient également à louer. En outre, ils ont constaté que les coûts d'exploitation et, surtout, de maintenance étaient assez élevés; en vue de réduire ces coûts, ils ont essayé de faire la plupart des travaux eux-mêmes. Au cours du contre-interrogatoire, l'avocate de l'intimée a souligné, en plus de plusieurs autres points importants, que les difficultés de financement résultaient essentiellement du fait que les appelants avaient tout d'abord choisi une forme de financement par marge de crédit consentie par leur banque au Canada plutôt qu'une hypothèque normale à échéance fixe, ce qui les a exposés aux fluctuations des taux d'intérêt. On avait conclu avec la banque une entente de garantie de prêt portant sur leur résidence au Canada, laquelle n'était plus grevée d'une hypothèque. Tout en affirmant qu'ils avaient espéré prendre leur retraite en Floride à peu près 20 ans après la date d'achat de la propriété, ils ont soutenu qu'ils n'auraient fait cela que lorsque la propriété aurait été payée ou, du moins, lorsque la gestion de celle-ci aurait été plus facile. Ils avaient changé d'entreprise de gestion en Floride et, même s'ils devaient encore environ 190 000 $ CAN sur la propriété, les nouveaux gestionnaires faisaient selon eux un meilleur travail.

[5]      Dans ses observations, l'avocate des appelants a souligné que ses clients avaient soigneusement examiné l'investissement et les perspectives qu'ils entrevoyaient avant de conclure l'entente. Au cours des années qui ont suivi, et jusqu'à aujourd'hui, ils ont constamment pris des mesures afin de réduire leurs pertes au minimum et ont fait tout leur possible pour générer un profit.

[6]      L'avocate de l'intimée a souligné que le projet était voué à l'échec dès le départ en raison des pertes initiales, qui n'auraient pu être évitées malgré tous les efforts déployés par les appelants, en raison du fait que la propriété, bien qu'elle fût financée, était à l'étranger et exigeait une gestion sur place, et en raison de leur manque d'expérience et de connaissances en matière de location d'immeubles. De plus, l'intimée avait accordé les pertes pendant environ sept ans.

[7]      Les deux avocates ont fait référence à certains décisions récentes et pertinentes en particulier, soit Cheesmond c. La Reine, C.C.I., no 95-565(IT)I, 4 août 1995 ([1995] 2 C.T.C. 2567, 95 D.T.C. 4022), Tonn c. Canada, [1996] 2 C.F. 73 ([1996] 1 C.T.C. 205, 96 DTC 6001), Green c. La Reine, C.C.I., no 95-3404(IT)I, 29 novembre 1996 ([1997] 1 C.T.C. 2668), Mastri c. La Reine,[1998] 1 C.F. 66 (216 N.R. 74, 97 DTC 5420), et Mohammad c. La Reine, [1998] 1 C.F. 165 (97 DTC 5503, [1997] 3 C.T.C. 321).

CONCLUSION

[8]      Selon moi, la question en litige a été résumée de façon adéquate par l'avocate de l'intimée. J'aimerais particulièrement mentionner le jugement Cheesmond, précité, qui traite d'une situation semblable survenue exactement dans le même quartier. Cet appel a été rejeté par le savant juge Bowman, de cette cour, et je suis certainement d'accord avec lui. Toutefois, en ce qui concerne les présents appels, je mettrais l'accent sur la question soulevée par l'intimée, c'est-à-dire l' « attente raisonnable de profit » , plutôt que sur ce qui a été soulevé dans le jugement Cheesmond, soit l'article 67 et l'alinéa 20(1)c) de la Loi de l'impôt sur le revenu et la question du financement intégral. Ces éléments ont été examinés dans un arrêt très récent de la Cour suprême du Canada, Shell Canada Ltée. c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 622, 15 octobre 1999.

[9]      J'aimerais également citer ce qui suit de l'arrêt Mastri, précité :

Le juge de la Cour de l'impôt a commis une erreur dans son application de l'arrêt Tonn et compte tenu du fait que sa conclusion quant à l'absence d'attente raisonnable de profit n'a pas été contestée, les contribuables n'ont pas le droit de déduire leur part respective de la perte locative d'autres sources de revenus.

[10]     Les appelants ne peuvent prétendre que la question de l' « attente raisonnable de profit » est un nouveau facteur en matière fiscale, et il est regrettable que les personnes à qui ils ont demandé conseil avant d'acheter la propriété n'ont pas jugé bon de les référer à la jurisprudence facilement accessible, pertinente et instructive concernant ce point essentiel. L'attitude permissive observée à cet égard par l'intimée au cours des années antérieures à 1994 pourrait bien être qualifiée d'extrêmement généreuse, mais elle a peut-être donné aux appelants une fausse impression de satisfaction et de sécurité pour ce qui est des résultats non rentables.

[11]     Les appels sont rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour de novembre 1999.

« D. E. Taylor »

J.S.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 19e jour de novembre 2003.

Philippe Ducharme, réviseur

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