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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

1999-3720(GST)I

ENTRE :

CARIE D. WILLIS,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 23 novembre 2000 à Halifax (Nouvelle-Écosse) par

l'honorable juge Diane Campbell

Comparutions

Pour l'appelant :                                  l'appelant lui-même

Avocats de l'intimée :                           Me Marcel Prévost et

                                                          Me Ifeanyichukwu Nwachukwu

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d'accise, dont l'avis est daté du 16 mai 1995 et porte le numéro 01CB0201027, est admis, sans frais, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour de décembre 2000.

« Diane Campbell »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 20e jour d'octobre 2003.

Philippe Ducharme, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Date: 20001205

Dossier: 1999-3720(GST)I

ENTRE :

CARIE D. WILLIS,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Campbell, C.C.I.

[1]      Par voie d'avis de cotisation daté du 16 mai 1995, le ministre a établi à l'égard de l'appelant des cotisations au titre de la taxe sur les produits et services (TPS) et a imposé des pénalités et des intérêts pour la période du 1er janvier 1991 au 31 décembre 1994, par suite du rajustement des montants produits par ailleurs comme suit :

Redressement fiscal, augmentation de TPS recouvrable              36 243,83 $

Pénalités                                                                                    5 459,91 $

Autres pénalités                                                                         2 194,65 $

Intérêt                                                                                       5 215,57 $

[2]      La catégorie « autres pénalités » correspondait initialement à la pénalité calculée en vertu de l'article 285 de la Loi, soit un montant de 2 194,65 $. On a signalé une erreur de calcul dans la réponse et fixé le montant à 2 215,91$.

[3]      L'appelant exploitait une entreprise à propriétaire unique connue sous le nom d'United Plumbing & Heating, qui fournissait des contrats de services en plomberie dans la province de la Nouvelle-Écosse. L'entreprise a fermé ses portes en 1995. Pendant la période en cause, l'appelant était inscrit aux fins de la TPS. Pour cette période, il devait produire 16 déclarations trimestrielles de TPS, mais il n'en a produit que cinq, une pour chaque trimestre de l'année 1991 et une pour le trimestre se terminant le 30 septembre 1993.

[4]      La réponse du ministre contenait en annexe un tableau « A » indiquant les montants déclarés par l'appelant relativement à la taxe sur les produits et services, aux crédits d'impôt et à la taxe nette ainsi que les rajustements effectués par le ministre à la fois pour les cinq trimestres à l'égard desquels l'appelant avait produit des déclarations et pour les trimestres à l'égard desquels aucune déclaration n'avait été produite.

[5]      L'appelant a démarré l'entreprise en 1991 et a embauché une employée pour tenir ses livres. Il trouvait cela trop dispendieux et il l'a laissée partir en 1992. En 1991, les quatre déclarations de TPS avaient été produites. Il a alors confié la tenue de livres à son frère, Lawrence Willis. Son frère n'a pas bien fait le travail et l'entreprise n'a produit aucune déclaration de TPS, sauf une en 1993. L'appelant a affirmé dans son témoignage qu'il savait qu'il devait conserver les reçus, tenir des registres convenables et produire des déclarations. Il avait embauché des gens pour faire cela, et il a déclaré qu'il n'avait simplement pas pu maîtriser la situation.

[6]      Après que l'appelant a reçu la demande de vérification en 1995, un représentant de Revenu Canada s'est rendu à son domicile, et la conjointe de l'appelant lui a remis une boîte contenant des reçus et des livrets de dépôt relatifs à l'entreprise. En plus des documents qui se trouvaient dans la boîte, l'appelant conservait dans son ordinateur d'autres renseignements concernant l'entreprise. Mis à part ce contact, les représentants de Revenu Canada n'ont pas communiqué avec l'appelant.

[7]      Étant donné l'absence de dossiers financiers convenables, le ministre a calculé la TPS à percevoir en 1991 en supposant que le revenu d'entreprise brut déclaré sur le formulaire T1 modifié correspondait à la contrepartie de fournitures taxables, et il a réparti proportionnellement ce revenu d'entreprise sur quatre trimestres. La TPS a ensuite été calculée selon chaque montant établi.

[8]      Pour les années 1992, 1993 et 1994, les dépôts consignés dans le compte d'affaires de l'appelant ont été utilisés afin de déterminer la contrepartie des fournitures taxables et la TPS à percevoir.

[9]      Ces méthodes de calcul pour la période de 1991 et la période de 1992 à 1994 ont permis d'arriver à un montant de TPS supplémentaire à percevoir de 36 243,83 $. L'appelant a témoigné qu'il avait lui-même fait concorder les livres de son compte bancaire et le formulaire T1 et qu'il approuvait le montant fixé au titre de la TPS à percevoir. On ne me demande pas de décider si le montant de TPS de 36 43,83 $ avait été calculé et imposé correctement.

[10]     Les deux autres questions à trancher sont celles de savoir :

(1)      si l'appelant peut réclamer d'autres crédits de taxe sur les intrants;

(2)      si les pénalités de 5 459,91 $ imposées en vertu du paragraphe 280(1) et les autres pénalités de 2 215,91 $ imposées en vertu de l'article 285 de même que les intérêts imposés en vertu de l'article 280 de la Loi ont été correctement calculés.

[11]     L'alinéa 10k) des hypothèses de fait figurant dans la réponse indiquait que [TRADUCTION] « l'appelant n'avait pas de documents lui permettant de réclamer des crédits de taxe sur les intrants en sus de ceux qu'il avait déjà réclamés dans ses déclarations de revenus » . Selon le tableau « A » joint à la réponse, l'appelant a déclaré des crédits de taxe sur les intrants dans les cinq déclarations de TPS qu'il a produites, soit un total de 6 092,35 $. Il a présenté, à titre d'élément de preuve, un résumé des crédits de taxe sur les intrants qui contenait des détails pour chaque trimestre des années en cause. Le total des reçus pour les années 1991 à 1994 était de 3 256,15 $. Toutefois, il y avait des écarts entre les chiffres de ce résumé et les chiffres figurant au tableau « A » de la réponse, alors que l'appelant avait déclaré des crédits de taxe sur les intrants de 6 092,35 $. Cela signifie que l'appelant a déclaré des reçus au titre des crédits de taxe sur les intrants pour cinq des 16 trimestres pour un montant total de 6 092,35 $, mais a par la suite produit un résumé au titre des crédits de taxe sur les intrants pour chacun des 16 trimestres pour un montant de 3 256,15 $. L'appelant convient que les chiffres applicables à l'année 1991, dans laquelle il a produit quatre déclarations, auraient dû être les mêmes, et il n'a pas été en mesure d'expliquer pourquoi il n'en était pas ainsi. L'appelant avait bel et bien en sa possession des factures justifiant chacun des montants réclamés dans le résumé produit en preuve.

[12]     En plus de produire ces résumés, l'appelant a également déposé une lettre de son principal fournisseur, Thornes, laquelle attestait que le montant total de TPS sur les achats effectués en 1993 et 1994 pour United Plumbing & Heating s'élevait à 4 699,59 $. Ce chiffre ne figure pas dans les résumés (pièce A-1), étant donné que l'appelant n'a reçu cette lettre que le 20 novembre 2000.

[13]     J'accepte le fait que l'appelant n'ait pas tenu de dossiers financiers convenables, mais j'estime qu'il n'est pas raisonnable que le ministre s'attende à ce que la TPS soit payée, tout en refusant d'accorder les crédits de taxe sur les intrants. Il s'agit d'une entreprise de contrats de services de plomberie, qui devait nécessairement acheter des accessoires de plomberie. L'entreprise ne pouvait absolument pas fonctionner sans cela. Je vais donc permettre à l'appelant de réclamer le montant de 4 699,59 $ à titre de crédits de taxe sur les intrants relativement aux achats commerciaux auprès de son fournisseur, Thornes. Ces résumés, qui font état d'un montant total de 3 256,15 $ pour les années 1991 à 1994, se rapportaient, selon l'appelant, à la TPS payée sur d'autres achats aux fins de son entreprise. Je conclus qu'il est juste et raisonnable de lui accorder la moitié de 3 256,15 $ au titre des crédits de taxe sur les intrants, soit un montant de 1 628,08 $. Ces résumés font état d'achats tels que l'essence, Canadian Tire, des accessoires pour la grue, Atlantic Air Conditioning, etc. L'appelant n'ayant pas fourni de preuve précise en ce qui concerne les reçus, je ne peux conclure que tous les montants représentent des crédits de taxe sur les intrants pour l'entreprise. Toutefois, il ne pouvait exploiter son entreprise sans effectuer les achats indiqués dans son résumé. L'article 286 de la Loi exige que l'on tienne les registres nécessaires pour justifier une demande de réduction ou de remboursement. Je conclus que les renseignements fournis dans les deux pièces et le témoignage de l'appelant sont suffisants pour justifier la demande de crédit de taxe sur les intrants, du moins jusqu'à concurrence du montant que j'ai approuvé.

[14]     L'appelant était un témoin crédible qui a témoigné que, depuis 1998, il avait payé des montants considérables sur son compte impayé et que, maintenant, il voulait seulement que l'on effectue les rajustements qu'il croyait raisonnables relativement à son compte. Il a reconnu d'emblée qu'il avait vérifié le montant de TPS de 36 243,83 $ calculé par le ministre, et a convenu de ce montant au cours de l'audience. Il a affirmé qu'il avait pleinement l'intention de rembourser tout solde dû. Toutefois, il a admis lui-même qu'il ne tenait pas des registres convenables et qu'il avait omis de fournir les déclarations à temps. La seule explication qu'il a fournie était que, après 1991, il se fiait sur son frère. Celui-ci n'avait de toute évidence pas la compétence voulue en matière de tenue de livres et n'avait pas fait le travail. Toutefois, il s'agissait de l'entreprise de l'appelant, et c'est lui qui était en bout de ligne responsable des registres financiers, des calculs et des remises appropriées. Le ministre a établi les pénalités en vertu des articles 280 et 285. Les faits établissent que l'appelant n'a pas fait preuve du degré de diligence voulu en ce qui concerne le calcul des montants de TPS et leur remise. En fait, après 1991, il a déployé peu d'efforts pour s'acquitter de son obligation de produire des déclarations et de remettre la TPS même s'il savait que c'était sa responsabilité. Le critère de diligence raisonnable établi dans Pillar Oilfield Projects Ltd. c. Canada, C.C.I. no 93-614(GST)I, 19 novembre 1993 ([1993] G.S.T.C. 49), n'a pas été rempli. Je confirme la pénalité de 5 459,91 $ imposée en vertu de l'article 280.

[15]     En raison des problèmes que l'appelant a connues avec son aide-comptable ainsi que des problèmes familiaux qu'a entraînés le fardeau financier de l'appelant, y compris le fait qu'il ait presque perdu sa maison, il s'agit d'une affaire pour laquelle le ministre serait justifié de supprimer l'intérêt et les pénalités prévus à l'article 281.1 de la Loi. Je suis conscient, en formulant cette recommandation, que seul le ministre a le pouvoir d'annuler l'intérêt et les pénalités. Toutefois, il faut reconnaître que les frais d'intérêt, soit 5 215,57 $, ne représentent que la pointe de l'iceberg, étant donné que les frais sont permanents. Dans cette affaire, on a imposé à l'appelant des frais d'intérêt depuis 1994, lesquels continueront d'augmenter, à moins qu'un allègement soit accordé. Il a affirmé qu'il a perdu sa conjointe et ses enfants en raison des problèmes financiers que cette situation a entraînés. N'eût été l'intervention de sa famille, il aurait également perdu sa maison. Son salaire a fait l'objet d'une saisie-arrêt. Le montant de la saisie-arrêt a été réduit lorsque l'on s'est rendu compte que son budget ne lui permettait pas de payer le montant initialement saisi. Il tente maintenant de renverser la situation au plan financier. Je recommande fortement au ministre de l'appuyer dans ses efforts, si ce n'est en ce qui concerne l'intérêt pour la période en cause, à tout le moins à l'égard des intérêts imposés depuis 1994 et de ceux qui seront imposés ultérieurement.

[16]     La dernière question que je dois trancher est celle de la pénalité de 2 215,91 $ imposée en vertu de l'article 285 de la Loi. La formulation de l'article 285 est presque identique à celle du paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Selon l'article 285, une omission ou un faux énoncé dans une déclaration doit être fait sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde. Toutefois, la Loi de l'impôt sur le revenu renferme une disposition (paragraphe 163(3)) qui indique clairement que le fardeau de la preuve repose sur la Couronne. Il n'existe pas de disposition semblable dans la Loi sur la taxe sur les produits et services. La présente cour a traité de la question de l'omission d'une telle disposition dans plusieurs affaires, notamment Alex Excavating Inc. c. La Reine, C.C.I., no 94-2279(GST) I, 19 septembre 1995 ([1995] G.S.T.C. 57), et 897366 Ontario Ltd. c. La Reine, C.C.I., no 98-2438(GST)I, 2 mars 2000 ([2000] G.S.T.C. 13). La présente cour a conclu que, en l'absence d'une telle disposition dans la Loi, le fardeau de la preuve reposait sur la Couronne, qui devait établir les faits nécessaires justifiant une pénalité aux termes de l'article 285. Comme l'a indiqué le juge Bowman, J.C.A.C.C.I., dans l'affaire 897366 Ontario Ltd. c. La Reine, à la p. 135 :

Il semble évident que, lorsqu'un gouvernement impose une pénalité à un sujet pour avoir eu un comportement dans lequel l'intention coupable ou la témérité constitue un élément nécessaire, il incombe à ce gouvernement de justifier ses actions.

[17]     Arriver à toute autre conclusion reviendrait à ignorer les règles fondamentales de la consistance en matière de jugement, et mènerait sans aucun doute à des conclusions injustes et déraisonnables. La Couronne n'a présenté à l'audience aucun élément de preuve permettant d'établir le bien-fondé d'une pénalité. On n'a fait appel à aucun évaluateur pour étayer une conclusion selon laquelle il y a eu faute intentionnelle. L'appelant a été négligent lorsqu'il s'agissait de tenir les registres et de faire les remises de TPS, mais n'a pas commis de faute lourde. La pénalité imposée en vertu de l'article 285 est par conséquent annulée.   

[18]     L'appel est admis et les cotisations sont déférées au ministre pour nouvel examen et nouvelles cotisations et pour permettre l'imputation de crédits de taxe sur les intrants de 4 699,59 $ et de 1 628,08 $ sur les montants dus au titre de la TPS, soit, selon ce que les parties ont convenu, un montant de 36 243,83 $. La pénalité de 2 215,91 $ imposée en vertu de l'article 285 est annulée. La pénalité et les intérêts imposés en vertu de l'article 280 sont maintenus, mais devraient être calculés à nouveau pour qu'il soit tenu compte des autres crédits de taxe sur les intrants accordés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour de décembre 2000.

« Diane Campbell »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 20e jour d'octobre 2003.

Philippe Ducharme, réviseur

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