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Date: 20020913

Dossier: 2001-3056-IT-I

ENTRE :

GILLES MONTMINY,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Tardif, C.C.I.

[1]            Il s'agit d'un appel concernant les années d'imposition 1993, 1994, 1995 et 1996.

[2]            Les questions en litige sont :

Dans un premier temps, déterminer si les dépenses réclamées annuellement, à l'égard du condominium situé dans la ville de Beaupré, ont été engagées par l'appelant au cours des années d'imposition 1993, 1994, 1995 et 1996, en vue de tirer un revenu d'un bien ou d'une entreprise ou de faire produire un revenu à un bien ou une entreprise.

Dans un deuxième temps, déterminer si pour les années d'imposition 1993, 1994, 1995 et 1996, les sommes respectives de 20 562 $, 12 823 $, 13 478 $ et 10 697 $, réclamées à titre de pertes de location par l'appelant, ont été correctement calculées.

[3]            Pour établir et confirmer les nouvelles cotisations, le ministre du Revenu national (le « Ministre » ) a pris pour acquis les faits suivants :

a)              le 26 février 1990, l'appelant a acheté un condominium sis et située au 203, rue Val-des-Neiges, appartement 4012, dans la ville de Beaupré;

b)             le condominium comprend, entre autres, une chambre fermée et une mezzanine et l'aire de surface totalise 928 pieds carrées environ;

c)              le condominium fait partie d'un village en copropriété connu sous le nom de « Domaine Val des Neiges » ;

d)             l'appelant a acquis le condominium au coût de 130,500 $;

e)              l'appelant a fait l'acquisition de cet appartement-hôtel, grâce à un financement de l'ordre de 100 % auprès d'une caisse populaire;

f)              l'unité d'habitation fait partie d'une mise en commun de condominiums dont la gestion a été confié à une société dénommée « Hébergement Mont Sainte-Anne B.B.F. Inc. » ;

g)             l'appelant signa un contrat de gestion de type « Option A » , auprès de la société « Hébergement Mont Sainte-Anne B.B.F. Inc. » ;

h)             la société « Hébergement Mont Sainte-Anne B.B.F. Inc. » pourra louer le condominium de l'appelant lorsque tous les appartements-hôtels des phases 1, 2, 3 et 4, munis d'un contrat de gestion de type « Option B » de « Domaine Val des Neiges » auront été loués;

i)               le revenu de location, c'est-à-dire le revenu de location brut diminué des frais de commission, des frais de carte de crédit et de la part du centre sportif, fut partagé à 50 % entre le mandataire, la société « Hébergement Mont Sainte-Anne B.B.F. Inc. » et le mandant, l'appelant ;

j)               le Ministre, avant de confirmer ou d'infirmer existence d'un espoir raisonnable de profit, vérifia l'état de location pour chacune des années d'imposition 1993, 1994, 1995 et 1996;

k)              le Ministre détermina, à l'égard de l'année d'imposition 1994, qu'une somme de 556 $, au titre de dépenses d'intérêt, n'était pas déductible, ce qui eut comme conséquence de réviser la perte de location à une somme de 12 267 $;

l)               la gestion du condominium de l'appelant a toujours généré des pertes :

                i)               1990                                                         16 149 $

                ii)              1991                                                         12 382 $

                iii)             1992                                                         16 262 $

                iv)            1993                                                         20 562 $

                v)             1994                                                         12 267 $

                vi)            1995                                                         13 478 $

                vii)           1996                                                         10 697 $

                                                                                                101 797 $

m)             l'appelant a toujours réclamé des pertes de location et n'a jamais réclamé une dépenses pour amortissement;

n)             les revenus bruts de location du condominium se lisaient comme suit :

                i)               1990                                                         114 $

                ii)              1991                                                         5 268 $

                iii)             1992                                                         néant $

                iv)            1993                                                         5 149 $

                v)             1994                                                         1 097 $

                vi)            1995                                                         1 478 $

                vii)           1996                                                         6 150 $

o)             l'appelant utilise le condominium à des fins personnelles, surtout l'hiver, en plus de permettre occasionnellement à des membres de sa famille d'y séjourner au cours de l'année;

p)             l'appelant n'a pas démontré au Ministre qu'il possédait une expérience pertinente dans le domaine de la location;

q)             l'appelant n'a pas démontré au Ministre qu'il avait pris des actions afin de diminuer ou de réduire la somme des emprunts, au cours des années en litige;

r)              l'appelant n'avait aucun espoir raisonnable de tirer un profit, à l'égard du condominium situé dans la ville de Beaupré, au cours des années d'imposition 1993, 1994, 1995 et 1996;

s)              les dépenses de location réclamées annuellement, à l'égard du condominium situé dans la ville de Beaupré, constituaient des frais personnels ou des frais de subsistance de l'appelant, et n'ont pas été engagées par le dit appelant dans le dessein de tirer un revenu.

[4]            L'appelant a d'abord expliqué et décrit les circonstances à l'origine de sa décision de faire l'acquisition d'un condominium dans une région axée sur les activités récréo-touristiques. Il a visité, questionné, réfléchi et finalement fait analyser les différents projets par une firme réputée de comptables. Après évaluation, il a opté pour le projet à l'origine des faits qui font l'objet de l'appel.

[5]            Au soutien de l'appel, l'appelant et son épouse ont témoigné. L'Avis d'appel (l' « Avis » ), résume assez bien la preuve testimoniale. L'appelant et son épouse ont essentiellement repris et répété le contenu d'une partie de l'Avis, à savoir deux des trois volets :

(1)            Renseignements pertinents au dossier de monsieur Gilles Montminy

-                Le 26 août 1988, le contribuable a acheté un condominium dans la phase 3 du projet Domaine Val des Neiges et ce, dans le but de tirer des revenus de location.

-                Le contribuable a acheté ce condo étant donné que la phase 1 et 2 de ce même projet ont réalisé des profits tel qu'indiqué dans les états financiers signés par la firme comptable Malette, Benoît, Boulanger, Rondeau et associés, c.a.

-                Des propriétaires d'unité des phases 1 et 2 ont acheté des unités dans la phase 3 ce qui a influencé le contribuable a acheté un condo.

-                En 1988, le Domaine Val des Neiges a adhéré à une chaîne hôtelière très prospère et très connu sur le plan touristique en Amérique du Nord, soit la chaîne Best Western.

-                La gestion du système de location des unités de condo a été confiée à la société Hébergement Mont Sainte-Anne Inc. Cette société était dirigée par trois hôteliers de carrière reconnus pour leur compétence.

-                Le contribuable a signé un mandat donnant l'exclusivité de location à Hébergement Mont Sainte-Anne Inc. et ceci dans le but de maximiser les chances de rentabilité.

-                Lors de l'acquisition, le contribuable était sûr de pouvoir revendre facilement son condo et de réaliser un gain en capital. Au moment de l'achat le marché immobilier était en pleine effervescence.

(2)            Faits pertinents et facteurs de rentabilité imprévisibles

-                Le secteur économique du tourisme et plus particulièrement du ski a été très touché par la récession majeure du début des années 1990.

-                Cette récession a entraîné une diminution importante des locations, plus particulièrement au niveau des infrastructures touristiques, soit les condominiums près des centres de ski (Mont Ste-Anne). Ce qui a contribué à retarder la rentabilité des locations de condos.

-                Au cours de ces années le centre de ski de Mont Tremblant est en pleine expansion alors qu'il n'y a plus d'investissement au centre du Mont Ste-Anne.

-                En 1990 une injonction interlocutoire obtenue par la Société de Gestion Cap-aux-Pierres, propriétaire de l'hôtel voisin, empêche le Domaine Val des Neiges d'opérer comme un hôtel et par le fait même l'oblige à renoncer à son contrat avec la chaîne hôtelière Best Western. Cette situation se prolonge jusqu'en 1993, où un règlement très coûteux réduit considérablement la remise aux propriétaires. Près de 200 000 $ en manque à gagner pour les propriétaires, soit l'équivalent des remises annuelles de 1994 et 1995.

-                Certains vices de constructions majeurs entraînent des poursuites importantes. Les frais judiciaires et autres frais sont encourus par les propriétaires ce qui a pour effet de leurs occasionner des pertes et de réduire la rentabilité.

-                En 1993, le gestionnaire Domaine Val des Neiges n'est plus en mesure d'assumer la gestion et doit faire une proposition à ses créanciers.

-                La même année, la Société de Développement Industriel du Québec, organisme qui a pour mission d'investir dans des entreprises qui ont un potentiel de rentabilité, accepte d'investir et devient créancier à 25 % des actions de l'entreprise Hébergement Mont Ste-Anne.

-                À la même époque une nouvelle équipe de gestion est mise en place avec un nouveau conseil d'administration, lequel inclus un observateur de la Société de Développement Industriel du Québec. Il en résulte une progression importante des revenus et un meilleur contrôle des dépenses. Les propriétaires continuent d'être optimiste sur la rentabilité de leur investissement.

-                Toutefois, le Mont Ste-Anne ne se développe pas et les propriétaires doivent supporter à eux seuls tous les frais de développement et de mise en marché.

-                Durant cette période le gouvernement du Québec annonce toutes sortes de projet d'investissements majeurs pour le centre de ski Mont Ste-Anne, mais rien ne se concrétise.

-                Le gestionnaire supporte l'emploi de près de 40 personnes, avec des contributions fiscales annuelles d'environ 150 000 $, et des retombées économiques locales importantes.

-                À partir de l'année 2001 une nouvelle entente de gestion a été signée avec le Château Mont Ste-Anne. La gestion de la location des condos a été confiée au Château Mont Ste-Anne, ce qui donne beaucoup plus de prestige et assure une rentabilité à relativement court terme.

[6]            La preuve a fait ressortir que l'appelant avait trois objectifs au moment de l'acquisition d'un condominium :

-                posséder un condominium pour lui permettre ainsi qu'à sa famille de pratiquer le ski;

-                toucher le maximum de revenus lors des périodes d'inoccupation;

-                obtenir une plus-value intéressante lors d'une éventuelle vente.

[7]            En présence d'une utilisation mixte (personnelle et commerciale) d'un condominium, il est plus difficile de comprendre l'intention prédominante du propriétaire, d'où ce dernier devra démontrer, par le biais d'une prépondérance de la preuve, que son intention dominante était la recherche d'un profit.

[8]            Une véritable recherche de profits sous-entend l'exclusion de toute activité ou utilisation personnelle à des conditions non comparables à celles du marché, à moins de circonstances particulières. Cela n'a pas pour effet d'empêcher le propriétaire d'un immeuble à revenus d'en faire profiter sa famille. Il devra cependant, démontrer que l'occupation personnelle a été gérée ou assujettie à des conditions comparables ou similaires à celles qui auraient prévalu pour des tiers; en d'autres termes, l'utilisation personnelle ne devra pas avoir d'impacts négatifs sur les revenus potentiels.

[9]            En l'espèce, dépendamment du protocole de location en vigueur, l'appelant et sa famille pouvaient utiliser le condo à volonté moyennant un tarif qui correspondait à une fraction du coût, soit la moitié de ce que les tiers devaient débourser. En fait, l'appelant devait payer au mandataire responsable de la location le même pourcentage que celui qu'il assumait lors de la location à des tiers. En d'autres termes, les responsables de la location ne perdaient rien, que le condominium soit loué à des tiers ou occupé par le propriétaire. Il en était tout autrement pour l'appelant puisqu'il ne touchait aucun revenu et devait débourser des frais lorsqu'il occupait son propre condominium.

[10]          L'appelant pouvait et a, dans les faits, bénéficié d'une manière significative de son condominium à des fins essentiellement personnelles; l'usage personnelle avait des conséquences significatives sur les revenus. Dans les faits, l'appelant se privait de revenus substantiels en occupant lui-même les lieux avec sa famille.

[11]          Il a été démontré que la haute saison était la période hivernale à cause du ski. Or, l'appelant, à une question du tribunal, a fait état d'une utilisation se chiffrant à environ 40 jours durant la haute saison principalement. Il a aussi été question de plus ou moins douze fins de semaine.

[12]          De telles données m'apparaissent suffisantes pour conclure qu'il ne s'agissait aucunement d'utilisation personnelle marginale ou ponctuelle, sans effet sur la viabilité ou rentabilité du condominium; au contraire, l'utilisation personnelle avait un impact déterminant sur les revenus et par voie de conséquence directe sur la rentabilité.

[13]          Bien que la preuve, dont le fardeau incombait à l'appelant sur cette importante question n'ait pas été très élaborée, je crois pouvoir présumer que certaines utilisations personnelles coïncidaient avec la période des congés des fêtes, congés scolaires, périodes de relâche, etc. Or, ce sont là des périodes tout à fait stratégiques pour de pareilles exploitations.

[14]          Toute utilisation, ou jouissance personnelle d'un immeuble générateur de revenus à des conditions plus avantageuses que celles exigées aux tiers fausse considérablement les données fondamentales dont il faut tenir compte pour déterminer l'intention réelle de rendre l'opération rentable.

[15]          L'utilisation personnelle d'un bien n'a pas pour effet automatique d'exclure ou d'écarter toute possibilité de faire des profits. Par contre, il devient important de mettre sur pied un système comptable permettant de quantifier l'importance de la perte des revenus, de manière à pouvoir tirer des conclusions valables.

[16]          Le fait d'utiliser un bien ou de tirer des avantages personnels de l'exercice d'une entreprise, n'a pas pour effet automatique de conclure à l'absence d'une source de revenus, particulièrement si l'avantage personnel constitue quelque chose de marginal avec peu ou pas d'impact sur les revenus. Par contre, toute utilisation personnelle à coût moindre ou à titre gratuit fausse le résultat quant à la rentabilité dans une dimension équivalente à l'avantage obtenu.

[17]          En l'espèce, l'appelant et sa famille profitaient du condominium lors de périodes stratégiques. Outre le manque à gagner pour les périodes en question, il est probable que l'utilisation personnelle affectait également les revenus émanant de tiers puisque les périodes disponibles étaient amputées des fins de semaine occupées par l'appelant, laissant ainsi une disponibilité pour fin de location à des tiers, peu attractive.

[18]          L'appelant a-t-il investi dans le seul but de faire des profits ? Je ne crois pas qu'il ait investi dans le but de subir des pertes. Il a expliqué que le projet avait fait l'objet d'un litige suivi de procédures judiciaires, le tout ayant pour effet de créer des dépenses non prévues tout en ayant des conséquences sur les revenus. Bien que l'appelant ait aussi indiqué avoir investi dans un but spéculatif, il n'a jamais vraiment essayé de vendre le condominium.

[19]          Pour avoir gain de cause, l'appelant devait démontrer d'une manière prépondérante que l'acquisition du condominium était motivée et justifiée par la recherche de profits. Il est important de rappeler que le condominium n'était pas situé là où vivaient l'appelant et sa famille. Pour s'y rendre, il devait prendre près de deux heures, ce qui en soit était de nature à compliquer quelque peu la gestion.

[20]          En soi cependant, il ne s'agissait pas là d'un élément déterminant lequel pouvait être compensé par le recours à des personnes compétentes, ce qu'a d'ailleurs fait l'appelant; en effet, en tout temps, lors des années où les opérations ont été déficitaires, l'appelant avait mandaté une organisation ayant compétence et expertise en la matière. Certes, l'appelant devait débourser des frais élevés pour ce faire, mais il s'agissait là d'une sorte de formule « clé en main » justifiée par l'absence de connaissances de l'appelant en la matière et à cause de son éloignement des lieux.

[21]          À ce sujet, l'appelant a agi d'une manière irréprochable en ce qui a trait à la recherche de profits.

[22]          Il en est tout autrement quant à l'utilisation personnelle. La preuve a démontré que l'appelant et sa famille tiraient avantage, et ce, d'une façon appréciable au point d'affecter considérablement la rentabilité de l'exploitation.

[23]          Au soutien de son appel, l'appelant s'est référé à une décision de l'honorable juge Yvan Mayrand, de la Cour du Québec, chambre civile, no 755-02-002532 997, Paul Laforest c. Le Sous Ministre du Revenu du Québec. Dans cette affaire, impliquant également plusieurs autres dossiers similaires, l'honorable juge Mayrand donnait raison aux appelants. Je ne crois pas que cette décision soit pertinente, et ce, à partir d'un extrait même de ce jugement que je crois utile de reproduire :

...

Il est en preuve qu'en 1990 l'appelant a acheté un condo dans le Complexe Val Des Neiges au Mont Ste-Anne. L'appelant, qui était enseignant à l'époque, devait prendre sa retraite en 1992. Il soulève qu'il a acheté ce condo dans une expectative de profits pour assurer un revenu additionnel à sa retraite par la location du condo. Il n'a jamais acheté le condo dans le but de l'occuper personnellement, et au moment de l'achat, il n'avait jamais pratiqué le ski. Son condominium est géré par un mandat de gestion qui est en vigueur. Les mandats se font en deux classes, soit le groupe « A » qui consiste en la location du condo dans le but d'en faire un bénéfice, et le groupe « B » qui consiste en l'occupation en partie et la location en partie du condo en question. L'appelant fait partie du groupe « A » qui consiste en la location seulement dans le but d'en retirer un bénéfice.

                                                                                                                Je souligne

[24]          Récemment, la Cour suprême du Canada dans l'affaire Stewart c. Canada, [2002] A.C.S. no 46, (Q.L.) a apporté un éclairage nouveau, extrêmement important en édictant une nouvelle approche pour déterminer si une activité constitue une source de revenus aux fins de l'article 9 de la Loi de l'impôt sur le revenu.

[25]          La Cour suprême a indiqué qu'il fallait recourir à une méthode à deux volets pour déterminer si les activités d'un contribuable sont une source de revenus constituée d'une entreprise ou d'un bien.

[26]          Il y a lieu de reproduire un extrait relevant de la partie introductive de cet important jugement :

                ...

L'activité du contribuable est-elle exercée en vue de réaliser un profit, ou s'agit-il d'une démarche personnelle ? S'il ne s'agit pas d'une démarche personnelle, la source du revenu est-elle une entreprise ou un bien ? Le premier volet du critère ne s'applique que si l'activité en cause comporte un aspect personnel ou récréatif. Lorsqu'une activité est clairement de nature commerciale, la recherche d'un profit par le contribuable est établie. Il n'est pas nécessaire de pousser l'examen plus loin en analysant les décisions commerciales du contribuable. Cependant, lorsque la nature de l'entreprise du contribuable comporte des aspects indiquant qu'elle pourrait être considérée comme un passe-temps ou une autre activité personnelle, cette entreprise ne sera considérée comme une source de revenu que si elle est exploitée d'une manière suffisamment commerciale. Pour qu'une activité soit qualifiée de commerciale par nature, le contribuable doit avoir l'intention subjective de réaliser un profit et il doit exister une preuve de comportement d'homme d'affaires sérieux étayant cette intention. L'expectative raisonnable de profit n'est rien de plus qu'un facteur parmi d'autres qui doit être pris en considération à ce stade.

...

[27]          Dans cette même affaire, au paragraphe 5, version française du jugement de la Cour rendu par les juges Iacobucci et Bastarache, la Cour suprême du Canada mentionne :

...              En conséquence, pour déterminer si une activité particulière constitue une source de revenu, le contribuable doit démontrer qu'il a l'intention d'exercer cette activité en vue de réaliser un profit, et présenter des éléments de preuve étayant cette intention. Ce critère a pour objet de distinguer les activités commerciales des activités personnelles. Lorsqu'une activité exercée dans le but de réaliser un profit ne comporte aucun aspect personnel ou récréatif, cette activité est commerciale et la recherche d'un profit par le contribuable est établie. Cependant, lorsqu'on soupçonne que l'activité du contribuable est un passe-temps ou une démarche personnelle plutôt qu'une entreprise commerciale, la prétendue expectative raisonnable de profit est un facteur parmi d'autres qui peut être pris en considération pour déterminer si le contribuable a l'intention d'exploiter une entreprise commerciale.

Aux paragraphes 6, 50, 52, 54 :

6.              Dans le présent pourvoi, le contribuable a acheté quatre biens locatifs qu'il a loués à des parties sans lien de dépendance afin d'en tirer un revenu de location. La démarche du contribuable ne comportait aucun aspect personnel et sa nature commerciale n'a jamais été mise en doute. Par conséquent, les activités locatives de l'appelant constituent une source de revenu dont il peut déduire les pertes qui en ont découlé. Nous sommes donc d'avis d'accueillir le pourvoi

50.            Il est manifeste que, pour que l'art. 9 s'applique, le contribuable doit d'abord déterminer s'il a une source de revenu constituée soit d'une entreprise, soit d'un bien. Comme nous l'avons vu, une activité commerciale qui ne constitue pas véritablement une entreprise peut néanmoins être une source de revenu constituée d'un bien. De même, il est clair que certaines démarches de contribuables ne sont ni des entreprises, ni des sources de revenu constituées d'un bien, mais sont uniquement des activités personnelles. On peut recourir à la méthode à deux volets suivante pour trancher la question de l'existence d'une source :

(i)             L'activité du contribuable est-elle exercée en vue de réaliser un profit, ou s'agit-il d'une démarche personnelle ?

(ii)            S'il ne s'agit pas d'une démarche personnelle, la source du revenu est-elle une entreprise ou un bien?

Le premier volet du critère vise la question générale de savoir s'il y a ou non une source de revenu; dans le deuxième volet, on qualifie la source d'entreprise ou de bien.

52.            Ce premier volet du critère vise simplement à établir une distinction entre les activités commerciales et les activités personnelles et, comme nous l'avons vu, il se peut fort bien que telle ait été à l'origine l'intention du juge Dickson lorsqu'il a mentionné l' « expectative raisonnable de profit » dans l'arrêt Moldowan. Vus sous cet angle, les critères énoncés par le juge Dickson représentent une tentative de dresser une liste objective de facteurs permettant de déterminer si l'activité en cause est de nature commerciale ou personnelle. Ces facteurs sont ce que le juge Bowman a qualifié d' « indices de commercialité » ou de « caractéristiques commerciales » : Nichol, précité, p. 1218. Ainsi, lorsque la nature de l'entreprise du contribuable comporte des aspects indiquant qu'elle pourrait être considérée comme un passe-temps ou une autre activité personnelle, mais que l'entreprise est exploitée d'une manière suffisamment commerciale, cette entreprise sera considérée comme une source de revenu aux fins de la Loi.

54.            ... Ainsi, sous une forme plus élaborée, le premier volet du critère susmentionné peut être reformulé ainsi : « Le contribuable a-t-il l'intention d'exercer une activité en vue de réaliser un profit et existe-t-il des éléments de preuve étayant cette intention ? » Cela oblige le contribuable à établir que son intention prédominante était de tirer profit de l'activité et que cette activité a été exercée conformément à des normes objectives de comportement d'homme d'affaires sérieux.

[28]          L'appelant et sa famille ont profité et bénéficié du condominium sur lequel porte l'appel. Adeptes du ski, l'appelant et les membres de sa famille profitaient de leur installation à des fins récréatives. À cet égard, il a été fait mention que l'appelant pouvait y résider à raison de près de 40 jours par année, soit plus ou moins une douzaine de fins de semaine.

[29]          Il s'agissait là d'une utilisation significative qui avait des effets considérables, voire même déterminants sur la rentabilité de l'opération. Ces faits ne peuvent être occultés de l'analyse; ils constituent un élément ayant influencé considérablement la viabilité du projet.

[30]          Durant les années en litige, l'appelant avait consenti deux genres de mandat à des tiers, lesquels s'occupaient de l'administration et de la gestion.

[31]          Dans un premier temps, l'appelant et les membres de sa famille pouvaient résider dans leur condo à la condition de débourser les honoraires habituellement exigés pour toute location, soit plus ou moins 50 p. 100 des revenus locatifs. Aux dires de l'appelant, il s'agissait-là de déboursés substantiels qu'il trouvait manifestement excessifs.

[32]          Dans un deuxième temps, l'appelant pouvait y résider à coût moindre, mais les périodes d'occupation devaient être assujetties à un pré-avis; à cet égard, le protocole d'entente est très explicite. Il y a lieu de reproduire les clauses pertinentes :

Mandat de gestion - Option A (pièce A-1)

...

4.              DISPONIBILITÉ

4.1            Le mandant pourra utiliser son appartement-hôtel, sous réserve des modalités ci-après mentionnées aux paragraphes 4.2 et 4.3, pour les périodes y mentionnées.

4.2            Le mandant pourra obtenir l'usage de son appartement-hôtel pour les périodes suivantes et moyennant un paiement équivalent à cinquante pour cent (50%) du prix régulier de location :

- du 26 décembre de chaque année au premier mardi de janvier qui suit;

- du deuxième dimanche de février au troisième dimanche de mars de chaque année;

                - du 15 juillet au premier lundi de septembre de chaque année;

4.3            Hors des périodes mentionnées au paragraphe 4.2 ci-avant, le mandant pourra occuper son appartement-hôtel. Une somme de quarante dollars (40 $) devra alors être payée pour frais de services, à chaque départ.

                De plus, si le mandant désire bénéficier d'un service d'entretien journalier de son appartement-hôtel, il devra défrayer le coût additionnel prévu à l'année « A » jointe aux présentes.

4.4            Lors que le mandant est une corporation, l'occupation de l'appartement-hôtel pourra être faite, selon les modalités et restrictions prévues au présent article, partout actionnaire de ladite corporation et tout membre de sa famille immédiate. La période totale d'occupation par les actionnaires ou les membres de leur famille ne pourra en aucun temps excéder 12 semaines par année financière, hors des périodes restreintes par le paragraphe 4.2.

...

                                                                                                ce 02.10.1990

Mandat de gestion et de location - Option B (pièce I-1)

...

4.0            DISPONIBILITÉ DU LOGEMENT

                Le MANDANT devra nous signifier deux fois (2) par année tel que décrit dans l'article 4.1, la disponibilité de son logement;

4.1            SIGNIFICATION DE LA DISPONIBILITÉ

                Avant le 1er septembre pour la période comprise entre le 1er novembre et le 30 avril suivant;

4.1.1         Avant le 1er mars pour la période comprise entre le 1er mai et le 30 novembre de chaque année.

...

                                                                                ce 26e jour de septembre 1993

[33]          Malgré l'existence des deux protocoles, l'appelant aurait pu ne pas occuper son condo ou l'occuper de façon marginale lors de périodes où il n'y avait aucune demande de location par les tiers.

[34]          Le fardeau de preuve incombait à l'appelant. La preuve a démontré qu'il ne s'agissait pas d'une activité principalement commerciale. Un des objectifs fondamentaux était que l'appelant et les membres de sa famille profitent et jouissent d'une installation leur permettant de pratiquer leur sport en profitant de revenus d'appoints ayant pour effet de réduire les coûts prohibitifs de la pratique d'une telle discipline sportive. Ainsi la famille de l'appelant déterminait ses périodes d'occupation personnelle et offrait la disponibilité restante au marché de la location des tiers.

[35]          Une véritable entreprise donne priorité et cible des revenus maximums en mettant tout en oeuvre pour écarter ou réduire tout ce qui est ou peut avoir un effet contraire.

[36]          En l'espèce, l'appelant et sa famille jouissaient d'un condominium dont les frais d'opérations étaient réduits par la location à des tiers lors des périodes d'inoccupation. Il ne s'agissait pas d'une activité pouvant être qualifiée de commerciale par nature.

[37]          L'appelant n'ayant pas démontré que son intention prédominante était de tirer profit de l'activité et que cette activité a été exercée conformément à des normes objectives de comportement d'homme d'affaires sérieux, je dois rejeter son appel.

Signé à Ottawa, Canada, ce 13e jour de septembre 2002.

« Alain Tardif »

J.C.C.I.

No DU DOSSIER DE LA COUR :        2001-3056(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :                                 Gilles Montminy et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                      Sherbrooke (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                    le 6 août 2002

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :         l'honorable juge Alain Tardif

DATE DU JUGEMENT :                      le 13 septembre 2002

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :                                     L'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :                          Me Stéphanie Côté

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l'appelant :

Pour l'intimée :                                       Morris Rosenberg

                                                                                Sous-procureur général du Canada

                                                                                Ottawa, Canada

2001-3056(IT)I

ENTRE :

GILLES MONTMINY,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 6 août 2002 à Sherbrooke (Québec) par

l'honorable juge Alain Tardif

Comparutions

Pour l'appelant :                                                     L'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :                                          Me Stéphanie Côté

JUGEMENT

                L'appel des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1993, 1994, 1995 et 1996 est rejeté, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 13e jour de septembre 2002.

« Alain Tardif »

J.C.C.I.

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