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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Date : 20030121

Dossier : 2002-436(IT)I

ENTRE :

BARBARA BENSON,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 8 novembre 2002 à St. John's (Terre-Neuve)

Devant : L'honorable juge Terrence O'Connor

Comparutions :

Représentant l'appelante :                  L'appelante elle-même

Avocat de l'intimée :                          Dominique Gallant

JUGEMENT

          Les appels des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1998 et 1999 sont accueillis, sans dépens, conformément aux motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour de janvier 2003.

« T. O'Connor »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 8e jour de décembre 2003.

Erich Klein, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Date : 20030121

Dossier : 2002-436(IT)I

ENTRE :

BARBARA BENSON,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge O'Connor, C.C.I.

[1]      Les faits essentiels sont exposés dans les paragraphes suivants de la réponse à l'avis d'appel :

                   [TRADUCTION]

9.          Pour les années de base 1997, 1998 et 1999, l'appelante a demandé et reçu une PFCE à l'égard d'un enfant admissible, Stephen, né en novembre 1982. Le revenu déclaré de l'appelante pour les années d'imposition 1997, 1998 et 1999 a servi à calculer la PFCE à laquelle elle avait droit pour les périodes de juillet 1998 à juin 1999, de juillet 1999 à juin 2000 et de juillet 2000 à novembre 2000 respectivement (les « périodes » ). L'appelante a également demandé le crédit pour taxe sur les produits et services ( « CTPS » ) à l'égard des périodes, ainsi que le crédit d'impôt personnel pour personne entièrement à charge à l'égard des années d'imposition 1998 et 1999.

10.        Par le biais d'avis de prestation fiscale pour enfant datés du 19 janvier 2001, le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a recalculé le « revenu modifié » pour les années de base 1997, 1998 et 1999 afin d'inclure le revenu du « conjoint visé » de l'appelante, réduisant ainsi du même coup la PFCE de l'appelante à l'égard des périodes. Par des avis de crédit de taxe sur les produits et services datés du 13 décembre 2000, le ministre a recalculé et réduit le montant auquel l'appelante avait droit au titre du CTPS pour les périodes. Par des avis de nouvelle cotisation datés du 8 mars 2001, le ministre a refusé le crédit d'impôt personnel pour personne entièrement à charge relativement aux années d'imposition 1998 et 1999.

AUTRES FAITS

[2]      Les autres faits essentiels sont ceux exposés ci-après.

L'appelante a épousé Roger en secondes noces en 1992. En 1994, le couple a acheté une résidence conjointement. Entre juillet 1998 et septembre 2000, a affirmé l'appelante, elle était séparée de son conjoint et ils avaient signé une entente de séparation, quoiqu'ils continuassent à vivre sous le même toit. L'appelante et son conjoint avaient chacun deux enfants d'un premier lit, et pendant un certain temps, les quatre enfants vivaient avec l'appelante et son conjoint. Toutefois, seul Stephen, fils de l'appelante, est visé par les présents appels.

[3]      L'entente de séparation prévoyait que Roger s'occuperait de payer l'hypothèque et les factures des services publics, tandis que l'appelante payerait une partie de l'épicerie et certaines dépenses du ménage. L'appelante et son conjoint faisaient chambre à part et n'avaient pas de rapports sexuels. En général, ils ne mangeaient pas ensemble. Elle faisait la cuisine, le ménage et les courses. Elle se chargeait de certains menus travaux de réparation, tandis que son conjoint s'acquittait des grosses tâches d'entretien et de réparation. L'appelante achetait les vêtements de ses enfants et veillait à ce qu'ils aient un toit et de la nourriture.

[4]      Par le biais de son emploi, l'appelante était assurée par un régime de soins médicaux qui indemnisait aussi Roger pour certaines dépenses.

[5]      Les revendications de l'appelante sont fondées sur les dispositions suivantes de la Loi de l'impôt sur le revenu :

1.        l'alinéa 118(1)b) (l'équivalent du montant pour conjoint);

2.        l'article 122.6 (la prestation fiscale pour enfants);

3.        l'article 122.5 (le crédit pour la TPS).

[6]      L'appelante n'est admissible à la déduction et aux crédits en question que si elle vivait séparée de Roger en raison de l'échec de leur mariage. L'appelante a témoigné que tel était effectivement le cas.

[7]      Dans l'affaire Molodowich v. Penttinen (1980), 17 R.F.L. (2d) 376, le juge Kirosko de la Cour de district de l'Ontario a énoncé, aux pages 381 et 382, sept questions ou critères permettant de déterminer si des conjoints vivent séparés, à savoir :

                   [TRADUCTION]

1.         Logement

a)          Les intéressés vivaient-ils sous le même toit?

b)          Couchaient-ils dans le même lit?c)        Y avait-il quelqu'un d'autre qui habitait chez eux?

2.          Comportement sexuel et personnel

                                     

a)           Les intéressés avaient-ils des rapports sexuels? Si non, pourquoi?

b)          Étaient-ils fidèles l'un à l'autre?

c)          Quels étaient leurs sentiments l'un pour l'autre?

d)          Existait-il une bonne communication entre eux sur le plan personnel?

e)          Prenaient-ils leurs repas ensemble?

f)           Que faisaient-ils pour s'entraider face aux problèmes ou à la maladie?

g)          S'offraient-ils des cadeaux à des occasions spéciales?

3.          Services

Comment les intéressés agissaient-ils habituellement en ce qui concerne :

a)          la préparation des repas;

b)          le lavage et le raccommodage des vêtements;

c)          les courses;

d)          l'entretien du foyer;

e)           les autres services ménagers?

4.         Relations sociales

a)          Les intéressés participaient-ils ensemble ou séparément aux activités du quartier et de la collectivité?

b)          Quelle était la nature des rapports de chacun d'eux avec les membres de la famille de l'autre et comment agissaient-ils envers ces derniers, et inversement, quel était le comportement de ces familles envers les intéressés?

5.         Attitude de la société

Quelle attitude et quel comportement la collectivité avait-elle envers les intéressés, considérés individuellement et en tant que couple?

6.         Soutien (économique)

a)          Quelles dispositions financières les intéressés prenaient-ils pour ce qui était de fournir les choses nécessaires à la vie (vivres, vêtements, logement, récréation, etc.) ou de contribuer à les fournir?

b)          Quelles dispositions prenaient-ils relativement à l'acquisition et à la propriété de biens?

c)          Existait-il entre eux des arrangements financiers particuliers que tous deux tenaient pour déterminants quant à la nature de leurs relations globales?

7.           Enfants

Quelle attitude et quel comportement les intéressés avaient-ils à l'égard des enfants?

[8]      Comme on l'admet dans la réponse à l'avis d'appel, il est clairement reconnu en droit qu'il est possible que deux conjoints vivent séparés sous le même toit (Rushton v. Rushton (1969), 2 D.L.R. (3d) 25, 66 W.W.R. 764 (C.-B.)).

[9]      Les causes les plus pertinentes relativement au sens de la notion de vivre « séparé » , dans le contexte de la PFCE, du CTPS et du crédit d'impôt personnel pour personne entièrement à charge, sont Kelner c. Canada, [1995] A.C.I. no 1130 ([1996] 1 C.T.C. 2687, (1995) 17 R.F.L. (4th) 288), le juge Bowman, Rangwala c. Canada, [2000] A.C.I. no 624 ([2000] 4 C.T.C. 2430), la juge Campbell, et Roby c. Canada, [2001] A.C.I. no 801, le juge en chef adjoint Bowman.

[10]     Dans l'affaire Kelner, le mariage des époux s'est désintégrée après que le mari avait eu un accident du travail par suite duquel il a fait une dépression. Il a commencé à vivre seul dans un logement autonome situé au sous-sol de la maison familiale, et il faisait lui-même ses travaux ménagers. Il n'avait pas de rapports sexuels avec sa femme, l'appelante, et il ne communiquait avec elle que pour lui parler de questions concernant leur enfant. Le mari ne contribuait pas du tout au paiement des dépenses du ménage, néanmoins le juge Bowman (tel était alors son titre), concluant que les conjoints vivaient séparés dans la même maison, a accueilli l'appel et a accordé des déductions pour les frais de garde de l'enfant. Pour statuer ainsi, le juge Bowman a passé en revue la jurisprudence pertinente et a cité, en l'approuvant, la décision du juge Holland dans Cooper v. Cooper (1973), 10 R.F.L. 184 (H.C. Ont.) à la page 187:

[TRADUCTION]

Est-il possible de dire que les parties en l'espèce vivent séparément?    De toute évidence, des conjoints qui vivent sous un même toit peuvent bien, en fait, vivre séparément.    Le problème a souvent été examiné dans des actions fondées sur le sous-alinéa 4(1)e)(i) de la Loi sur le divorce et, en général, il a été conclu que les parties vivaient séparément dans les circonstances suivantes :

(i)          Les conjoints occupent des chambres à coucher distinctes.

(ii)         Les conjoints n'ont pas de relations sexuelles.

(iii)        Il y a peu de communication entre les conjoints, pour ne pas dire aucune.

(iv)        La femme n'effectue pas de travaux ménagers pour le mari.

(v)         Les conjoints prennent leurs repas séparément.

(vi)        Les conjoints n'ont pas d'activités sociales communes.

[11]     La décision Kelner compte parmi la vaste jurisprudence examinée par la juge Campbell dans l'affaire Rangwala. Cette cause concernait également des conjoints censément séparés qui vivaient cependant dans la même maison. Après avoir signé une entente de séparation, chacun des conjoints s'est retiré dans des pièces complètement distinctes et ils ne partageaient ni leurs repas, ni les tâches ménagères. Les communications entre eux étaient minimes, et leurs affaires financières étaient complètement séparées. Étant donné que les deux conjoints avaient la garde partagée de leur fils, la préparation des repas de celui-ci et le paiement des dépenses engagées pour lui étaient assumés par chacun à tour de rôle pendant un mois. Le litige concernait le CTPS et la PFCE.

[12]     En concluant que les conjoints vivaient séparés, la juge Campbell a constaté qu'il y avait une « séparation tant physique que psychologique » et que les deux conjoints « partageaient la même adresse, et c'était à peu près tout » . Elle a donc accueilli l'appel. Dans ses motifs, non seulement elle s'est référée à l'affaire Kelner, mais elle a également cité la décision Cooper en l'approuvant et a parlé de la pertinence des critères énumérés dans l'affaire Molodowich v. Penttinen.

[13]     Je tiens l'appelante pour crédible, et compte tenu de l'ensemble de la preuve présentée, je suis convaincu que pendant la période en cause, soit de juillet 1998 à septembre 2000, l'appelante et son mari Roger vivaient séparés même si c'était sous le même toit. Il faut examiner tous les facteurs, car aucun n'est lui-même déterminant. Je ne pense pas que la séparation des affaires financières des conjoints avant, pendant et après la séparation et l'inclusion du conjoint dans la couverture du régime de soins médicaux de l'appelante constituent des motifs suffisants pour changer cette conclusion.

[14]     Par conséquent, puisque les conjoints étaient considérés comme vivant séparés, l'appelante avait droit au crédit pour la taxe sur les produits et services ainsi qu'à la prestation fiscale pour enfant qu'elle avait demandés. Ces crédits ne doivent pas être réduits en fonction du revenu de Roger.

[15]     En outre, à mon avis, l'appelante avait droit à la déduction pour personne entièrement à charge en vertu de l'alinéa 118(1)b), car elle était une personne mariée qui ne subvenait pas aux besoins de son conjoint et ne vivait pas avec lui (puisqu'ils étaient considérés comme vivant séparés) et son conjoint ne subvenait pas à ses besoins à elle et, qui plus est, elle tenait, conjointement avec son mari, et habitait un établissement domestique autonome où elle subvenait réellement aux besoins d'une personne, Stephen, qui, à ce moment, était son enfant et était âgé de moins de 18 ans.


[16]     Pour tous les motifs exposés ci-dessus, les appels sont accueillis sans dépens.

          Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour de janvier 2003.

« T. O'Connor »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 8e jour de décembre 2003.

Erich Klein, réviseur

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