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Dossier : 2003‑1495(GST)I

 

ENTRE :

AWID AMEREY, AHMED AMEREY,

MAHMOUD AMEREY et MOHAMMED AMEREY,

appelants,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu en partie le 1er octobre 2003, et décision rendue oralement le 2 octobre 2003 à Edmonton (Alberta)

 

par l’honorable juge C. H. McArthur

 

Comparutions

 

Représentant des appelants :

Mahmoud Amerey

 

Avocate de l’intimée :

Me Marta Burns

____________________________________________________________________

 

ORDONNANCE

 

          Après avoir entendu le litige faisant l’objet du présent appel et après avoir entendu le représentant des appelants ainsi que l’avocate de l’intimée;

 

Il est ordonné que :

 

1.       Les appelants et non la Amerey Enterprises Inc. sont les personnes à l’égard desquelles des cotisations doivent être établies en vertu de la Loi sur la taxe d’accise, pour le motif qu’ils formaient une société de personnes pendant la période du 1er janvier 1996 au 31 décembre 2001;

 

2.       Les appelants auront jusqu’au 3 novembre 2003 pour désigner un emplacement qui relèvera de la responsabilité d’un tiers en vue d’entreposer les livres comptables de l’entreprise et pour informer l’intimée dudit emplacement désigné;

 

3.       L’intimée fournira les services d’un vérificateur indépendant qui sera chargé d’examiner les livres comptables des appelants en présence de ces derniers et du comptable qui les représente le 3 décembre 2003 ou avant cette date; 

 

4.       L’audition du présent appel est ajournée sine die.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 25e jour de novembre 2003.

 

 

 

« C. H. McArthur »

Juge McArthur

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 1er jour de mars 2004.

 

 

 

 

Nancy Bouchard, traductrice


 

 

 

Référence : 2003CCI755

Date : 20031125

Dossier : 2003‑1495(GST)I

 

ENTRE :

AWID AMEREY, AHMED AMEREY,

MAHMOUD AMEREY et MOHAMMED AMEREY,

appelants,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 

(Rendus oralement à l’audience

à Edmonton (Alberta) le 2 octobre 2003.)

 

Le juge McArthur

 

[1]     La présente audience découle d’affrontements hargneux entre des agents de l’Agence des douanes et du revenu du Canada et les appelants, y compris de tentatives infructueuses en vue de vérifier les livres comptables des appelants. Avant de poursuivre les procédures, je dois déterminer qui effectuait les fournitures en cause et qui exploitait l’entreprise faisant affaire sous le nom de West's Sports Cards pendant la période pertinente du 1er janvier 1996 au 31 décembre 2001, soit les appelants, soit la société Amerey Enterprises Inc. (la « société »).

 

[2]     Les faits qui ne sont pas contestés sont les suivants. Awid, Ahmed, Mahmoud et Mohammed Amerey sont frères, et la société a été constituée en personne morale le 27 novembre 1990. La société a été inscrite aux termes de la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise le 1er janvier 1991 et s’est vu attribuer un numéro d’inscription aux fins de la taxe sur les produits et services. Entre janvier 1991 et le 30 avril 1993, la société exploitait une entreprise qui, si je ne m’abuse, faisait affaire sous le nom de West's Groceries.

 

[3]     Vers le mois de mai 1993, la société a été rayée du registre des sociétés de l’Alberta parce qu’elle avait omis de produire ses déclarations de revenus annuelles. Tout juste avant cette radiation, Awid, Ahmed, Mahmoud et Mohammed étaient tous les actionnaires et directeurs de la société. Les activités commerciales se sont poursuivies, bien que la société ait été radiée du registre de l’Alberta. Ces activités commerciales consistaient essentiellement en la vente de cartes de collection et d’autres souvenirs du monde du sport. Je crois également que l’on exploitait un dépanneur. Pendant la période pertinente, le ministre du Revenu national a assigné aux appelants un numéro d’inscription aux fins de la TPS.

 

[4]     La société a été reconstituée le 22 août 2000. Son numéro d’inscription aux fins de la TPS avait été annulé le 10 mars 1997, mais elle s’est réinscrite le 20 novembre 2002 avec effet rétroactif au 31 décembre 1995. L’intimée soutient que la société n’a pas existé pendant une période de cinq années, soit entre 1996 et 2001, et ajoute que la logique et le bon sens amènent à conclure que, pendant cette période, ce sont les appelants et non la société  qui ont dû effectuer les fournitures. L’intimée déclare que, lorsque la société a été rayée du registre, les appelants étaient les seuls directeurs et uniques actionnaires et qu’ils ont continué à exploiter l’entreprise après qu’elle a été dissoute. 

 

[5]     Les appelants ont déclaré que la société a été reconstituée le 22 août 2000, avec effet rétroactif au 31 décembre 1995, et que les activités commerciales se sont poursuivies après la dissolution, ce qui nous amène à conclure que c’était la société qui exploitait l’entreprise et non les appelants personnellement. Le paragraphe 208(4) de la Business Corporations Act de l’Alberta est ainsi formulé :

 

[Traduction]

 

208(4)  Une société est reconstituée à la date qui figure sur son certificat de reconstitution et, sous réserve de toute modalité raisonnable que peut imposer le registraire et des droits qu’acquiert une personne avant la reconstitution de la société, est réputée avoir toujours existé comme si celle-ci n’avait pas été dissoute.   

 

[6]     J’énoncerai certains points relatifs à la période pertinente en faveur de chacune des parties. Ainsi, l’intimée déclare qu’une société de personnes et non la société en soi exploitait l’entreprise de 1996 jusqu’à la fin de 2001. Il n’existait aucune société puisqu’elle avait été rayée du registre des sociétés de l’Alberta. Les appelants, étant les anciens actionnaires et directeurs, ont créé une nouvelle entité. L’entreprise a fait l’objet d’une vérification pendant une période de deux années, soit de 1993 à 1995, comme s’il s’agissait d’une entreprise qu’exploitaient les appelants en partenariat. Les résultats ont été favorables à l’égard des appelants dans la mesure où un crédit de 20 000 $ leur a été accordé, bien qu’ils ne l’aient jamais perçu. Ils ont accepté les résultats en tant que société de personnes et ne peuvent gagner sur tous les tableaux, ce qui constitue, en fait, l’argument fondé sur l’irrecevabilité de l’intimée.

 

[7]     Selon les faits, les appelants exploitaient une entreprise en tant qu’associés. Le fait que les appelants ont accepté une situation de société de personnes pendant deux années, soit de 1993 à 1995, révèle leurs intentions pour les années suivantes. Les appelants sont nettement visés par la définition d’associés aux termes de la Partnership Act, et la Business Corporations Act de l’Alberta ne change en rien la façon dont les appelants ont agi dans les faits. Par exemple, des exemples de facture qui ont été examinés renvoient à l’entreprise West's Sports Cards, à Jim ainsi qu’à Moe Amerey. À mon avis, il s’agit d’un renvoi aux associés les plus actifs, soit Awid et Mohammed. Ils étaient tenus de s’inscrire aux fins de la TPS, mais, comme ils ont omis de le faire, des agents de la TPS l’ont fait à leur place, en leur nom personnel. Enfin, les appelants n’ont pas contesté les hypothèses de fait énoncées au paragraphe 24 de la Réponse à l’avis d’appel selon lesquelles ils agissaient en tant que société de personnes.

 

[8]     Les circonstances favorables aux appelants sont les suivantes. L’intimée n’a pas été en mesure de fournir des explications relativement à la période du 22 août 2000, lorsque la société a été reconstituée, jusqu’au 31 décembre 2001, ce qui correspond à la fin de la période en cause. Il ne fait aucun doute que la société effectuait les fournitures au cours de cette période. Après la dissolution de la société, l’entreprise a continué d’être exploitée de la même manière qu’elle l’avait été auparavant. Celle‑ci a fait affaire sous le nom de West's Groceries puis, par la suite, sous le nom de West's Sports Cards. Les appelants ont continué de délivrer des chèques sous cette dénomination sociale tout au long de la période en cause, et les factures renvoyaient à l’entreprise West's Sports Cards. Une tentative en vue de produire des déclarations de TPS pendant la période en cause sous le nom de la société a été contrecarrée par l’intimée qui était d’avis que c’était la société de personnes et non la société en soi qui exploitait l’entreprise. Enfin, en vertu du paragraphe 208(4), la reconstitution de la société est rétroactive. 

 

[9]     Si je tiens compte des pour et des contre relativement à chacune des parties, à mon avis, le résultat n’est pas concluant. Le droit qui doit s’appliquer est énoncé au paragraphe 208(4) de la Business Corporations Act de l’Alberta. L’affaire Dello v. The Queen, [2003] T.C.J. No 342 ((2003) DTC 788) à laquelle l’avocate de l’intimée a renvoyé la Cour n’est pas très utile parce qu’elle se rapporte à une société fédérale ou canadienne. La Loi sur les sociétés par actions du Canada ne prévoit pas une disposition jugée équivalente. Dans l’arrêt Dello, la Cour soutient qu’une société ne peut conclure de contrat lorsqu’elle est dissoute ni ne peut intenter une action en justice après sa dissolution. Cette approche logique concernant la question de la personnalité morale ne semble pas avoir sa place en Alberta.

 

[10]    Aux fins d’analyse du paragraphe 208(4) en ce qui concerne l’affaire en l’espèce, on doit tenir compte du syntagme suivant : [Traduction] « sous réserve [] des droits qu’acquiert une personne avant la reconstitution de la société [] ». Le ministre a-t-il acquis le droit de percevoir la TPS auprès des appelants qui exploitaient une entreprise avant que la société soit reconstituée? Si le ministre a acquis ce droit, alors la reconstitution de la société Amerey Enterprises Inc. ne peut avoir aucune incidence sur cet assujettissement à l’impôt.

 

[11]    On peut également se demander si une relation juridique peut être établie pendant la période entre la dissolution et la reconstitution. À cet égard, je fais référence à l’arrêt Associated Asbestos Services Ltd. v. Canadian Occidental Petroleum Ltd., 2002 ABQB 893. Dans cette affaire, la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta soutient que le paragraphe 208(4) ne vise pas à valider seulement les actions qu’intente une société après sa reconstitution. La reconstitution a pour effet de redonner, à la société, la même situation juridique qu’elle avait à la date de la dissolution. Au moment de sa reconstitution, la demanderesse était réputée être une société albertaine active à compter de la date de sa dissolution. Ainsi, elle était en mesure d’intenter une action en justice et de poursuivre les procédures. L’élément clé de la citation est [Traduction] « la même situation juridique qu’elle avait à la date de la dissolution ». Cette disposition prévoit seulement qu’une société est réputée avoir toujours existé au moment où elle n’aurait pas autrement existé. Cependant, la jurisprudence semble suggérer qu’une société inexistante peut conclure des contrats si elle peut être reconstituée.

 

[12]    De toute évidence, les affaires de la Cour de l’Alberta s’avèrent plus utiles pour le motif qu’elles traitent du paragraphe 208(4) qui est quelque peu unique et, manifestement, il s’agit d’un article qu’il est difficile d’appliquer. L’affaire Dryco Building Supplies Inc. v. Wasylishyn, 2002 ABQB 676 est semblable à celle en l’espèce. En effet, les deux défendeurs en cause étaient les directeurs, actionnaires et agents de la société. Ils prétendaient avoir conclu un accord de fourniture avec le demandeur au nom de la société mais, sans que les deux parties ne soient mises au courant, la société avait été rayée du registre des sociétés pour avoir omis de produire ses déclarations. Le contrat a donc été rompu et, avant que la société défenderesse ne soit reconstituée, une action en justice a été intentée. Les agents ont donc été tenus personnellement responsables puisqu’il n’y avait aucun directeur au moment de conclure l’accord.

 

[13]    Toutefois, en ce qui concerne l’article 208, la Cour a conclu que le demandeur avait acquis des droits avant la reconstitution qui ne pouvaient être abolis ex post facto suivant la reconstitution de la société. Il semble que la Cour ne se soit pas penchée sur la question de savoir si une société pouvait honorer des contrats conclus pendant sa dissolution. À mon avis, le paragraphe 208(4) vise à maintenir la validité des contrats et des négociations avec des tiers qui ont conclu un accord en toute bonne foi au nom de la société alors que celle‑ci était dissoute, et ce, en vue d’empêcher le transfert de responsabilité aux personnes qui ont cru qu’elles agissaient au nom de la société pendant sa dissolution. L’élément clé est la bonne foi.

 

[14]    Pour résumer cette situation incertaine, je suis d’avis que, bien qu’elle soit dissoute, la société peut contracter des obligations juridiques parce qu’elle peut être reconstituée et les assumer. Toutefois, les tribunaux, qui dans des affaires semblables parviennent à cette conclusion, prévoient une disposition restrictive selon laquelle les agents doivent agir de bonne foi. En d’autres termes, les agents qui prétendaient agir au nom de la société ignoraient qu’à ce moment‑là celle‑ci n’existait plus, ce qui n’est pas le cas dans l’affaire en l’espèce. En fait, le paragraphe 208(4) ne prévoit pas cette exigence relative à la bonne foi, mais les tribunaux l’appliquent. De toute évidence, dans l’affaire en l’espèce, les appelants n’ont pas agi en toute bonne foi, parce qu’en vertu de la première vérification pour la période se terminant le 31 décembre 1995, ils sont réputés avoir admis à l’ADRC qu’en tant qu’associés, ils formaient une société de personnes. Je conclus que le ministre a acquis des droits à l’égard de la TPS que devaient les appelants à la date d’échéance. Le fait que la société a été reconstituée à cette date n’est pas pertinent à l’égard de cette obligation. Je conclus donc que le ministre a correctement établi des cotisations à l’égard des parties concernées. 

 

[15]    La dernière question consiste à savoir si les montants des cotisations sont adéquats. Il est nécessaire de procéder à un examen approfondi des registres des appelants. J’accorderai maintenant une quinzaine de minutes aux parties pour qu’elles discutent de la façon dont cet examen peut être fait, en toute bonne foi de part et d’autre. Si elles ne peuvent parvenir à une entente, alors j’ordonnerai que les appelants désignent un tiers comptable pour les représenter et que l’intimée fasse de même. Ces représentants ne peuvent être ceux qui sont intervenus précédemment. Ces derniers disposeront d’un délai de 60 jours pour effectuer leur examen. Après ce délai, l’audition du présent appel se poursuivra pour que la Cour puisse entendre le témoignage des représentants désignés, si les parties ne peuvent parvenir à une entente mutuelle. 

 

 

-- L’audience est ajournée à 10 h 14.

 

-- L’audience est reprise à 11 h 15.

 

[16]    Comme l’ont convenu les parties, les appelants auront jusqu’au 3 novembre 2003 pour désigner un emplacement qui relèvera de la responsabilité d’un tiers en vue d’entreposer les livres comptables de l’entreprise, et ils devront informer l’intimée dudit emplacement désigné. L’intimée fournira les services d’un vérificateur indépendant de l’ADRC qui sera chargé d’examiner les documents des appelants en leur présence. 

 

[17]    En outre, j’ordonne que l’intimée effectue l’examen dans un délai de 30 jours, soit précisément d’ici le 3 décembre 2003. Une conférence téléphonique aura lieu avant le 20 décembre 2003 si les parties ne peuvent parvenir à une entente concernant la taxe nette à payer pour la période pertinente. 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 25e jour de novembre 2003.

 

 

 

« C. H. McArthur »

Juge McArthur

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 1er jour de mars 2004.

 

 

 

Nancy Bouchard, traductrice


 

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