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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

1999-3938(IT)G

ENTRE :

PETER J. OSTROWSKI,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus le 23 janvier 2001, à Prince George (Colombie-Britannique),

par l'honorable juge D. W. Beaubier

Comparutions

Pour l'appelant :                                  L'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :                            Me William Mah

JUGEMENT MODIFIÉ

          Les appels interjetés à l'encontre des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1995 et 1996 sont rejetés en conformité avec les motifs du jugement ci-joints.

          Les dépens sont accordés à l'intimée.


          Le présent jugement modifié et les présents motifs de jugement modifiés sont rendus en remplacement du jugement et des motifs de jugement datés du 31 janvier 2001.

Signé à Ottawa, Canada, ce 12e jour de février 2001.

« D. W. Beaubier »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 13e jour de novembre 2003.

Isabelle Chénard, réviseure


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Date: 20010212

Dossier: 1999-3938(IT)G

ENTRE :

PETER J. OSTROWSKI,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DE JUGEMENT MODIFIÉS

Le juge Beaubier, C.C.I.

[1]      Le présent appel, interjeté sous le régime de la procédure générale, a été entendu à Prince George (Colombie-Britannique), le 23 janvier 2001. L'appelant a été le seul témoin. Les paragraphes 2 à 8 - inclusivement - de la réponse à l'avis d'appel sont rédigés comme suit :

[TRADUCTION]

2.                   L'appelant vit séparé de son épouse, Carla Ostrowski, depuis le 1er août 1993 ou à peu près depuis cette date.

3.                   La Cour de l'Ontario a, par une ordonnance en date du 18 novembre 1994, enjoint à l'appelant de verser une pension alimentaire pour enfants de 3 200 $ par mois (800 $ pour chacun des quatre enfants) à partir du 1er décembre 1994 et de verser une pension alimentaire pour conjoint de 500 $ par mois, soit au total 3 700 $ par mois.

4.          Pour chacune des années d'imposition 1995 et 1996, l'appelant a, au titre de la pension alimentaire pour enfants et de la pension alimentaire pour conjoint, demandé une déduction de 44 400 $ (montant devant être payé au titre de pensions alimentaires en vertu de l'ordonnance du 18 novembre 1994).

5.          Les demandes de déduction mentionnées ci-dessus ont été acceptées à l'étape de la cotisation initiale, mais ont par la suite été réexaminées, et la déclaration de revenu pour 1995 a fait l'objet d'une nouvelle cotisation n'admettant qu'un montant de 11 100 $, comme paiement d'arriéré, tandis que la déclaration de revenu pour 1996 a fait l'objet d'une nouvelle cotisation refusant l'ensemble de la déduction de 44 400 $.

6.          L'appelant a fait opposition à ces nouvelles cotisations, et le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a, par voie d'avis de ratification en date du 19 novembre 1998, ratifié ces nouvelles cotisations.

7.          En établissant ces nouvelles cotisations à l'égard de l'appelant pour ses années d'imposition 1995 et 1996, le ministre se fondait entre autres sur les hypothèses suivantes :

a)          par une ordonnance en date du 18 novembre 1994, la Cour de l'Ontario a enjoint à l'appelant de verser une pension alimentaire pour enfants de 3 200 $ par mois et une pension alimentaire pour conjoint de 500 $ par mois, soit au total 3 700 $ par mois;

b)          par une ordonnance en date du 29 mars 1995, la Cour de l'Ontario a prescrit le versement du montant de 11 100 $ comme paiement anticipé de pension alimentaire pour avril, mai et juin 1995;

c)          par une ordonnance en date du 22 septembre 1995, la Cour suprême de la Colombie-Britannique a prescrit que, sur le produit de la vente de la maison familiale située en Ontario, l'appelant verse à sa conjointe, pour deux années, le montant de 88 800 $ comme paiement forfaitaire de pension alimentaire pour enfants et de pension alimentaire pour conjoint;

d)          par une ordonnance en date du 12 octobre 1995, la Cour suprême de la Colombie-Britannique a modifié l'ordon­nance du 22 septembre 1995 de façon que, sur les 88 800 $ versés, 1 500 $ soient considérés comme un arriéré de pension alimentaire pour conjoint et 9 600 $ comme un arriéré de pension alimentaire pour enfants (soit au total 11 100 $) pour juillet, août et septembre 1995;

e)          le montant de 11 100 $ dont la Cour de l'Ontario avait prescrit le paiement par une ordonnance en date du 29 mars 1995 représentait un paiement anticipé de pension alimentaire pour avril, mai et juin 1995; comme ce montant représentait un paiement anticipé, il n'est pas déductible pour l'année 1995;

f)           le montant de 11 100 $ qui, en vertu de l'ordonnance de la Cour suprême de la Colombie-Britannique en date du 12 octobre 1995, devait être considéré comme un arriéré de pension alimentaire pour conjoint et de pension alimentaire pour enfants pour juillet, août et septembre 1995 était un montant payable périodiquement, et l'appelant a fait l'objet d'une nouvelle cotisation admettant la déduction de ce montant pour l'année d'imposition 1995;

g)          le reste des 88 800 $, soit le montant de 77 700 $ versé en septembre 1995, représentait un paiement anticipé de pension alimentaire pour deux années suivant le mois de septembre 1995; ainsi, le montant de 33 300 $ déduit pour l'année 1995 et le montant de 44 400 $ déduit pour l'année 1996 n'étaient pas déductibles, et le ministre a établi de nouvelles cotisations en conséquence;

h)          le montant de 77 700 $ versé en septembre 1995 comme paiement anticipé et forfaitaire devant être fait à Carla Ostrowski au titre de paiements de pension alimentaire exigibles pour la période allant d'octobre 1995 à juin 1997 (conformément à la rectification apportée par l'ordonnance du 12 octobre 1995) ne peut être considéré comme une pension alimentaire payable périodiquement au sens de l'alinéa 60b) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ).

B. QUESTIONS À TRANCHER

8.          Il s'agit de savoir si le montant de 77 700 $ (33 300 $ déduits pour l'année 1995 et 44 400 $ déduits pour l'année 1996) est déductible dans le calcul du revenu de l'appelant pour les années 1995 et 1996 comme allocation payable périodiquement au sens de l'alinéa 60b) de la Loi.

[2]      Toutes les hypothèses, sauf 7g) et h), sont exactes. Les hypothèses g) et h) sont en litige, et le libellé exact des ordonnances et motifs qui est soulevé dans ces alinéas est au coeur du différend.

[3]      Le 29 mars 1995, le juge Clarke, de la Cour de l'Ontario (Division générale), a ordonné ce qui suit, à l'alinéa 2a) :

[TRADUCTION]

2.          NOTRE COUR ORDONNE que, sur consentement, l'argent consigné à la Cour au crédit de la présente action soit immédiatement versé comme suit :

a)          Que soit versé à Thomas H. Marshall, c.r., pour l'intimée, Carla Ostrowski, le montant de 11 100 $ comme pension alimentaire pour avril, mai et juin 1995.

[4]      Le 22 septembre 1995, le juge Drake, de la Cour suprême de la Colombie-Britannique, a divisé le produit de la vente de la maison des Ostrowski et il a rendu l'ordonnance suivante :

[TRADUCTION]

            NOTRE COUR DÉCLARE que le requérant et l'intimée ont droit à la moitié chacun du produit net, y compris les intérêts accumulés, de la vente du domicile conjugal, soit de l'argent qui est actuellement détenu en fiducie par Me Thomas Marshall, c.r., d'Oakville (Ontario);

            NOTRE COUR ORDONNE que ledit Thomas Marshall porte au crédit de l'intimée, Carla Ostrowski, ladite moitié du produit de vente net et des intérêts accumulés;

            NOTRE COUR ORDONNE que, sur le produit de vente net réalisé par le requérant, le montant de 88 800 $ soit garanti comme paiement forfaitaire de pensions alimentaires pour deux ans pour l'intimée et pour les enfants issus du mariage (Nicholas Peter Ostrowski, né le 8 décembre 1979, Raimund Joseph Ostrowski, né le 27 mars 1982, Jan Paul Ostrowski, né le 27 juillet 1984, et Simone Johanne Ostrowski, née le 3 juillet 1986), soit des pensions alimentaires dont le paiement avait initialement été ordonné par l'honorable juge O'Connell le 18 novembre 1994;

            NOTRE COUR ORDONNE que Thomas Marshall, c.r., porte au crédit de l'intimée, Carla Ostrowski, ledit montant de 88 800 $;

            NOTRE COUR ORDONNE que la présente requête en modification d'ordonnances alimentaires soit rejetée;

[5]      Le 1er mai 1998, l'appelant a présenté une requête sollicitant notamment :

[TRADUCTION]

f)           une ordonnance prescrivant que l'ordonnance de l'honorable juge Drake rendue le 22 septembre 1995 et inscrite dans le recueil d'ordonnances du greffe le 25 septembre soit rectifiée, conformément au paragraphe 41(24) des Règles, en supprimant le mot « forfaitaire » dans la troisième disposition et en insérant les termes « périodique anticipé » .

g)          une ordonnance prescrivant que l'ordonnance de l'honorable juge Clarke rendue le 29 mars 1995 soit rectifiée, conformément au paragraphe 41(24) des Règles, en ajoutant les termes « périodique payée d'avance » après les termes « pension alimentaire » à l'alinéa 2a).

Cette requête a été entendue par le juge Melvin, de la Cour suprême de la Colombie-Britannique, le 14 mai 1998.

[6]      En exposant les motifs de son ordonnance - après avoir entendu cette requête -, le juge Melvin a dit, aux paragraphes 2, 3, 4 et 17 :

[TRADUCTION]

[2]         Cela a été soumis à la Cour - je vais en traiter en quelques mots - relativement à une demande dont le juge Drake a été saisi le 25... pardon, le 22 septembre 1995, date à laquelle il a traité à la fois de la question du droit de visite et de la question de la pension alimentaire. Concernant le droit de visite, il a dit qu'il ordonnait la même chose que le juge O'Connell, de sorte que je n'ai rien d'autre à dire là-dessus à ce stade-ci.

[3]         Toutefois, concernant la pension alimentaire, il a dit ceci - je lis un extrait de la page 3 des motifs qu'il a rendus oralement :

[TRADUCTION]

Sur la part de M. Ostrowski doit être retranché un montant forfaitaire comme pension alimentaire pour Mme Ostrowski et les enfants pour les deux prochaines années, au taux fixé par le juge O'Connell dans son ordonnance initiale rendue en Ontario. J'estime que M. Ostrowski n'est pas fiable pour ce qui est du paiement d'une pension alimentaire périodique. Telle est la principale raison pour laquelle je déclare que, comme M. Ostrowski est maintenant très en retard dans ses paiements, cet arriéré doit être calculé et doit être pris en compte dans le montant forfaitaire. L'ordonnance formelle de la Cour rendue en conséquence de ces motifs prescrit que, sur ce produit de vente, le montant de 88 000 $ soit garanti comme paiement forfaitaire de pensions alimentaires pour deux ans pour l'intimée et les enfants.

[4]         Et le juge poursuit en nommant ces enfants.

[...]

[17]       LA COUR :      Je m'en rends compte. Je m'en rends bien compte. Tout ce que je dis, c'est que ce montant forfaitaire était là comme garantie pour le paiement d'une pension alimentaire périodique. Une partie a été affectée à l'arriéré et, pour ce qui est de l'avenir, il y a un montant qui est disponible pour le paiement d'une pension alimentaire périodique. C'est comme si la somme était dans un compte bancaire et que des montants mensuels de 3 700 $ étaient prélevés là-dessus jusqu'à ce que la somme soit épuisée. Cela ne signifie pas que l'ordonnance du juge O'Connell se terminait au bout d'une période de deux ans suivant le mois de septembre 1995 où le juge Drake s'est prononcé. Ce n'est pas l'interprétation que je donne à l'ordonnance du juge O'Connell, aux motifs du juge Drake ou à l'ordonnance du juge Drake.

[7]      Sur ce, le juge Melvin a rendu l'ordonnance suivante, le 14 mai 1998 :

[TRADUCTION]

No du dossier de la Cour : 29375-T

Greffe de Victoria

COUR SUPRÊME DE LA COLOMBIE-BRITANNIQUE

ENTRE :

PETER OSTROWSKI,

requérant,

et

CARLA OSTROWSKI,

intimée.

DEVANT L'HONORABLE JUGE MELVIN

Le jeudi 14 mai 1998

ORDONNANCE

            APRÈS AVOIR LU LA REQUÊTE du requérant inscrite au rôle pour audition à Victoria (Colombie-Britannique) le 14 mai 1998 et le 1er septembre 1998 et après avoir entendu Peter Ostrowski, le requérant, qui a témoigné pour lui-même les deux jours, Carla Ostrowski, l'intimée, qui a témoigné pour elle-même, David Aujla, qui a comparu comme avocat de l'intimée le 1er septembre 1998, et Alan P. Leslie, qui a comparu comme conseiller juridique affecté au programme d'exécution des obligations alimentaires :

            NOTRE COUR ORDONNE que soit accueillie la demande visant à mettre un terme à la pension alimentaire pour conjoint au 30 septembre 1997.

            NOTRE COUR ORDONNE que la suspension du versement de la pension alimentaire pour enfants ordonnée par le juge Sigurdson le 12 novembre 1997 se poursuive indéfiniment, jusqu'à ce que des preuves présentées à la Cour indiquent que Peter Ostrowski, le requérant, reçoit un revenu. Quand il aura obtenu une forme d'emploi, le requérant devra le faire savoir par écrit à l'intimée. Qu'il s'agisse d'un emploi contractuel ou autre, le requérant devra informer l'intimée des détails de cet emploi et des détails du revenu tiré de cet emploi, ainsi que du montant de la pension alimentaire mensuelle pour les enfants qu'il estimera approprié compte tenu des lignes directrices fédérales en la matière. Si l'intimée est d'accord sur les chiffres avancés, les parties n'auront pas à revenir devant la Cour. Les parties seront libres de demander à revenir devant la Cour pour obtenir d'autres directives si des problèmes se posent quant au montant, quant à la durée du paiement ou quant au fait que le requérant puisse être à l'étranger.

            NOTRE COUR ORDONNE que, si le requérant devient un employé permanent ou qu'une autre ordonnance est rendue par la Cour, les mesures à prendre par les responsables du programme d'exécution puissent être prises par eux.

            NOTRE COUR DÉCLARE qu'il n'y aura pas d'accumulation d'arriéré au sens du mémoire du juge Sigurdon [sic].

            NOTRE COUR DÉCLARE qu'il n'y aura pas d'accumulation d'intérêts sur l'arriéré.

            NOTRE COUR ORDONNE que le coût des déplacements des enfants entre Victoria et le Lower Mainland soit partagé d'une manière égale par le requérant et l'intimée. Si l'une ou l'autre partie change d'adresse et que ce changement influe sur ces frais de déplacement, les parties pourront, si elles ne parviennent pas à s'entendre, présenter une demande à cet égard.

            NOTRE COUR ORDONNE que le mémoire du juge Sigurdson en date du 12 novembre 1997 soit antidaté au 1er novembre 1997 et que l'obligation de payer un arriéré de pensions alimentaires pour enfants et pour conjoint soit suspendue au 1er novembre 1997 pour ce qui est de la pension alimentaire pour enfants.

            NOTRE COUR INTERDIT aux responsables du programme d'exécution des obligations alimentaires de prendre des mesures d'exécution tant que le requérant ne sera pas devenu un employé permanent.

                                                PAR LA COUR

                                                « signature »                            

                                                Greffier adjoint de district

APPROUVÉ QUANT À LA FORME :

                                                                                   

Peter Ostrowski                        David Aujla

Requérant                                  Avocat de l'intimée

« signature »                                                                 

Carla Ostrowski                        Alan P. Leslie

Intimée                          Programme d'exécution des obligations alimentaires

[8]      Tous les documents cités proviennent de la pièce A-2 déposée par l'appelant.

[9]      L'appelant soutient en particulier que, au paragraphe [17] de ses motifs du 14 mai 1998, le juge Melvin a traité du montant forfaitaire de 77 700 $ encore en litige et l'a, en termes exprès, rétroactivement converti en paiements périodiques faits à Mme Ostrowski. Il semble s'ensuivre dans l'esprit de l'appelant que le montant de 11 100 $ mentionné dans l'hypothèse 7e) représente également un paiement périodique. Il est toutefois à noter que le juge Melvin n'a pas accédé aux demandes que M. Ostrowski avait formulées aux alinéas f) et g) de sa requête du 1er mai 1998.

[10]     L'intimée conteste les observations de l'appelant et a cité à l'appui de son argumentation l'arrêt Sa Majesté la Reine c. Stanley John McKimmon, C.A.F., no A-734-88, 21 décembre 1989 (90 DTC 6088), dans lequel le juge Hugessen, s'exprimant pour l'ensemble du groupe de juges, a déclaré, aux pages 4 à 9 (DTC : aux pages 6090 et 6091) :

La distinction entre les versements périodiques faits à titre d'allocation d'entretien, qui sont déductibles pour fins d'impôt sur le revenu, et les versements périodiques faits sous forme de paiement forfaitaire ou de capital, qui, eux, ne le sont pas, a fait l'objet de longues discussions et de nombreux arrêts de jurisprudence. Il y a une question similaire, reliée en fait à ce problème, qui se pose fréquemment en droit fiscal et qui consiste à déterminer si des sommes d'argent sont dépensées ou reçues à titre de revenu ou de capital. Ce genre de problème peut difficilement être résolu par des règles rigides. La Cour doit au contraire examiner toutes les circonstances entourant le paiement et déterminer, à la lumière de ces circonstances, la façon appropriée de qualifier ce paiement. Vu la corrélation qui existe entre les alinéas 60b) et 56(1)b), le fait de conclure qu'un paiement est déductible par un débiteur fera habituellement en sorte que le bénéficiaire sera imposable à l'égard dudit paiement. À l'inverse, conclure qu'un paiement n'est pas déductible fera en sorte que le bénéficiaire sera exempt d'impôt.

Voici certaines considérations dont on peut légitimement tenir compte, me semble-t-il, pour en arriver à une telle décision. Il ne s'agit évidemment pas d'une liste exhaustive.

1. L'intervalle auquel les paiements sont effectués. Les sommes qui sont versées une fois par semaine ou une fois par mois peuvent facilement être qualifiées d'allocations d'entretien.2 Lorsque les paiements sont effectués à des intervalles plus longs, la question devient moins claire. Même si ce n'est pas impossible, il me paraîtrait difficile de considérer comme des allocations d'entretien des paiements faits à des intervalles plus longs qu'une année.

2. Le montant des paiements par rapport au revenu et au niveau de vie du débiteur et du bénéficiaire. Lorsqu'un paiement représente une partie très importante du revenu d'un contribuable ou même l'excède, il est difficile de considérer un tel paiement comme une allocation d'entretien. Par ailleurs, lorsqu'un paiement ne dépasse pas ce qui serait censé être nécessaire au maintien du niveau de vie du bénéficiaire, il sera plus probablement admissible à titre d'allocation.

3. Les paiements portent-ils intérêt avant leur date d'échéance? On associe plus souvent l'obligation de payer des intérêts à une somme forfaitaire payable par versements qu'à une véritable allocation d'entretien.3

4. Les sommes en question peuvent-elles être payées par anticipation au gré du débiteur ou peuvent-elles être exigibles immédiatement à titre de pénalité au gré du bénéficiaire en cas de défaut de paiement? Les dispositions en matière de paiements anticipés et d'exigibilité immédiate sont d'habitude associés [sic] à l'obligation de payer des sommes à titre de capital et non à une allocation d'entretien.

5. Les paiements permettent-ils au bénéficiaire d'accumuler un capital important? Ce ne sont manifestement pas tous les paiements à titre de capital qui sont exclus d'une allocation d'entretien : l'expérience indique qu'à titre d'exemples des primes d'assurance-vie et des paiements hypothécaires mensuels réunis,4 même s'ils permettent une accumulation de capital au cours des années, constituent des frais normaux de subsistance qui sont payés sur le revenu et peuvent faire partie d'une allocation d'entretien. D'autre part, une telle allocation ne devrait pas permettre l'accumulation, sur une brève période, d'un capital important.5

6. Les paiements sont-ils censés continuer pendant une période indéfinie ou être d'une durée fixe? Une allocation d'entretien fera habituellement en sorte que ces paiements seront effectués pendant une période indéfinie ou jusqu'à l'arrivée d'un événement (par exemple la majorité d'un enfant) qui modifiera de façon importante les besoins du bénéficiaire. Les sommes payables pendant une durée fixe peuvent au contraire être plus facilement considérées comme un capital.

7. Les paiements convenus peuvent-ils être cédés et l'obligation de payer subsiste-t-elle même après la mort du débiteur ou du bénéficiaire? Une allocation d'entretien est habituellement versée à la personne même du bénéficiaire; elle est par conséquent incessible et prend fin à son décès. Une somme forfaitaire ou un capital, au contraire, fera normalement partie de la succession du bénéficiaire, elle peut donc être cédée et subsistera après son décès.6

8. Les paiements sont-ils censés libérer le débiteur de toute obligation future de verser une pension alimentaire? Dans l'affirmative, il est plus facile de considérer les paiements comme l'échange ou l'achat du coût en capital d'une allocation d'entretien.7

[Décision]

Considérant les faits en l'espèce à la lumière des critères susmentionnés, il ressort manifestement de la plupart des indicateurs que les paiements en question ont été faits dans le cadre d'un règlement global et que virtuellement aucun de ces indicateurs ne laisse croire le contraire.

Les paiements doivent être effectués une seule fois par année. Non seulement les sommes versées dépassent de beaucoup la pension alimentaire antérieure de 600 $ par mois mais elles constituent également une partie très importante du revenu déclaré du contribuable au cours des deux années en question.8 Aux termes du jugement, l'intérêt est payable sur tout solde impayé du montant total de 115 000 $. Le contribuable a le privilège d'effectuer à son gré des paiements anticipés tandis que, en cas de défaut de paiement, son ex-épouse peut exiger le paiement immédiat du solde tout entier. La somme totale de 115 000 $ représente un capital important par comparaison non seulement au revenu déclaré du contribuable mais également à la valeur présumée du bien-fonds qui a également été transféré dans le cadre du même jugement rendu par consentement. Les paiements doivent être effectués pendant une période déterminée et ne sont pas censés dépendre de la survie du débiteur ou du bénéficiaire. Enfin, ils sont censés être faits « en satisfaction de tous les redressements financiers prévus par la Loi sur le divorce et la Family Relations Act » .9

Je conclus que le contribuable n'a pas payé les sommes en question à titre d'allocation pour subvenir aux besoins de son ex-épouse. Ces sommes n'étaient donc pas déductibles de son revenu en vertu de l'alinéa 60b) et c'est lui qui doit payer l'impôt sur ces sommes et non pas, comme l'exigerait l'alinéa 56(1)b), le bénéficiaire.

[Appel de la Couronne accueilli]

Pour ces motifs, j'accueillerais l'appel avec dépens, j'annulerais le jugement de la Section de première instance et je rejetterais l'appel du contribuable devant la Section de première instance avec dépens.

[Notes de bas de page omises]

[11]     La situation de l'appelant est semblable à celle de l'époux dans l'affaire McKimmon. Un paiement forfaitaire provenant du produit de la vente de la maison a été totalement transféré à l'avocat de l'épouse de l'appelant; ce montant était très important; ce montant a été versé en vertu d'une ordonnance d'un tribunal; ce montant provenait d'un gain en capital, et le montant en litige ne se rapportait pas à un arriéré; il s'agissait d'un paiement unique; l'épouse pouvait en disposer à sa guise; l'appelant a ainsi été libéré de paiements futurs à concurrence du total du montant forfaitaire.

[12]     Tout comme dans l'affaire McKimmon, la plupart des facteurs indiquent fortement qu'il s'agissait d'un règlement forfaitaire, et pratiquement aucun des facteurs n'indique le contraire.

[13]     Pour ce motif, les appels sont rejetés, avec dépens en faveur de l'intimée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 12e jour de février 2001.

« D. W. Beaubier »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 13e jour de novembre 2003.

Isabelle Chénard, réviseure

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