Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Date: 19991116

Dossier: 97-400(IT)I

ENTRE :

JOHL H. READY,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

(Rendus oralement à l'audience à Edmonton (Alberta),

le mercredi 22 septembre 1999.)

Le juge Margeson, C.C.I.

[1]      La Cour en est maintenant à l'étape du procès dans l'affaire Johl H. Ready, portant le numéro de dossier 97-400, régie par la procédure informelle et ayant trait à l'impôt sur le revenu. Cette affaire devait, à l'origine, être entendue le 6 août 1998, date à laquelle l'appelant a comparu devant le juge Rowe et lui a demandé un ajournement. Dans sa décision datée du 6 août 1998, le juge Rowe a accordé un ajournement afin de permettre à l'appelant de disposer du temps nécessaire pour donner les avis requis. La décision ne mentionne rien en ce qui concerne l'obtention de conseils d'un avocat. Elle ne mentionne pas si l'appelant, à ce moment-là, a indiqué au juge qu'il souhaitait retenir les services d'un avocat. Je n'en sais rien, car le dossier ne l'indique pas clairement. Cependant, le juge Rowe a accordé l'ajournement pour permettre à l'appelant de donner les avis requis mais non pas pour lui permettre d'engager un avocat.

[2]      La Cour est convaincue que, à ce moment-là, soit le 6 août 1998, l'appelant savait qu'il devait signifier ces avis en conformité avec la Loi sur la Cour fédérale, faute de quoi il ne pourrait soulever un argument fondé sur la Charte des droits.

[3]      Le juge Rowe s'est adressé à l'appelant à ce moment-là , et M. Ready lui a répondu. Mme Horowitz agissait alors au nom du ministre. L'intimée ne s'est pas opposée à un ajournement visant à permettre la délivrance des avis nécessaires. Le jugement était libellé comme suit :

[traduction]

Ajourné afin de permettre à l'appelant d'avoir le temps de donner les avis requis. Une nouvelle date sera alors fixée pour le procès.

[4]      Maintenant, après cela, l'appelant n'a rien fait, du moins d'après ce que la Cour peut constater. La cause a de toute évidence été inscrite pour audition par la Cour canadienne de l'impôt et le juge Christie en a été saisi le 23 février 1999. Le dossier contient une lettre datée du 21 août 1998, donc après l'audience du 6 août. Cette lettre a été envoyée par la Cour canadienne de l'impôt à M. Ready, à son domicile, et elle est rédigée comme suit :

[traduction]

Nous confirmons, par la présente lettre, qu'à Edmonton, le 6 août 1998, le juge Rowe a ajourné l'audition du présent appel afin de permettre à l'appelant d'avoir le temps de délivrer les avis requis à tous les procureurs généraux des provinces.

Il va de soi qu'une fois ces avis signifiés, l'appelant communiquera avec la Cour en vue de faire inscrire cette affaire pour audition le plus tôt possible à Edmonton, en Alberta.

Si vous avez des questions, veuillez communiquer avec moi [...]

[5]      Cette lettre a été envoyée à M. Ready. De toute évidence, aucune mesure n'a été prise par suite de cette lettre puisque le document suivant dont dispose la Cour canadienne de l'impôt à cet égard est une ordonnance du juge en chef Christie, de la Cour canadienne de l'impôt, datée du 23 février 1999, qui se lit comme suit :

[traduction]

IL EST ORDONNÉ que l'audition de cette affaire, qui était fixée pour le 6 août 1998, à Edmonton (Alberta), soit ajournée et fixée péremptoirement au mercredi 22 septembre 1999 à 14 h devant cette cour, Scotia Place, 5e    étage, Tour 1, 10060, avenue Jasper, Edmonton (Alberta).

C'était une ordonnance de procès péremptoire.

[6]      Une lettre contenant une copie certifiée conforme de cette ordonnance a été envoyée à l'appelant. Elle est datée du 24 février 1999. On peut y lire ceci :

[traduction]

Veuillez trouver, ci-joint, une copie certifiée conforme de l'ordonnance formelle concernant l'affaire susmentionnée [...]

[7]      Cette ordonnance était celle portant la signature du juge Christie et fixant l'audition de l'affaire pour cette date.

[8]      Le 13 juillet 1999, l'appelant a fait parvenir à la Cour canadienne de l'impôt une lettre dans laquelle il écrivait notamment ceci :

[traduction]

[...] que le juge qui a ajourné l'affaire le 8 août a reconnu que j'avais le droit d'avoir recours à l'assistance d'un avocat, notamment aux fins de recherche.

[9]      L'ordonnance ne dit mot à ce sujet. J'ai lu le procès verbal, et rien n'indique que le juge ait déclaré cela, bien que cela puisse avoir été l'interprétation de l'appelant. Nul doute que l'appelant avait le droit de retenir les services d'un avocat, mais il ne revenait pas au juge Rowe de nommer un avocat ni de recommander à l'appelant de consulter un avocat. Il pouvait tout au plus dire à l'appelant qu'il avait le droit de retenir les services d'un avocat. Cela n'a rien d'irrégulier. Selon l'interprétation de l'appelant, cela signifiait qu'il avait droit à l'assistance d'un avocat, y compris aux fins de recherche, et il se pourrait qu'il ait interprété cela comme signifiant qu'il avait d'autres droits, je n'en sais rien. Le procès-verbal mentionnait qu'il était essentiel que la recherche juridique fût effectuée pour être ensuite présentée en preuve contre son employeur, Affaires indiennes, au cours d'une audience d'arbitrage tenue par la Commission des relations de travail dans la fonction publique. Une somme d'argent considérable était en jeu. Le juge le savait lorsqu'il a accordé l'ajournement. La procédure d'arbitrage n'a pas été conduite comme prévu.

[10]     L'appelant a écrit ce qui suit à la Cour canadienne de l'impôt le 13 juillet 1999 :

[traduction]

[...] Je ne sais pas quel ajournement demander à la Cour canadienne de l'impôt. Je pense qu'il faudra encore au moins six mois pour faire revenir l'employeur à la procédure d'arbitrage, faire publier la décision et obtenir un chèque. Mme Henry pourrait peut-être vous fournir une meilleure estimation. Ensuite, le cabinet d'avocats exige un délai.

Veuillez tenter d'obtenir un ajournement jusqu'à la date qui vous semblera appropriée; je n'aurai ainsi pas à comparaître devant la Cour le 22 septembre 1999 pour le faire. D'après moi, l'ajournement du 6 août 1998 était jusqu'à une date indéterminée, et fixer une autre date ne diffère en rien de votre décision portant que le 22 septembre 1999 était une date appropriée [...]

[11]     Après cela, la Cour canadienne de l'impôt a été informée de ce qui suit par M. Yaskowich, du ministère de la Justice :

[traduction]

[...] l'intimée s'oppose à la demande d'ajournement de l'appelant. Nous pensons que l'appelant n'a pas poursuivi le présent appel sans délai, comme l'indique le temps écoulé depuis son dernier ajournement et son omission de déposer l'avis d'une question constitutionnelle, lequel, selon nous, était le motif de l'ajournement accordé par le juge Rowe.

[12]     Nous avons également une lettre, datée du 29 juillet 1999, que la Cour canadienne de l'impôt a fait parvenir à M. Ready :

[traduction]

Nous accusons réception de votre lettre, reçue le 26 juillet 1999, par laquelle vous demandez un ajournement de l'audition de l'affaire susmentionnée qui devait avoir lieu le 22 septembre 1999 à Edmonton.

Nous confirmons par la présente le rejet de votre demande d'ajournement, de sorte que les parties doivent être prêtes pour l'audience du mercredi 22 septembre 1999, comme prévu.

[13]     Nous voici donc ici aujourd'hui, et M. Ready n'est pas prêt à plaider sa cause : il n'a pas envoyé les avis, il n'a reçu aucun conseil juridique depuis 1998 et il demande que l'audition soit reportée d'une autre année. La demande est en partie fondée sur le fait qu'il n'a pas les moyens de retenir les services d'un avocat, qu'il ne pourrait payer. Lorsqu'on lui a demandé pourquoi il n'a pas consulté un avocat de l'aide juridique, il a déclaré qu'il n'était pas admissible à l'aide juridique, étant donné qu'il avait un emploi et que le bureau d'aide juridique ne considérait pas la présente affaire comme une affaire exceptionnelle.

[14]     Ce qui nous importe, c'est qu'il n'a rien fait depuis 1998 pour obtenir des conseils juridiques, par exemple demander à un avocat s'il était disposé à envoyer les avis sans se faire payer immédiatement et à accepter des versements périodiques. Il n'a pas vraiment cherché à obtenir des conseils juridiques depuis 1998.

[15]     Et, maintenant, il demande à la Cour d'attendre jusqu'à ce que son arbitrage soit terminé, s'attendant à recevoir de l'argent et à pouvoir ainsi payer un avocat pour l'envoi des avis. Rien n'indique qu'il aura gain de cause en arbitrage. L'audition de cette affaire n'a rien à voir avec la présente affaire. Il n'existe aucun lien entre les deux affaires.

[16]     Ce qui est en cause ici est le fait que la date de l'audience a été fixée il y a déjà un certain temps. Le juge Rowe a ajourné l'audience pour donner à l'appelant la possibilité de prendre les mesures nécessaires pour mettre son appel en état. En ce qui concerne cette cour, il n'a rien fait du tout en ce sens. Il n'a même pas tenté d'envoyer les avis lui-même, ce qu'il aurait évidemment très bien pu faire. Ce qui importe à la Cour, c'est qu'il n'a pas cherché à obtenir des conseils juridiques depuis 1998, qu'il n'a pas tenté de faire quoi que ce soit à l'égard de la présente affaire et que le ministre l'a clairement informé qu'il s'opposait à tout autre ajournement. Le 29 juillet, la Cour canadienne de l'impôt l'a informé qu'elle n'allait pas accorder d'ajournement et qu'il devait être prêt à plaider sa cause aujourd'hui. Même après cela, il n'a pas tenté de consulter un avocat, notamment par l'entremise de l'aide juridique. Il n'a pris aucune mesure pour répondre aux exigences procédurales en envoyant les avis nécessaires.

[17]     La représentante du ministre s'oppose à tout autre ajournement. Elle a soutenu, sans mâcher ses mots, que l'appelant a eu largement le temps de faire ce qu'il devait faire. Il n'a pris aucune mesure pour faire instruire l'affaire, et il n'est pas prêt aujourd'hui. Selon l'avocate, le ministre n'a pas été informé, après avoir envoyé la lettre à l'appelant et après que la Cour canadienne de l'impôt a envoyé à ce dernier la lettre datée du 29 juillet, qu'il allait comparaître aujourd'hui et demander un ajournement à la Cour.

[18]     La Cour est convaincue, compte tenu de l'ensemble de la preuve, qu'il ne s'agit pas d'un cas où un ajournement devrait être accordé. C'est la troisième fois que la Cour est saisie de cette affaire, et elle n'est pas convaincue que l'appelant a démontré le bien-fondé d'un autre ajournement.

[19]     La Cour est convaincue que l'appelant n'a pas agi de façon raisonnable en ne prenant pas les mesures nécessaires pour produire les avis ou les faire produire en son nom. Il n'a pas convaincu la Cour qu'il a pris des mesures raisonnables pour tenter d'obtenir les conseils d'un avocat depuis 1998, et la Cour est convaincue qu'il se contente essentiellement de croire que, puisque la Cour lui a déjà accordé au moins un ajournement, il en obtiendra encore un cette fois-ci. Trois juges différents de la Cour canadienne de l'impôt ont été saisis de cette affaire. Une date d'audience a été fixée au moins deux fois, et la Cour n'est pas convaincue qu'il serait raisonnable d'accorder un ajournement.

[20]     La Cour appelle M. Ready. La Cour lui donne la possibilité de déposer aujourd'hui toute preuve qu'il souhaite produire et de poursuivre son appel. On fera sans doute valoir qu'il n'a pas signifié les documents nécessaires en conformité avec la Loi sur la Cour fédérale, mais nous reviendrons sur cette question plus tard. Cependant nous sommes présents ici aujourd'hui et nous devrons entendre l'appel.

[21]     M. Ready, que souhaitez-vous faire? Je ne vais pas vous accorder d'ajournement.

M. READY :          Je n'ai rien à ajouter, Monsieur le juge.

M. LE JUGE :        Rien à ajouter, bon. Et vous, maître?

Me MOON :            Dans les circonstances, la Couronne demande de rejet de l'appel.

M. LE JUGE :        Qu'il soit inscrit au dossier que la Cour a donné à M. Ready la possibilité de produire des éléments de preuve. Alors, M. Ready, vous ne souhaitez pas déposer de preuves?

M. READY :         Pardon?

M. LE JUGE :        Vous ne souhaitez pas produire d'éléments de preuve?

M. READY :         Je ne suis pas en mesure de le faire, Monsieur le juge.

M. LE JUGE :       L'appelant ne présentera pas de preuve ni ne témoignera; il ne souhaite rien ajouter à l'intention de la Cour en ce qui concerne la demande d'ajournement.

[22]     La Cour rejette la demande d'ajournement et, compte tenu des circonstances, elle n'a d'autre choix que de rejeter l'affaire pour défaut de poursuite.

[23]     Bon, merci, M. Ready. Merci, maître.

Signé à Ottawa, Canada, ce 16e jour de novembre 1999.

« T. E. Margeson »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 2e jour de décembre 2003.

Philippe Ducharme, réviseur

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