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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2000-3222(IT)I

ENTRE :

HAYDEN ADORE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus le 1er août 2001 à Toronto (Ontario),

par l'honorable juge C. J. Miller

Comparutions

Pour l'appelant :                         L'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :                   Me James Gorham

JUGEMENT

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1995 et 1996 sont rejetés selon les motifs du jugement ci-joints.


Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour d'août 2001.

« C. J. Miller »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 10e jour de juillet 2002.

Mario Lagacé, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Date: 20010820

Dossier: 2000-3222(IT)I

ENTRE :

HAYDEN ADORE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Miller, C.C.I.

[1]      M. Hayden Adore interjette appel par voie de procédure informelle de la cotisation que le ministre a établie à son égard pour les années d'imposition 1995 et 1996. M. Adore a déduit des pertes d'entreprise de 10 982,37 $ et de 17 267,42 $ respectivement au cours des années en cause à l'égard d'une prétendue entreprise de publication de magazines. Le ministre soutient qu'il n'y a jamais eu d'entreprise et que, même dans le cas contraire, les dépenses déduites n'ont pas été faites en vue de tirer un revenu et que, de toute façon, elles n'étaient pas raisonnables. Je n'ai pas à étudier à fond les arguments subsidiaires puisque j'ai conclu qu'il n'y avait pas d'entreprise.

[2]      M. Adore a témoigné de façon détaillée sur les efforts qu'il a fournis relativement à l'entreprise qu'il soutient avoir exploitée. Son témoignage était parfois contradictoire, son souvenir de certains événements était flou et ses explications sur les dates auxquelles certains événements se sont produits prêtaient à confusion.

[3]      En 1995, M. Adore était policier et occupait dans une école un poste axé sur la collectivité. Il est arrivé à la conclusion qu'il fallait que les étudiants se prennent en main et que cet objectif pouvait être atteint au moyen de la publication d'un magazine. Un magazine pour les jeunes, par les jeunes : c'est ainsi qu'il l'a décrit. Il a indiqué qu'il avait alors communiqué avec des gens d'affaires et qu'il avait formé un conseil consultatif ainsi qu'un comité de travail. M. Adore a produit une maquette illustrant la présentation matérielle du magazine, mais ne contenant en fait aucun article. Le magazine mentionnait un groupe de gestion ainsi qu'un comité consultatif. M. Adore n'a appelé à témoigner aucune des personnes en faisant partie, alors que l'intimée en a appelé deux, dont John Lashway, un dirigeant de l'organisation des Raptors de Toronto, qui n'avait jamais entendu parler du magazine, n'avait jamais été invité à siéger au conseil, n'avait rencontré aucun autre membre et n'avait absolument rien fait en relation avec le magazine. L'autre témoin, M. Ron Royce, un ami et collègue de M. Adore, a été décrit comme vice-président. M. Royce a cependant indiqué qu'il n'avait jamais agi à ce titre aux fins du magazine. Lui et M. Adore ont suivi un cours de publication de magazines ensemble, et, pour rendre service à M. Adore aux fins des exigences du cours, M. Boyce l'a laissé écrire sur la maquette qu'il était vice-président. Lorsqu'il a été interrogé sur les noms des autres gens d'affaires figurant sur la maquette, il est devenu évident que l'on n'avait jamais demandé à nombre d'entre eux l'autorisation d'utiliser leur nom et qu'aucun n'était réellement associé au projet, si ce n'est d'une manière marginale. Par exemple, Peter White était simplement l'un des instructeurs du cours que M. Adore et M. Boyce ont suivi au Collège Ryerson. Les gens d'affaires avec qui M. Adore a pu communiquer au cours des étapes préliminaires l'ont été davantage aux fins d'une étude préliminaire que d'une participation sérieuse. M. Adore a effectivement contacté l'organisation des Raptors de Toronto, mais il n'y a rien dans le témoignage de M. Lashway qui indique que cette démarche ait visé à obtenir le soutien des Raptors pour la publication d'un magazine. M. Adore a également rencontré le ministre de l'Éducation de l'Ontario, qui était député dans son comté et qui, à son avis, appuyait son projet. M. Adore a fait valoir que la nomination d'un nouveau ministre avait considérablement réduit l'appui du gouvernement et que ce facteur avait beaucoup contribué à sa décision au début de 1996 de ne pas poursuivre le projet. Le ministre n'a cependant perdu le portefeuille de l'éducation qu'à la fin de 1997.

[4]      M. Adore a soumis son idée d'un magazine pour les jeunes à un certain Warren Oster, qui avait, semble-t-il, certaines connaissances dans le domaine des publications. À la mi-novembre 1995, deux employés de M. Oster ont répondu par écrit à M. Adore que le projet était peu réaliste. Cette dose de réalisme financier a donné à M. Adore une autre raison de ne pas poursuivre le projet.

[5]      M. Adore a réalisé qu'il aurait besoin du soutien financier de sociétés pour rendre le projet viable. Il a indiqué avoir communiqué avec des sociétés susceptibles de lui accorder un soutien, mais il n'a produit aucune preuve de communications écrites avec des promoteurs proposés. Il a fait valoir également qu'il avait communiqué avec des conseils scolaires en vue d'obtenir leur soutien. M. Adore a fait valoir que ces efforts constituaient de la recherche et du développement.

[6]      À l'automne de 1995, M. Adore s'est inscrit à un cours sur la publication de magazines à Ryerson. Dans le cadre de ce cours, il a dû soumettre un plan d'affaires. Il a nié cependant avoir dû présenter la maquette. M. Adore a produit en preuve une copie du plan d'affaires, quelques prévisions financières et une copie de la maquette. Il y a certaines contradictions entre le plan et les renseignements financiers, que M. Adore a imputées au fait que le projet était un processus en évolution et qu'il avait peut-être par la suite modifié les versions préliminaires des documents en question. La date prévue de la publication du magazine est un exemple de la confusion qui régnait. M. Adore a indiqué qu'au départ le premier numéro devait être publié en septembre 1996, mais que la publication avait été devancée au mois de janvier 1996. Cette décision ne semble pas tenir compte des commentaires négatifs que M. Adore avait reçus en novembre 1995.

[7]      Il n'y a aucune preuve que M. Adore ait enregistré un nom et, encore une fois, la confusion règne sur la question de savoir si le projet était appelé « Front and Center » , « Leaders Publishing Inc. » ou « Adelon Communications Inc. » , un nom qui figurait sur certains des renseignements financiers. M. Adore a produit une preuve de la constitution en société de Leaders Publishing Inc. en date de juillet 1996, soit plusieurs mois après qu'il eut, de son propre aveu, abandonné le projet.

[8]      M. Adore a soutenu avoir fait la visite d'installations de production de publications à Ottawa, à Windsor et à Hamilton, et il a fourni une copie du magazine dont il avait visité les installations de production. Il s'agit d'un magazine américain appelé Mentor. Rien n'y indique que la compagnie de publication du magazine avait des installations de production au Canada. M. Adore n'a pu se rappeler à quel endroit exactement il s'était rendu à Ottawa.

[9]      Les dépenses que M. Adore a effectivement faites ont fait l'objet d'un long contre-interrogatoire, compte tenu du fait surtout qu'il y avait peu de documentation à cet égard. M. Adore a indiqué que les registres avaient été volés chez son père en mars 1998, et il a fourni à cet égard un rapport de police prouvant que le vol avait été rapporté. Le rapport n'indique pas cependant que des registres commerciaux sont au nombre des articles qui ont été volés.

[10]     En 1995 et 1996, M. Adore a déclaré un revenu d'entreprise de 2 500 $ et de 4 200 $ respectivement dans ses déclarations de revenu. Il a déduit de ce revenu des dépenses considérables. Il a reconnu qu'il avait abandonné le projet en février ou mars 1996. Il est clairement ressorti des réponses aux questions détaillées qui ont été posées sur les dépenses déduites en 1996 que certaines d'entre elles se rapportaient à l'achat de billets pour assister à des parties des Raptors en 1997. Les frais de déplacement comprenaient un voyage aux Bermudes ainsi qu'un montant de 4 790 $ se rapportant à un voyage à Windsor, à Hamilton et à Ottawa. Étant donné la conclusion à laquelle je suis arrivé, je n'ai pas besoin d'étudier davantage les montants qui composent ces dépenses.

[11]     Pour pouvoir déduire les dépenses dont la déduction lui a été refusée en 1995 et 1996, M. Adore doit prouver qu'il exploitait une entreprise constituant une source de revenu à laquelle les dépenses se rapportaient. La série habituelle d'affaires qui fondent ce principe, à commencer par Moldowan c. Sa Majesté la Reine, [1978] 1 R.C.S. 480 (77 DTC 5213), me mène à poser la question cruciale inévitable. M. Adore exploitait-il une entreprise? S'il y a des indices suffisants de commercialité, il faudra déterminer si l'entreprise justifiait une attente raisonnable de profit puisque ce n'est que dans ce cas qu'une entreprise constitue une source de revenu, comme le prévoit l'article 3 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ), sous réserve également de l'application des dispositions de la Loi qui se rapportent aux dépenses déductibles admissibles.

[12]     Dans la présente affaire, je n'ai pas à aller plus loin que la première question puisque j'ai conclu que M. Adore n'exploitait pas d'entreprise. Aussi louables ses objectifs aient pu être dans la réalisation d'un projet consistant à créer un magazine pour les jeunes, les mesures qu'il a prises pour arriver à cet objectif, qu'il n'a pas pu réaliser à la fin, ne sont pas de nature suffisamment commerciale pour constituer une entreprise.

[13]     Plusieurs facteurs doivent être pris en considération pour répondre à la question que le juge en chef adjoint Bowman a posée dans l'affaire Kaye c. Sa Majesté La Reine, C.C.I., no 97-2772(IT)I, 9 avril 1998, ([1998] CarswellNat 575, 98 DTC 1659, [1998] 3 C.T.C. 2248) :

Est-ce qu'une personne raisonnable qui examine une activité en particulier et applique des normes courantes de gestion d'entreprise affirmerait qu'il s'agit bien d'une entreprise?

[14]     Au nombre de ces facteurs, il y a le temps consacré au projet, le capital investi, l'élaboration et la mise en oeuvre d'un plan, les registres tenus, les états financiers dressés, les comptes bancaires, les articles de papeterie, les cartes, les numéros de téléphone d'affaires, la publicité, la promotion, les locaux commerciaux et le comportement du contribuable en tant que personne d'affaires par rapport au comportement qu'il adopte en vue de tirer un avantage personnel. La liste n'est pas exhaustive et chaque situation doit être évaluée en vue de déterminer si l'activité dans son ensemble ressemble à une entreprise et fonctionne comme une entreprise. Dans la présente affaire, il n'en est rien.

[15]     Au mieux, les activités de M. Adore peuvent être qualifiées de recherches préliminaires sur la viabilité de la mise sur pied d'une petite entreprise. Elles ne constituent pas l'exploitation d'une petite entreprise comme telle. M. Adore a bien pris certaines mesures initiales pour évaluer la faisabilité du projet de publication d'un magazine. Il a communiqué avec certaines organisations, dont les Raptors de Toronto. Il a demandé également à des représentants d'une entreprise établie de formuler des critiques à l'égard de son projet. De plus, il s'est inscrit à un cours portant sur la publication d'un magazine. Ces quelques mesures ont amené M. Adore à tirer la conclusion fort sage qu'il ne devait pas se lancer en affaires. Pendant tout ce temps, M. Adore était policier à temps plein. Il a témoigné également qu'il tirait un revenu supplémentaire en faisant des travaux de peinture pour ses amis. Le temps consacré au projet de magazine était limité et a tenu principalement au cours qu'il a suivi à Ryerson. Mis à part ce cours, il a consacré très peu de temps au projet et y a investi peu d'argent. Il a soumis un plan, mais il est clair que cela faisait partie des exigences du cours qu'il a suivi. Je ne crois pas qu'il s'agisse là d'un facteur qui appuie l'existence d'une véritable entreprise. À peu près aucune mesure n'a été prise pour mettre le plan en oeuvre. Le témoignage de M. Adore concernant le comité de gestion et le comité consultatif ainsi que les témoignages de MM. Lashway et de M. Boyce ont donné la nette impression qu'aucun comité de gestion ou comité consultatif n'avait à quelque moment que ce soit fonctionné comme tel. Les personnes dont le nom a été inscrit à ce titre étaient simplement des personnes qui, M. Adore l'espérait, s'associeraient au magazine si ce dernier voyait finalement le jour. Il n'y a eu aucune preuve d'états financiers, mais uniquement des chiffres projetés qui ont été joints au plan. Il n'y a eu aucune preuve non plus qu'un grand livre ou des livres comptables avaient été tenus. M. Adore a prétendu que les registres, comme par exemples les factures, pour autant qu'elles aient existé, avaient été volés. Toutefois, je ne suis pas convaincu qu'il ait réussi à établir cette prétention. Aucune carte professionnelle n'a été conçue, aucun compte bancaire distinct n'a été ouvert, aucun local d'entreprise distinct n'existait, aucune société n'a donné son soutien au projet, et aucun financement n'a été obtenu. M. Adore a agi davantage comme une personne ayant une idée qui n'a
simplement abouti nulle part que comme une personne dans les affaires. Il n'y avait pas d'entreprise et, sans entreprise, il n'y a pas de perte. Je rejette l'appel.

Signé à Ottawa, Canada ce 20e jour d'août 2001.

« C. J. Miller »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 10e jour de juillet 2002.

Mario Lagacé, réviseur

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