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Dossier : 1999-4623 (GST)I

ENTRE :

RICHARD JOBIN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

CERTIFICATION DE LA TRANSCRIPTION

          Je demande que la copie ci-jointe, telle que corrigée, des motifs de la décision prononcés à l'audience à la Cour canadienne de l'impôt, 500 Place d'Armes, Montréal (Québec), le 8 mai 2001, soit déposée.

Signée à Ottawa, Canada, ce 7e jour de juin 2001.

« P.R. Dussault »

J.C.C.I.


Date : 20010607

Dossier : 1999-4623(GST)I

ENTRE :

RICHARD JOBIN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Pour l'appelant :                                           L'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :                                     Me François Trudel

MOTIFS DU JUGEMENT

(prononcés oralement à l'audience

le 8 mai 2001 à Montréal (Québec)

                                  et révisés le 7 juin 2001)

P.R. Dussault, J.C.C.I.

[1]      Dans cette affaire, j'ai eu l'occasion de réviser la preuve faite antérieurement et d'entendre de nouveaux témoignages.

[2]      Monsieur Jobin, je comprends toutes les difficultés que vous avez pu éprouver. Vous m'en avez fait part amplement. Vous avez demandé à des témoins de se présenter à la première journée d'audition pour expliquer comment tout cela s'était passé au mois d'octobre 1996, pourquoi la compagnie a dû fermer ses portes et qu'elle a fait faillite.

[3]     J'ai insisté tout au long de ce procès pour obtenir des détails techniques concernant les périodes exactes. J'ai obtenu ces informations ce matin. Je suis assuré maintenant de la période qui est en cause et du montant qui a été cotisé.

[4]       Je vais commencer par reprendre le paragraphe 323(1) de la Loi sur la taxe d'accise (la « Loi » ). Cette disposition se lit :

            Les administrateurs de la personne morale au moment où elle était tenue de verser une taxe nette comme l'exigent les paragraphes 228(2) ou (2.3) sont, en cas de défaut par la personne morale, solidairement tenus, avec cette dernière, de payer cette taxe ainsi que les intérêts et pénalités y afférents.

L'alinéa 2a) précise ce qui suit :

            L'administrateur n'encourt de responsabilité selon le paragraphe (1) que si :

                  a)    [...]

Ensuite, on a trois situations différentes. On se réfère ici, à la troisième situation, sous l'alinéa c) qui précise :

           c) la personne morale a fait une cession, ou une ordonnance de séquestre a été rendue contre elle en application de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, et une réclamation de la somme pour laquelle elle est responsable a été établie dans les six mois suivant la cession ou l'ordonnance.

[5]       On a la preuve de la faillite et la preuve que la réclamation du ministère pour la TPS a été produite le 7 novembre 1996. C'est ce que l'on retrouve dans les documents déposés en preuve. Cette condition est satisfaite. Je me réfère maintenant au paragraphe 323(3) de la Loi qui se lit :

                L'administrateur n'encourt pas de responsabilité s'il a agi avec autant de soin, de diligence et de compétence pour prévenir le manquement visé au paragraphe (1) que ne l'aurait fait une personne raisonnablement prudente dans les mêmes circonstances.

[6]      J'insiste alors sur deux parties de phrase du paragraphe 323(1) de la Loi :

          [...] au moment où elle était tenue de verser une taxe

et,

            [...] en cas de défaut par la personne morale, [...] de payer cette taxe [...].

ce qui entraîne la responsabilité et, d'autre part, on dit au paragraphe (3) que :

            L'administrateur n'encourt pas de responsabilité s'il a agi avec autant de soin, de diligence et de compétence pour prévenir le manquement [...].

[7]      Cet aspect a été soulevé dans certaines décisions. Évidemment, on peut faire beaucoup de choses par la suite, mais le manquement signifie le manquement de verser la taxe au moment où celle-ci est due.

[8]      On vous a cotisé le 22 octobre 1997 pour une somme de 7 172,57 $ qui comprend une taxe nette de 6 361,52 $, plus les intérêts et pénalités pour un total de 7 172,57 $.

[9]      La période en cause est du 1er avril 1996 au 30 juin 1996. C'est donc la taxe qui est due pour ces trois mois qui devait être remise à la fin de juillet 1996.

[10]     Or, si je me reporte à la preuve qui a été faite, vous avez dit avoir eu des problèmes et des différends avec d'autres actionnaires en 1995. Lors de la première journée d'audition, vous avez dit que cette période se situait entre février et juin 1995, et aujourd'hui, vous nous dites que cette période aurait pu s'étendre jusqu'en septembre 1995, au moment où vous avez pris vous-même toute la direction.

[11]     Vous avez engagé en septembre une contrôleuse, madame Marie-Jeanne Gauthier. Celle-ci a quitté en mars 1996.

[12]     Alors, la période pour laquelle il y a eu cotisation se situe après le départ de madame Marie-Jeanne Gauthier. Ce qui a été fait auparavant, nous indique toutefois qu'il y avait déjà des manquements. Les déclarations n'étaient pas remises à temps, les montants de TPS n'étaient pas payés et les déductions à la source n'étaient pas faites.

[13]     Vers le début de mars 1996, après le départ de madame Gauthier, un certain nombre de rencontres et d'appels téléphoniques ont eu lieu avec madame Béland de Revenu Québec. Vous avez mentionné qu'une entente aurait eu lieu le 22 mars, alors que madame Béland a plutôt parlé d'une entente survenue le 27 mars. Vous avez fait des propositions et elles n'ont pas nécessairement été acceptées. Cependant, le 27 mars, vous avez fini par vous entendre.

[14]     Comme madame Marie-Jeanne Gauthier avait déjà quitté le 27 mars, c'est avec vous personnellement que l'entente a été prise. À la page 2 de la lettre datée du 28 mars 1996[1] et signée par madame Béland, nous pouvons lire :

            Sous réserve de la présente entente, les dispositions des lois fiscales auxquelles le débiteur est assujetti, continuent de s'appliquer. Au premier défaut de ce dernier de se conformer à ces dispositions ou à l'une des conditions et obligations prévues à la présente entente, celle-ci deviendra nulle pour la partie qui n'aura pas été exécutée.

[15]     Cela m'apparaît très clair. En matière fiscale, il y a deux choses que les gens ont de la difficulté à comprendre : concernant les déductions à la source ( « DAS » ), le fait que ces DAS n'appartiennent pas aux employeurs. Cet argent appartient aux employés lesquels ont droit à un salaire brut. Cette retenue à la source doit être remise au gouvernement et ne peut pas servir au financement d'une entreprise.

[16]     Il en est de même pour la TPS. C'est une taxe due par le consommateur, et les entreprises sont tenues de la percevoir au fur et à mesure des activités économiques. Cet argent n'appartient pas à l'entreprise non plus.

[17]     Dans la mesure où une entreprise ne s'assure pas de faire les versements mensuels des déductions à la source et que les déclarations et versements de TPS ne sont pas faits trimestriellement, cela crée un problème majeur. C'était le cas de votre entreprise puisqu'il y a eu ententes.

[18]     Toutefois, dans la mesure où on continue d'augmenter le chiffre d'affaires, il faut prévenir les manquements. Vous m'avez d'ailleurs dit, et je vous cite « texto » :

                                                        De mars 96 à octobre 96, j'ai travaillé pour augmenter le chiffre d'affaires et pour diminuer les coûts. Le problème, c'est que la Banque Nationale est le banquier et aussi le client; toute augmentation des ventes entraînait des déboursés, des déboursés supérieurs aux honoraires facturés. Le succès coûtait cher au cash-flow. En septembre 96, je commence à négocier avec la Banque de Montréal pour avoir un deuxième client majeur. Le contrat devait commencer vers le 23 octobre 1996 [...].

Vous avez plutôt dit le 15 aujourd'hui et vous avez ajouté :

        [...] le volume aurait doublé le chiffre d'affaires de l'entreprise et les dépenses n'auraient augmenté que de trente pour cent (30 %). Cela pouvait intéresser les investisseurs dans la compagnie[...].

[19]     Vous avez donc augmenté le chiffre d'affaires et diminué certains coûts, mais il n'y a rien dans la preuve qui démontre que vous ayiez fait quoi que ce soit, entre le début d'avril 1996 et la fin de juillet 1996, pour prévenir le manquement de la fin de juillet 1996.

[20]     Donc, le premier manquement à l'entente s'est produit à la fin de juillet 1996. Le deuxième manquement à l'entente s'est produit le 30 août 1996, lorsqu'un chèque de 7 200 $ devant couvrir des dettes antérieures n'a pas pu être encaissé, comme on dit, « faute de fonds suffisants » .

[21]     Entre les deux manquements, vous n'auriez pas parlé à madame Béland. D'après son témoignage, vous avez demandé un état de compte le 18 avril suite à l'entente. Le 18 avril 1996 fut donc votre dernière communication avec madame Béland.

[22]     Dans le rapport de madame Béland, le 19 août 1996, est la date de la prochaine entrée. Pendant les mois d'avril, mai, juin et juillet, madame Béland n'a pas entendu parler de vous. Strictement rien pendant quatre mois.

[23]     Il est difficile pour moi de voir qu'il y a eu diligence raisonnable exercée dans ce cas-ci. Pour les mois de mai, juin et juillet, la preuve indique qu'il y avait également d'autres problèmes avec les DAS. Rien n'a été fait et il n'y a pas eu de remise.

[24]     Votre entreprise a progressé et augmenté son chiffre d'affaires. Vous m'avez dit qu'au 30 juin 1996, vous étiez rendu à 987 000 $, que le montant des droits à payer s'élevait à 364 000 $ et qu'il vous restait de l'argent. Bien entendu, il faut verser un salaire aux employés mais vous ne pouvez pas ne pas payer le ministère.

[25]     Le ministère du Revenu national n'est pas un financier. Il n'est pas tenu de financer les impôts. En vertu de la Loi, ceux-ci sont dus à une date fixe. On fait des arrangements avec les entreprises pour ne pas les fermer dans la mesure où les entrepreneurs font face à leurs paiements. Lorsque les DAS ne sont pas versées sur une période de plusieurs mois, cela ne peut continuer à fonctionner.

[26]     Il était de votre responsabilité de faire les paiements puisque c'est vous qui étiez en charge de toutes les opérations. La faute ne peut pas être imputée aux anciens associés ou à madame Marie-Jeanne Gauthier car ces gens-là n'étaient plus là depuis longtemps.

[27]     Dans ce dossier, je n'ai pas de preuve d'une diligence raisonnable pour prévenir le manquement pour lequel vous avez été cotisé.

[28]     Ce qui s'est passé par la suite, c'est que les choses se sont détériorées. Vous avez cherché d'autres moyens de vous entendre. Vous avez voulu récupérer votre chèque pour pouvoir en émettre un autre. Ensuite, vous avez décidé d'attendre, puis d'essayer de vous financer. Vous êtes allé à la banque pour avoir de l'argent. Toutes ces démarches n'avaient pas pour but de prévenir le manquement, c'était pour essayer de payer après coup. Ces efforts-là sont louables, vous n'avez pas complètement coupé les ponts et tout balancé. Mais ce n'est pas ce que vous avez fait en avril, mai, juin et juillet.

[29]     Vous avez insisté pour augmenter les ventes, diminuer les coûts, mais pendant tout ce temps-là, comme pour les mois précédents d'ailleurs, vous vous êtes financé avec l'argent des impôts et des taxes, argent, rappelons-le, qui ne vous appartenait pas. Vous avez pris un risque.

[30]     La Loi vise justement à sanctionner ce genre de risque qu'on prend et cette façon de faire. On ne peut pas procéder ainsi pendant des mois et des années en pensant que c'est le ministère qui est dans l'erreur parce qu'il cherche à percevoir des impôts qui lui sont dus en vertu de la Loi. Ce que le ministère tend à faire par la suite, c'est de prendre des ententes pour essayer de sauver l'entreprise. Cela ne dégage pas l'administrateur de ses responsabilités de voir à ce que les taxes et les impôts soient remis en temps opportun.

[31]     En conséquence de ce qui précède, l'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour de juin 2001.

« Pierre Dussault »

J.C.C.I.


NO DU DOSSIER DE LA COUR :                1999-4623(GST)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :                         RICHARD JOBIN,

                                                                   et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                             Montréal (Québec)

DATES DE L'AUDIENCE :                         le 27 septembre 2000 et

le 8 mai 2001

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :                  L'honorable juge Pierre Dussault

DATE DU JUGEMENT ORAL :                   le 8 mai 2001

DATE DU JUGEMENT ÉCRIT :                  le 15 mai 2001

DATE DES MOTIFS DU JUGEMENT :       le 7 juin 2001

COMPARUTIONS :

          Pour l'appelant :                                   L'appelant lui-même

          Pour l'intimée :                                    Me François Trudel

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

          Pour l'appelant :

                             Nom :                    

                             Étude :                            

          Pour l'intimé(e) :                                  Morris Rosenberg

                                                                   Sous-procureur général du Canada

                                                                   Ottawa, Canada



[1]            Pièce I-10.

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