Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Dossier : 2002-3310(IT)I

ENTRE :

ISAAC ANKRAH,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu le 3 juin 2003 à Toronto (Ontario)

Par : L'honorable juge J. M. Woods

Comparutions

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :

Me Ather A'Amer

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel interjeté à l'encontre de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1996 est admis, sans dépens, et la question est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation, au motif que l'appelant a le droit de déduire les montants suivants :

Publicité

4 261,00 $

Intérêts et frais bancaires

   263,59 $

Repas et représentation

1 361,96 $

Bureau

9 183,00 $

Honoraires

   350,00 $

Salaires

8 410,44 $

Déplacements

6 250,00 $

Congrès

1 780,86 $

Formation continue en affaires

1 961,77 $

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour de juillet 2003.

« J. M. Woods »

Juge

Traduction certifiée conforme

ce 19e jour de mars 2004.

Nancy Bouchard, traductrice


Référence : 2003CCI413

Date : 20030718

Dossier : 2002-3310(IT)I

ENTRE :

ISAAC ANKRAH,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Woods

[1]      M. Isaac Ankrah interjette appel à l'encontre de la cotisation d'impôt établie pour l'année d'imposition 1996 dans laquelle sont refusées certaines dépenses engagées relativement à une franchise de distribution Amway. La Couronne adopte la position selon laquelle la documentation est insuffisante et les dépenses ne sont pas raisonnables ou constituent des frais personnels ou de subsistance. La Couronne ne conteste pas que la franchise de distribution Amway constitue une entreprise pour déterminer s'il existe une source de revenu en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. 1985 (5e suppl.), ch. 1 (la « Loi » ).

[2]      La question a été entendue selon la procédure informelle de la Cour.

Faits

[3]      M. Ankrah, marié et père de trois enfants, est employé comme analyste de programmes informatiques. En 1989[1], M. Ankrah a commencé ses activités en tant que distributeur de produits Amway pour arrondir le revenu familial. Il a déclaré qu'il s'efforçait ainsi d'aider son pays en créant des emplois. M. Ankrah et son épouse, Gabriella, ont décrit les efforts et les sacrifices qu'ils avaient fournis pour réaliser leur rêve et ont reconnu qu'il faudrait plusieurs années avant que les bénéfices attendus ne se concrétisent.

[4]      Au cours des dix premières années de la franchise de distribution, M. Ankrah a constaté les pertes suivantes aux fins d'établissement de l'impôt :

ANNÉE

PERTES

1988

                 2 590 $

1989

                  18 977

1990

                  26 454

1991

                  18 945

1992

                    5 610

1993

                  16 302

1994

                  15 174

1995

                  12 494

1996

                  29 489

1997

                    5 995

[5]      L'appel ne vise que l'année d'imposition 1996 dans laquelle la perte déclarée de 29 489 $ a été refusée dans sa totalité par le ministre du Revenu national (le « ministre » ). À l'audience, M. Ankrah a renoncé à une partie de sa demande concernant les dépenses déclarées. Les dépenses initialement indiquées dans la déclaration de revenus de 1996 et les montants révisés demandés à l'audience figurent dans l'état des résultats suivant :

DÉCLARÉ

RÉVISÉ

PRODUIT DES VENTES

               35 025,30 $

               35 025,30 $

PRIMES

                  15 701,56

                  15 701,56

REVENU BRUT

                  50 726,86

                  50 726,86

STOCK D'OUVERTURE

                  13 511,25

                  13 511,25

ACHATS

                  42 291,32

                  42 291,32

AUTRES COÛTS DIRECTS

                         31,08

                         31,08

STOCK DE CLÔTURE

                  26 762,65

                  26 762,65

BÉNÉFICE BRUT

                  21 655,86

                  21 655,86

PUBLICITÉ

                    4 643,83

                    5 013,47

CRÉANCES IRRÉCOUVRABLES

                    5 805,48

                           0,00

Intérêts ET FRAIS bancaires

                       263,59

                       263,59

REPAS ET REPRÉSENTATION

                    1 361,96

                    1 361,96

BUREAU

                    4 642,09

                  10 803,26

HONORAIRES

                       350,00

                       350,00

SALAIRES

                    8 410,44

                    8 410,44

DÉPLACEMENTS

                    1 342,54

                  12 500,00

CONGRÈS

                  17 612,32

                    1 780,86

FORM. CONT. EN AFFAIRES

                    1 961,77

AUTO - CARBURANT

                    6 641,83

           - LOCATION À BAIL

                    5 580,00

           - ASSURANCE

                    1 114,00

           - PERMIS

                         90,00

           - % PERSONNEL

                  (6 712,92)

TOTAL DES DÉPENSES

                  51 145,17

                  42 445,35

BÉNÉFICE NET (PERTE)

                (29 489,31)

                (20 789,49)

[6]      M. Ankrah et son associé, M. Jack Verduyn, ont parlé de la franchise de distribution comme d'une entreprise non conventionnelle, dans laquelle la personne elle-même joue un rôle important, par contraste avec une entreprise conventionnelle qui vend des produits. Le côté « humain » de la franchise de distribution Amway a été décrit comme la nécessité de recruter, de former et de motiver d'autres distributeurs. M. Ankrah a déclaré qu'il avait plus de 40 recrues en 1996 et qu'une grande part des dépenses à l'étude était liée à la formation et à la motivation de ces recrues.

[7]      À l'audience, la Couronne a contesté la déduction des coûts de déplacement jusqu'aux réunions, l'achat d'ouvrages et de cassettes d'autoperfectionnement ainsi que l'achat de produits Amway en tant qu'articles promotionnels. Ces postes sont décrits, dans l'état des résultats ci-dessus, comme ceux des déplacements et des congrès, du bureau et de la publicité, respectivement.

[8]      M. Ankrah demande plus de 10 000 $ de dépenses en ouvrages et en cassettes d'autoperfectionnement utilisés par lui et son épouse et achetés comme cadeaux pour les recrues. Ces ouvrages et cassettes étaient appelés « outils » à l'audience. Questionné au sujet du lien de certains ouvrages tels que Men are from Mars, Women from Venus et Chicken Soup for the Soul avec les affaires, M. Verduyn a déclaré qu'il était important, pour les distributeurs, de comprendre la différence entre les hommes et les femmes parce que l'entreprise était axée sur la personne.

[9]      La demande de déduction pour frais de déplacement s'élevait à plus de 15 000 $. La majeure partie de ces dépenses consistait en des frais d'automobile pour assister aux réunions. La raison évoquée quant au grand nombre de réunions était que la « motivation » représentait une facette assez importante de l'entreprise. À titre d'exemple, M. Ankrah a raconté qu'à une certaine époque, il se rendait à Cleveland deux ou trois fois par mois pour aider un policier qui était une nouvelle recrue.

[10]     Outre les frais engagés pour les déplacements et pour les ouvrages et cassettes d'autoperfectionnement, M. Ankrah dépensait des sommes considérables afin d'acheter des produits Amway comme articles promotionnels visant à motiver et à former les recrues.

[11]     Une partie de l'explication relative à la révision des demandes de déduction est pertinente en ce qui concerne la question du caractère suffisant de la documentation. La vérification de l'année d'imposition 1996 a révélé que les dépenses indiquées dans la déclaration de revenus n'étaient pas appuyées par les reçus nécessaires. Par conséquent, le comptable de M. Ankrah a préparé un état révisé en fonction des reçus disponibles. Un vérificateur de l'Agence des douanes et du revenu du Canada ( « ADRC » ) a témoigné que ces reçus étaient satisfaisants comme preuve, mais que les pertes étaient quand même refusées parce qu'il n'existait aucune attente raisonnable de profit. Au fil des discussions entre les parties, la documentation a été égarée, semble-t-il indépendamment de M. Ankrah. À cause de cela, l'ADRC a demandé à M. Ankrah, en 2003, de préparer une autre liste de dépenses révisées en fonction des renseignements dont il disposait. Par la force des choses, cela a été accompli en grande partie par conjectures.

[12]     À l'audience, M. Ankrah a fondé sa demande sur les estimations préparées en 2003. L'état reconstitué s'appuyait en partie sur ce qui suit :

1.                  le calendrier personnel de 1996 de M. Ankrah montrant les activités auxquelles il avait participé;

2.                  une estimation des produits achetés à des fins promotionnelles, selon des produits se trouvant au domicile de M. Ankrah en 2003, les prix étant estimés à partir de listes de prix de 1996 ou d'environ la même époque;

3.                  une estimation des frais de déplacement calculée d'après la ventilation du kilométrage de la fourgonnette de M. Ankrah qui marquait 600 000 kilomètres en 2003. La ventilation tenait compte à la fois du nombre d'années de conduite de la fourgonnette et de la proportion dans laquelle elle était utilisée pour les affaires. Une fois le kilométrage estimé, un montant de 0,20 $ le kilomètre a été appliqué pour déterminer les coûts de l'utilisation de la fourgonnette en 1996. Ce chiffre de 0,20 $ était une estimation du montant qui était admis pour les employés par les entreprises et le gouvernement en 1996.

[13]     On remarque une nette divergence entre le kilométrage indiqué pour les affaires dans la déclaration de revenus de 1996 et celui de l'estimation préparée par M. Ankrah en 2003. Dans la déclaration de revenus, M. Ankrah constatait un kilométrage de 6 000 kilomètres tandis que l'estimation préparée en 2003 s'élevait à 62 000 kilomètres. Selon la seule explication de M. Ankrah, quant à cette forte divergence, étant donné le grand nombre de voyages d'affaires qu'il effectuait, le chiffre de 6 000 kilomètres de la déclaration de revenus était manifestement erroné.

Dispositions législatives

[14]     Les dispositions législatives qui étaient en vigueur en 1996 sont ainsi formulées :

18. (1) Dans le calcul du revenu du contribuable tiré d'une entreprise ou d'un bien, les éléments suivants ne sont pas déductibles :

a)         les dépenses, sauf dans la mesure où elles ont été engagées ou effectuées par le contribuable en vue de tirer un revenu de l'entreprise ou du bien;

[...]

h)         le montant des frais personnels ou de subsistance du contribuable - à l'exception des frais de déplacement engagés par celui-ci dans le cadre de l'exploitation de son entreprise pendant qu'il était absent de chez lui; [...]

67. Dans le calcul du revenu, aucune déduction ne peut être faite relativement à une dépense à l'égard de laquelle une somme est déductible par ailleurs en vertu de la présente loi, sauf dans la mesure où cette dépense était raisonnable dans les circonstances.

Questions en litige

[15]     La Couronne met en doute la déductibilité d'une partie du coût des livres et des cassettes, des articles promotionnels et des déplacements, soit au motif que ces dépenses ne sont pas raisonnables aux fins de l'article 67, soit que ce sont des frais personnels ou de subsistance. Cette position diffère de la nouvelle cotisation, qui refusait simplement la perte nette dans sa totalité. Le caractère suffisant de la documentation pour prouver les dépenses soulève un second point.

Caractère suffisant de la documentation

Observations des parties

[16]     La Couronne a allégué que la documentation était insuffisante à plusieurs égards. Le principal sujet de préoccupation était les écarts considérables qui existaient entre les montants indiqués dans la déclaration de revenus et les demandes de déduction révisées. On a laissé entendre que ces écarts mettaient en doute le montant des dépenses réelles. La Couronne a aussi remis en question le caractère suffisant de certaines factures établies en monnaie américaine. Elle estimait que cela était inhabituel dans une opération canadienne.

[17]     M. Ankrah a observé que la documentation était suffisante parce que, lorsque la question avait été soulevée, lors de la vérification, il avait engagé un comptable pour préparer un état révisé des résultats à partir de factures réelles. En outre, M. Ankrah estime qu'il ne devrait pas être pénalisé pour la perte des documents, dont il n'est pas responsable, surtout si l'ADRC lui a suggéré de reconstituer ses dépenses à l'aide des renseignements dont il disposait, ce qu'il a fait.

[18]     En ce qui concerne la devise des factures, M. Ankrah a allégué que c'était là une pratique commerciale courante puisque les factures étaient établies d'après des modèles d'Amway et qu'Amway mène des activités dans le monde entier.

[19]     En ce qui concerne la divergence relative au kilométrage, M. Ankrah estimait que, d'après les preuves de ses fréquents voyages d'affaires, le kilométrage d'affaires indiqué dans la déclaration de revenus de 1996 est manifestement une erreur. En ce qui concerne la divergence relative aux congrès, M. Ankrah a renoncé à sa demande, sauf pour deux congrès, afin de se conformer au paragraphe 20(10).

Analyse

[20]     À mon avis, il ne conviendrait pas de refuser les dépenses en se fondant sur le caractère suffisant de la documentation. Bien qu'il ait plutôt manqué de rigueur dans la préparation de sa déclaration de revenus de 1996, M. Ankrah a corrigé cela pendant la vérification en engageant un comptable pour faire préparer une demande révisée à partir de factures réelles. Selon le témoignage du vérificateur de l'ADRC, l'état révisé des résultats s'appuyait sur la documentation appropriée. En outre, j'accepte l'explication de M. Ankrah concernant les devises américaines des factures. La divergence relative au kilométrage sera abordée plus loin.

Caractère raisonnable et usage personnel

Observations des parties

[21]     La Couronne a adopté la position selon laquelle les coûts des livres et des cassettes, des articles promotionnels, des déplacements et des congrès étaient tous excessifs et devraient être refusés, en tout ou en partie, conformément à l'article 67 de la Loi.

[22]     Essentiellement, selon la Couronne, M. Ankrah ne pouvait pas raisonnablement engager ces dépenses après les pertes que l'entreprise avait subies pendant sept ou huit années. On estimait que M. Ankrah aurait dû réduire ses dépenses en formant lui-même les recrues au lieu d'engager des dépenses pour les livres et les cassettes, les articles promotionnels et les déplacements jusqu'aux réunions. La Couronne a aussi indiqué la possibilité d'un élément personnel dans ces dépenses en raison du lien trop ténu qui existe entre les ouvrages d'autoperfectionnement et l'entreprise, en laissant entendre que les personnes qui recevaient les articles promotionnels étaient peut-être des amis personnels.

[23]     La seule jurisprudence citée à l'appui de la position de la Couronne est l'affaire Graves c. La Reine, C.F. 1re inst., no T-45-84, 30 mars 1990 (90 DTC 6300) en particulier le passage suivant, à la page 6307 :

[TRADUCTION]

Il est notoire que les demandeurs ont insisté, au cours de leurs témoignages, sur la motivation et le leadership comme clés du succès et fait valoir qu'il s'agissait là de la principale raison d'assister aux conférences organisées aux États-Unis. Sur le plan de l'éducation et de la formation, les séances n'incluaient pas d'études poussées, de contrôles ou de programmes d'études structurés du genre de ceux normalement associée à des séances de formation dont le but est de maintenir au de mettre à jour des compétences ou connaissances au sujet d'un domaine dans lequel les demandeurs ont dit posséder déjà un certain savoir spécialisé. Si les séances en question avaient présenté des caractéristiques de ce genre, les frais de participation auraient pu être déductibles en vertu de l'alinéa 18a) en tant que frais de formation normaux.

[24]     M. Ankrah a observé que la déduction des dépenses devrait être admise, parce que les tribunaux ont accepté les franchises de distribution Amway comme des entreprises viables et qu'Amway ne passe pas en jugement. Il estimait qu'il était raisonnable de dépenser de fortes sommes en livres et en cassettes, en déplacements et en articles promotionnels, étant donné que le perfectionnement général et la « motivation » des gens demeuraient très importants pour l'entreprise.

Analyse

[25]     M. Ankrah n'était pas un homme d'affaires bien informé. Il n'abordait pas l'exploitation de l'entreprise selon une approche pratique et semblait accepter les méthodes d'Amway aveuglément et inconditionnellement. Pour seul motif appuyant le caractère raisonnable de ses dépenses, il a déclaré qu'il faut consacrer de l'argent à une entreprise axée sur la personne afin d'en tirer un bénéfice. Cependant, j'accepte l'authenticité de la déclaration de M. Ankrah selon laquelle il était poussé par le désir de tirer un revenu de l'entreprise.

À savoir s'il s'agit d'une entreprise ou non

[26]     Les tribunaux ont étudié la déductibilité des dépenses engagées par les distributeurs d'Amway à maintes reprises, et chaque affaire est déterminée selon les faits qui lui sont propres. Dans certaines affaires antérieures à la récente jurisprudence de la Cour suprême sur l'attente raisonnable de profit, la déduction des pertes relatives à Amway a parfois été refusée suivant la doctrine de l'attente raisonnable de profit. Voir Nordstrom c. R., C.C.I., no 98-1391(IT)I, 20 mai 1999 ([1999] 3 C.T.C. 2253) et Koczkur c. R., C.C.I., no 98-2583(IT)I, 29 février 2000 ([2000] 2 C.T.C. 2414).

[27]     La Couronne concède, en l'espèce, l'existence de l'entreprise et de la source de revenu. La Couronne a fait une concession semblable en consentant à infirmer l'arrêt du juge en chef adjoint Bowman dans l'affaire Elke c. R., C.C.I., nos 1999-4571(IT)I, 1999-4572(IT)I, 15 mars 2001 ([2001] 2 C.T.C. 2453). Le motif de la Cour d'appel fédérale dans cette annulation était la décision que la Cour suprême du Canada a rendue dans l'intervalle, dans l'arrêt Stewart c. R., [2002] 2 R.C.S. 645, ([2002] 3 C.T.C. 439). Pour cette raison, j'accepte que la franchise de distribution de M. Ankrah est une entreprise pour les besoins du présent appel. Cependant, je souligne que le point en litige, dans l'arrêt Stewart, était la doctrine de l'attente raisonnable de profit, tandis que la décision du juge en chef adjoint Bowman dans l'affaire Elke était fondée sur le manque d'esprit commercial plutôt que sur l'attente raisonnable de profit. Dans l'affaire Stewart, les faits se rapportaient à une entreprise de location, ce qui constituait clairement une activité commerciale.

Alinéas 18(1)a) et h)

[28]     Dans d'autres affaires liées à la compagnie Amway, certaines dépenses ont été refusées pour le motif qu'elles représentaient des frais personnels ou de subsistance aux fins de l'alinéa 18(1)h) de la Loi. Voir la décision Spearing c. R., C.C.I., no 2000-2106(IT)I, 19 janvier 2001 ([2001] 1 C.T.C. 2689) rendue par le juge Hershfield.

[29]     Je suis d'avis que les livres, les cassettes et les produits Amway achetés par la famille Ankrah devraient être refusés en vertu de l'alinéa 18(1)h). Ces articles ont peut-être apporté un avantage quelconque à l'entreprise, mais il reste que ce sont clairement des frais personnels ou de subsistance qui devraient être refusés. La Couronne fait valoir qu'une grande partie des articles achetés comme cadeaux peuvent avoir été distribués par amitié plutôt que pour des raisons d'affaires. Il n'existe aucune preuve à cet effet. Toute la preuve était compatible avec le fait que les cadeaux étaient des articles promotionnels.

[30]     Très peu d'éléments de preuve ont été présentés pour montrer quelle partie des livres et des cassettes ainsi que des produits Amway a été achetée pour l'usage personnel de la famille Ankrah. Les factures des livres et des cassettes indiquaient plusieurs commandes du même livre; il semblerait donc que les livres et les cassettes aient été achetés en majeure partie comme articles promotionnels pour d'autres personnes. Je pense qu'une réduction de 15 p. 100 des dépenses admises pour les livres et les cassettes et pour les articles promotionnels suffirait à en retrancher l'élément personnel. Les dépenses de « publicité » seraient ainsi réduites à 4 261 $ et les dépenses de « bureau » , à 9 183 $.

[31]     En ce qui concerne les dépenses de déplacement et pour les congrès, la preuve montre qu'elles représentaient des dépenses professionnelles plutôt que personnelles. Je crois toutefois que la dépense de 12 500 $ demandée pour le kilométrage est excessive. À l'audience, M. Ankrah a limité sa demande à deux congrès conformément au paragraphe 20(10). Cependant, il semble que, sur les 62 000 kilomètres demandés pour affaires, une partie de ce kilométrage corresponde aux déplacements pour aller aux congrès. Le deuxième problème que soulève la dépense du kilométrage est que M. Ankrah a calculé le coût à 0,20 $ le kilomètre, ce qui exagère probablement les frais de fonctionnement de son véhicule, lequel enregistrait plus de 600 000 kilomètres au compteur. En l'occurrence, je crois qu'il serait raisonnable de réduire la dépense du kilométrage de 12 500 $ à 6 250 $ dans l'état des résultats révisé.

Article 67

[32]     La Couronne soutient qu'il était déraisonnable, pour M. Ankrah, d'engager de fortes dépenses après que l'entreprise a enregistré des pertes pendant plusieurs années. On estimait qu'au lieu de dépenser des sommes élevées à l'endroit des recrues, le même résultat aurait pu être atteint en offrant une formation personnelle.

[33]     La difficulté qui ressort de la position de la Couronne consiste en ce qu'elle supplante l'appréciation commerciale du contribuable. Le juge Rothstein offre une réflexion à ce sujet dans une autre affaire liée à la compagnie Amway, celle de Keeping c. R., C.A.F., no A-372-99, 4 juin 2001, ([2001] 3 C.T.C. 120), au paragraphe 5 :

Avec respect, je suis d'avis que l'analyse du juge de la Cour de l'impôt équivalait à faire une appréciation rétrospective de la perspicacité commerciale de l'appelant, ce que les cours ne devraient pas faire. Comme la Cour l'a déclaré dans l'arrêt Mastri c. Canada (Procureur général), [1998] 1 C.F. 66 (C.A.), au paragraphe 12 :

Bref, la décision de la Cour dans l'arrêt Tonn n'a pas pour but de modifier le droit établi dans l'arrêt Moldowan. L'arrêt Tonn confirme simplement l'interprétation fondée sur le bon sens selon laquelle ce n'est pas aux tribunaux de faire une appréciation rétrospective de la perspicacité commerciale d'un contribuable dont l'entreprise se révèle moins rentable que prévue.

En fondant sa décision sur les marges de profit, sur les débouchés et les coûts potentiels, ainsi que sur les méthodes de l'appelant quant à l'exploitation de son entreprise de distribution de produits Amway, le juge de la Cour de l'impôt a fait une appréciation rétrospective de la perspicacité commerciale de l'appelant. Ce faisant, le juge de la Cour de l'impôt a commis une erreur de droit.

Cette remarque a été faite dans le contexte de la doctrine de l'attente raisonnable de profit, mais je ne vois aucune raison de ne pas l'appliquer également dans le contexte de l'article 67.

[34]     Dans l'article 67, même si l'expression « raisonnable dans les circonstances » est large, je ne crois pas qu'elle devrait être appliquée pour réduire des dépenses en raison d'une mauvaise appréciation commerciale. L'article 67 s'applique couramment pour réduire le montant des dépenses lorsque le contribuable est poussé en partie par quelque chose d'autre que des raisons d'affaires, comme le versement de salaires à des membres de sa famille. Ce cas est décrit de la façon suivante par M. le juge Cattanach dans l'affaire Gabco Limited v. M.N.R., 68 DTC 5210 (C. de l'É.), à la page 5216 :

[TRADUCTION]

Il s'agit non pas que le ministre ou notre Cour substitue son jugement [à celui du contribuable] lorsqu'il s'agit de déterminer ce qu'est un paiement raisonnable, mais plutôt que le ministre ou la Cour arrive à la conclusion qu'aucun homme d'affaires raisonnable ne se serait engagé par contrat à verser une telle somme en n'ayant à l'esprit que les intérêts commerciaux de l'appelante.

[35]     On peut soutenir que M. Ankrah a montré très peu de discernement en engageant ces dépenses. Cependant, les dépenses ont été engagées avec la sincère conviction qu'elles finiraient par donner des bénéfices, et je ne crois pas que l'article 67 devrait s'appliquer en l'occurrence.

[36]     M. Ankrah a essuyé des pertes considérables dans sa franchise de distribution Amway pendant de nombreuses années. Si la déduction de ces pertes ne constitue pas une conséquence fiscale appropriée, la question relève alors du Parlement. Je souligne que l'article 31 de la Loi a été promulgué en 1988 pour traiter le problème des pertes qui proviennent d'une activité agricole.

Conclusion

[37]     Pour les motifs qui précèdent, l'appel qui vise l'année d'imposition 1996 est admis et la question est déférée au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation, au motif que M. Ankrah est autorisé à déduire les dépenses suivantes :

Publicité

4 261,00 $

Intérêts et frais bancaires

   263,59 $

Repas et représentation

1 361,96 $

Bureau

9 183,00 $

Honoraires

   350,00 $

Salaires

8 410,44 $

Déplacements

6 250,00 $

Congrès

1 780,86 $

Formation continue en affaires

1 961,77 $

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour de juillet 2003.

« J. M. Woods »

Juge

Traduction certifiée conforme

ce 19e jour de mars 2004.

Nancy Bouchard, traductrice




[1]           M. Ankrah a témoigné que ses activités ont débuté en 1989 en dépit d'une légère perte constatée dans sa déclaration de revenus de 1988.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.