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Dossier : 2004‑4462(IT)I

ENTRE :

JEAN‑PAUL EIDSVIK,

appelant,

Et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

___________________________________________________________________

Appel entendu à Vancouver (Colombie‑Britannique), le 20 septembre 2005.

 

Devant : L’honorable juge J.E. Hershfield

 

Comparutions :

 

 

Représentante de l’appelant :

Mme Evelyn Lomba

 

 

Avocat de l’intimée :

MGavin Laird

____________________________________________________________________

JUGEMENT

 

          L’appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 1996 est accueilli avec dépens pour les motifs énoncés dans les motifs du jugement ci‑joints et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvelle cotisation en conséquence.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 11jour de mai 2006.

 

 

« J.E. Hershfield »

Juge Hershfield

 

Traduction certifiée conforme

ce 10 jour de mars 2008.

 

D. Laberge, LL.L.


 

Référence : 2006CCI253

Date : 20060511

Dossier : 2004‑4462(IT)I 

ENTRE :

JEAN‑PAUL EIDSVIK,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Hershfield

 

[1]     L’appelant interjette appel d’une nouvelle cotisation concernant son année d’imposition 1996, par laquelle était refusée la déduction demandée de 50 p. 100 se rapportant à une perte d’entreprise découlant de la vente de parts de multipropriété dans certains lieux de villégiature au Mexique. Le reste de la perte, de 50 p. 100, a été déduit par l’épouse de l’appelant, qui a affirmé être associée à 50 p. 100 dans l’entreprise qui a subi la perte.

 

[2]     L’intimée affirme que l’appelant n’exploitait pas une entreprise à titre individuel ou dans le cadre d’une société de personnes et que toute perte subie n’a pas été subie par l’appelant ou par une société de personnes, mais qu’elle a plutôt été subie par une société mexicaine à laquelle appartenaient les propriétés en question.

 

[3]     L’intimée se fonde sur les hypothèses ci‑après énoncées :

 

[traduction]

a)         l’appelant, son épouse et deux autres particuliers étaient actionnaires de JJEM S.A. de C.V. (« JJEM »);

 

b)         JJEM était une société mexicaine;

 

c)         Sunset Resorts Inc. (« SRI ») était une société de l’Arizona qui vendait des résidences à temps partagé à Puerto Escondido, au Mexique;

 

d)         au cours de l’année d’imposition 1996, JJEM s’occupait avec SRI de la vente de résidences à temps partagé;

 

e)         en 1997, JJEM a conclu des contrats indiquant son intention de louer des résidences à temps partagé;

 

f)          en 1996, l’appelant n’exploitait pas une entreprise, à titre individuel ou dans le cadre d’une société de personnes;

 

g)         l’appelant n’avait pas de source de revenu se rattachant à la perte;

 

h)         en ratifiant la cotisation de l’appelant, le ministre a supposé que la perte avait été subie par JJEM, qui n’avait pas d’attente de profit pendant la période pertinente.

 

[4]     Il n’est pas contesté que JJEM était propriétaire de trois unités condominiales situées dans un lieu de villégiature, à Puerto Escondido (Oaxaca), au Mexique, et qu’un certain nombre de parts de multipropriété avaient été vendues à l’égard de ces unités suivant un contrat de vente conclu avec SRI. L’intimée ne conteste pas que ces activités de vente constituent une entreprise[1]. Elle soutient toutefois que cette entreprise et les pertes y afférentes étaient celles de JJEM.

 

[5]     L’appelant a témoigné à l’audience. Il résidait au Canada et essayait de tirer des revenus d’opérations immobilières à l’étranger. L’appelant considérait clairement la vente de parts de multipropriété comme susceptibles d’être rentables et il a vu des possibilités à l’égard d’une stratégie mettant peu d’accent ou ne mettant aucun accent sur le droit de propriété afférent à des immeubles comme les unités appartenant à JJEM. Ainsi, l’appelant a témoigné que, pour vendre des parts de multipropriété, il suffit de fournir à l’acheteur un type particulier d’unité pour une période donnée dans un endroit donné – par exemple, une semaine précise dans une unité condominiale de deux chambres à coucher, à Puerto Escondido (Oaxaca), au Mexique. Même alors, l’acheteur peut échanger l’utilisation de la résidence à temps partagé à l’égard de laquelle il a acquis une part de multipropriété contre une utilisation d’une résidence à temps partagé similaire située ailleurs, n’importe où dans le monde, là où des installations de résidences à temps partagé associées sont disponibles.

 

[6]     Si je comprends bien, l’accès restreint à une unité, par opposition à un droit de propriété sur l’unité, était tout ce qu’il fallait pour vendre une part de multipropriété. En somme, l’appelant pouvait exploiter une entreprise sans être propriétaire ou sans assurer l’accès pour plus que le nombre de semaines vendu, dans la mesure où il pouvait garantir l’accès à une unité du type vendu, au même endroit, pour les semaines données qui étaient vendues. Si six semaines étaient vendues, il fallait garantir l’accès pour six semaines précises dans l’une des propriétés de JJEM ou dans toute autre propriété que l’appelant pouvait, par quelque moyen que ce soit, mettre à la disposition de l’acquéreur, dans la mesure où ces conditions étaient remplies. Si l’accès était transformé en occupation, les six semaines auraient pu être fournies dans l’une quelconque des propriétés de JJEM ou dans l’une des autres propriétés acceptables que l’appelant pouvait mettre à la disposition de l’acquéreur.

 

[7]     Toutefois, la preuve fournie par l’appelant établissait également clairement qu’il ne pouvait pas vendre de parts de multipropriété sans un agent dont l’entreprise consistait à faire exactement ce type d’opérations et notamment à relier les unités de l’appelant à un réseau d’installations de résidences à temps partagé dans le monde entier. Par conséquent, l’appelant a retenu les services de SRI au mois de décembre 1995 pour s’acquitter de cette tâche. La société SRI devait avoir l’assurance que les unités à l’égard desquelles des parts de multipropriété étaient vendues appartenaient légalement à la personne qui vendait la part. C’est ici que JJEM entrait en jeu. La société JJEM était propriétaire en titre des unités sur lesquelles SRI pouvait compter lorsqu’elle vendait des parts de multipropriété à Puerto Escondido (Oaxaca), au Mexique[2]. L’omission d’assurer l’occupation pouvait donner lieu à une cause d’action contre SRI. Pour se protéger et pour protéger les acheteurs, SRI devait donc être propriétaire en titre d’une propriété acceptable afin de s’acquitter de ses obligations envers les acheteurs aux termes des contrats de vente. Comme il en sera ci‑dessous fait mention dans les présents motifs, on le faisait en obligeant JJEM à être partie à des contrats de vente individuels. C’est l’un des liens qui, selon l’intimée, permet de conclure que SRI ou l’appelant était l’agent de JJEM. L’entreprise appartenait à JJEM.

 

[8]     D’autre part, suivant les assertions que l’appelant a faites au sujet de la façon dont cette entreprise peut être exploitée et est exploitée, le droit de propriété de JJEM était le véhicule qui assurait à l’appelant, pour le compte de l’entreprise de la société de personnes, l’accès restreint dont il pouvait avoir besoin pour exploiter l’entreprise de résidences à temps partagé de la société de personnes et, ce qui est encore plus important, le fondement juridique essentiel dont SRI avait besoin pour travailler avec l’appelant pour le compte de la société de personnes. L’appelant n’a pas affirmé, et il ne pouvait pas affirmer, que JJEM était un simple fiduciaire des unités lui appartenant étant donné qu’il y avait d’autres actionnaires intéressés de JJEM dont le droit indirect sur de telles propriétés n’a jamais été contesté par l’appelant. L’appelant semblait considérer que l’usage particulier qu’il faisait de la propriété de JJEM à titre de « garant » ou à titre de fournisseur de l’accès restreint requis aux unités aux termes des contrats de vente de résidences à temps partagé ne portait pas atteinte au droit indirect de l’autre actionnaire[3].

 

[9]     Un autre aspect de l’appel invoqué par l’appelant se rapporte au fait que l’entreprise qui a subi la perte englobait en fait, comme il en a ci‑dessus été fait mention, un plus grand nombre d’unités que celles que possédait JJEM. Il y avait plusieurs propriétés additionnelles à l’égard desquelles des dépenses ont été engagées au cours de l’année en cause et qui ont contribué aux pertes. Comme le montre la méthode par laquelle il comptabilisait les pertes, l’appelant considérait ces propriétés additionnelles comme faisant partie de l’inventaire réel ou éventuel de la même entreprise de vente de résidences à temps partagé que celle qui était exploitée à l’égard des unités appartenant à JJEM. De même, l’intimée ne fait pas de distinction entre les activités qui se rapportent aux propriétés additionnelles et celles qui se rapportent aux propriétés appartenant à JJEM. Cela aide à restreindre la portée de la question dont je suis saisi. Si l’intimée avait considéré séparément les activités associées aux propriétés additionnelles, le revenu et les dépenses attribuables à l’entreprise exploitée par JJEM auraient pu être déterminés avec précision. Toutefois, étant donné que ni l’une ni l’autre partie n’a envisagé la séparation des entreprises ou des activités, il n’y a que deux possibilités à examiner, à savoir si les unités personnelles détenues par l’appelant (ou par la société de personnes) se rattachent à l’entreprise de JJEM ou si les unités détenues par la société JJEM se rattachent à l’entreprise de l’appelant (ou de la société de personnes). À mon avis, c’est la dernière possibilité qui doit l’emporter.

 

[10]    En arrivant à cette conclusion, j’ai tenu compte des éléments suivants :

 

−       l’origine du droit de propriété de JJEM sur les unités;

−       les activités de l’appelant relativement aux propriétés additionnelles;

−       le contrat conclu avec SRI.

 

Les immeubles de JJEM

 

[11]    En 1991, l’appelant ainsi que M. John et Mme Mary Ann Bernhardt ont engagé des capitaux dans trois unités condominiales situées à Puerto Escondido (Oaxaca), au Mexique, dans un ensemble appelé « Angel Bay Resort ». Le promoteur détenait le titre légal, mais l’appelant avait, dans une proportion de 50 p. 100, la propriété effective de ces unités, les Bernhardt ayant la propriété effective de l’autre moitié.

 

[12]    Au début des années 1990, le Mexique était aux prises avec des problèmes économiques, tout comme l’étaient les promoteurs mexicains des unités susmentionnées. L’appelant a témoigné qu’à son insu et à l’insu des autres détenteurs des unités de l’ensemble, les promoteurs avaient hypothéqué leurs unités. Le promoteur n’ayant pas pu rembourser l’hypothèque, la banque a enregistré un privilège sur les unités et elle allait faire prononcer la forclusion. Afin de protéger son droit sur les trois unités, l’appelant a négocié un emprunt auprès de la banque, il a déposé de l’argent en fiducie et il a promis de payer le solde impayé qui était dû sur ces unités, qui s’élevait à ce moment‑là à environ 80 000 $US, si la banque n’engageait pas d’autres poursuites visant les unités.

 

[13]    L’appelant a témoigné que, à peu près au moment où la question de la forclusion s’est posée, la relation entre M. et Mme Bernhardt s’était désintégrée à cause de problèmes auxquels M. Bernhardt était exposé. L’appelant craignait principalement que M. Bernhardt puisse porter atteinte au droit qu’il possédait sur les unités en question en effectuant des opérations non autorisées à leur égard. On a procédé au transfert du titre légal afférent à ces unités en faveur de JJEM en vue d’éviter cette possibilité.

 

[14]    Par conséquent, au mois de février 1995, l’appelant, son épouse et Mary Ann Bernhardt se sont rendus au Mexique afin de constituer JJEM en société pour qu’elle détienne le titre afférent aux unités. L’appelant a témoigné qu’après que JJEM eut été constituée en société et qu’elle eut acquis le titre légal afférent aux unités, les actions de JJEM que son épouse et lui détenaient (51 p. 100 au nom de l’appelant et 49 p. 100 au nom de l’épouse) ont été détenues en fiducie, dans une proportion de 50 p. 100, pour les Bernhardt[4]. L’appelant et Mme Bernhardt étaient les seuls représentants autorisés de JJEM. L’appelant était le principal représentant, auquel des pouvoirs étendus étaient dévolus, et Mme Bernhardt agissait à titre de représentante possédant des pouvoirs restreints.

 

[15]    Tous les coûts et frais d’entretien associés à ces unités, avant et après la constitution de JJEM en société, étaient payés à l’aide du même compte bancaire détenu en commun par l’appelant et par John et Mary Ann Bernhardt.

 

Les propriétés additionnelles

 

[16]    Comme il en a été fait mention, il y avait plusieurs propriétés en plus de celles que détenait JJEM à l’égard desquelles des dépenses ont été engagées au cours de l’année en question et qui ont contribué aux pertes.

 

[17]    L’appelant a produit divers documents montrant qu’il avait personnellement tenté d’acheter ou d’obtenir des options en vue d’acheter des unités condominiales à Puerto Escondido (Oaxaca), au Mexique, lesquelles faisaient partie de l’ensemble Angel Bay Resort et d’un autre ensemble situé dans la même zone, appelé Hotel Flor de Maria. Je suis convaincu que, grâce à ses efforts, l’appelant a acquis la propriété effective d’au moins une unité additionnelle, dans l’ensemble Angel Bay Resort, laquelle était suffisamment rattachée à l’entreprise de vente de résidences à temps partagé pour faire partie de l’inventaire, en ce sens qu’on pouvait l’utiliser pour satisfaire aux besoins en matière d’occupation découlant du contrat conclu avec SRI. Je suis également convaincu que tel était le but de l’acquisition. Les paiements effectués à l’égard de cette unité additionnelle sont documentés à l’aide du compte personnel de l’appelant ainsi que d’un compte conjoint qu’il avait avec son épouse. Ces paiements corroborent le fait qu’ils payaient les frais d’entretien associés à cette unité. L’appelant et son épouse effectuaient également des paiements en vertu de l’option sur une autre unité située dans le même ensemble. L’option qui avait été acquise semble suffisamment étendue pour faire partie de l’inventaire d’une entreprise qui cherche uniquement des possibilités d’accès restreint.

 

[18]    Je note également que la nature du droit de l’appelant sur ces propriétés additionnelles (la propriété effective) explique pourquoi, contrairement à ce qui était le cas pour les propriétés de JJEM, il n’y avait pas de documents indiquant qui détenait la propriété en droit.

 

[19]    Une autre explication proposée en ce qui concerne l’absence de titre en droit à l’égard des propriétés additionnelles se rapportait aux restrictions existant en droit mexicain à l’égard du transfert de terrains. Un avis juridique, exprimé dans une lettre soumise par l’appelant, indiquait que la vente de résidences aux fins d’habitation dans certaines zones réservées (comme les propriétés en bordure de l’océan) n’était pas autorisée. D’autre part, les achats aux fins de la revente à titre de résidences à temps partagé étaient traités comme un usage commercial plutôt que comme un usage restreint à titre d’habitation, dans la mesure où les règles de l’association condominiale le permettaient expressément et où le contrat d’achat prévoyait expressément un tel usage commercial. Il se peut donc que les transferts en droit n’aient pas été possibles à l’égard d’unités additionnelles.

 

Les sociétés de personnes

 

[20]    L’appelant a témoigné que son épouse et lui avaient constitué une société de personnes en 1995 en vue d’exploiter une entreprise sous le nom d’Angel Bay Vacations pour vendre des résidences à temps partagé à Puerto Escondido.

 

[21]    Les revenus et les dépenses associés à cette activité étaient comptabilisés dans les déclarations de revenus de l’appelant pour le compte de cette société de personnes[5]. Il n’est pas contesté que les dépenses qui ont donné lieu aux pertes étaient directement prises en charge par l’appelant ou par son épouse, mais il n’y a pas de contrat de société de personnes ou d’autre acte formel reconnaissant l’existence d’une société de personnes. Il n’existe aucun élément de preuve indiquant l’existence d’un compte bancaire au nom de la société de personnes. Le nom commercial de la société de personnes, à l’égard duquel il n’existe aucune preuve d’enregistrement, semble comporter différentes variantes. Ainsi, dans les contrats de vente découlant de la relation que l’appelant entretenait avec SRI, l’appelant se présente comme étant le signataire autorisé de JJEM et d’« Angel Bay Vacations Club » plutôt que d’« Angel Bay Vacations ».

 

[22]    Un meilleur fondement documentaire justifiant l’existence d’une société de personnes serait préférable, mais il n’y a pas lieu de conclure que la société de personnes n’existait pas. L’épouse de l’appelant était présente à l’audience et, bien qu’en théorie elle n’ait pas témoigné, je n’hésite pas à dire qu’elle serait pour le moins interloquée si je donnais à entendre qu’elle n’était pas associée aux activités. Elle faisait une contribution financière et elle était actionnaire de JJEM. L’appelant et elle ont interjeté appel à titre de société de personnes. Certains aspects de cette cause dénotent certains tours de passe-passe (tant en ce qui concerne l’entreprise de vente de parts de multipropriété que l’omission de tenir compte de la participation financière possible des Bernhardt à l’entreprise), mais aux fins de l’administration du système fiscal, il n’y a vraiment rien qui me permette de ne pas reconnaître que l’appelant et son épouse étaient associés dans cette entreprise.

 

L’entreprise et le contrat conclu avec SRI

 

[23]    Comme il en a été fait mention et comme le montre la méthode comptable qu’il a employée pour rendre compte des pertes, l’appelant considérait les propriétés additionnelles comme faisant partie de l’inventaire réel ou éventuel de la même entreprise de vente de résidences à temps partagé que celle qui était exploitée à l’égard des unités appartenant à JJEM. De même, l’intimée n’a pas fait de distinction entre les activités qui se rapportaient aux propriétés additionnelles et celles qui appartenaient à JJEM. Il s’agissait de leur approche commune.

 

[24]    En outre, l’appelant a témoigné que les Bernhardt ne participaient d’aucune façon à l’entreprise. Il a été soutenu que les fonds du compte bancaire conjoint qu’ils avaient avec les Bernhardt n’avaient rien à voir avec l’entreprise. Il semble néanmoins probable, et je ne dispose d’aucune preuve contraire, que les Bernhardt appuyaient indirectement, en faisant des contributions à JJEM pour l’entretien régulier, une société qui, si elle ne faisait une utilisation réelle de ses propriétés pour des périodes restreintes, se servait des titres qu’elle détenait à l’égard des propriétés au profit des autres actionnaires. Le fait qu’un tel avantage suscite des questions de nature civile entre les actionnaires, des questions de droit des sociétés relativement aux occasions favorables pour la société et des questions d’avantage conféré aux actionnaires en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »)[6] ne donne pas nécessairement à entendre que l’appelant agissait pour JJEM lorsqu’il traitait avec SRI. De fait, il est clair que l’appelant ne voulait pas que la société ait une participation dans de telles opérations. Les revenus allaient directement à l’appelant et, comme j’y reviendrai ci‑dessous dans les présents motifs, JJEM, bien qu’elle ait été partie aux contrats de vente, n’était pas partie au contrat conclu avec SRI.

 

[25]    Comme il en a été fait mention, l’appelant a admis qu’il n’avait pas d’expérience dans le domaine de la vente de résidences à temps partagé et qu’il avait besoin de SRI afin d’agir à titre d’agent de vente pour vendre des parts de multipropriété. La société SRI est une société de l’Arizona qui se spécialise dans la commercialisation et dans la vente de parts de multipropriété.

 

[26]    L’appelant entretenait le projet de constituer une société canadienne, JJEM Canada, qui posséderait des actions de JJEM, et de constituer une société de la Barbade, JJEM Barbados, qui exploiterait l’entreprise en utilisant les unités appartenant à JJEM et probablement les propriétés additionnelles. À ce moment‑là, l’appelant croyait pouvoir faire dévier les bénéfices vers une société de la Barbade et profiter ainsi d’avantages fiscaux. Ni JJEM Canada ni JJEM Barbados n’ont été constituées. Je ne fais pas d’inférences au sujet d’événements qui se seraient peut‑être produits ou qui ne se seraient peut‑être pas produits si les sociétés avaient été constituées.

 

[27]    Toutefois, c’est compte tenu de cette structure que le contrat avec SRI a été conclu. Il s’agit d’un contrat conclu par l’appelant en prévision de la constitution d’une société, pour le compte de JJEM Barbados (qui n’avait pas encore été constituée). Il s’agit d’un contrat de vente et de commercialisation (le « contrat SRI ») qui a été signé le 18 décembre 1995 par SRI et JJEM Enterprises Ltd.[7], société qui devait être constituée à la Barbade (à savoir JJEM Barbados). Le contrat SRI a été signé par le président de SRI et par l’appelant en sa qualité de propriétaire et d’agent financier de la société JJEM Barbados qui devait être constituée. Aucune autre partie n’a signé le contrat conclu avec SRI.

 

[28]    Le contrat SRI précisait, dans un paragraphe introductif, que [traduction] « la garantie afférente au présent contrat est donnée par JJEM, filiale de JJEM Enterprises Inc. ». La société JJEM Enterprises Inc. devait être constituée au Canada; il s’agit de la société mentionnée ci‑dessus sous le nom de JJEM Canada. Le contrat SRI ne stipule pas les obligations de JJEM à titre de garant et de fournisseur d’une garantie. Il est uniquement mentionné, au début, qu’elle agit en cette qualité. En outre, comme il en a été fait mention, JJEM n’a pas signé le contrat.

 

[29]    Il ressort clairement du contrat SRI que l’appelant lui‑même est considéré personnellement comme un acteur important aux termes du contrat puisqu’il était prévu qu’en cas de décès du responsable de JJEM Barbados, à savoir l’appelant, SRI pouvait à son gré résilier le contrat. En outre, le contrat SRI prévoyait qu’aucune partie ne pouvait céder le contrat sans le consentement de l’autre partie. La société SRI savait que JJEM Barbados n’avait pas encore été constituée. La société SRI a traité avec l’appelant en se fondant probablement sur le fait qu’elle était contractuellement tenue de le faire ou peut‑être, plus simplement, pour le motif qu’il était au mieux de ses intérêts de le faire, sur le plan commercial. C’est ce que montre le fait que SRI a réussi à vendre au moins six parts de multipropriété. Les paiements ont été effectués en faveur de l’appelant au nom d’Angel Bay Vacations.

 

[30]    Comme il en a été fait mention ci‑dessus dans les présents motifs, tous les contrats de vente conclus avec des acheteurs particuliers étaient signés par JJEM à titre de vendeur. Cela semble être la façon dont JJEM a donné sa garantie étant donné qu’elle n’était pas partie au contrat SRI et qu’aucun autre document n’a été produit en preuve. Je reconnais qu’il n’existait probablement pas d’autres documents. La société JJEM n’est pas partie au contrat SRI du simple fait qu’elle a signé les contrats de vente.

 

[31]    En plus de JJEM, les contrats de vente se rapportant à la vente de parts de multipropriété font mention d’« Angel Bay Vacations Club » à titre de vendeur. On n’a pas expliqué clairement quel était le statut d’Angel Bay Vacations Club. Comme il en a déjà été fait mention dans les présents motifs, il pourrait s’agir de la société de personnes, mais je ne dispose d’aucun élément de preuve sur ce point. Néanmoins, il est ici clairement reconnu que, même dans les contrats de vente, SRI agissait avec une partie autre que JJEM. Comme il en a été fait mention, les paiements n’allaient pas à JJEM, mais ils allaient à l’appelant au nom d’Angel Bay Vacations et ils étaient déclarés à titre de revenu d’une société de personnes. Cela tend à étayer l’assertion de l’appelant selon laquelle JJEM était désignée dans le contrat de vente et qu’elle avait signé le contrat afin de protéger SRI et les acheteurs. C’était la seule entité qui était propriétaire en titre d’une unité selon la description générale figurant dans les contrats de vente. Il importait peu à SRI que l’on utilise ou que l’on puisse utiliser des propriétés autres que celles qui appartenaient à JJEM pour remplir les conditions du contrat de vente si une telle utilisation était nécessaire. Le fait d’avoir JJEM comme signataire des contrats de vente était la façon dont SRI faisait en sorte que JJEM agisse comme garant comme le prévoyait le contrat SRI.

 

[32]    Comme il devrait maintenant être évident, je dois tirer une conclusion au sujet des conséquences juridiques découlant du fait que le contrat SRI comprenait une partie qui n’a jamais existé. Sur ce point, j’ai demandé aux parties à l’appel de présenter des observations au sujet du droit qui s’applique aux contrats conclus en prévision de la constitution d’une société et au sujet des incidences de ce droit sur l’issue de l’appel. Le contrat SRI prévoyait expressément que le droit américain et le droit de l’Arizona régissaient toutes les questions liées à sa validité, à son interprétation et à son acceptation, de sorte que la question qui a été posée aux parties était la suivante : [traduction] « Quel est le droit régissant le contrat SRI et, s’il s’agit du droit étranger, que prévoit‑il? » Les observations ont été peu utiles, en ce sens qu’elles semblaient présumer que c’était le droit canadien qui s’appliquait. De telles présomptions étaient exactes, mais je donnerai des précisions au sujet de la raison pour laquelle je suis arrivé à cette conclusion.

 

[33]    La question du droit étranger est une question de fait qui doit être expressément alléguée par la partie qui l’invoque et qui doit être prouvée à la satisfaction de la Cour étant donné qu’en général un tribunal canadien ne peut pas prendre connaissance d’office du droit étranger. Lorsque le droit étranger n’est pas invoqué, ou qu’il est établi d’une façon insuffisante, il est présumé qu’il est le même que le lex fori, soit dans ce cas‑ci le droit canadien[8]. Par conséquent, étant donné que le droit étranger n’a pas été allégué ni prouvé (de fait, dans les observations qui ont été présentées sur ce point, on n’a pas tenté d’alléguer que le droit étranger s’appliquait), je suis convaincu que la common law canadienne doit s’appliquer.

 

[34]    La règle générale de common law veut que l’agent soit personnellement responsable lorsque, eu égard aux circonstances dans leur ensemble, le contrat conclu en prévision de la constitution d’une société révèle l’intention d’être lié[9]. Je suis convaincu que les intentions des parties créaient un contrat obligatoire entre l’appelant et SRI. Les avantages associés au contrat iraient également à l’appelant s’il faisait en sorte que l’exécution du contrat soit adéquate, ce qui veut dire en l’espèce s’il veillait à ce que JJEM conclue les contrats de vente de parts de multipropriété. Toutefois, cela ne donne pas à entendre que l’appelant n’agissait pas à titre d’agent d’une autre personne comme la société de personnes, selon ce qu’il affirme, ou de JJEM, selon ce que l’intimée affirme[10]. Dans ce contexte, les positions des parties peuvent être reformulées.

 

[35]    Même si l’intimée n’a pas contesté que l’appelant et son épouse ont pris en charge les diverses dépenses qui ont été déduites pour arriver à la perte dont la déduction était demandée et qu’ils n’ont jamais affirmé ou supposé qu’un tel financement passait entre les mains de JJEM, la théorie de l’intimée est qu’un tel financement a été avancé par l’appelant pour le compte de JJEM. L’inventaire qui a donné lieu au revenu tiré des ventes était celui de JJEM et, en outre, l’entreprise était exploitée par SRI ou par l’appelant pour le compte de JJEM. L’appelant, seul ou avec son épouse, n’exploitait pas d’entreprise. Les dépenses que l’appelant et son épouse ont prises en charge doivent être considérées comme des prêts d’actionnaires en faveur de JJEM.

 

[36]    Comme il en a été fait mention, la position prise par l’appelant est que les pertes étaient les pertes de la société de personnes.

 

[37]    Compte tenu de la position qu’il a adoptée, l’appelant affirme en fait que, peu importe que ce soit correct en droit ou non, il a traité la propriété de JJEM comme si elle lui appartenait personnellement. En outre, il a fait savoir d’une façon tout à fait claire que, en aucun cas, JJEM ne détiendrait le titre afférent aux propriétés additionnelles qu’il a acquises à Puerto Escondido à titre d’inventaire pour l’entreprise de vente de parts de multipropriété. Il ne s’agissait pas d’une entreprise à l’égard de laquelle un lien pouvait être établi avec les Bernhardt, même en ce qui concerne l’utilisation que l’appelant a faite des propriétés de JJEM en utilisant la qualité de détenteur du titre légal de celle-ci pour garantir l’exécution des contrats de vente conclus par la société de personnes.

 

Conclusions

 

[38]    Comme il en a ci‑dessus été fait mention, je ne dispose d’aucun élément de preuve au sujet de l’utilisation réelle, à des fins d’occupation, des unités de JJEM par opposition à l’utilisation des unités additionnelles – dans la mesure où les unités étaient utilisées à des fins d’occupation pendant l’année en question. En outre, les dépenses pourraient être allouées entre les unités de JJEM et les unités additionnelles, mais je ne dispose d’aucun moyen me permettant de répartir les revenus entre les deux. Les revenus se rapportaient à la vente de parts de multipropriété dans des immeubles non précisés qui n’ont peut‑être jamais été occupés. La répartition du revenu entre les deux propriétaires dans ces circonstances présenterait un défi. La nécessité de relever le défi a été évitée du fait que les parties ont reconnu qu’il n’y avait qu’une seule entreprise. Comme il a été dit ci‑dessus dans les présents motifs, la question se résume donc à la détermination de la question de savoir qui exploite cette entreprise, à savoir JJEM ou la société de personnes. L’appelant avait conclu un contrat avec SRI et il était l’agent de l’une de ces parties. Il nie avoir été l’agent de JJEM et, à mon avis, il existe suffisamment d’éléments de preuve à l’appui de cette assertion.

 

[39]    La position prise par l’intimée découle des hypothèses qui ont été faites au moment où la cotisation a été établie. L’intimée a supposé que JJEM avait conclu les contrats de vente. Il est vrai que JJEM était partie à ces contrats, mais une autre partie est également désignée dans ces contrats, ce qui tend à corroborer les assertions que l’appelant a faites au sujet de la nature du rôle de JJEM. La société JJEM se portait garante et elle possédait des propriétés qu’il serait possible d’utiliser pour satisfaire aux obligations prévues par les contrats de vente. Toutefois, aucun élément de preuve ne donne à entendre que les propriétés seraient utilisées en plus des propriétés additionnelles si l’acheteur d’une part de multipropriété en avait besoin à des fins d’occupation. Aucune unité précise n’est nécessaire ou n’est vendue. Les unités appartenant à JJEM ne faisaient pas l’objet des contrats de vente. Le fait que JJEM était partie à de tels contrats nous apprend peu de choses lorsqu’il s’agit d’identifier le responsable de l’entreprise. Le fait que des paiements ont été effectués en faveur de l’appelant donne à entendre que SRI considérait l’appelant et de fait qu’elle considérait la société de personnes comme étant le vendeur, c’est‑à‑dire comme le responsable de l’entreprise. C’est ce qui ressort des factures de vente de SRI, qui étaient adressées et délivrées à Angel Bay Vacations plutôt qu’à JJEM.

 

[40]    L’intimée a supposé que l’appelant n’exploitait pas d’entreprise. Je suis convaincu que les activités exercées par l’appelant à l’égard des propriétés additionnelles faisaient partie d’une entreprise qui, selon l’appelant, était exploitée pour le compte de la société de personnes. Je retiens la dénégation crédible et ferme de l’appelant, lorsqu’il affirme que tout effort se rapportant à l’obtention de propriétés additionnelles à des fins d’inventaire était fait pour le compte de JJEM. En somme, je reconnais que les propriétés additionnelles faisaient partie de l’inventaire de la société de personnes. Étant donné qu’il n’y a qu’une entreprise, il s’ensuit que la participation de JJEM visait à faciliter l’exploitation de cette entreprise de la société de personnes.

 

[41]    La preuve de l’appelant comporte des incohérences et il aurait été préférable de soumettre une meilleure preuve documentaire, mais la position de l’appelant est en outre étayée par la façon dont celui‑ci a produit ses déclarations au Canada. Tous les efforts associés aux propriétés additionnelles et aux propriétés de JJEM étaient déclarés à titre d’entreprise commerciale unique appartenant à la société de personnes. D’autres questions comme les avantages conférés aux actionnaires, les occasions favorables pour la société et les pratiques pour le moins peu régulières suivies dans l’industrie de la multipropriété, ne changent rien au fait que les pertes qui ont été subies dans ce cas‑ci étaient celles d’une entreprise exploitée par la société de personnes ou pour le compte de celle‑ci.

 

[42]    Je suis convaincu que la création de JJEM visait à permettre à celle‑ci de détenir le titre afférent aux propriétés et à régler les questions que posait la cession du contrôle des propriétés par les Bernhardt. L’intimée a soutenu que je devrais faire une inférence défavorable du fait que l’appelant n’a pas cité les Bernhardt comme témoins pour dire qu’ils souscrivaient à l’avis selon lequel JJEM n’était pas responsable de l’entreprise, ou qu’ils croyaient comprendre que JJEM n’était pas responsable de l’entreprise. Je suis convaincu que l’appelant s’est acquitté de l’obligation qui lui incombait quant à la preuve sur ce point et je ne ferai donc aucune inférence défavorable de ce genre. L’intimée aurait pu prévoir que je retiendrais le témoignage de l’appelant et elle aurait pu citer les Bernhardt pour témoigner. Le ministre ne peut pas toujours invoquer la charge incombant à l’appelant dans des cas comme celui‑ci et il devrait prévoir que le témoignage d’un tiers pourrait être nécessaire en vue de réfuter les assertions que l’appelant a faites d’une façon crédible à l’instruction.

 

[43]    Avant de conclure, je tiens à faire remarquer que je n’ai pas examiné ce qui est à mon avis l’argument le plus convaincant de l’intimée. L’absence de documentation dans ce cas‑ci est troublante. L’existence de la société de personnes aurait dû être mieux documentée. L’arrangement conclu entre JJEM et la société de personnes devrait être documenté. Si cet arrangement avait été documenté, les dispositions de la Loi concernant les avantages conférés à un actionnaire auraient pu être examinées. Des arrangements aussi peu réguliers que ceux qui ont été conclus en l’espèce empêchent l’Agence du revenu du Canada d’avoir une idée exacte de la position qu’elle devrait prendre à l’égard de la cotisation. Les contribuables pourraient facilement subir les conséquences d’un tel manque de régularité en se voyant refuser les déductions de dépenses auxquelles ils pourraient par ailleurs avoir droit. En outre, il est possible dans ce cas‑ci que les dépenses qui ont été déduites aient pu être déduites différemment si les choses avaient abouti à un résultat différent. L’appelant avait élaboré un plan fiscal en structurant le contrat conclu avec SRI à la fin de 1995. De fait, il se peut bien que l’appelant lui‑même n’ait pas su pour le compte de qui il engageait les dépenses. La comptabilisation des dépenses était peut‑être bien un travail en cours. Les considérations d’ordre fiscal (comme la constitution en société de JJEM Barbados) auraient en fin de compte pu dicter la comptabilisation des revenus et dépenses après coup plutôt que de voir la structure du contrat dicter le traitement comptable. L’avocat de l’intimée a soutenu que le droit à appliquer dans ces conditions est celui dont le juge Linden a fait mention dans la décision The Queen v. Friedberg[11] :

 

Lorsqu’un contribuable prend certaines dispositions formelles à l’égard de ses affaires, il peut s’ensuivre d’importants avantages fiscaux, quand bien même ces dispositions seraient prises principalement dans le but d’éviter des impôts (voir La Reine c. Irving Oil 91 DTC 5106, le juge Mahoney, J.C.A.). Toutefois, si un contribuable omet de prendre les mesures formelles appropriées, peut‑être que des impôts devront être payés. S’il n’en était pas ainsi, Revenu Canada et les tribunaux se livreraient à des exercices interminables pour établir les intentions véritables derrière certaines opérations. Les contribuables et la Couronne chercheraient à restructurer des opérations après coup afin de profiter de la législation fiscale ou d’amener les contribuables à payer des impôts qu’ils pourraient autrement ne pas avoir à payer.

 

[44]    Ce passage touche au cœur du problème auquel l’intimée doit faire face pour ce qui est de l’absence de documentation de l’appelant, mais la souplesse dans ce cas‑ci ne résulte en fait pas tant du manque de documentation que du droit applicable aux contrats conclus en prévision de la constitution d’une société. En général du moins, en droit des sociétés, les dépenses sont transférées à la société qui adopte un contrat conclu avant sa constitution. Je crois comprendre qu’il en va de même en droit fiscal[12]. Cela assure à un promoteur tel que l’appelant une certaine souplesse résultant du droit des sociétés.

[45]    S’il existe quelque doute au sujet des conclusions que j’ai tirées en l’espèce, j’ai décidé de laisser à l’appelant le bénéfice du doute. Malgré les réserves que j’ai à faire au sujet de la nature de l’entreprise et des modalités d’exécution, l’appelant était un témoin crédible.

 

[46]    En conclusion, le droit concernant les contrats conclus en prévision de la constitution d’une société dicte le résultat de l’affaire. L’application de ce droit a pour effet de mettre l’activité commerciale sur les épaules et entre les mains de l’appelant et le témoignage de l’appelant a été suffisamment corroboré pour me permettre de conclure que celui‑ci agissait dans le cadre d’une société de personnes avec son épouse, dans l’exercice de ces activités.

 

[47]    Par conséquent, l’appel est accueilli avec dépens.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 11jour de mai 2006.

 

 

 

« J.E. Hershfield »

Juge Hershfield

 

Traduction certifiée conforme

ce 10 jour de mars 2008.

 

D. Laberge, LL.L.


 

 

RÉFÉRENCE :

2006CCI253

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2004‑4462(IT)I

 

INTITULÉ :

Jean‑Paul Eidsvik

c.

Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 20 septembre 2005

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge J.E. Hershfield

 

DATE DU JUGEMENT :

Le 11 mai 2006

 

COMPARUTIONS :

 

Représentante de l’appelant :

Mme Evelyn Lomba

 

Avocat de l’intimée :

MGavin Laird

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Pour l’appelant :

 

Nom :

 

 

Cabinet :

 

 

Pour l’intimée :

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 



[1] À l’instruction, l’intimée n’a pas donné suite à l’argument relatif à la source et, dans ses observations écrites, elle a clairement abandonné complètement cet argument. De même, l’intimée n’a pas soumis d’observations au sujet de l’application de la doctrine de l’attente raisonnable de profit.

[2] Si SRI était obligée de détenir des titres légaux sous‑tendant toutes les ventes, et je reconnais que c’était le cas, elle ne pourrait vendre des parts de multipropriété que pour 156 semaines, peu importe que l’appelant ait eu des résidences additionnelles qu’il aurait en fait pu fournir. Indépendamment de cette exigence juridique visant à protéger SRI et les acheteurs, les acheteurs de résidences à temps partagé n’avaient aucun droit légal de demander à occuper l’une quelconque des unités de JJEM dans la mesure où d’autres unités acceptables étaient mises à leur disposition.

[3] L’appelant a de fait soutenu qu’il aurait pu constituer une fiducie en vue d’éviter tout problème se rapportant à la question de savoir à qui appartenait l’entreprise de vente de parts de multipropriété. Il a témoigné que le titre afférent à la propriété (les unités) aurait pu être détenu par une banque mexicaine en fidéicommis (fideicomiso). En pareil cas, le titre légal est enregistré au nom d’une banque mexicaine, en fidéicommis, en vertu d’un permis du Secrétaire des relations étrangères. La banque détient le titre afférent à l’immeuble au nom de l’acheteur‑bénéficiaire de la fiducie, le non‑Mexicain qui a acheté les droits détenus en fiducie afférents à la propriété. La banque administre ensuite la propriété selon les instructions de l’acheteur‑bénéficiaire, qui jouit des mêmes droits de propriété qu’un ressortissant mexicain. Une fiducie aurait peut‑être donné lieu à des considérations différentes, mais je n’ai pas devant moi une fiducie et en outre la question de savoir si la fiducie pouvait être considérée comme étant plus qu’une simple fiducie n’est pas aussi claire que l’appelant peut le croire.

[4] Il semble que l’épouse de l’appelant ait acquis sa part par suite du transfert en sa faveur d’une partie de la part que celui‑ci possédait. Cela pourrait soulever des questions d’attribution, mais de telles questions ne sont pas ici pertinentes. Quant au contrat de fiducie au nom des Bernhardt, l’appelant a témoigné que Mary Bernhardt devait être actionnaire et qu’elle détiendrait probablement ses actions pour son mari et elle, mais Mme Bernhardt est partie avant que les documents nécessaires soient rédigés.

[5] Les revenus sont principalement tirés de la vente de parts de multipropriété dans des unités non spécifiées pour une occupation d’une durée de six semaines, à Puerto Escondido. Il n’existe aucun élément de preuve montrant si des unités (les unités de JJEM ou des unités des propriétés additionnelles) ont été occupées cette année‑là ou au cours d’une année ultérieure.

[6] À coup sûr, une question se pose en l’espèce en ce qui concerne l’avantage imposable prévu à l’article 15. Cet avantage n’a pas été examiné.

[7] J’ai mis en italique les lettres « Ltd. » dans JJEM Enterprises Ltd., et plus loin les lettres « Inc. » dans JJEM Enterprises Inc. pour faire une distinction entre ces deux entités : JJEM Enterprises Ltd. s’entend de JJEM Barbados, et JJEM Enterprises Inc. s’entend de JJEM Canada.

[8] Les parties ont peut‑être renoncé implicitement à l’application du droit étranger en omettant de l’alléguer et de le prouver, auquel cas le lex fori s’appliquerait : Tolofsen c. Jensen, [1994] 3 R.C.S. 1022, page 1053.

[9] Kelner v. Baxter (1866), L.R. 2 C.P. 174. La législation canadienne renferme maintenant des dispositions régissant les contrats conclus en prévision de la constitution d’une société, mais il est à mon avis peu probable que de telles dispositions s’appliquent en l’espèce. Premièrement, le fait que la société n’a jamais existé indique que ce sont les principes de common law qui s’appliquent. Les ouvrages et arrêts sont partagés quant à la question de savoir si ces dispositions législatives ne s’appliqueraient que s’il existait une société (comparer par exemple les décisions Westcom Radio Group Ltd. v. MacIsaac (1989), 70 O.R. (2d) 591 (Cour div.), et Szecket v. Huang (1998), 42 O.R. (3d) 400 (C.A.)), mais eu égard aux circonstances de l’espèce, je suis obligé de conclure que c’est la common law qui doit s’appliquer. Deuxièmement, même si la législation canadienne doit être prise en considération, les dispositions législatives à prendre en considération seraient celles qui ont un lien juridictionnel avec l’affaire, à savoir la législation de la Colombie‑Britannique. Cette législation est fort différente de la législation applicable dans d’autres ressorts comme celle qui régit les sociétés fédérales. En vertu des dispositions de la Colombie‑Britannique, il n’est pas clair que l’appelant puisse se prévaloir du contrat. Cela étant, l’application de cette législation n’aiderait pas l’appelant, ce qui veut dire que le fait que je favorise l’application de la common law laisse à l’appelant le bénéfice du doute. Quoi qu’il en soit, je suis convaincu que dans cette instance, engagée sous le régime de la procédure informelle, l’appelant doit être considéré comme responsable aux termes du contrat conclu avec SRI et comme pouvant se prévaloir de ce contrat.

 

[10] L’avocat de l’intimée m’a également encouragé à conclure que JJEM était partie au contrat. Il n’existe absolument aucun fondement me permettant de tirer une telle conclusion.

[11] 92 DTC 6031, page 6032.

[12] Voir par exemple le bulletin d’interprétation IT‑454, intitulé : « Opérations commerciales antérieures à une constitution en corporation » daté du 11 août 1980, et les Vues de l’ARC – Interprétation, externe 2005‑0159391E5, en date du 15 février 2006, également concernant les « Opérations commerciales antérieures à une constitution en corporation ».

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